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Читать книгу: «Le tour de la France par deux enfants», страница 20

Bruno G.
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XCIX. – La nuit en mer

Comment nous acquitter du bien qu'on nous a fait? En faisant nous-même du bien à tous ceux qui ont besoin de nous

Le canot était si léger qu'il semblait que la première vague eût dû l'engloutir, mais il bondissait sur la cime du flot pour retomber l'instant d'après dans le sillon que le flot laisse derrière lui. Le pilote tenait le gouvernail; l'oncle Frantz et André maniaient chacun une rame d'une main vigoureuse.

Chaque vague envoyait en passant dans le canot ces flaques d'eau que les marins appellent des paquets de mer, et le canot n'eût pas tardé à être submergé si Julien, les pieds dans l'eau, n'avait travaillé sans cesse à le vider. Souvent même André était obligé de laisser la rame pour aider l'enfant.

Le plus grand péril pour le moment, c'étaient les écueils où le navire venait de s'échouer. On ne les voyait point, mais on entendait le perpétuel mugissement, bien connu des marins, que les flots produisent en se brisant contre les rochers; et parfois, quand un éclair déchirait la nue, on apercevait à l'endroit des récifs toute une longue ligne blanche d'écume.

Avec une merveilleuse habileté le vieux pilote, qui connaissait toutes les côtes de France depuis vingt ans, et encore mieux celles de Bretagne et de Normandie, guidait l'embarcation pour regagner la haute mer. Il n'y avait aucun port assez rapproché où l'on pût trouver un abri; mieux valait le large que la côte hérissée de récifs.

Ce fut une longue nuit d'angoisses. Enfin les premiers rayons du jour parurent et éclairèrent la mer bouleversée. Nos amis étaient seuls sur l'Océan, enveloppés par une brume épaisse comme cela arrive dans les tempêtes.

Ils se regardèrent les uns les autres; puis l'oncle Frantz, comme saisi d'une pensée soudaine, serra les mains du vieux pilote dans les siennes, et d'une voix que l'émotion suffoquait: – Guillaume, dit-il, comment nous acquitterons-nous jamais envers toi?

– C'est bien simple, répondit le vieux marin en promenant autour de lui ses yeux clairs et résolus; et plus gravement il reprit: – Frantz, dans un même péril, tu feras pour un autre ce que je fais pour toi aujourd'hui, et les enfants de même.

– Nous le ferons, répondit Frantz d'un accent ému.

– Nous le ferons, répétèrent André et Julien; et ce dernier, levant ses petites mains jointes vers le pilote, souriait à travers ses larmes comme si un coin du ciel noir s'était enfin éclairci.

Alors une sorte de calme s'éleva du fond de ces quatre âmes que la mort enveloppait encore de toutes parts: il semblait qu'en s'engageant à vaincre dans l'avenir de nouveaux périls pour le salut d'autres hommes, on eût déjà triomphé du péril présent.

C. – La dernière rafale de la tempête. – La barque désemparée

Espérer et lutter jusqu'au bout est un devoir.

A ce moment, une dernière rafale s'éleva, mais si brusque, si violente que personne n'eut le temps de s'y préparer. Une lame énorme, furieuse, venant de l'avant, brisa d'un seul coup les deux rames. En même temps, elle emplit à moitié d'eau la barque, roula Julien, aveugla André et l'oncle Frantz, qui perdirent pied.

La bourrasque passée, nos quatre naufragés furent presque étonnés de se retrouver encore ensemble et de voir que la barque, quoique remplie d'eau, était toujours à flot. Par malheur elle était absolument désemparée; on ne pouvait plus la diriger, on se trouvait comme une épave flottante à la merci du vent et des vagues, qui pouvaient entraîner de nouveau l'embarcation sur des récifs et l'y briser.

On s'empressa de vider le canot, ce qui fut long. Puis chacun se rassit, en proie à de nouvelles anxiétés.

Guillaume était devenu sombre. Immobile au fond de la barque, il suivait d'un œil triste l'horizon brumeux. Ses paupières étaient humides, comme si, par la pensée, il eût entrevu au delà des côtes de l'Océan une petite maison cachée sous les arbres, et au cher foyer de la maison une femme inquiète et deux têtes blondes, celles de ses petites filles.

Un soupir profond souleva la poitrine du vieux marin, et ses yeux continuèrent à se perdre dans l'horizon vide.

Alors deux bras caressants se posèrent sur son épaule et la petite voix tendre de Julien s'éleva. On eût dit que l'âme naïve de l'enfant avait lu dans celle du vieillard et qu'elle venait lui répondre.

– Père Guillaume, murmura-t-il à son oreille, Dieu est bon, et je le prie de tout mon cœur: vous reverrez votre maison.

– Dieu t'entende, Julien! fit le vieillard en serrant l'enfant dans ses bras.

CI. – Le noyé et les secours donnés par Guillaume

Que d'hommes ont été rappelés à la vie par des secours intelligents et persévérants!

Après ce moment d'effusion, Guillaume fit un effort, et chassant ses pensées tristes:

– Ces enfants-là doivent être épuisés, dit-il. Puisque nous n'avons plus rien à faire qu'à nous laisser ballotter au hasard, il faut réparer nos forces en prenant de la nourriture.

On atteignit alors quelques provisions qu'on avait emportées en toute hâte au moment d'embarquer: du biscuit, de la viande sèche et un petit baril d'eau douce. On brisa comme on put le biscuit, et quand chacun eut repris des forces, on se sentit plus de courage et d'espoir.

La barque flottait au hasard, jouet des flots; tous les yeux étaient fixés sur l'horizon.

Julien, qui regardait comme les autres la mer avec attention, s'approcha de l'oncle Frantz:

– Mais voyez donc, dit-il; il y a quelque chose qui flotte là-bas sur l'eau: qu'est-ce que ce peut être?

– Quelque épave de la tempête, sans doute, dit l'oncle Frantz. Peut-être quelque débris du navire.

– Mais non, je vous assure, dit André à son tour. Tenez, il me semble que ce sont des vêtements qui flottent. Ne serait-ce point le corps d'un homme?

– Il a raison, dit le vieux pilote. Ce doit être un naufragé comme nous, mais plus malheureux que nous.

Tous les yeux fixés sur ce point cherchaient à deviner. On ne pouvait encore bien distinguer l'objet qui flottait sur l'eau. Tout d'un coup une vague plus forte le rapprocha de la barque.

– Oh! mon Dieu! s'écria l'oncle Frantz, qui avait aperçu le visage pâle du naufragé, c'est le capitaine du navire.

Et jetant à la mer un paquet de cordages qui se trouvait à bord de la barque désemparée, il parvint à attirer à lui le corps flottant et à le hisser dans le canot.

On le coucha aussitôt sur le côté. Guillaume desserra les dents du capitaine: on vit l'eau ressortir de sa bouche. Ensuite Guillaume le frictionna par tout le corps pour rappeler la chaleur, et, appuyant la main sur sa poitrine, il la fit successivement se lever et s'abaisser pour imiter les mouvements de la respiration.

Le corps semblait toujours inanimé. Le père Guillaume, sans se décourager, approcha alors sa bouche de la sienne et lui souffla doucement de l'air. Il fit cela avec patience pendant assez longtemps. André et Julien, se dépouillant de leur veste, avaient recouvert le noyé pour le réchauffer.

Enfin le souffle du capitaine parut répondre à celui de Guillaume; un léger tressaillement agita son corps, ses lèvres remuèrent et ses yeux se rouvrirent. L'oncle Frantz, prenant une gourde d'eau-de-vie, lui en versa quelques gouttes qui le ranimèrent tout à fait.

Quand il put parler, le capitaine raconta à ceux dont les soins intelligents venaient de le sauver que la chaloupe chargée de monde avait eu une avarie, avait pris l'eau et sombré. Il avait nagé pendant plusieurs heures, espérant rencontrer quelque navire. Puis il avait aperçu de loin le canot et s'était dirigé vers lui. Enfin les forces l'avaient abandonné, et depuis il ne savait plus ce qu'il était devenu.

CII. – L'attente d'un navire et les signaux de détresse

De même que, sur mer, les vaisseaux se détournent de leur route pour venir au secours des naufragés, de même, dans la vie, nous devons aller vers ceux qui souffrent et faire pour eux sans hésiter les sacrifices que réclame leur misère

Vers midi, le vent changea brusquement. En même temps, la brume qui n'avait cessé d'envelopper la barque se dissipa peu à peu, et les naufragés, qui étaient maintenant cinq, purent observer l'horizon sur tous les points.

– En temps ordinaire, dit Guillaume, nous ne tarderions pas à apercevoir quelque navire, car la Manche est la mer la plus fréquentée du globe; mais après une telle tempête, c'est grand hasard si quelque vaisseau a pu tenir la mer et si l'on vient à notre secours.

– Espérons pourtant, dit le capitaine.

Et la barque continua de voguer au hasard des vents et des vagues.

Vers deux heures on aperçut du côté du sud un petit point blanc qu'on avait peine à distinguer de l'écume des flots. Mais en le regardant, les yeux du vieux pilote brillèrent:

– Voici une voile, dit-il; puisse-t-elle venir vers nous!

Le navire approchait en effet. Après une demi-heure d'attente, qui sembla un siècle aux naufragés, on découvrit distinctement les trois mâts.

– On peut maintenant nous voir, dit le capitaine, tâchons d'être aperçus.

Le pilote, qui avait la plus haute taille, prit un mouchoir rouge, l'attacha au tronçon d'une rame qui restait et l'agita en l'air comme signal de détresse.

Ce fut alors un grand silence, plein d'anxiété: tous les yeux étaient tournés vers le même point. Le navire approcha encore, mais il se dirigeait vers les côtes d'Angleterre, et, continuant rapidement sa route, il ne vit pas le frêle canot perdu au milieu de la mer.

Peu à peu les mâts semblèrent s'abaisser en s'éloignant, le navire ne parut plus qu'un point, le point lui-même disparut, et le canot des naufragés continua de flotter seul sur l'immense Océan.

Tous les cœurs étaient gros d'angoisse. Un silence morne régna de nouveau dans la petite barque.

Le soleil allait déjà se coucher et emporter avec lui la dernière espérance des naufragés, lorsque Julien, dont les yeux étaient tournés vers l'ouest, aperçut au loin une sorte de petit nuage noirâtre qui flottait au-dessus de l'horizon.

– Ne voyez-vous pas ce nuage? dit-il à son oncle.

Celui-ci regarda, puis, se levant tout à coup: – Oh! dit-il, ce n'est point un nuage, c'est de la fumée. Sûrement un vapeur est par là. Nous pouvons encore espérer.

Bientôt en effet la fumée sembla approcher, épaissir; puis, quelques minutes plus tard, on distinguait le haut des mâts et de la cheminée du vaisseau.

On se leva et on agita tout ce qu'on possédait d'étoffes à couleurs voyantes. Julien avait joint ses petites mains, les yeux tournés vers le ciel.

Tout d'un coup le navire à vapeur changea de direction et marcha juste sur le canot. Le signal avait été aperçu et on venait pour secourir les naufragés.

Quelques instants après, ils étaient tous à bord du grand bateau à vapeur la Ville de Caen, qui reprenait sa route vers Dunkerque, les emportant avec lui.

CIII. – Inquiétude et projets pour l'avenir

Une famille unie par l'affection possède la meilleure des richesses

Dans l'ivresse de se voir enfin sauvés, Julien et André s'étaient jetés au cou de leur oncle et du brave Guillaume.

– Ami, dit Frantz au vieux pilote normand, désormais c'est entre nous à la vie et à la mort. Nous te devons d'exister encore: dispose de nous au besoin.

– Frantz, dit Guillaume, s'il en est ainsi, je veux te demander une chose.

– Quoi que ce soit, dit Frantz, je le ferai.

– Eh bien, Frantz, lorsque tu auras terminé tes affaires en Alsace-Lorraine, viens me trouver dans le petit bien que je possède auprès de Chartres; je sais que, si tu n'avais pas perdu toutes tes économies à Bordeaux, tu aurais acheté un bout de terre pour t'y établir; moi, me voilà propriétaire et je n'entends pas grand'chose à l'agriculture; viens te reposer un mois auprès de moi. Tu m'aideras de tes conseils, nous réfléchirons ensemble à l'avenir, et si le cœur te disait de l'installer auprès de nous, nous serions bien heureux.

– Hélas! mon brave Guillaume, répondit Frantz, j'irai te voir, je te le promets, mais je ne pourrai rester longtemps: nous avons notre vie à gagner, André et moi, nous avons à élever et à instruire Julien.

– Que comptez-vous faire?

– Je n'en sais trop rien encore, dit Frantz en soupirant. Cette tempête a achevé de bouleverser mes projets. Nos vêtements à tous sont au fond de la mer, et si je n'avais eu soin de mettre dans ma ceinture mes papiers avec une centaine de francs qui nous restaient, nous n'aurions plus rien que nos bras à cette heure.

– Ah! mon Dieu, c'est pourtant vrai, s'écria Julien, toutes nos affaires sont restées sur le navire et ont sombré avec. Et mon carton de classe, mes cahiers et mes livres que j'avais si bien pris soin d'emporter de Phalsbourg, tout est perdu! Quel dommage! je n'y avais pas songé encore.

Et l'enfant laissa tomber ses bras d'un air désolé. Mais à ce moment il sentit quelque chose de dur dans sa poche, et il ne put retenir un petit cri de plaisir:

– Oh! fit-il, j'ai tout de même encore un livre, mon livre sur les grands hommes. Il était dans ma poche et il s'est trouvé sauvé sans que j'y pense.

Le vieux pilote embrassa Julien, et serrant la main de Frantz: – Allons, dit-il, ne nous désolons pas, Frantz. Songe que dans ma vie j'ai passé des heures plus dures encore, et pourtant me voilà petit propriétaire à présent. Ton tour de bonheur arrivera aussi, tu verras; il arrive toujours pour ceux qui comme toi ne craignent ni la peine ni le travail, parce qu'ils veulent honnêtement se tirer d'affaire.

– Et puis, mon oncle, ajouta André, vous n'êtes pas seul, et nous, nous ne sommes plus orphelins. A nous trois, nous formons une petite famille. Nous nous aimons, nous nous soutiendrons tous les trois; nous serons heureux, allez, sinon par la richesse, au moins par l'affection.

CIV. – Une surprise après l'arrivée à Dunkerque. – Les quatre caisses. – Utilité des assurances

En s'entendant les uns avec les autres et en se cotisant, on parvient de notre temps à réparer des malheurs qui étaient autrefois irréparables

Le paquebot arriva rapidement à Dunkerque. Ce port, le plus fréquenté du département du Nord, tire son nom des dunes de sable près desquelles la ville est bâtie. C'est, avec Boulogne et Calais, un centre important pour la pêche des harengs et des sardines.

Frantz désirait se rendre au plus vite en Alsace-Lorraine avec ses neveux sans rien dépenser; il songea à se procurer de l'occupation sur un des bateaux qui font le service des canaux du Nord et qui, regagnant le canal de la Marne au Rhin, passent tout près de Phalsbourg.

On parcourut la ville animée de Dunkerque; on passa devant la statue de Jean Bart que David a sculptée, et Julien admira l'air résolu du célèbre marin.

L'oncle Frantz ne trouva pas du premier coup ce qu'il désirait. Ce fut seulement après deux jours de recherches, bien des peines et bien des tracas, qu'il obtint de l'ouvrage à bord d'un bateau. Encore ne lui promit-on d'autre salaire que leur nourriture à tous les trois.

Nos amis s'en revenaient donc la tête basse, le front soucieux, songeant qu'il allait falloir entamer leur petite réserve d'argent pour s'acheter des vêtements de rechange; et ils étaient si tristes qu'ils marchaient sans rien se dire, préoccupés de leurs réflexions.

– Eh bien, s'écria Guillaume qui les attendait sur le seuil de la porte, arrivez donc: il y a du nouveau qui vous attend.

Julien, en voyant la figure radieuse du brave pilote, devina vite que les nouvelles étaient bonnes; il s'élança à sa suite de toutes ses petites jambes, et on monta quatre à quatre l'escalier de la mansarde qu'on avait louée en arrivant.

Quand la porte fut ouverte, Julien demeura bien surpris. Il aperçut au beau milieu de la mansarde quatre caisses de voyage portant chacune le nom de l'un de nos quatre voyageurs. Julien, naturellement, s'empressa d'ouvrir celle qui portait son nom, et il fit un saut d'admiration en voyant dans le tiroir de la caisse de bonnes chemises à sa taille, des bas, des souliers neufs, un chapeau en toile cirée et une paire de pantalons en bon drap.

– Mais, père Guillaume, dit l'enfant en déployant toutes ces richesses, est-ce que c'est possible que ce soit pour moi, tout cela! D'où vient cette belle caisse? Et André qui en a autant! et mon oncle aussi, et vous aussi! Qu'est-ce que cela veut dire?

– Petit Julien, répondit le père Guillaume, ravi de la bonne surprise qui épanouissait tous les visages, c'est le cadeau d'adieu de notre capitaine. Il a fait dresser avec moi, comme la loi l'y obligeait, le procès-verbal du naufrage du navire: le Poitou était assuré avec toute sa cargaison et le capitaine ne perdra rien: il a trouvé juste que nous ne perdions rien aussi, et il nous envoie ces vêtements en échange de ceux qui ont coulé avec le navire. En même temps, il a ajouté le paiement promis à chacun de nous pour la traversée. Volden, voici tes cinquante francs; André, en voici trente, et toi, Julien, voici un carton d'écolier tout neuf pour te récompenser d'avoir été courageux en mer comme un petit homme.

Julien ne se possédait pas d'aise. Cette caisse à son adresse, c'était le premier meuble qu'il eût possédé:

– Mon oncle, disait-il en sautant de plaisir, voyez donc, nous avons maintenant un mobilier: c'est comme si nous possédions chacun une armoire!

Tout d'un coup, il s'interrompit pour pousser une nouvelle exclamation de surprise:

– Ah! mon Dieu! dit-il, jusqu'à mon joli parapluie que M. Gertal m'avait donné et que j'avais tant de regret d'avoir perdu! Eh bien, le capitaine en a mis un au fond de la caisse, et il est tout pareil, regarde, André.

– Je m'imagine, dit l'oncle Frantz en tendant la main avec émotion à Guillaume, qu'il y a quelqu'un qui a sans doute aidé la mémoire du capitaine.

– Mon vieil ami, dit Guillaume, j'étais chargé de faire l'inventaire complet; j'ai tâché de ne rien oublier.

Ce soir-là, nos quatre amis dînèrent bien contents. Après dîner on alla remercier le capitaine, et chemin faisant Julien ne put s'empêcher de dire qu'il trouvait que les assurances sont une bien bonne chose.

– Oui certes, petit Julien, répondit Guillaume. En donnant aux compagnies d'assurances une faible somme chaque année, on se trouve protégé autant que faire se peut contre les malheurs de toute sorte. Je me suis déjà dit qu'en arrivant chez moi la première chose que je vais faire, ce sera d'assurer contre l'incendie le petit bien dont nous avons hérité et d'assurer contre la grêle mes récoltes de chaque année.

Et le vieux pilote ajouta sentencieusement:

– L'homme sage n'attend point que le malheur ait frappé à sa porte pour lui chercher un remède.

CV. – Le Nord et la Flandre. – Ses canaux, son agriculture et ses industries. – Lille

Les pays du nord sont ceux que la nature a le moins favorisés; mais l'intelligence et le travail de l'homme ont corrigé la nature et y ont produit des richesses

Le lendemain, nos amis se séparèrent en se promettant de se revoir bientôt. Guillaume allait retrouver sa femme, Frantz et ses neveux se dirigeaient vers Phalsbourg pour y terminer leurs affaires.

Lorsque le bateau quitta Dunkerque pour naviguer sur le canal, Julien, debout sur le pont, observait le pays avec attention. – Regarde bien, Julien, lui dit l'oncle Frantz, qui était tout près, enfonçant dans l'eau sa longue perche; le département du Nord où nous voici vaut la peine que tu l'admires. C'est, après le département de la Seine, le plus peuplé de France, et l'agriculture comme l'industrie y est prospère.

En effet, tout le long des bords du canal, souvent noircis par la poussière du charbon de terre, on voyait se déployer de grandes plaines où travaillaient sans relâche les cultivateurs affairés. On était à la fin de janvier, et chacun préparait la terre à recevoir les semences du printemps.

– Dans deux mois, ajouta l'oncle Frantz, ce ne sera partout qu'un immense tapis vert: ici, du chanvre et du lin, dont on fera les belles toiles du Nord ou les dentelles de Valenciennes et de Douai; là, le colza, la navette et l'œillette pour les huiles, le houblon pour la bière, les betteraves pour les raffineries de sucre et pour la nourriture des bestiaux, enfin les céréales de toute sorte; car ici il n'y a jamais un mètre de terrain inoccupé.

– Pourquoi ne voit-on pas de vaches dans les champs par ici? observa Julien.

– C'est qu'on les nourrit à l'étable pour la plupart. Ce qui n'empêche pas les vaches flamandes d'être une des plus belles races françaises. Elles sont grandes et donnent beaucoup de lait. Les moutons flamands sont aussi renommés; avec leur laine on fait les belles étoffes qui se vendent à Roubaix et à Tourcoing.

– Et toutes ces grandes cheminées, mon oncle, dit Julien, qu'est-ce donc?

– Ce sont les cheminées d'usines de toute sorte, raffineries de sucre, distilleries d'eau-de-vie, fabriques d'amidon. Bientôt nous verrons les moulins à huile et à farine. Plus tard nous rencontrerons des puits de mines: les mines d'Anzin et de Valenciennes produisent à elles seules le quart de toute la houille retirée du sol français.

– Oh! oh! dit le petit Julien, je suis bien content de connaître la Flandre; je vois que le nord de la France n'en est pas la partie la moins bonne.

Bientôt on arriva à Lille, la cinquième ville de France, qui est en même temps une place forte de premier ordre, tout entourée de remparts et de bastions, et qui soutint plusieurs sièges héroïques. Julien fut envoyé faire quelques commissions à travers Lille: il revint émerveillé du mouvement qu'il avait vu partout, et du bruit des grandes filatures dont on entendait en passant siffler les machines à vapeur.

Comme il avait vu sur une place de Lille le nom de Philippe de Girard, il songea aussitôt à interroger son livre sur ce grand homme. – Quel bonheur, pensa-t-il, que j'eusse mon livre dans ma poche lors de la tempête! L'Océan ne l'a pas englouti, mon cher livre; il me semble que je l'aime plus encore, à présent qu'il a fait avec moi tant de courses extraordinaires. Voyons ce qu'il va m'apprendre sur Lille.

Et l'enfant ouvrit son livre.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
25 июня 2017
Объем:
340 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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