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Читать книгу: «Le tour de la France par deux enfants», страница 23

Bruno G.
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CXVIII. – Le Louvre. – La Chambre des députés, le Sénat et le palais de la Présidence. – Les Ministres. – Les impressions de Julien à Paris. – Le départ

Respectons la loi, qui est l'expression de la volonté nationale

Le temps passe vite à Paris. Quand on eut fini de voir le Jardin des Plantes, la brume du soir commençait déjà à s'étendre, et de toutes parts les becs de gaz s'allumaient.

On suivit les quais de la Seine et on admira en passant le Louvre. André expliqua à Julien que les salles de ce palais sont remplies par les plus beaux tableaux des grands peintres de tous les pays: le public peut les visiter tous les jours à certaines heures.

Nos promeneurs arrivèrent ainsi jusqu'au palais du Corps législatif, situé sur les bords de la Seine. – C'est là, dit l'oncle Frantz, que se rassemblent chaque année les députés élus par toute la France pour faire les lois. Ils partagent le pouvoir de faire des lois, ou pouvoir législatif, avec les sénateurs, qui siègent dans un autre palais entouré de jardins magnifiques: le Luxembourg. Quant au président de la République, qui est chargé de faire exécuter les lois par l'intermédiaire des divers ministres et qui possède ainsi le pouvoir exécutif, il habite un palais appelé l'Élysée. C'est là que se rassemble le conseil des ministres, qui discute sur les affaires de l'État. Les ministres de la France sont le Ministre de l'Intérieur, le Ministre de l'Instruction publique, le Ministre de la Justice et des Cultes, le Ministre des Finances, le Ministre de la Guerre, le Ministre des Affaires étrangères, le Ministre de l'Agriculture et du Commerce, le Ministre des Travaux publics, le Ministre de la Marine et des Colonies, le Ministre des Postes et Télégraphes.

Julien écoutait toutes ces explications avec intérêt; car dès qu'on parlait de la France, son esprit était en éveil. Néanmoins il avait tant couru dans la journée et vu tant de choses, qu'il finissait par en être tout étourdi: il avait une grande envie de souper pour se coucher de bonne heure.

– Eh bien, dit l'oncle Frantz en riant, je vois que notre petit Julien commence à demander grâce et que demain il quittera Paris avec moins de regret qu'il ne croyait d'abord.

– Hélas! oui, répondit l'enfant. Je suis tout de même bien content de connaître Paris et j'aurai grand plaisir à me rappeler plus tard tout ce que j'y ai vu de beau. J'aime Paris de tout mon cœur parce que c'est la capitale de la France; mais tenez, mon oncle, à vous dire franchement, je suis si fatigué de rencontrer tant de monde et d'entendre tant de bruit, que je me réjouis de ne plus voir bientôt que des champs, des bœufs et des vaches.

– Oh! oh! dit l'oncle, c'est très bien, et je pense comme toi, mon Julien; seulement, avant de soigner les vaches, il faudra retourner à l'école encore longtemps.

– Oui, dit l'enfant gaîment, et j'espère m'appliquer à l'école plus encore qu'autrefois.

CXIX. – Versailles. – Quelques grands hommes de Paris et de l'Ile-de-France. – Les poètes classiques: Racine, Boileau. – Un grand chimiste, Lavoisier

Paris a produit tant de grands hommes et d'hommes utiles qu'on ne sait comment choisir dans le nombre: c'est la ville du monde qui s'est le plus illustrée par les travaux de l'esprit

Le lendemain, lorsqu'on eut reçu l'argent de l'oncle Frantz, on se dirigea vers la gare de l'Ouest et on monta en wagon pour aller rejoindre le vieux pilote Guillaume dans la partie de l'Orléanais et de la Beauce qui est voisine du Perche. On s'arrêta quelques heures à Versailles, pour visiter le château que Louis XIV y fit construire et qui lui servit de résidence. André et Julien se promenèrent dans le parc aux allées symétriques et ils admirèrent les nombreux jets d'eau des bassins.

On remonta ensuite en chemin de fer, et Julien, pour ne pas perdre son temps en voiture et pour compléter tout ce qu'il savait déjà de la France, ouvrit son livre sur les grands hommes et lut les derniers chapitres avec attention.

L'Ile-de-France et surtout Paris ont produit tant de grands hommes que l'espace manquerait pour raconter leur vie. Bornons-nous à quelques mots sur les principaux poètes et savants nés dans cette contrée:

I. Racine, qui fut le rival de Corneille pour la poésie, naquit en 1639, dans une petite ville du département de l'Aisne. Il perdit son père et sa mère dès l'âge de quatre ans et fut élevé par son grand-père. Il avait un tel goût pour les vers qu'aucun plaisir n'égalait à ses yeux celui de lire les poètes.

Racine devint un grand poète à son tour et fit paraître à Paris une série de chefs-d'œuvre qui contribuèrent à l'éclat du siècle de Louis XIV: ce sont des pièces de théâtre en vers, appelées tragédies, où l'on représente des événements propres à émouvoir.

Racine avait une âme tendre et généreuse. Il comprenait combien le roi Louis XIV, sur la fin de son règne, avait tort de ne pas mettre fin aux guerres continuelles et aux abus dont souffrait le peuple. Il composa sur ce sujet un écrit où il exprimait respectueusement au roi son avis et ses idées de réforme: le roi fut irrité, et le poète fut disgracié.

Racine, qui était déjà malade et dont la sensibilité naturelle était extrême, éprouva un vif chagrin; son mal s'aggrava et il mourut deux ans après.

II. Boileau, né à Paris en 1636, fut aussi l'un des principaux poètes du siècle de Louis XIV. Il tourna en ridicule, dans ses vers, les vices et les défauts de son temps.

Boileau avait autant de cœur que d'esprit et il le prouva à plusieurs reprises. Un jour on lui apprend que le ministre a retiré au vieux Corneille la pension qui lui avait été accordée en récompense de ses glorieux travaux. Corneille n'avait pour vivre que cette pension. Aussitôt Boileau demande à être introduit près du roi:

– Sire, lui dit-il, je ne saurais me résoudre à recevoir une pension de Votre Majesté, tandis que notre grand Corneille ne reçoit plus la sienne; si l'état des finances exige un sacrifice, qu'il retombe sur moi et non sur notre plus illustre poète.

Louis XIV consentit à rétablir la pension de Corneille.

Un autre jour, Boileau apprend qu'un savant magistrat de l'époque, Patru, est dans la misère et qu'il est réduit pour vivre à vendre sa bibliothèque. Patru va céder ses livres, ses chers livres, son plus grand trésor, et cela pour une faible somme, parce que les acheteurs abusent du besoin où il se trouve. Aussitôt Boileau va trouver Patru: il lui propose d'acheter ses livres, et lui en offre un prix élevé; Patru accepte. – Fort bien, dit Boileau, mais je mets à notre marché une condition. – Laquelle? – C'est que vous me rendrez le service de garder dans votre maison tous ces livres qui ne reviendront dans la mienne qu'après votre mort. – Et Patru, les larmes aux yeux, remercie Boileau de cette générosité délicate. Le prix d'un bienfait est double, quand ce bienfait cherche à se cacher lui-même.

III. Parmi les savants nombreux que Paris a vus naître, un des plus illustres est Lavoisier, né en 1743. Il fit ses études dans les grands collèges de Paris et y obtint les plus beaux succès. Dès sa première jeunesse il montra un goût très vif pour les sciences; il étudia l'astronomie, puis la botanique avec Jussieu, et enfin une science qu'il devait plus tard transformer et renouveler: la chimie. C'est la chimie qui enseigne de quels éléments les différentes choses sont composées, par exemple de quoi sont formés l'air, l'eau, le feu. C'est cette science qui apprend aussi à fabriquer tant de choses dont nous nous servons: l'alcool, le vinaigre, la potasse, la soude, les couleurs des peintres, celles des teinturiers, les médicaments des pharmaciens.

Au sortir du collège, Lavoisier se retira dans l'isolement, ne voyant personne, mangeant à peine pour pouvoir mieux travailler d'esprit, tout entier à ses recherches scientifiques.

Aussi, dès l'âge de vingt-cinq ans, grâce à ses savants travaux, il fut élu membre de l'Académie des sciences.

On doit à Lavoisier de nombreuses découvertes: c'est lui qui a su trouver le premier de quels gaz l'air que nous respirons se compose, de quels éléments est formée l'eau que nous buvons; c'est lui qui a expliqué comment la respiration nous fait vivre et entretient la chaleur de notre corps. Lavoisier est le créateur de la chimie moderne.

En même temps qu'il se livrait à tous ces travaux par amour de la vérité et de la science, il entreprit, dans un but d'humanité, une foule d'autres études. Il fit des expériences malsaines et dangereuses sur les gaz qui s'échappent des fosses d'aisance, et qui si souvent causent la mort des travailleurs. Il raconte lui-même ces expériences avec une noble simplicité et expose toutes les précautions que les travailleurs doivent prendre pour éviter les accidents.

Malheureusement, une mort prématurée vint arrêter le grand Lavoisier au milieu de ses travaux. C'était l'époque sanglante de 1794, où la France, attaquée de tous côtés, au dehors et au dedans, ne savait plus distinguer ses amis et ses ennemis. Lavoisier, qui avait occupé un poste dans les finances, fut accusé avec beaucoup d'autres. Lui-même, sûr de son innocence, au lieu de s'enfuir, vint noblement se constituer prisonnier. Mais, enveloppé dans une condamnation qui frappait à la fois des coupables et des innocents, il mourut sur l'échafaud.

La veille de sa mort, les savants qui avaient travaillé avec lui et qui admiraient son génie étaient venus le voir dans son cachot: ils lui avaient apporté une couronne, symbole de la gloire qui lui était réservée dans l'avenir.

CXX. – La ferme du père Guillaume dans l'Orléanais. – Les ruines de la guerre

Les maux de la guerre ne finissent point avec elle; que de ruines elle laisse à sa suite quand elle a passé quelque part!

Quelques heures après être partis de Paris, et après avoir traversé Chartres, célèbre par sa belle cathédrale gothique, nos voyageurs descendaient du chemin de fer. Ils laissèrent dans la petite gare leurs caisses de voyage; puis, munis seulement d'un paquet léger et d'un bâton, ils suivirent à pied la route qui menait à la ferme de la Grand'Lande, située dans la partie la plus montueuse de l'Orléanais.

Ils marchèrent assez longtemps le long d'une jolie chaîne de collines au pied desquelles serpentait la rivière. Ils suivaient un sentier étroit, déjà ombragé par les feuilles naissantes des arbres; au-dessus d'eux les oiseaux chantaient dans les branches, fêtant le prochain retour du printemps. Julien, plus gai encore que les pinsons qui gazouillaient autour de lui, sautait de joie en marchant: – Oh! disait-il, quel bonheur! Nous allons donc être tous réunis, et puis nous allons vivre aux champs!..

André partageait en lui-même la joie de Julien; l'oncle Frantz se sentait aussi tout heureux à la pensée de revoir son vieil ami le pilote Guillaume et de s'installer auprès de lui avec ses deux enfants d'adoption.

Ils marchaient depuis une bonne demi-heure et n'avaient encore rencontré personne à qui s'informer du chemin; ils craignirent de s'être égarés. Afin d'apercevoir mieux le pays, ils montèrent sur un talus, et Julien distingua, à deux cents pas de là, derrière une haie, deux petites filles accroupies par terre, un couteau à la main, en train de cueillir de la salade sauvage. Il les appela pour qu'elles leur indiquassent le chemin. Sa voix fut plusieurs fois répétée par un bel écho de la colline; malgré cela, les deux petites filles étaient si occupées à leur besogne qu'elles n'y firent point attention.

– Mon oncle, dit alors Julien, je vais descendre la colline et courir près d'elles pour leur demander le chemin.

L'enfant courut en avant et s'approchant des deux petites, qui avaient levé la tête en l'entendant venir:

– Est-ce que la ferme de la Grand'Lande est loin d'ici? leur demanda-t-il.

– Oh! non, répondit l'aînée, dans cinq minutes on est chez nous.

– Chez vous? reprit Julien en regardant les deux enfants de tous ses yeux; mais alors vous êtes donc les petites filles de M. Guillaume?

– Mais oui, répondirent-elles à la fois.

– Et nous, s'écria le petit garçon tout joyeux, nous sommes ses amis et nous venons le voir. Peut-être bien vous a-t-il parlé de nous déjà: je m'appelle Julien Volden, moi, et je sais votre nom à toutes les deux: tenez, vous qui êtes grande comme moi, vous vous appelez Adèle, dit Julien en désignant l'aînée des petites, et votre sœur, qui est plus jeune, s'appelle Marie; elle a cinq ans.

La petite Marie se mit à sourire: – Notre père nous a parlé de vous aussi, Julien, dit-elle; il vous aime beaucoup.

Et les deux enfants regardèrent Julien avec intérêt, comme si la connaissance était désormais complète entre eux.

Julien, enchanté, reprit aussitôt: Vous devez être bien contentes à présent d'avoir une ferme et de vivre aux champs? Moi, j'aime les champs comme tout, savez-vous? Et les vaches, et les chevaux, et toutes les bêtes, d'abord!

Le visage des petites filles s'était assombri. L'aînée poussa un gros soupir et ne répondit rien. La plus jeune, Marie, plus expansive que sa sœur, s'écria tristement:

– Oh! Julien, nous avons beaucoup de peine au contraire. Il y a sur la ferme des charges trop dures, à ce que dit papa; et puis, pendant la guerre, les bâtiments ont été à moitié détruits; rien n'est ensemencé. Alors papa dit: «Il vaut mieux que je m'en retourne sur mer!» et maman pleure.

L'enfant, qui avait exposé la situation tout d'une haleine, s'arrêta d'un air découragé.

La petite figure de Julien s'attrista à son tour. En ce moment, l'oncle Frantz et André arrivèrent, et on se dirigea vers la ferme.

Chemin faisant, chacun observait la campagne, en réfléchissant aux paroles désolées de la petite.

Bientôt on vit se dessiner au pied de la colline, derrière quelques noyers mutilés, les bâtiments de la ferme.

– Mon Dieu! s'écria Julien en joignant les mains avec tristesse, pauvre maison! elle est presque démolie: il y a des places où il ne reste plus que les quatre murs tout noirs avec des trous de boulets. Je vois qu'on s'est battu ici comme chez nous: il me semble que je reviens à Phalsbourg.

Et tout en marchant, Julien réfléchissait aux malheurs sans nombre que la guerre entraîne après elle partout où elle passe.

CXXI. – J'aime la France

Le travail est béni du ciel, car il fait renaître le bonheur et l'aisance où la guerre ne laisse que deuil et misère

Dans la grande salle délabrée de la ferme, dont les murs portaient encore la trace des balles, le pilote Guillaume se promenait la tête basse, les mains derrière le dos. Il était changé: il n'avait point cet air d'assurance et de décision qui lui était habituel au bord du navire; il semblait inquiet et abattu.

A la voix de la petite Marie il se retourna et, apercevant ses amis, il courut se jeter au cou de son ancien camarade.

– Frantz, lui dit-il, à demi-voix, tu arrives à propos, car je suis dans la peine et je compte sur ton amitié pour me donner du courage. Il va me falloir encore quitter ma femme et mes enfants, alors que j'espérais passer ici auprès d'eux le temps qui me reste à vivre: je suis tout triste en y pensant.

Pendant qu'il disait ces mots, les yeux limpides du vieux pilote devenaient humides malgré lui. Tout d'un coup, faisant effort sur lui-même et se redressant brusquement: – Allons, dit-il, ce n'est qu'une espérance à abandonner. – Et comme Frantz l'interrogeait: – Voici, dit-il, en deux mots ce dont il s'agit. Le parent qui nous a laissé cette propriété en héritage avait emprunté de l'argent sur sa terre; je ne puis rembourser cet argent, et je vais être obligé de vendre la terre; mais les biens ont tant baissé de prix depuis la guerre et la ferme est en si triste état, que je ne la vendrai pas moitié de ce qu'elle vaut. Je serai donc après cela au même point qu'avant d'hériter, et je n'aurai d'autre ressource que de retourner sur l'Océan.

L'oncle Frantz s'approcha du pilote et prenant sa main dans les siennes:

– Guillaume, dit-il avec émotion, te rappelles-tu cette nuit d'angoisse que nous avons passée ensemble au milieu de la tempête? Nous te devons la vie. A présent que tu te trouves dans l'embarras, c'est à nous de te venir en aide.

– Oui, dit André en s'approchant, nous vous avons promis alors d'aider les autres à notre tour comme vous nous avez aidés vous-même; nous tiendrons notre promesse.

– Mes braves amis, dit Guillaume, malheureusement vous ne pouvez rien: je n'ai besoin que d'argent, et vous en avez, hélas! moins encore que moi-même.

– Guillaume, reprit l'oncle Frantz, tu te trompes: je ne suis plus aussi pauvre que je l'étais quand tu nous as quittés, et c'est maintenant surtout que j'en suis heureux, puisque je puis t'être utile.

En même temps il avait tiré de sa poche une liasse de papiers.

– Tiens, dit-il, regarde: les honnêtes gens ne manquent pas encore en France; le fils de l'armateur de Bordeaux m'a remboursé tout ce qui m'était dû par son père. Prends cela, et va payer ceux qui voudraient te forcer à vendre ton bien pour l'acheter le quart de ce qu'il vaut.

Guillaume était si ému qu'il resta un moment sans répondre.

Puis, gravement: – J'accepte, Frantz, dit-il, mais à une condition: c'est que nous ne nous séparerons plus. Ma terre, une fois délivrée de cette charge, a de la valeur: elle est fertile, nous nous associerons pour la cultiver, nous partagerons les profits; nous ne ferons plus qu'une seule famille.

Et les deux amis s'embrassèrent étroitement, tandis que la femme du vieux pilote, de son côté, remerciait Frantz avec effusion. A ce moment, la petite Marie s'approcha de son père; elle le tira doucement par sa manche, et à demi-voix:

– Alors, dit-elle en souriant, Julien restera avec nous aussi?

– Je le crois bien, répondit le vieux pilote en prenant le petit garçon sur ses genoux: il ira en même temps que vous deux à l'école, et si vous n'apprenez pas vite et bien, il vous fera honte, car il est studieux, lui, et il connaît maintenant son pays mieux que la plupart des autres enfants. Et toi, André, tu nous aideras à cultiver cette terre jusqu'à ce que nous ayons trouvé à t'établir comme serrurier au village voisin. Ce ne sera pas trop de notre travail à tous les trois pour ensemencer ces champs restés en friche depuis la guerre et pour reconstruire cette maison en ruines.

– Oui, Guillaume, dit Frantz avec émotion, tu as raison; nous travaillerons tous, chacun de notre côté. Si la guerre a rempli le pays de ruines, c'est à nous tous, enfants de la France, d'effacer ce deuil par notre travail, et de féconder cette vieille terre française qui n'est jamais ingrate à la main qui la soigne. Dans quelques années, nous aurons couvert les champs qui nous entourent de riches moissons; nous aurons relevé pièce par pièce le toit de la ferme, et si vous voulez, mes amis, nous y placerons joyeusement un petit drapeau aux couleurs françaises.

Chacun applaudit à la proposition de l'oncle Frantz, et Julien plus fort que tout le monde: – Oui, oui, c'est cela, mon oncle, s'écria-t-il. Quand je pense que nous avons eu tant de peine pour être Français et que nous le sommes maintenant! – En même temps, il regardait les petites filles de Guillaume: – N'aimez-vous pas la France? leur dit-il; oh! moi, de tout mon cœur j'aime la France.

Et dans la joie qu'il éprouvait de se voir enfin une patrie, une maison, une famille, comme le pauvre enfant l'avait si souvent souhaité naguère, il s'élança dans la cour de la ferme, frappant ses petites mains l'une contre l'autre; puis, songeant à son cher père qui aurait tant voulu le savoir Français, il se mit à répéter de nouveau à pleine voix: – J'aime la France!

«J'aime la France!.. la France… France…» répéta fidèlement et nettement le bel écho de la colline, qui se répercutait encore dans les ruines de la ferme.

Julien s'arrêta surpris.

– Tous les échos te répondent l'un après l'autre, Julien, dit gaîment André.

– Tant mieux, s'écria le petit garçon, je voudrais que le monde entier me répondît et que chaque pays de la terre dît: «J'aime la France.»

– Pour cela, reprit l'oncle Volden, il n'y a qu'une chose à faire: que chacun des enfants de la patrie s'efforce d'être le meilleur possible; alors la France sera aimée autant qu'admirée par toute la terre.

Six ans se sont écoulés depuis ce jour. Ceux qui ont vu la ferme de la Grand'Lande à cette époque ne la reconnaîtraient plus maintenant.

Pas un mètre de terrain n'est inoccupé, et la jachère y est inconnue; le sol travaille sans cesse: aussitôt les céréales moissonnées, la charrue retourne les sillons, et de nouveau on ensemence la terre en variant les cultures avec intelligence. Grâce aux riches prairies de trèfle et de luzerne, le fourrage ne manque jamais à la ferme. Au lieu de six vaches qu'elle nourrissait avant la guerre, la terre de la Grand'Lande en nourrit douze, sans compter trois belles juments dont les poulains s'ébattent chaque année dans les regains des prairies. C'est vous dire qu'avec tous ces animaux l'engrais ne manque pas, et que chaque année la terre, au lieu de s'appauvrir, va s'améliorant.

Mais aussi comme tout le monde travaille à la Grand'Lande! C'est une vraie ruche où les paresseux ne trouveraient pas de place.

Venez avec moi, nous la parcourrons en quelques instants.

Il est à peine jour sur les coteaux verts de la ferme, mais les coqs vigilants ont salué la petite pointe de l'aurore: à leur voix le poulailler s'éveille; une trentaine de poules, caquetant et chantant, vont chercher dans la rosée les petits vers qu'a fait sortir la fraîcheur de la nuit. Bientôt la ménagère matinale, la bonne dame Guillaume, elle aussi sera debout. Regardez: sa fille aînée la suit. Adèle est une belle et laborieuse fille qui a déjà quinze ans et demi, et qui, active comme sa mère, court partout où sa présence est utile, à la laiterie, aux étables, au potager.

Le potager, c'est surtout le domaine de l'oncle Frantz. Le voyez-vous qui tire au cordeau des planches symétriques pour repiquer des salades? L'oncle Frantz est un jardinier de premier ordre. Il a aussi un verger superbe, avec des espaliers que ne renieraient point les horticulteurs de la banlieue parisienne.

Mais voici le pilote Guillaume. Il conduit à l'abreuvoir le joli troupeau de vaches, les juments et leurs poulains. Le vieux pilote a pris tout ce bétail sous sa haute juridiction, et il aime son troupeau comme jadis il affectionnait son navire: – Depuis six ans que je les soigne, s'écrie-t-il parfois avec un légitime orgueil, je n'en ai pas eu une seule de gravement malade.

Mais aussi comme toutes ces bêtes ont l'air bien soignées! Comme elles sont propres! Comme elles s'en reviennent du pas tranquille et lent qui leur plaît le mieux! Guillaume a façonné son pas au leur: – Affaire d'habitude, dit-il; c'est moins difficile que d'apprendre l'équilibre au roulis des vagues.

Cette fillette de onze ans qui sort de la ferme, c'est la petite Marie, la plus jeune de la famille. D'une main elle emporte avec précaution la soupe chaude des laboureurs, de l'autre elle tient ses livres de classe, car elle va de ce pas à l'école.

Venons avec elle jusque là-bas, dans ces champs où les gais rayons du soleil sèment leur or sur les sillons. Reconnaissez-vous ce grand garçon barbu déjà? C'est André. Quand il y a chômage chez le serrurier du bourg, André travaille à la ferme. En ce moment, deux beaux bœufs rouges traînent la charrue: le jeune homme les excite doucement, et de sa voix mâle, un peu grave, il chante une vieille chanson du pays natal; car André n'a oublié ni son père, ni son premier amour, la Patrie. A l'heure matinale où l'alouette, montant comme une flèche, chante au-dessus des sillons, l'âme du jeune homme s'élance, elle aussi, tantôt vers le passé plein de souvenirs, tantôt vers l'avenir qui s'ouvre avec ses devoirs et avec ses espérances. André a vingt ans sonnés: il sera bientôt sous les drapeaux, il sera bientôt soldat de la France.

Près d'André, regardez cet adolescent encore un peu mince, avec de grands yeux expressifs et affectueux: c'est notre petit Julien. Comme il a grandi! C'est qu'il a quatorze ans et demi, savez-vous? Ah! le temps passe vile. Oui, mais Julien l'a bien employé: il a appris tout ce qu'un jeune homme peut apprendre dans la meilleure école et avec la meilleure volonté possible.

Mais quel est ce camarade de son âge qui travaille aux champs avec lui et qui ne le quitte guère? Devinez… Vous le connaissez pourtant; c'est le jeune Jean-Joseph, l'orphelin d'Auvergne, qui a pu venir rejoindre nos amis à la ferme de la Grand'Lande: il est devenu pour eux comme un nouveau frère.

Vous souvenez-vous? Il y a six ans, à pareille époque, André et Julien s'étaient endormis sous un sapin de la montagne, à la veille de franchir les Vosges; et quand le soleil s'était levé ce matin-là, les deux enfants sans soutien, s'agenouillant sur la terre de France qu'ils venaient d'atteindre, s'étaient écriés ensemble: «France aimée, nous sommes tes enfants, et nous voulons devenir dignes de toi!» Ils ont tenu parole. Les années ont passé, mais leur cœur n'a point changé; ils ont grandi en s'appuyant l'un sur l'autre et en s'encourageant sans cesse à faire le bien; ils resteront toujours fidèles à ces deux grandes choses qu'ils ont appris si jeunes à aimer: Devoir et Patrie.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
25 июня 2017
Объем:
340 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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