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Читать книгу: «Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10», страница 24

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LETTRE CXCIX

A M. MOORE

Newsteadt-Abbey, 15 septembre 1814.

«Voici la quatrième lettre que je commence pour vous depuis le commencement du mois. La finirai-je ou la brûlerai-je comme les autres? c'est ce que je ne sais pas. Quand nous nous reverrons, je vous expliquerai pourquoi je ne vous ai pas écrit, pourquoi je ne vous ai pas appelé ici, comme j'en avais le projet, avec une infinité d'autres pourquoi que je vous garde dans toute leur fraîcheur. En un mot, il faut que vous excusiez ce que j'ai omis et commis, et que vous m'accordiez plus de rémission que saint Anastase ne vous en accordera, si vous omettez le plus petit monosyllabe mystérieux de ses pieuses énigmes. Je crois, et ce pourrait bien être aussi l'opinion de saint Anastase, que votre article sur T*** fera tuer quelqu'un, que celui sur les saints le fera damner, ce qui fait un assez joli succès pour un seul et même numéro de Revue. Tom, vous avez tort de vous mêler en ce moment de l'incompréhensible, car si Johanna Southcote se trouvait réellement…

»Maintenant, un peu d'égoïsme; voici l'état de mes affaires. Demain je saurai si une circonstance assez importante pour changer beaucoup de mes plans doit avoir lieu ou non. Si elle n'a pas lieu, je pars dans huit jours pour Londres, et dans un mois pour l'Italie. Newsteadt m'est rendue avec 25,000 livres sterling, sur les 28,000 déjà payées; mon soi-disant acquéreur appelle cela un sacrifice: sacrifice soit. J'ai payé quelques-unes de mes dettes, et j'en ai contracté d'autres; mais j'ai quelques milliers de livres sterling que je ne saurais dépenser à mon gré en ce pays, ainsi je vais retourner dans le midi. Je crois et j'espère que Hobhouse viendra avec moi; mais, qu'il le fasse ou non, moi je partirai. J'ai besoin de voir Venise, les Alpes, les fromages de Parmesan; et de voir, de l'Italie, les côtes de la Grèce, ou plutôt de l'Épire, comme autrefois à la hauteur de Corfou j'ai vu ou cru voir celles de l'Italie. Tout cela, cependant, dépend d'un événement qui peut arriver ou n'arriver pas. Je saurai demain à quoi m'en tenir; et, si la chose se fait, ce ne sera guère le moment de voyager à l'étranger.

»Pardonnez-moi tout ce gribouillage hypothétique, vous aurez bientôt de mes nouvelles; je ne compte pas cela pour une réponse.

»Je suis toujours, avec beaucoup d'affection, etc.»

La circonstance importante à laquelle il fait allusion ici, c'est sa seconde demande de mistriss Milbanke, dont il attendait alors le résultat. Voici, autant que je puis m'en fier à ma mémoire, la manière dont il raconte lui-même, dans ses Memoranda, les circonstances qui le portèrent à cette démarche. Une personne pour laquelle il professait depuis un certain tems la plus grande amitié et la plus grande confiance, remarquant combien incertaines et malheureuses étaient la position de son esprit et la situation de ses affaires, lui remontra avec force la nécessité de se marier; et, après quelques discussions, il y consentit. Restait le second point en délibération: quel devait être l'objet de son choix? Et tandis que son ami lui nommait une autre dame, il désigna lui-même mistriss Milbanke. Toutefois, son conseiller s'y opposa fortement, lui faisant observer que mistriss Milbanke n'avait, pour le présent, point de fortune, et que l'état embarrassé de ses affaires ne lui permettait pas de se marier sans en trouver une; secondement, que c'était une femme savante, et qu'à ce titre elle lui convenait encore moins. En conséquence de ces observations auxquelles il se rendit, il fut convenu que son ami écrirait, pour lui, une lettre de demande à l'autre dame; ce qui fut fait; et une réponse négative leur arriva un matin qu'ils étaient ensemble. «Vous voyez, dit Lord Byron, qu'après tout il faut que ce soit miss Milbanke: je vais lui écrire.» Il le fit; et dès qu'il eut fini, son ami, qui continuait à lui faire les représentations les plus fortes contre ce choix, prit la lettre, la lut et dit: «En vérité, voilà une bien jolie petite lettre; c'est dommage qu'elle ne doive pas partir: je n'en ai jamais vu une si bien tournée. – En ce cas, elle partira,» dit Lord Byron. Et en disant cela, il cacheta et expédia immédiatement cette lettre d'où dépendait sa destinée.

LETTRE CC

A M. MOORE

15 septembre 1814.

«Je vous ai déjà écrit une lettre ce soir; mais comme je n'ai pas encore dépassé mon droit d'affranchissement, il faut que je vous adresse encore celle-ci, pour vous dire que je suis charmé d'avoir une filleule, et que je lui enverrai un hochet de corail que j'espère lui faire accepter dès que je serai de retour à Londres.

»Ma tête est, dans ce moment, dans un état complet de confusion, par suite de différentes causes que je ne puis vous détailler ni vous expliquer maintenant; passons. Mes occupations ont été des plus innocentes: la pêche, la chasse, le bain, les promenades en bateau. Pour des livres, j'en ai peu ici, et encore les ai-je relus dix fois, au point d'en être malade; de sorte que j'en suis arrivé à casser des bouteilles à soda-water à coup de pistolets, à sauter dans l'eau, à ramer dessus, et à tirer les oiseaux du ciel. Mais pourquoi vous fatiguer des ennuis de mon oisiveté, vous qui êtes bien occupé, et heureusement occupé, je l'espère? Quant à moi, je suis heureux aussi à ma manière; mais, suivant mon habitude, j'ai trouvé moyen de me mettre dans deux ou trois perplexités, dont je ne vois pas bien comment je pourrai sortir. Mais dans peu de jours, peut-être demain, une d'elles sera terminée.

»Vous ne me dites pas un seul mot de votre poème. Je désirerais le lire ou l'entendre; certes, je ne puis ni ne voudrais faire le moindre tort à l'ouvrage ni à l'auteur. Je crois vous avoir parlé de Lara et de Jaqueline. Un de mes amis, ou plutôt l'ami d'un de mes amis les lisait dans la diligence de Brighton. Un voyageur prit le livre et demanda quel en était l'auteur. Le maître du livre répondit qu'il y en avait deux. «Ah! je comprends, reprit l'inconnu, une entreprise de compte à demi; quelque chose comme la société Sternhold et Hopkins.»

»Cela n'est-il pas excellent! Au prix de cette vile comparaison, je suis charmé d'être l'un des Arcades ambo et cantare pares.

»Adieu. Je suis, etc.»

LETTRE CCI

A M. MOORE

Newsteadt, 20 septembre 1814.

«Voici pour celle qui a long-tems éveillé les soupirs du poète, pour la jeune fille qui a donné à ses chansons ce que l'or n'eût jamais pu payer.»(Mélodies Irlandaises.)

Mon Cher Moore,

«Je vais me marier, c'est-à-dire je suis accepté 131, et le reste s'en suit ordinairement. La mère des Gracques (que je dois procréer), vous la regardez comme d'un caractère trop sévère pour cadrer avec le mien, quoique ce soit le phénix des filles uniques, «qu'elle jouisse de la plus haute réputation parmi toute sorte d'hommes,» et qu'enfin elle soit «pleine des plus excellentes qualités» comme Desdemona. La personne en question est miss Milbanke, et j'ai permission de son père d'aller les visiter en qualité de futur; ce que, toutefois, je ne puis faire avant d'avoir réglé quelques affaires à Londres, et m'être procuré un habit bleu.

Note 131: (retour) Le jour qu'il attendait sa réponse, il était à dîner quand son jardinier entra et lui présenta l'anneau de mariage de sa mère, que celle-ci avait perdu plusieurs années avant, et qu'il venait de retrouver en bêchant par hasard sous sa fenêtre. Presque au même moment arriva la lettre de miss Milbanke, et Lord Byron s'écria: «Si c'est un consentement, elle se mariera avec cet anneau.» C'était en effet un consentement très-flatteur; et la dame en avait expédié un double à Londres, au cas qu'il ne reçût pas sa lettre à Newsteadt.(Memoranda.)

»On dit qu'elle aura de gros héritages: en vérité je n'en sais rien, et ne m'en informerai pas; mais ce que je sais de science certaine, c'est qu'elle a des talens et d'excellentes qualités. Quant à son jugement, vous ne sauriez en douter, puisqu'elle m'accepte, après avoir refusé six autres prétendans.

»Si vous avez des objections contre ce mariage, présentez-les-moi, je vous prie, parce que maintenant je suis résolu, déterminé, et que je puis d'autant plus aisément écouter le langage de la raison que cela ne changera rien à la chose. Des circonstances peuvent se présenter qui rompraient ce mariage, mais j'espère que non. En attendant je vous communique un secret, du moins jusqu'à ce qu'il lui plaise de rendre la chose publique, c'est que je me suis proposé et que j'ai été accepté. Ne vous pressez pas trop de me faire compliment, ce mariage pourrait traîner des mois entiers. Je pars demain pour Londres; mais j'espère être ici dans quinze jours, me rendant chez mon futur beau-père.

»Si cela n'était pas arrivé, je serais allé en Italie. Quand je redescendrai, peut-être aurez-vous l'obligeance de venir au-devant de moi à Nottingham, et de m'accompagner jusqu'ici. Je n'ai pas besoin de vous dire que rien ne saurait me faire un plus grand plaisir. Naturellement me voilà forcé de me réformer entièrement, et sérieusement, si je puis contribuer à son bonheur, j'assurerai le mien. C'est une si bonne personne que… que… enfin je voudrais valoir un peu plus moi-même.

»Je suis toujours, etc»

LETTRE CCII

A LA COMTESSE DE ***

Albany, 5 octobre 1814.

Chère Milady ***,

«Votre souvenir et votre invitation me font grand honneur; mais je ne puis accepter, parce que je vais me marier. Ma future demeure à deux cents milles d'ici, et dès que mes affaires seront arrangées ici, il faut que je me hâte d'aller me rendre heureux. Miss Milbanke est la personne de bon naturel qui entreprend de se charger de moi; vous devez penser que je suis amoureux, comme cela se doit, et aussi ridicule que le sont ordinairement les célibataires dans ces conjonctures sentimentales. Voilà trois semaines que je suis accepté; mais quand l'heureux événement aura-t-il lieu? c'est ce que je ne sais pas exactement: cela dépend en partie des gens de loi qui ne sont jamais fort pressés. On ne saurait jurer de rien; mais jusqu'ici rien n'annonce le plus léger nuage dans nos projets de bonheur, qui paraissent être réciproques: ce n'est même plus un secret, quoique j'en aie d'abord fait un: déjà tous les parens des deux côtés nous accablent des félicitations les plus ennuyeuses.

»Vous connaissez peut-être cette demoiselle? Elle est nièce de lady Melbourne, cousine de lady Cowper et de quelques autres de vos connaissances, et n'a qu'un défaut, c'est d'être infiniment trop bonne pour moi, ce que je lui pardonne, quoique bien d'autres ne le fissent pas à ma place. La chose aurait pu se faire il y a deux ans, ce qui m'aurait évité bien des peines et des embarras. Elle s'est occupée pendant l'intervalle à refuser une demi-douzaine de mes amis intimes, comme elle m'a d'abord refusé moi-même, et enfin a consenti à me prendre, ce dont je lui suis fort obligé. Je voudrais que tout cela fût fini, car je hais le fracas, et un mariage en amène toujours; et puis je ne puis me marier, à ce qu'ils disent, en habit noir, et je ne puis supporter un habit bleu.

»Pardonnez-moi, je vous prie, toutes ces absurdités; vous savez qu'il me faut maintenant être sérieux tout le reste de la vie: c'est ici une dernière pièce de bouffonnerie que je vous écris les larmes aux yeux, en attendant le bonheur. Croyez-moi bien sérieusement et bien sincèrement votre obligé serviteur.

BYRON.

»P. S. Mes complimens à mylord à son retour.»

LETTRE CCIII

A M. MOORE

7 octobre 1814.

«Malgré l'article contradictoire qui doit avoir été envoyé au Morning-Chronicle par *** ou par ***, je ne vois pas pourquoi j'en accuserais Claughton, et cependant je l'en soupçonne, parce que cela aurait pu interrompre le renouvellement de notre marché, si nous avions voulu le renouveler. Mais n'importe, le mariage va bon train, les gens de lois stipulent, minutent, etc., les parens font leurs complimens. Ma future est tout ce que je pouvais désirer: tous ceux de l'opinion desquels je fais cas approuvent fort mon choix; mes parens et les siens en sont également satisfaits.

»Perry a été bien fâché, il s'est contre-contredit, comme vous le verrez dans son journal de ce jour. Certes c'était là une infernale insertion, puisque le premier article avait d'abord paru dans le journal du propre comté de sir Ralph Milbanke, et devait passer à ses yeux, et à ceux de sa famille, comme un désaveu de ma part. J'ai écrit pour détruire toute la mauvaise impression que cela pouvait avoir fait, et j'ai joint à ma lettre celle de Perry, qui était pleine de bienveillance et de politesse pour moi.

»Personne ne hait plus le bruit que moi; mais, par une fatalité, chaque scène du drame de ma vie est toujours marquée par quelque éclat d'un genre ou d'un autre. N'importe, la fortune est ma meilleure amie, et comme je reconnais toutes les obligations que je lui ai, j'espère qu'elle ne me traitera pas comme cet Athénien qui voulut prendre tout le mérite de ce qu'elle lui avait fait faire en une certaine occasion, mais qui, dès ce moment-là, ne prit plus de villes. Le fait est que cette reine des déesses m'a jusqu'ici tiré de bien des mauvais pas, et j'espère qu'elle me dirigera encore dans cette circonstance difficile, puisque je lui en laisse tout l'honneur.

»Maintenant parlons de vous. Votre article sur *** est parfait; il ne faut pas quitter les fonctions de critique: par Jupiter, je crois que vous réussirez à tout. Il y a de l'esprit, du goût, de la gaité et de la sévérité cependant dans chaque ligne de cet article. ..........................

»Que vous soyez l'un des rédacteurs de la Revue d'Édimbourg, que je sois votre ami, que Jeffrey le soit et à un tel point de nous deux; voilà des événemens qui n'ont pas été calculés par M… Comment l'appelez-vous donc, l'auteur de l'Essai sur les probabilités?

»Mais, Tom, voilà que Scott vous menace d'un Lord des Iles! Vous hâterez-vous de paraître avant lui, ou bien attendrez-vous que cette tempête soit venue briser les étalages des libraires?.. mauvaise métaphore. Vous ne devriez craindre personne; mais votre modestie est aussi déplacée et aussi déplaisante que celle de ***. Je suis de très-bonne heure, et viens cependant d'écrire une élégie sur la mort de sir P. Parker. C'était mon cousin-germain, mais je ne l'avais pas vu depuis mon enfance. Nos parens m'en ont prié; je l'ai écrite et remise à Perry, qui demain la fera paraître dans le Morning-Chronicle. Je le regrette justement comme quelqu'un qu'on n'a pas vu depuis l'enfance, et certes je n'eusse pas songé à le pleurer en vers sans la demande pressante de ses amis.

»J'espère quitter Londres et aller me marier, mais je passerai par Newsteadt; il faut que vous veniez à ma rencontre à Nottingham, et que vous m'accompagniez dans mon abbaye. Je vous dirai le jour quand je le saurai.

»Je suis toujours, etc.

»P. S. A propos, ma future a toutes les perfections; je n'entends parler que de ses talens et de ses vertus; on dit aussi qu'elle est fort jolie. On ajoute encore qu'elle aura une grande fortune; mais quelle sera au juste cette fortune? c'est ce que je n'ai pas demandé. Je ne l'ai pas vue depuis dix mois.»

LETTRE CCIV

A M. MOORE

15 octobre 1814.

«Si mon mariage devait amener quelques différences dans mon commerce avec mes amis, surtout avec vous, je ne voudrais plus en entendre parler. Mon homme d'affaires part pour Durham la semaine prochaine; je le suivrai en passant par Newsteadt et vous prenant en chemin. Certes je n'y songeais pas en demandant miss Milbanke; mais il est probable qu'elle se trouvera être un excellent parti. Son père lui donnera et laissera tout ce qu'il pourra; elle a encore de grandes espérances du côté de son oncle, lord Wentworth, qui n'a pas d'enfans, et dont la baronnie reviendra, dit-on, à sa sœur, lady Milbanke. Cela dépendra de sa volonté; mais il paraît bien disposé pour elle. Elle est fille unique, et les biens de son père, quoique les élections lui aient coûté beaucoup, ne laissent pas d'être encore considérables. Il en a placé une partie sur la tête de sa fille; mais s'il les lui donne immédiatement en dot, je l'ignore, quoique je ne sois pas loin de le croire d'après ce qui m'en a été dit. Les gens d'affaires arrangeront cela entre eux. Je tâche de disposer mes propriétés en homme qui va se marier, et je me dispose à partir pour Seaham, voyage que je ferai dans huit ou dix jours.

»Il ne m'était pas entré dans l'idée qu'elle eût de l'inclination pour moi; il paraît cependant qu'il en est quelque chose. Je la croyais aussi très-froide, et il paraît que je me trompais encore en cela; c'est une longue histoire dont je ne veux pas vous fatiguer en ce moment. Quant à ses vertus, etc., etc., je n'ai pas besoin de vous en faire ici le catalogue; vous en entendrez assez parler; car il paraît que, dans tout le nord de l'Angleterre, elle est citée comme un modèle. Il est fort heureux que l'un de nous jouisse d'une pareille réputation, puisque de mon côté je présente un tel déficit sous le rapport de la moralité: tout cela est dû à ma chienne d'étoile, comme le dit le capitaine Tranchemont.

»Vous avez tort de croire que vous n'avez pas parlé assez de moi dans votre article sur T***. Que pouviez-vous ou que deviez-vous en dire de plus? .................. .....................

»Eh! votre ouvrage si long-tems retardé, si impatiemment attendu? Je suis sûr que vous avez peur maintenant du Lord des Iles et de Scott. Faites comme vous voudrez, j'ai dit tout ce que j'avais à dire. Vous ne devriez craindre de comparaison avec qui que ce soit, et l'on serait étonné si l'on vous savait si timide, quoiqu'après tout, cette défiance soit, je crois, la marque la plus assurée du véritable talent. Bonjour, j'espère que nous nous reverrons bientôt: en attendant, je vous écrirai; vous devriez bien venir au-devant de moi à Nottingham? Dites donc oui, je vous en prie.

»P. S. Si cette union est productive, vous en nommerez le premier fruit.»

LETTRE CCV

A M. HENRY DRURY

18 octobre 1814.

Mon Cher Drury,

«Bien des remerciemens pour vos Anecdotes, dont je ne vous avais pas encore accusé réception. Maintenant en voici une qui me concerne; je vais me marier, et je suis accepté depuis un mois. C'est une longue histoire; en conséquence je ne vous en fatiguerai pas: un ancien attachement, et même un attachement réciproque, encore que je ne sache cette dernière circonstance que depuis peu de jours. La triste vie que j'ai presque toujours menée depuis le tems où j'étais votre élève, est cause en partie des retards qu'a éprouvés cette affaire, maintenant arrangée. Nous n'avons plus maintenant à attendre que les arrangemens des hommes de lois, etc.; la semaine prochaine ou la suivante me verra à Seaham, dans le rôle nouveau pour moi d'amoureux reconnu d'une femme à moi. .............. .....................

»J'espère que Hodgson est en bon chemin pour le même voyage; je l'ai vu à Hastings, ainsi que son idole. Je voudrais qu'il se mariât en même tems que moi. J'aimerais à faire la chose en compagnie, comme des gens qui assistent à une séance de physique, tenant tous la même chaîne, et recevant à la fois des mains les uns des autres la même commotion électrique. Je ne lui en ai pas encore fait part. Il prend tout tellement au sérieux, il est si mélancolique, si positif, si formaliste, qu'il y a de quoi nous démonter, nous autres hommes du bel air. … ......................

»On dit qu'on ne doit pas se marier en habit noir. Je n'en veux pas prendre un bleu, cela est trop commun; je déteste un habit bleu!

»Je suis, etc.»

LETTRE CCVI

A M. COWELL

22 octobre 1814.

Mon Cher Cowell,

«Mille remerciemens sincères pour votre lettre obligeante; le pari était de 100 livres sterling à Hawke et 50 à Hay, rien à Kelly, contre une guinée que chacun des deux premiers m'a donnée 132. Je vous serais très-obligé de me reprendre si je commets quelque erreur en établissant ainsi ce pari, et de communiquer à Hodgson tout ce que vous vous rappelez à ce sujet. Il y a quelque tems, M*** m'a réclamé l'argent d'un pari que je n'ai jamais fait; je n'ai pas, bien entendu, voulu payer, et depuis je n'en ai plus entendu parler. C'est pour prévenir de pareils désagrémens que je vous prie de vouloir vous rappeler comme les choses se sont passées, et de dire à Hodgson ce que votre mémoire vous fournit à cet égard.

Note 132: (retour) Contre ces 2 guinées, Lord Byron s'était engagé à leur payer, à l'un 100 et à l'autre 50 guinées, s'il se mariait jamais.

»J'espère vous voir bientôt en passant par Cambridge. Mes complimens à Hodgson. Croyez-moi toujours votre, etc.»

BYRON.

Peu après la date de cette lettre, Lord Byron alla à Cambridge voter en faveur de M. Clarke, candidat du collége de la Trinité, pour la place de professeur fondée par sir Busick Harwood. Dans cette circonstance, il se passa un fait qui ne put manquer de le flatter beaucoup. Au moment où il remettait son vote au vice-chancelier de l'université dans la chambre du sénat 133, les élèves non gradués placés dans la galerie se hasardèrent à témoigner leur admiration pour lui par un murmure d'applaudissement et un trépignement général de pieds. Ce manque de décorum fut cause que le vice-chancelier fit immédiatement évacuer la galerie.

Note 133: (retour) Sans l'erreur dans laquelle est tombé le traducteur précèdent, nous ne nous serions pas avisé de faire observer qu'il ne s'agit pas ici de la Chambre des Pairs d'Angleterre, mais tout simplement de la grande salle du collége, de la salle des actes, comme on l'appelait autrefois dans nos colléges. On nomme le sénat, dans un collége anglais, la réunion des maîtres et des élèves en grade, ce qui équivaut à nos sergens et caporaux, et à nos chefs dans les colléges royaux et communaux. Ces élèves en grade sont appelés concurremment avec les maîtres à juger et à punir, entre autres, toutes les fautes déshonorantes pour l'établissement.(N. du Tr.)

Appelé à Londres par mes affaires, au commencement de décembre, j'eus occasion de jouir souvent de la société de Lord Byron, et d'observer l'état de son ame et de ses sentimens à la veille du grand changement qui allait s'opérer dans sa destinée. Mais je vis avec peine qu'il fallait renoncer aux espérances que j'avais formées, et que le mariage ne devait pas le ramener à un genre de vie plus régulier, et par conséquent plus heureux. En même tems se réveillèrent en moi les doutes que j'avais souvent entretenus, qu'il fût jamais fait pour le mariage. J'eus des craintes dès-lors pour le bonheur du reste de ses jours, et les événemens déplorables qui suivirent ne les ont que trop réalisées.

D'abord, je crois que rarement les hommes d'un génie extraordinaire sont susceptibles de ces affections calmes, de ces jouissances paisibles qui font le charme de la vie domestique; je ne sais même s'ils le sont jamais. «Un malheur des grands génies, dit Pope, c'est que leurs amis eux-mêmes sont plus disposés à les admirer qu'à les aimer.» Cette règle admet sans doute des exceptions, et Lord Byron en était une: j'en ai une preuve irrécusable dans les sentimens personnels qu'il m'avait inspirés. Mais peut-être ne serait-il pas difficile de prouver, par la nature même du génie et de ses travaux, que tel doit être le sort de ceux qui en sont doués à un degré éminent, et que les mêmes qualités qui commandent en eux notre admiration les empêchent de se concilier notre amour.

En effet, l'habitude de l'abstraction et de l'étude de soi, penchant naturel à tous les hommes de génie, est une habitude peu sociale, je dirai même peu aimable. En outre, une des sources principales de sympathie et de société parmi les hommes ordinaires est le besoin réciproque des ressources intellectuelles des uns des autres; or, l'action de ce principe social doit forcément s'affaiblir pour ceux qui possèdent en ce genre des trésors qui leur suffisent, et qui sont assez riches de leur propre fonds pour penser seuls, et se rendre ainsi indépendans du monde externe. C'est ce plaisir luxurieux de la solitude, que Platon appelait s'asseoir au banquet de ses propres pensées, qui conduisit Byron, après Pope, à préférer le silence de son cabinet à la plus agréable conversation. Non-seulement la richesse de leur propre fonds diminue pour les hommes de génie la nécessité du commerce avec les autres hommes, mais elle leur en inspire le dégoût, et la société de ceux que la nature a moins favorisés qu'eux à cet égard leur devient un fardeau et un ennui que l'amour et l'amitié même ont peine à leur faire supporter. «Rien n'est plus ennuyeux,» dit le poète de Vaucluse, pour expliquer la raison qui lui faisait négliger le commerce de quelques-uns de ses meilleurs amis, «rien n'est plus ennuyeux que de vivre avec des gens qui ont moins d'intelligence que nous.»

Mais c'est la culture, c'est l'exercice de l'imagination qui tendent, plus que toute autre chose, à détacher de la vie réelle l'homme de génie. À force de substituer les sensibilités de son imagination à celles de son cœur, il finit par sentir dans un monde qui n'a pas plus de réalité que celui dans lequel il pense. Les images idéales du bon et du beau qui l'entourent dans ses rêveries l'accoutument bientôt à regarder tout ce qui est au-dessous de ce type élevé, comme indigne de ses soins, jusqu'à ce qu'enfin, son cœur se glaçant à mesure que son imagination s'échauffe, il arrive souvent que plus il raffine et embellit sa théorie des affections sociales, moins il se trouve propre à les pratiquer 134. De là vient que souvent, chez des personnes de ce caractère, nous voyons quelque idole brillante, mais artificielle, sortie de leur cerveau, usurper la place des objets réels et naturels de leurs affections. Le Dante abandonna sa femme et ses enfans et passa sa vie errante et agitée à nourrir sa folle passion pour cette Béatrice, être imaginaire, et qu'il a immortalisé. Pétrarque, qui ne put souffrir sa propre fille dans sa maison, dépensa trente-deux ans de poésie et d'affection dans un amour idéal.

Note 134: (retour) La biographie des gens de lettres n'offre que trop d'exemples de ce contraste déplorable entre leurs sentimens et leur conduite, que produit le passage du siége de la sensibilité du cœur à la tête. Alfieri, qui adressait à sa mère des sonnets pleins de tendresse, ne la vit qu'une seule fois, après en avoir été séparé dès l'enfance, quoiqu'il passât fréquemment à peu de milles de sa demeure. Malgré cette grande parade qu'il fit de ses chagrins domestiques, Young fut, à ce qu'il paraît, un époux négligent et un père très-dur. Enfin, «Sterne, pour me servir des propres expressions de Byron, aima mieux faire de la sensiblerie à propos d'un âne mort, que venir au secours d'une mère vivante.»(Note de Moore.)

En effet, il est de la nature et de l'essence même du génie d'être toujours attentivement occupé de soi, comme du grand foyer, du centre générateur de la force; semblable à sœur Rachel du Dante assise tout le jour devant son miroir:

 
Mai non si smagna
Del suo ammiraglio, e siede tutto giorno.
 

Cette faculté de se concentrer en soi-même, qui met seule en jeu toutes les autres facultés du génie, n'a pas naturellement d'ennemis plus redoutables que ces sympathies, ces affections douces qui enlèvent l'ame à elle-même et la portent vers les autres. En conséquence, on trouvera généralement que la plupart de ceux qui se sont sentis appelés à l'immortalité se sont, par une sorte d'instinct, abstenus de former des liens trop resserrés, qu'ils ont négligé ce qui aurait pu les rendre aimables en leur imposant des devoirs importuns, pour se réserver les chances plus hautes et plus hasardeuses d'être grands. En parcourant la vie des hommes qui se sont le plus illustrés dans la poésie, celui de tous les arts où les traits du génie sont peut-être le plus fortement marqués, nous verrons, presque sans aucune exception, que, depuis Homère jusqu'à Byron, ils ont été, quoique dans des degrés différens, des esprits inquiets, amans de la solitude, renfermés en eux-mêmes comme le ver à soie dans sa coque, étrangers ou rebelles aux liens domestiques, portant partout avec eux dans leurs ames un dépôt destiné à la postérité, le gardant, l'enrichissant sans cesse d'un soin jaloux, et lui sacrifiant presque toutes autres pensées, toutes autres considérations 135.

Note 135: (retour) C'est l'opinion de Diderot, dans son paradoxe sur l'art théâtral, que non-seulement dans cet art, mais encore dans tous ceux qu'on appelle d'imitation, une sensibilité réelle est un grand obstacle à la perfection, la sensibilité étant, selon lui, le caractère de la bonté de l'ame et de la médiocrité du génie.(Note de Moore.)

«Pour se livrer à la poésie comme il faut, dit encore Pope, on doit abandonner père et mère et ne s'occuper que d'elle seule.» Dans ce peu de mots est tracé le seul sentier qui conduit le génie à la perfection. Ce n'est qu'à ce prix que l'on acquiert les premières places dans le temple de la renommée; on ne saurait y atteindre sans le sacrifice de l'homme tout entier. Quelque délicieux que soit donc le spectacle de l'homme de génie, apprivoisé, pour ainsi dire, par la société, et portant docilement le joug qu'elle impose, éclairant, sans la troubler, la sphère dans laquelle il se meut, malgré l'admiration qu'il nous inspire, nous ne devons pas perdre de vue que ce n'est pas d'une manière si douce et si facile qu'on a jamais lutté pour l'immortalité et qu'on l'a jamais conquise. Dans de telles circonstances le poète peut avoir de la popularité, il peut être aimable et aimé, il est dans la route qui le mène au bonheur, et les siens avec lui; mais il n'est pas dans celle qui conduit à la grandeur et à la perfection. Il ne porte pas les marques dont la renommée a toujours distingué ses grands martyrs du reste des hommes, et la couronne ne saurait lui appartenir. Il peut briller, captiver le cercle qui l'entoure, et même tous ses contemporains, mais il n'ira pas à la postérité. Lord Byron était, à beaucoup d'égards, une exception remarquable à la peinture générale que nous venons de tracer de cette classe d'êtres supérieurs à laquelle il appartenait. Né avec des affections fortes, des passions ardentes, le monde s'était trop bien emparé de ses sympathies, dès le commencement, pour permettre à son imagination d'usurper entièrement la place de la réalité, soit par rapport à ses sentimens, soit par rapport à leurs objets. En effet, sa vie fut une lutte continuelle entre cet instinct de son génie, qui le ramenait sans cesse en lui-même, et ses passions, son ambition, sa vanité qui le précipitaient de nouveau dans le tourbillon du monde, et le rattachaient à ses intérêts. Bien qu'on puisse dire que le poète eût été plus grand, plus pur, abstractivement parlant, si l'homme eût été moins ardent dans ses goûts et dans ses désirs; c'est pourtant ce mélange, cette lutte du poète et de l'homme qui font que ses ouvrages portent à un si haut degré le cachet de la vie réelle, et qu'à l'exception du seul Shakspeare, on ne trouverait pas un auteur habile autant que lui à prendre tous les tons, à exprimer tous les sentimens tristes ou gais, sublimes ou ridicules, qui peuvent trouver place dans le cœur humain.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
25 июня 2017
Объем:
412 стр. 4 иллюстрации
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Правообладатель:
Public Domain

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