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Читать книгу: «Voyages loin de ma chambre t.2», страница 12

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La Tour en diamants. – Le chêne antédiluvien "La Fille du Tambour-major" à la Gaîté

J’espère que nous aurons meilleur temps aujourd’hui. Il ne faisait pas beau hier à l’Exposition, la pluie avait détrempé toutes les allées et les visiteurs portaient de la boue partout. Le soir, c’est devenu un vrai désastre, au moment où les fontaines lumineuses allaient s’embraser, la pluie a redoublé avec une telle intensité que les plus intrépides ont fui.

Nous avons visité ce jour deux curiosités, l’une toute naturelle, l’autre très artistique.

Un chêne antédiluvien, une tour en diamants.

Cette tour exposée dans la Galerie Georges Petit, 8, rue de Sèze, est une reproduction fidèle de la fameuse tour du Champ de Mars, dont M. Eiffel lui-même a bien voulu donner les plans. Elle mesure un mètre de hauteur et comprend quarante mille diamants du poids de trois mille carats. Sa carcasse est en or recouvert d’argent, dans lequel sont serties les pierres.

L’exactitude de cette reproduction est absolue; rien n’y manque, ni les escaliers intérieurs en or, ni les pilastres en pierres fines, ni les restaurants, ni les ascenseurs, ni les colonnades, ni même les becs de gaz. Enfin, au sommet, il y a le fameux phare électrique et tournant comme l’autre.

M. Martin Posno est l’artiste de grand mérite qui a dirigé la construction de cette pièce unique en joaillerie et vraiment française, qu’on estime plus de 200.000 francs et à laquelle 20 ouvriers ont travaillé 13500 heures. Pourquoi n’est-ce pas à l’Exposition qu’on va admirer ce chef-d’œuvre dont la place était marquée parmi les plus belles choses? Je l’ignore et personne n’a pu m’en dire la raison.

Ici il n’est vu que d’un petit nombre et saura-t-on plus tard qui s’est payé ce joyau?

Le chêne antédiluvien que nous avons été voir dans un bateau ad hoc a été découvert près de Lyon dans le Rhône. Ce mastodonte de l’espèce végétale d’un noir d’ébène pèse 5500 kilogr. mesure 31 mètres de haut et 9 mètres de circonférence à sa base. Il était à côté de deux arbres plus colossaux encore, mais qu’il a été impossible d’extraire de leur lit de vase et d’eau8.

Nous avons rencontré quantité de petites charrettes à bras remplies de meubles. Le 8 octobre est un jour de déménagement pour les modestes loyers. C’est là un de ces tableaux, tableaux qu’on n’oublie pas «le déménagement des petits termes.» Il donne à Paris une physionomie toute particulière ce jour-là. On voit la charrette tirée par le mari, poussée par la femme, suivie par les enfants qui portent, l’un, un oiseau dans sa cage ou un pot de fleurs; l’autre, un objet fragile, le globe d’une pendule antique ou le simple coucou. Les petits portent généralement le balai sur leurs épaules aussi fièrement que s’ils portaient un fusil.

Ajoutons à cela l’arrivée des «Hirondelles d’hiver», c’est ainsi qu’on appelle les petits ramoneurs, et celle des marrons grillés, «marrons de Lyon, châtaignes de Redon», qui s’établissent aux carrefours des rues populeuses, hélas! ce sont déjà les avant-coureurs de la froide saison…

La «Fille du Tambour-Major» est une pièce charmante, pleine d’entrain et de patriotisme. L’entrée des troupes françaises à Milan transporte la salle. C’est un défilé saisissant de soldats à pieds, d’artilleurs aux canons, de cavaliers sur leurs chevaux, tout ce monde passe vainqueur, superbe. Uniformes chatoyants, pompons, plumets, galons, panaches; c’est indescriptible. On se sent empoigné, on applaudit, on crie hurra comme si vraiment on se trouvait en présence de la réalité. Le Français s’emballe facilement pour l’armée; les uns appellent cela du chauvinisme, les autres du patriotisme, en tout cas c’est une des bonnes fibres du cœur qu’il est toujours bon de faire vibrer.

Nous irons demain de bonne heure à l’Exposition car outre notre voyage autour du monde que nous voulons continuer, nous avons des billets pour assister à une séance d’orgue au Palais du Trocadéro.

Mercredi, 9 Octobre 1889.

L’Exposition. – Europe, Angleterre et Russie

Nous commençons par la Grande-Bretagne, la reine des mers que l’on pourrait aussi appeler, après la France toutefois, la reine de l’Exposition.

On la retrouve partout, elle nous montre ses colonies dans des pavillons et des palais spéciaux et les exposants se présentent au nombre respectable de 1600, chiffre que n’a atteint aucun pays. Comme on le voit, les Anglais «ce peuple amphibie qui gouverne la terre par la mer», ont tenu à prendre une large part à notre Exposition que les uns appellent la plus magnifique foire de l’univers et les autres les marchés aux idées nouvelles.

L’Angleterre expose donc une infinité de choses: Ses faïences, ses porcelaines et son argenterie sont remarquables; également superbes les fourrures qui lui viennent de ses colonies. On voit encore beaucoup de vêtements, des étoffes de laine chaudes et moëlleuses, des meubles, tout ce qui fait partie du confort anglais.

Le côté alimentaire n’a pas été négligé par les fils d’Albion qui pourraient s’intituler les pantagruels des temps modernes. J’ai remarqué une statue noire, c’était une Vénus en chocolat, non loin d’un buste d’une blancheur éblouissante; le buste en stéarine de la reine Victoria. L’Angleterre expose aussi une meunerie modèle qui occupe un bâtiment de deux étages. Toutes les opérations se font automatiquement depuis le broyage du grain, jusqu’à la mise en sac de la plus pure farine. La laiterie qu’elle expose est également bien organisée. De jolies vaches d’Ecosse, d’Islande, du Wilhshire offrent aux visiteurs leur blanche liqueur chaude et mousseuse.

Les Indes anglaises se sont bâti un palais des plus brillants; colonnes, galeries, fenêtres jumelées, coupoles, tout cela doit appartenir au style hindou. Il rappelle, dit-on, le type de la tour Outab de Delhi.

Tous les exposants sont de réels Indiens, à commencer par le Maharajah de Mysore.

Pas brillant le Canada, les Canadiens "au cœur français" auraient-ils donc oublié la mère patrie? C’est le cas de répéter le mot d’où lui vient son nom à canada (ici rien). On raconte qu’au commencement du XVIe siècle les Espagnols n’ayant trouvé aucune trace de mines d’or ou d’argent sur les côtes de ce froid pays se retirèrent en répétant a canada (ici rien). C’est ce mot qui répété plus tard par les indigènes fut pris par les Français pour le nom véritable de cette contrée; qui l’a gardé depuis.

La Nouvelle Zélande a orné son Exposition de grandes peintures murales résumant les trois principales occupations de cette colonie; les vendanges, la chasse aux animaux et la chasse… à l’or, au milieu une immense carte. La chose la plus curieuse de cette exposition est un portique très décoratif en briques dorées dont le volume représente tout son or extrait jusqu’ici!

L’île de Ceylan ne m’a rien dit, on y vend à boire; la colonie de Victoria non plus, on y peut déguster à son aise tous les vins australiens dont on fait l’éloge… Mais cela ne m’intéresse pas. Toute différente pour moi l’exposition du cap de Bonne-Espérance.

On ne s’arrête guère à regarder l’architecture de son pavillon, c’est l’intérieur qui vous éblouit, il est rempli de diamants, c’est inimaginable. Là vous avez l’illusion complète d’une visite aux mines de diamant. Nous sommes arrivées juste à temps pour assister au lavage de la terre diamantifère qui a lieu tous les jours de 3 à 5 heures avec explications, nous avons vu le triage, la taille et le polissage.

Un immense coffre-fort transparent qu’un ingénieux mécanisme permet d’éclairer le soir à la lumière électrique contient pour plusieurs millions de pierres brutes. Au milieu de cette collection brille le plus gros diamant du monde, on l’a trouvé il y a quelques mois à peine dans les mines de Beers, il pèse 482 carats.

J’ai trouvé fort agréable l’audition d’orgue à laquelle nous avons assisté, grande et belle musique, morceaux de savante facture.

Voici le programme:

L’orgue est un instrument magnifique d’une puissance de sons extraordinaire surtout quand il est manié par des maîtres qui s’appellent Charles Widor, Théodore Dubois, Alexandre Guilmant. On n’entend pas seulement de la musique au palais du Trocadéro, on y entend aussi beaucoup de discours et de conférences. Il est phylloxéré de congrès: congrès géodésique, congrès de l’hypnotisme, du magnétisme humain appliqué à la guérison des maladies, congrès de physiologie, congrès des poids et mesures, congrès du repos dominical, congrès des chemins de fer, etc., etc.

Après la reine des Mers, le colosse du Nord; cinq cents exposants le représentent ici. La façade de la section russe est magnifique, l’architecte a eu l’heureuse idée de reproduire les plus beaux monuments du style byzantin de Moscou, le mur du Kremlin, les fenêtres du palais de Tehrem, les tours de la cathédrale de Wassili-Lajenij, le clocher d’Ivan le Terrible, la tour Soukareff. L’intérieur a un aspect gai orné de couleurs vives où le rouge et le bleu dominent. Au fond un énorme écusson représente Saint Georges terrassant le dragon. La Russie est encore une nation neuve, mais son développement commercial et industriel prend depuis quelques années des proportions colossales – les arts suivent la même marche ascendante et la Russie devient un grand peuple, comme elle est déjà un grand pays. A moins d’avoir un calepin en main et de prendre des notes, il est impossible d’énumérer tout ce qu’elle expose.

Les fourrures par leur nombre et leur beauté tiennent une place considérable; elles font rêver aux belles élégantes enfouies l’hiver dans leurs manteaux de zibeline, aux riches boyards qui s’achètent couramment une pelisse en renard bleu dans les prix de vingt à trente mille francs.

L’orfèvrerie est remarquable particulièrement les bijoux de style byzantin les objets nickelés et filigranés; très jolies aussi les broderies au point russe qui est tout simplement notre point de marque, point facile qui va certainement se généraliser et devenir à la mode.

Voilà encore des dentelles, des costumes, des tapis en soie de chèvres, des étoffes en duvet de cygne, des tableaux religieux en véritables pierres précieuses des Monts Ourals, de la vaisselle en bois verni inaltérable à l’usage, etc.

Jeudi 10 Octobre 1889.

Famosa Corrida à la gran plaza (cirque) di Toros, rue Pergolèse

Eh bien, là, franchement, les combats où plutôt les courses de taureaux ne sauraient m’amuser longtemps une fois suffit comme pour Buffalo et puis pas bon marché ce spectacle vingt francs les bonnes places. Les gens qui se passionnent pour ce genre d’exercice vont sans doute y chercher les émotions fortes que donne la lutte quand il y a aussi danger pour l’homme et que le taureau doit être mis à mort; mais ici rien de cela, c’est un simulacre, cheval et cavalier peuvent quelquefois recevoir un coup de corne, mais c’est rare.

L’arène est entourée d’une palissade tout le long de laquelle règne une saillie en bois, une espèce de marche, qui sert à l’homme poursuivi, de point d’appui pour franchir la palissade et se sauver dans l’étroit corridor qui sépare l’arène des gradins.

Je ne puis m’empêcher de reproduire ici le passage d’un article de journal qui traduit parfaitement ma pensée.

«Tous ces personnages se prennent au sérieux et finissent par se croire le Cid en personne, ainsi que le faisait si bien remarquer un de mes confrères qui n’est pas plus que moi partisan de cette sorte de distraction, tout cela fait pitié et il faut n’y voir qu’une exhibition du cabotinage poussé à ses extrêmes limites.

On objecte que le toréador joue sa vie. Qu’importe! autant il est méritoire et héroïque de la risquer pour porter secours à son semblable dans un incendie ou dans un naufrage, autant il est bête et blâmable de la risquer inutilement en affrontant les cornes d’un taureau qui, en se défendant, essaiera de crever le ventre soit du cheval, soit du toréador.

En Espagne, les assistants sont pris de délire lorsque le sang coule. Comme cela est beau, en effet de voir un taureau tué d’un coup d’épée, ou un cheval éventré laissant tomber ses entrailles dans l’arène. De tels spectacles sont faits pour ces peuplades sauvages de l’Afrique, ou des roitelets s’amusent à jouer avec des têtes, avec le même sang-froid que nous jouons avec des quilles.

Et cependant, il y a des gens parfaitement civilisés, de mœurs douces et doués d’une grande intelligence qui se sont pâmés devant des courses de taureaux. Il faut citer Alexandre Dumas et Théophile Gautier, qui les ont décrites avec un enthousiasme égalant celui qu’ils éprouvaient à la Comédie-Française en écoutant les chefs-d’œuvre du grand répertoire.

Je reviens à la représentation: Tout a parfaitement marché, l’orchestre, les quadrilles, le défilé superbe où l’on voit paraître dans leur costume chatoyant les torreros, les caballeros, les picadores qui combattent à cheval armés de leurs longues lances et les chulos à pied.

Nous avons vu figurer sur le programme les épées les plus célèbres, les prima spadas d’Espagne. Ces jeunes toréadors jouent avec les taureaux comme avec des moutons. On suit aussi les passes du manteau, la pose des bandrilles, mais le plus beau moment c’est lorsqu’armés de la muletta ils amènent la bête où ils veulent et feignent de la mettre à mort puisque cela n’est pas permis en France.

Les chulos harcellent le taureau en agitant leur grand manteau d’étoffe pourpre, banderillos, caballeros, picadores lancent sans pitié sur le pauvre animal des banderolles multicolores qui munies d’une pointe de fer se piquent et s’enfoncent dans la peau, rien de plus original que de voir le taureau courant, mugissant, combattant avec sa douzaine de banderolles sur le dos, du reste le combat est bien inégal, le taureau les cornes emboulées pour atténuer les coups qu’il peut porter reçoit l’attaque de ses adversaires qui eux ne ménagent pas leurs coups.

S’ils se sentent poursuivis de trop près, les picadores ont plusieurs moyens d’échapper au danger, d’abord les chulos qui sont là pour faire diversion, dérouter le taureau, le défiler à leur tour en lui jetant le gant ou plutôt le manteau.

Si le taureau indifférent à leur provocation continue de poursuivre le picadore, celui-ci prend le parti héroïque de s’élancer vers la palissade qu’il franchit d’un bond abandonnant comme Joseph de biblique mémoire son manteau qu’il jette au nez de son ennemi, celui-ci s’arrête surpris et s’acharne sur cette masse de plis flottants, qu’il déchire du sabot et des cornes, pendant que le picadore à l’abri regarde tranquillement passer sa colère. Chaque taureau paraît à son tour et combat seul. On l’agace, on l’excite, on le blesse parfois, enfin il entre en fureur et alors on l’applaudit: «bravo toro»; mais s’il est de trop bonne composition que rien ne l’irrite et qu’il s’accule dans un coin le regard vague, ennuyé, rêvant peut-être à sa liberté dans les plaines herbacées, oh! alors le public s’impatiente et crie: à bas! à bas! à mort! comme si l’animal pouvait comprendre l’injure.

La semaine dernière un taureau s’était montré magnifique d’emportement, joutant rudement contre les hommes et les chevaux, le toréador stimulé à son tour se montrait d’une témérité inouîe. Un jeune Madrilène qui assistait à la représentation, saisit d’enthousiasme, a failli jeter au héros de cette lutte toute sa toilette.

Son chapeau, ses jumelles, son jonc à pomme d’or, son mouchoir parfumé, ses gants, son habit et son gilet auquel pendait un magnifique chronomètre, jonchaient l’arène.

On a craint un instant que ce fanatique se jetât lui-même en signe de satisfaction. On a dit que ses vêtements lui avaient été rendus. J’espère que le chronomètre est resté dans la poche du gilet.

Très originale la manière dont le taureau s’en va; libre et furieux, il serait difficile à prendre, comment s’en débarrasser?

On voit paraître six, huit, dix bœufs qui ont été habitués à faire plusieurs fois de suite le tour de la piste, bientôt le taureau se mêle à cette bande, la suit et disparaît avec elle.

Cette course de bœufs, dressés à chercher leur congénère pour le ramener au toril est fort amusante. On regarde cela tranquille sans appréhension.

C’est un moment d’accalmie pour tout le monde, bêtes et gens.

La course à laquelle nous avons assisté a été des plus émouvante, un peu trop pour mon goût, dix mille personnes y assistaient. Les taureaux très braves ont culbuté plusieurs fois chevaux et picadores. L’émotion du public était à son comble.

On attend encore d’Espagne une cinquantaine de taureaux de combat, curieux train de chemin de fer que celui qui transporte ces animaux voyageant isolé chacun dans son petit appartement, une immense et solide boîte.

Il y a des jours où la recette dépasse ici cent mille francs; voilà un chiffre qui fait rêver et qui me semble un fâcheux pronostic pour l’avenir, car il est à craindre qu’après le simulacre qui obtient tant de succès, on arrive au vrai combat plein d’imprévu et souvent d’accidents. Espérons que les Français ne se passionneront pas pour les exercices tauromachiques et que ce spectacle, voir éventrer des chevaux et daguer des taureaux qui se sont d’abord rués sur les hommes, restera l’amusement favori et national des Espagnols.

Nous sommes sorties du cirque par une pluie diluvienne, ce qui a contribué encore à refroidir mon enthousiasme, toutes les voitures prises, tous les omnibus envahis; attendre! attendre! Patience! c’est le grand mot à Paris et nous avons attendu une heure. Nous étions parties gaîment, mais comme l’a écrit un profond philosophe:

 
«On rit aux arrivées
Et l’on pleure aux départs».
 
Vendredi, 11 Octobre 1889.

Exposition l’Autriche-Hongrie, la Belgique, la Hollande

La section Austro-Hongroise est ornée à l’intérieur, de cartouches portant le nom des principales villes de ce royaume très civilisé et riche en industries de tous genres.

Son exposition de bijoux m’a frappée; l’Autriche possède sans doute des mines de grenat car elle présente des vitrines entières de bijoux qui ne sont absolument composés que de cette pierre taillée et montée de toutes les façons; l’Autriche se fait donc remarquer par ses bijoux de grenat qui ont leur cachet propre comme les coraux, les camées et les mosaïques d’Italie.

On voit aussi quantité de bibelots variés en porcelaine, les plus drôles sont la série des bonshommes branlant la tête au moindre frôlement, mais je crois que ce genre est redevenu jeune à force d’être vieux.

Je me souviens avoir vu dans mon enfance des magots de ce genre là, qui remuaient leur chef à perpétuité et même vous tiraient la langue.

Par exemple ce qui est vraiment beau c’est la cristallerie de Bohême qui ne craint aucune concurrence.

La petite Belgique peut marcher de pair avec les plus grandes nations, elle expose dans toutes les classes.

Les dentelles, la verrerie, les faïences, la draperie, les tapisseries sont les principales spécialités qui font la réputation de l’industrie belge.

La dentelle en est sans contredit la plus ancienne.

Tous les genres de dentelles véritables s’y fabriquent aujourd’hui; telles sont les dentelles connues sous le nom de Valenciennes, Malines, Flandres, application de Bruxelles, Duchesse, torchons, points gaze, Burano, Venise et autres points qui se font à l’aiguille et celles qui s’exécutent à l’aide de fuseaux. Les dentelles aux fuseaux se fabriquent généralement dans les Flandres, sur un petit métier portatif; quant à la dentelle à l’aiguille, elle se fait au moyen d’une simple aiguille et d’un morceau de parchemin retraçant le dessin.

Depuis 1878, les fabricants belges ont fait de grands progrès dans leurs dessins et beaucoup de leurs produits ont un caractère très artistique; on peut, en effet, voir cette fois des panneaux et de petits tableaux exécutés comme en peinture par des dentellières qui n’ont à leur disposition pour produire les ombres et les effets que la différence de grosseur de leur fil ou de leur soie.

La pièce principale de l’Exposition de dentelles est un grand voile de mariée Louis XVI, en point à l’aiguille, de trois mètres de long sur deux mètres de large. Des fleurs en forment le motif; ce voile se compose de trois cent cinquante morceaux et il a fallu plus de deux ans pour l’exécuter. Son prix est de neuf mille francs.

Dans le même genre, il convient de citer des robes, des nappes d’autel, des mouchoirs et des éventails qui font l’admiration des visiteuses.

Charmantes les dentellières flamandes travaillant sous les yeux du public.

L’éloge de la verrerie de Charleroi n’est plus à faire. Dans son exposition remarquable, elle expose des glaces magnifiques qui peuvent rivaliser avec celles de Saint-Gobain. Mêmes compliments aux porcelainiers et faïenciers, tout ce qu’ils exposent est ravissant.

La manufacture royale de tapisseries de Malines nous montre quatre panneaux qui peuvent soutenir la comparaison avec les plus beaux produits des Gobelins. L’une de ces tapisseries appartient au Sénat belge; en voici la légende:

«Le 3 avril 1566 les gentilshommes confédérés remettent à Marguerite de Parme, au palais de Bruxelles, une requête par laquelle ils réclament la liberté de conscience.»

Les ébénistes belges sont également des artistes, tous leurs meubles sont frappés au bon coin de l’originalité.

Une chose fort curieuse encore c’est le plan complet du port d’Anvers; cette miniature permet de comprendre d’un coup d’œil l’importance de ce port gigantesque.

La Hollande tient un bon rang. Ce petit pays qui n’a pas quatre millions d’habitants, mais qui en compte vingt avec ses colonies, est fort intéressant à étudier. Sa façade construite dans le style de la Renaissance néerlandaise, se compose d’une large porte et de quatre baies symétriques en plein cintre, ornées de draperies.

La Hollande est une nation active, industrieuse, intelligente. Ses toiles incomparables, ses velours d’Utrech, ses faïences de Delft justifient leur vieille renommée.

Très belle l’exposition de la manufacture royale d’Eventer dont certains tapis ont jusqu’à dix centimètres d’épaisseur.

Les Hollandais "ces rouliers des mers" comme on les appelait jadis étaient alors renommés dans le monde entier comme constructeurs de navires. A remarquer aussi les cartes, plans, dessins techniques de ports, de digues, de ponts, de canaux, ces canaux qui servent de rues dans les villes et de routes dans les campagnes, et qui prouvent que les Hollandais sont des ingénieurs hors ligne.

Leur pays est une conquête, un empiètement fait sur la mer. Ils ont accompli des travaux prodigieux pour faire une terre riche, fertile de ce pays de polders (marais, aux côtes semées d’îlots). Amsterdam seulement, cette Venise du Nord, compte quatre-vingt-dix îlots reliés par trois cents ponts; elle est entièrement bâtie sur pilotis – en sorte que si l’on pouvait retourner cette cité, elle présenterait l’étonnant spectacle d’une immense forêt dépouillée de feuillages. – Oui, ce pays entièrement plat, quelquefois au-dessous du niveau de la mer, n’est défendu contre les inondations de l’Océan que par un ensemble admirable de digues et un système de canalisation qui donne aux eaux leur libre cours. On peut donc dire que les Hollandais sont en lutte perpétuelle avec l’élément liquide. L’Océan est leur ennemi intime en temps de paix, mais en temps de guerre il devient leur meilleur ami. Les habitants ouvrent les digues et submergent les envahisseurs. Cependant un jour il advint que grâce à la glace la cavalerie française y fit une prouesse dont le souvenir reste dans l’histoire.

La Hollande présente aussi une taillerie de diamants évaluée à deux millions.

Voilà la table où les pierres sont d’abord coupées, puis taillées grossièrement; la taille s’achève à l’aide de meules disposées autour des tables, ces meules sont mues par un moteur à gaz. Une meule ancienne qui marchait à l’aide du pied permet de juger des perfectionnements mis au service du lapidaire.

Récemment encore, Amsterdam était la seule ville du monde où se fit la taille régulière du diamant: elle a maintenant Paris pour rivale en cette industrie très spéciale; mais les ouvriers hollandais, tailleurs de diamants, d’origine portugaise, sont restés les maîtres de cet art délicat où il faut autant de tour de main que de probité.

Les colonies hollandaises font honneur à la mère patrie: étoffes indiennes de tous genres, trophées d’armes et d’instruments de musique, objets richement incrustés, vases en matière précieuse.

Le vaste empire batave est là tout entier.

Autre curiosité très pittoresque et très couleur locale: c’est le village javanais (Kampong). Soixante personnes de la peuplade des Prangers sont là, nous initiant à la vie que mènent vingt millions d’êtres humains. Toutes les cabanes, à commencer par celle du chef, sont en bambou, élevées sur pilotis pour protéger les habitants contre les attaques des fauves. Ici, ce sont des chapeliers tressant d’immenses chapeaux en bambous, là, une vieille Javanaise fait la cuisine au riz. Les femmes très peu vêtues ont les cheveux huilés et les joues fardées; tout cela est d’une couleur locale et d’un pittoresque saisissant.

Le théâtre achève de nous transporter dans un autre monde: l’orchestre, composé d’un violoncelle primitif, de xilophones et de jeux de cloches, de gongs de différents calibres fait danser des bayadères, des almées très authentiques et qu’on a eu mille peines à obtenir du Prince de Pranger qui ne voulait pas les laisser partir de son harem. Elles apparaissent vêtues de bijoux et d’étoffes superbes, un carquois sur l’épaule et une auréole de plumes autour de la tête. Leurs poses sont langoureuses, leurs danses ont beaucoup de charmes. Elles tournent lentement et longtemps. C’est un spectacle étrange pendant lequel on se croit bien loin de Paris.

Nous songeons à aller demain samedi et le mardi suivant à l’Opéra-Comique voir Carmen et Sigurd, deux opéras que je tiens à entendre pendant mon séjour; nos places sont retenues: deux fauteuils d’orchestre au premier rang.

Samedi, 12 Octobre 1889.
8.J’ai lu depuis dans un journal cet entrefilet:
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
11 августа 2017
Объем:
300 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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