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Читать книгу: «Voyages loin de ma chambre t.2», страница 10

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Mot de la Fin

M. Eiffel – comme une dame bien connue – monte à sa tour: il est accompagné de son ingénieur. A une certaine hauteur, il veut prendre des points de repère, mais ni lui ni son compagnon n’ont apporté, pour cette opération, la chose essentielle… un mètre.

L’ingénieur descend immédiatement pour se munir de l’instrument indispensable.

On demande à quelle hauteur ils étaient montés l’un et l’autre?

A… deux sans mètre.

Savez-vous où M. Eiffel se trouvait lorsque son ingénieur l’a rejoint?

– ???

Assis sans mètre.

Mercredi 2 octobre 1889.

Parc Monceau. – Buttes Chaumont
Parc Montsouris

Nous avons fait aujourd’hui la visite projetée au parc Monceau, aux Buttes Chaumont et au parc Montsouris. Promenades charmantes, oasis délicieuses, dans cet infernal Paris où l’on ne connaît ni le calme ni la sécurité. Les enfants et les vieillards qui ont si grand besoin d’air pur et de soleil les trouvent ici dans l’espace et le repos, le poète et le savant peuvent également lire, rêver, promener dans une quiétude parfaite loin de ces rues tumultueuses où l’on craint sans cesse d’être bousculé, volé, écrasé; où l’on va, vient, s’agite dans un perpétuel qui-vive.

«Pages, laquais, voleurs de nuit, carrosses, chevaux et grand bruit, voilà Paris». C’est Scarron qui disait cela de son temps. Ciel! que dirait-il du nôtre! J’avoue humblement mon incapacité à me tirer d’affaire. Je ne suis point débrouillarde. Je me sens toute ahurie par le bruit et très effarouchée de tant de voitures et de piétons.

Le parc Monceau est l’œuvre de Philippe d’Orléans. Louis-Philippe l’affectionnait aussi beaucoup. Une cascade, des statues de marbre et de bronze l’embellissent encore. Son principal ornement est ce qu’on appelle la Naumachie, colonnade de style corinthien, imitant une belle ruine debout au bord d’une pièce d’eau. Le parc des Buttes Chaumont, trois fois plus grand au moins que le parc Monceau, est très accidenté, très pittoresque: ces mouvements de terrain s’expliquent lorsqu’on sait que ces grands espaces sont de vieilles carrières de plâtre abandonnées, converties en jardin. Les Buttes Chaumont ont aussi elles une grotte, des cascades, un lac d’où s’élance un immense rocher de cent mètres de hauteur, surmonté d’un temple, et un joli pont qui surplombe le lac; c’est dans ce lieu si fleuri et si charmant que se trouvait autrefois le gibet de Montfaucon. Antithêses et contrastes, la vie en est faite, le monde en est plein!

Il faut aller chercher fort loin aussi, derrière l’Observatoire, le parc de Montsouris. Grandes pelouses verdoyantes, ombrages épais, allées unies, sablées et larges comme des grandes routes, vaste pièce d’eau où s’ébattent des familles de canards, de cygnes, d’oies, tel est son ensemble. Ses principaux ornements sont une pyramide élevée à la mémoire de la mission Flatters, massacrée par les Touaregs en 1881, et la reproduction du Bardo, palais du bey de Tunis, qui figura à l’Exposition universelle de 1867, et qui sert d’observatoire météorologique.

Peu de statues, l’une pourtant m’a frappée par son extrême laideur. J’ai demandé quel était ce personnage aussi affreux qu’illustre, après bien des informations, j’ai appris que c’était l’ami du peuple, Marat! Mon Dieu oui, voilà les grands hommes qu’on glorifie aujourd’hui et qu’on offre du même coup à l’admiration et à l’imitation des générations nouvelles. C’est un choix heureux, mes félicitations aux édiles parisiens, comme à l’artiste Baffier qui a su s’inspirer d’un être aussi hideux au physique qu’au moral. J’aimerais à voir à côté de lui Charlotte Corday «l’ange de l’assassinat», suivant l’expression de Lamartine dans les Girondins, mais il est là, tout seul… avec son déshonneur. Il paraît que c’est en 1883 que le conseil municipal commanda cette œuvre d’art, d’un placement difficile, on ne savait où l’ériger. On a trouvé charmant de l’utiliser au parc Montsouris. Cette statue ne passe pas inaperçue, mais le public qui se promène ignore bien certainement son nom.

La statuomanie est à son comble; est-ce donc pour honorer le crime et le vice qu’on élève des statues? C’est l’athéisme qui invente tout cela. Ayant décrété que Dieu là-haut n’existe pas, il déifie l’homme pour le faire Dieu ici-bas; et tous les petits pigmées rêvent d’avoir une grande statue. C’est ainsi qu’agissaient les Athéniens de la décadence; ils s’envoyaient leurs bustes commandés par douzaines, comme nous nous envoyons nos photographies. Et voilà pourquoi le sol de la Grèce est pavé de statues. M. Paul de Cassagnac a raconté des choses charmantes à ce sujet.

«Souvenez-vous, dit-il, de l’histoire édifiante de Démétrius de Phalères, qui, vers ce temps-là, consacrait son talent, sa vertu, son génie à relever sa patrie ruinée, abaissée par la domination Macédonienne.

Les Athéniens, reconnaissants et enthousiasmés, lui élevèrent de son vivant, sous ses yeux, trois cents statues de bronze, pas une de plus, pas une de moins.

Mais peu de jours après, le fils d’Antigone, celui qui fut surnommé Poliorcète, le preneur de villes, s’empara d’Athènes, chassant Démétrius, et séance tenante les Athéniens, oublieux des services fraichement rendus, brisèrent les trois cents statues de bronze, et élevèrent à Poliorcète autant de statues en or.

Puis, à quelque temps de là, Poliorcète était battu près d’Ipsus, et un Athénien avisé, plein d’expérience et d’économie, proposa de ne plus renverser, en entier, les statues élevées aux hommes qu’avait trahis la fortune, et de se contenter de changer les têtes, les corps pouvant continuer de servir pour tout le monde, indistinctement et successivement.

Voilà une ingénieuse idée que les Français pourront mettre un jour en pratique, pour moi, je ne verrais aucun inconvénient à mettre la tête d’un honnête homme sur les épaules de Marat.

Jeudi, 3 Octobre 1889.

Repos complet. – Les Voitures à Paris

J’ai mis un peu d’ordre dans mon journal pendant que ma cousine recevait des visites, le jeudi est son jour.

Le soir je suis restée au salon; nos soirées, même lorsque nous ne sortons pas, sont toujours bien employées. Coupé par la causerie, la musique et les cartes, le temps passe vite. D’ailleurs, les Parisiens ne trouvent jamais qu’ils veillent trop tard. Le whist est paraît-il un jeu empoignant, mais il me semble que c’est aussi un jeu où l’on s’empoigne. Autrefois il se jouait avec quatre personnes puis on s’est réduit à trois. Aujourd’hui à l’aide de combinaisons savantes on peut le jouer à deux. Quand on aura inventé le moyen de le jouer seul, je me mettrai à l’apprendre, car je le répète, ce jeu ne me paraît pas fait pour adoucir les caractères.

Pendant que les robs se succédaient sans interruption, j’ai causé avec un vieux savant qui ne se prodigue pas et passe généralement ses soirées dans son cabinet de travail en tête-à-tête avec lui-même. Mais non, que dis-je! il n’est jamais seul il l’affirme du moins: la science est sa maîtresse favorite et les livres ses meilleurs amis. Il m’a fort intéressée. A un moment, comme je me plaignais du brouhaha de Paris:

«Que vous avez donc raison, m’a-t-il répondu, et que nous sommes loin du temps – c’était sous François Ier– où il n’y avait à Paris que deux carrosses: celui de la Reine et celui de la belle Diane.

Sous Henri IV, il n’y en avait même plus qu’un, le Roi s’en privait quand la Reine en avait besoin. Les rois voyageaient à cheval, les princesses allaient en litière et les dames en trousse derrière leurs cavaliers. C’était charmant: pas d’écrasés et jamais de réclamations. Une des clauses insérées au bail que passait aux fermiers de sa terre, près Paris, Gilles Lemaître, premier président du Parlement sous Henri II, était qu’aux grandes fêtes de l’année et au temps des vendanges, les fermiers lui amèneraient une charrette couverte et de la paille fraîche dedans pour y asseoir sa femme et sa fille, et encore qu’ils lui amèneraient un ânon ou une ânesse pour servir de monture à leur chambrière. Ce fut fini ces idylles quand un individu s’avisa d’inventer les voitures de place.

Ce serviteur de la civilisation portait un nom de circonstance: il s’appelait Sauvage, il demeurait rue Saint-Martin, à l’hôtel Saint-Fiacre. Le premier carrosse de louage, le carrosse à cinq sous, n’était pas très confortable. Le fameux dominicain Labat l’a vu et décrit. Il pouvait contenir six personnes; il était délabré et traîné par de pauvres bêtes étiques. Au XVIIe siècle, on ne comptait que trois ou quatre cents carrosses dans la capitale, mais la vogue en prit et Paris cessa d’être habitable.

Ecoutez cette appréciation d’un contemporain:

Les carrosses sont confortables, mais que dire des autres voitures, vinaigrettes, diables, cabriolets, que dire sur la route de Versailles des carrosses appelés «pots-de-chambre», ouverts à tous les vents, où l’on brûle en été, où l’on gèle en hiver? que la poussière vous y étouffe ou que la pluie vous y transperce; le majestueux Carabas est encore pis avec ses six chevaux qui font quatre petites lieues en cinq longues heures.

On connut les accidents. Pour les prévenir on inventa les petites lanternes, ce qui ne servit à rien, les piétons étaient écrasés quand même. Un seigneur étranger traversait avec rapidité, à l’entrée de la nuit une rue étroite, sa voiture légère heurta une borne et se brisa en éclats. Pour comble de malheur, un carrosse qui la suivait, dédaigna de s’arrêter et ses roues passèrent sur le corps d’un cheval de grand prix attelé à la voiture fracassée. Le seigneur s’élança sur le cocher, lui demandant avec fureur pourquoi il ne s’était pas arrêté en voyant un cheval par terre: «Pardonnez-moi, Monseigneur, répondit ce cocher modèle, mais il fait nuit et je l’ai pris pour un homme!»

– Ah! monsieur!..

– Madame, c’est l’exacte vérité et d’ailleurs, c’est cette tradition que les cochers suivent toujours. Non, non. j’admire leur adresse et je m’étonne qu’avec tant de chevaux et de voitures en circulation il n’y ait pas plus d’accidents…

– Quel est le nombre de voitures à Paris, le savez-vous?

– Comment, Madame, vous voulez de la statistique? cela n’intéresse que ceux qui la font…

– Si, cela instruit en passant. Tout le monde n’est pas à même de faire de la statistique et je suis sûre qu’ici, dans ce salon, personne que vous ne pourrait me donner ce renseignement.

– Vous le voulez, soit, mais je parlerai bas, car on se moquerait de moi.

En 1818, il n’y avait à Paris que deux mille neuf cent quarante-huit voitures publiques, n’ayant pour la plupart qu’une place à côté du cocher.

En 1828, les omnibus firent leur première apparition. Il y eut bien vite toutes sortes de concurrences. Mais en 1866, le monopole abusif vint mettre son holà et depuis la population parisienne se plaint sans pouvoir rien changer à cet état de choses.

En 1873, on vit les premiers tramways. Leur développement fut assez lent; mais, aujourd’hui, ils ne comptent pas moins de trois cents kilomètres sur lesquels la traction est variée: chevaux, électricité, vapeur, air comprimé.

Actuellement, il y a à Paris mille quatre cent cinquante-six omnibus, quatorze mille deux cent soixante-sept voitures de place et treize mille voitures bourgeoises; seize mille voitures pour le transport des marchandises; total, quarante-quatre mille voitures».

Et j’ai été très contente de ma conversation avec ce vénérable septuagénaire au crâne dénudé, comme il convient à tout savant qui se respecte.

Décidément, je suis comme le jeune Anacharsis, je m’instruis en voyageant.

Vendredi, 4 Octobre 1889.

La France. – Entrées à l’Exposition

Depuis l’ouverture de l’Exposition jusqu’au 30 septembre, plus de vingt-et-un millions de tikets ont été délivrés aux guichets. Septembre a été le mois des Anglais, cent mille ont traversé la Manche pendant ce mois, mais il en est venu un nombre bien plus considérable. Ces voisins qui ne veulent pas être nos amis sont cependant débarqués en foule chez nous; on en a compté un demi-million. Preuve évidente que si l’Anglais n’aime pas les habitants il apprécie fort le pays.

Nous entreprenons aujourd’hui notre Tour du Monde. Ici ce n’est plus le Tour du Monde en quatre-vingts jours, mais en quatre-vingts heures si l’on veut et même moins. Cela est fort amusant de s’en aller ainsi de pays en pays, de ville en ville, à travers les cinq parties du monde, sans fatigue ni danger, sans guide ni interprète.

A tout seigneur, tout honneur: nous commençons par la France qui, dans toutes les sections, affirme sa supériorité. Elle est chez elle, et il est toujours plus facile de s’installer chez soi que chez les autres. Que de choses à voir et à admirer, cependant je ne saurais parler que de ce qui m’a frappée davantage.

L’exposition somptueuse du mobilier m’a plu excessivement.

Ces ébénistes, ces ornementistes, ces sculpteurs sur bois, ces dessinateurs qui ont su créer tant de formes charmantes et variées, sont de véritables artistes.

«L’industrie française est incomparable dans cette branche de la production nationale.

Depuis la chayère de chêne aux fines dentelures gothiques et la caquetoire dont Henry Estienne disait si plaisamment à propos des Parisiennes de son temps: «Il n’y a pas d’apparence qu’elles aient le bec gelé, pour le moins j’en réponds, puisqu’elles ne se sont pu tenir d’appeler des caquetoires, leurs sièges».

Les meubles modernes ne le cèdent en rien aux meubles anciens; quels ravissants bonheurs du jour, couverts d’incrustations de marqueterie d’une finesse exquise, ce sont des mosaïques des bois les plus rares et les plus précieux.

L’art du tapissier est également poussé aux extrêmes limites. «C’est l’essence même du goût parisien que nous retrouvons ici. Il sait tirer un parti merveilleux des étoffes et tissus de tous genres. Tout ce que la soie, la laine, le fil et le coton peuvent produire, se montre sous les aspects les plus séduisants. Le tapissier parisien drape à ravir, non seulement les lampas, les satins, les damas, mais les plus simples cretonnes, ces tentures si harmonieuses de couleurs, si variées de formes sont tout un poème, le poème séduisant du confort intérieur.

Même succès pour les papiers à tapisser; en entrant on se croit d’abord à une exposition de soieries, velours de Gênes, brocards de Lyon, verdures de Flandres. Ces magnifiques papiers peints jouent si bien l’étofle qu’il faut les toucher pour faire tomber l’illusion, celle-ci disparaît, mais l’admiration reste.

Aujourd’hui, on est arrivé à reproduire jusqu’en vingt-six couleurs les dessins les plus compliqués. L’exposition des cristalleries de Baccarat, de St-Louis, de Choisy-le-Roi m’a vivement intéressée.

Mais celle des glaces de St-Gobain m’a plongée dans la stupéfaction. Je ne me figurais pas qu’on pût arriver à de pareilles dimensions. Il faut voir cela pour y croire.

L’industrie des glaces énormes, comme on les fait maintenant, est toute moderne, mais les miroirs étaient connus des Egyptiens, des Grecs et des Romains, quoiqu’on dise que l’antiquité ne fabriquait que des miroirs en métal poli, le musée de Turin possède des miroirs en verre, trouvés dans des tombeaux égyptiens. Aristote écrit: «Si les métaux et les cailloux doivent être polis pour servir de miroir, le verre et le cristal ont besoin d’être doublés d’une feuille de métal pour reproduire l’image qu’on leur présente».

A son tour, Pline parle des miroirs dans son Histoire naturelle. Après avoir proclamé la renommée immense dont jouit la ville de Sidon en Phénicie, pour les verreries, il ajoute que ce fut dans ce pays que furent inventés les miroirs de verre.

Pendant mille ans, on perd la trace de cette invention. Au Xme siècle, Venise fabrique des miroirs, mais ce n’est qu’au XVIme siècle que cette invention prend de l’importance, et Venise garde si jalousement le monopole de ces glaces limpides, blanches, d’une pureté et d’un éclat incomparable qu’elle décrète qu’elle punira de mort tout ouvrier qui transportera son art dans une ville étrangère.

L’industrie des glaces commença en France l’an 1660, sous Louis XIV, grâce à l’habileté de Colbert qui parvint à déterminer dix ouvriers vénitiens à venir à Paris; ils n’y restèrent pas longtemps et on peut dire que ce fut un Français, Richard de Néhon, très habile verrier de Tour-la-Ville, près Cherbourg, qui établit la première manufacture de glaces en France. En 1691, son neveu, Louis de Néhon, accomplit une véritable révolution dans cette industrie.

Jusque-là, on fabriquait les glaces comme les vitres, c’est-à-dire par le procédé du soufflage, et ce procédé imposait une limite fort restreinte aux dimensions des glaces. Louis de Néhon parvint à obtenir des glaces par la difficile et grandiose opération du coulage, et à partir de ce moment on put fabriquer des plaques de verre de dimensions considérables et d’une épaisseur régulière.

L’exposition de Saint-Gobain n’a pas son égale. Elle tient la première place, non seulement en France, mais dans le monde entier.

La glace principale qu’elle expose et qui bien entendu, ne laisse rien à désirer comme pureté, comme poli, est la plus considérable qui ait été coulée jusqu’à ce jour, elle mesure six mètres de hauteur et quatre mètres onze centimètres de largeur; cela fait une superficie de vingt-six mètres cinquante. Bref, c’est partout l’effort suprême du travail. Chaque spécialiste a envoyé les spécimens les plus perfectionnés de son art, c’est inouï.

Le regard s’arrête stupéfait, croyant toujours que ce qu’il vient de voir est le suprême du genre et quelques pas plus loin il s’aperçoit qu’il s’est trompé et qu’il y a mieux encore.

Les étoffes de soie sont une des supériorités de la France. Lyon et Saint-Etienne s’avancent majestueusement en tête.

Loin de l’amoindrir, les siècles passent en améliorant cette industrie, il y aura bientôt cinq siècles que le premier métier à tisser la soie fut monté à Lyon. Il y a dix ans, Lyon comptait douze mille métiers, aujourd’hui il y en a cent vingt-cinq mille et la valeur des étoffes tissées dépasse quatre cents millions de francs.

Dans le domaine féminin même gloire pour la rubanerie et les fleurs artificielles. La rubanerie de Saint-Etienne depuis six siècles conserve son monopole sur les autres nations. Tous ces jolis rubans, aux nuances si tendres, aux fleurs si fraîches sortent du noir pays du charbon et rapportent peut-être plus que lui: cent millions par an.

Les fleurs artificielles sont extraordinaires de vérité. Les femmes se penchent instinctivement vers elles, comme pour les respirer. Je suis sûre que si on les exposait dehors, les papillons, amants de toutes les fleurs et les scarabées d’or, amoureux de la rose, voltigeraient autour d’elles.

Les petites ouvrières parisiennes ont des mains de fées et je leur trouve beaucoup d’esprit au bout des doigts. Toutes ces fleurs sont d’une fraîcheur, d’une élégance, d’une fidélité de détails et d’une finesse de coloris qui dénotent un véritable talent.

C’est à Paris, qui tiendra toujours le sceptre de l’élégance et du bon goût, que toutes les grandes modistes des pays civilisés viennent faire leurs emplettes.

Après nos désastres, le jour de la signature du traîté de Francfort, le général Grant recevait à la Maison-Blanche. L’indemnité de cinq milliards, imposée par l’Allemagne à la France était le sujet de la conversation. «Les Français ne pourront jamais la payer!» disait-on. Le Président des États-Unis seul se taisait. On lui demanda son opinion. «Les cinq milliards, répondit-il, mais c’est nous qui les paierons. Il suffira à la France de nous envoyer quelques bateaux chargés de rubans et de fleurs».

Et les bijoux. Quel rêve, quelle fascination, c’est un ruissellement de pierreries inoubliable. C’est le pays d’Omphir. Les fleurs qu’on voit ici sont en rubis, saphir, topaze, leurs feuillages, en émeraude, les rochers qui les abritent, en agate et les rivières qui les baignent, en diamant. Dans ma jeunesse, cette éblouissante vision m’eût empêchée de dormir. Il y a là pour cinquante millions de joyaux et de pierreries; jamais exposition n’a présenté une telle profusion de richesses et d’œuvres d’art.

Que de fortunes dorment là dans leurs écrins de velours et de satin. Au centre, une vitrine contient l’un des plus gros diamants qui existent, il pèse cent quatre-vingts carats. Seuls, quatre diamants historiques le dépassent en dimension: le diamant du Rajah de Matan, le Grand Mongol, le Ko-hi-Noor et l’Orloff. Comme pendant à ce diamant, on peut voir une perle invraisemblable de cent soixante-deux grains.

C’est égal, quelle fascination que cet amoncellement de pierres et de perles, il n’y en a pas que là; ce sont des monceaux de diamants qu’on voit dans les tailleries, et aux articles pêche et chasse se trouve une toute petite collection de perles brutes estimée trois millions. On aperçoit se balançant au bout d’un fil une seule perle de soixante-quinze mille francs.

Une autre exposition pleine de charme et d’enchantement encore, c’est celle de la dentelle. La mécanique est arrivée à des prodiges d’imitation. C’est à ne plus savoir discerner comme pour les diamants le vrai du faux, et c’est à vous dégoûter du vrai, puisque le faux est aussi beau et dix fois moins cher. Cependant les vraies, les belles dentelles sont celles faites à la main, soit avec l’aiguille, soit sur le carreau, ou pour mieux dire la pelote où s’enchevêtrent les bâtonnets. Dans cet ordre supérieur, les dentelles du Puy, de Mirecourt, de Bayeux et d’Alençon faites à la main, ces dernières, analogues au vieux Chantilly, sont bien les plus belles. Alençon est resté fidèle au point de France créé sous Colbert; il marche avec le point à l’aiguille en tête de toutes les dentelles et peut rivaliser avec les guipures de Venise, les Malines de Belgique et les points d’Angleterre. Ces dentelles sans doute sont de genre différent, mais immuable chacune dans leur beauté et leur perfection. Deux cent mille ouvrières vivent en France de cette industrie.

Il faut aussi rendre hommage aux brodeuses plus nombreuses encore que les dentellières.

Comme les dentelles, les broderies à la main l’emporteront toujours sur les broderies à la mécanique qui crée cependant des merveilles. Une machine à broder fait plus de cinq cent mille points par jour et remplace ainsi cinquante brodeuses. Elle fait la broderie blanche au plumetis et au crochet, les broderies de couleurs, d’or et d’argent, des ornements d’église, mais elle s’incline devant la tapisserie faite à la main, elle ne peut l’égaler.

La passementerie fait ses preuves depuis longtemps. C’est l’une des industries françaises les plus anciennes; Etienne Boileau a donné une place importante aux Crépiniers ou passementiers dans son livre «des Mestiers du XIIIe Siècle». La pelleterie nous convie aussi à une exposition superbe. La France lutte presque victorieusement avec l’Allemagne et la Russie. Quelles belles fourrures! Quels beaux manteaux elle expose! Cela fait penser à l’hiver, mais non, que dis-je! Le froid ne peut se faire sentir à travers ces poils épais, longs et soyeux; ils sont faits pour vous raccommoder avec les frimas en les éloignant de vous.

L’exposition des jouets est une féerie bien séduisante pour les enfants et même pour les grandes personnes. Certainement, l’esprit s’est mis à la torture pour inventer tant de choses nouvelles et amusantes.

Je pense que les jeux mécaniques sont à leur apogée; je ne vois pas ce qu’on pourrait inventer de plus. Les bateaux marchent tout seuls, les locomotives courent sur les rails, les équilibristes font du trapèze, les jongleurs escamotent leurs muscades, le petit soldat français, toujours guilleret, bat du tambour, Pierrot et Arlequin se battent pour Colombine.

Il y a de beaux théâtres avec décors nombreux et personnages costumés; des ménageries, des arches de Noé contenant tous les animaux de la création.

Ah! que de jolis rôles remplissent tous ces animaux, il y a des ours qui dansent, des chèvres qui jouent du tambourin, des chats qui miaulent, des poules qui gloussent, des vaches qui donnent du lait, des chiens qui tournent après leur queue, des chevaux qui galoppent, il y a des grenouilles qui sautent, des souris qui trottent, des serpents articulés qui font fuir, il y a des singes savants qui jouent du violon en battant la mesure avec la tête, il y a des lions majestueux, des tigres aux crocs féroces, des dromadaires et des éléphants, voire même une girafe.

Le nombre des poupées est infini; quelques-unes grandes comme des enfants et dont la toilette doit coûter plus que celle de beaucoup de bébés. Du reste on peut les mettre dans leurs meubles et leur acheter une maison complète, chambres, salons, cuisines avec fourneaux économiques, c’est insensé! Voici un salon Louis XV du plus pur style, canapé, chaises, fauteuils, garniture de cheminée. Une jeune poupée, en délicieuse robe Pompadour, tient une harpe; à côté d’elle, son professeur, chevelure poudrée, culottes courtes, bas de soie, souliers à boucles d’argent, bat la mesure. Ce jouet, puisqu’il faut l’appeler par son nom, est un modeste bibelot de cinq cents francs et il y en a encore d’un prix plus élevé. En somme, c’est trop beau et c’est trop cher. C’est trop beau, puisque le sort des jeux est d’être brisés, c’est trop cher, puisque ces coûteuses fantaisies ne sont que des amusements enfantins; ces jeux-là se payent avec des billets de banque et n’amusent pas plus que ceux qui se payent avec des sous.

Envisagée au point de vue commercial, cette exposition est une preuve incontestable que la fabrication des jouets est devenue une branche d’industrie artistique et des plus importantes.

Les armes de chasse et les engins de pêche se présentent dans un cadre original tendu d’énormes filets et de peaux de bêtes, entourés d’aigles, de vautours, de chamois, de chevreuils qui se regardent aussi tranquillement que le grand ours blanc polaire toise le lion de l’Atlas qui lui fait vis à vis.

Samedi, 5 Octobre 1889.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
11 августа 2017
Объем:
300 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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