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Читать книгу: «Le tour de la France par deux enfants», страница 5

Bruno G.
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XXV. – Le travail des femmes lorraines. – Les broderies. – Les fleurs artificielles de Nancy

Que chaque habitant et chaque province de la France travaillent, selon leurs forces, à la prospérité de la patrie

– Julien, continua Mme Gertrude, les hommes ne sont pas seuls à bien travailler en Lorraine.

– Oui, dit Julien, les femmes lorraines savent faire de jolies broderies, et j'en ai vu à bien des étalages aujourd'hui; mais je n'entends rien à cela, moi.

– D'autres que vous s'y entendent, Julien; les broderies de Nancy, d'Épinal et de toute la Lorraine se vendent dans le monde entier. Les navires en emportent des cargaisons jusque dans les Indes; c'est le travail de nos paysannes, de nos filles du peuple qu'on se dispute ainsi. Nous avons 35,000 brodeuses en Lorraine. Mais, si vous ne regardez pas volontiers les broderies et les dentelles, je vous ai vu pourtant vous arrêter fort en admiration devant une vitrine de fleurs artificielles.

– Oh! c'est vrai, dit Julien, il y a un rosier dans un pot qui ressemble si bien à un rosier pour de bon, que je n'aurais jamais voulu croire qu'il fût en papier, si ce n'était vous, Madame Gertrude, qui me l'avez assuré.

– D'où viennent ces fleurs, Julien?

– Je n'en sais rien du tout, mais elles sont bien jolies.

– Elles viennent de l'ancienne capitale de la Lorraine, de Nancy, une grande et belle ville de soixante mille âmes. Nancy est la seule ville de France qui rivalise avec Paris pour les fleurs artificielles. Vous le voyez, Julien, les femmes de Lorraine sont laborieuses, et leur bon goût est renommé. Du reste, elles sont instruites: presque toutes savent lire et écrire. Les trois départements de la Lorraine sont parmi les plus instruits et les plus industrieux de la France.

– Mais, dit le petit garçon, on fait bien d'autres choses en Lorraine que des glaces, des fleurs et des broderies.

– Oh! certainement, Julien; mais je n'ai voulu vous parler que des industries où nous tenons le premier rang en France et en Europe. Travailler est déjà bien, mon enfant; mais travailler avec tant d'art et de conscience que notre patrie puisse tenir le premier rang au milieu des autres nations, c'est un honneur dont on peut être fier, n'est-ce pas, Julien?

– Oh! oui, dit l'enfant, et je suis content de savoir qu'il en est ainsi de notre Lorraine.

XXVI. – La modestie. – Histoire du peintre Claude le Lorrain

«Voulez-vous qu'on pense et qu'on dise du bien de vous, n'en dites point vous-même.»

Un jour Julien arriva de l'école bien satisfait, car il avait été le premier de sa classe, et il avait beaucoup de bons points.

– Puisque vous avez si joliment travaillé, Julien, dit Mme Gertrude, venez vous distraire avec moi. Je vais chercher de l'ouvrage au magasin qui me donne des coutures; il fait beau temps, nous suivrons les promenades d'Épinal.

Julien tout joyeux s'empressa de poser son carton d'écolier à sa place; Mme Gertrude mit son châle, on ferma la porte à clef et on partit.

Chemin faisant, Julien, bien fier d'avoir été le premier, se redressait de toute sa petite taille. Il ne manqua point de dire à Mme Gertrude que pourtant il était parmi les plus jeunes de sa division. Il raconta même, en passant devant la maison d'un camarade, que le petit garçon qui demeurait là et qui avait deux ans de plus que lui n'en était pas moins le dernier de la classe.

Enfin, je ne sais comment cela se fit (c'était sans doute l'enthousiasme du succès), mais Julien sortit de son naturel aimable et modeste jusqu'à se moquer du jeune camarade en question, et il le déclara tout à fait sot.

– Eh mais, Julien, dit Mme Gertrude, est-ce que vous seriez vaniteux, par hasard? Je ne vous connaissais pas ce défaut-là, mon enfant, et j'aurais bien du chagrin de vous le voir prendre.

– Mon Dieu, Madame Gertrude, quand on est le premier à l'école, est-ce qu'on ne doit pas en être fier?

– Mon enfant, vous pouvez être content d'avoir le premier rang en classe sans pour cela vous moquer des autres. Songez d'ailleurs que, si vous êtes moins sot qu'un autre, ce n'est pas une raison d'en tirer vanité: avez-vous oublié, Julien, que ce n'est point vous qui vous êtes fait ce que vous êtes? Et d'ailleurs, mon garçon, rien ne me prouve que le camarade dont vous vous moquez n'ait pas cent fois plus d'esprit que vous-même. Tenez, je veux vous dire une histoire qui rabaissera peut-être votre vanité d'écolier.

En même temps, la bonne dame Gertrude fit arrêter Julien en face d'une statue devant laquelle ils passaient tous les deux.

– Voyez-vous cette statue, Julien? dit-elle; eh bien, regardez-la comme il faut: c'est celle du plus grand peintre de paysages qui ait jamais existé. Il s'appelait Claude Gelée, et on l'a surnommé le Lorrain en l'honneur de son pays, car il est né dans ce département et en est une des gloires. Ce petit Claude était fils de simples domestiques. Dans son enfance on le croyait presque imbécile, tant son intelligence était lente et tant il avait de peine à apprendre. Ses camarades d'école se moquaient alors de lui, comme vous faisiez tout à l'heure, Julien, et cependant leur nom à tous est resté inconnu, tandis que celui du petit Claude est devenu célèbre dans le monde entier. Que cela vous apprenne, mon ami, à ne plus vous moquer de personne et à ne pas vous croire au-dessus de vos camarades.

Julien rougit un peu embarrassé, et la bonne vieille reprit:

– Le pauvre enfant qui était si mal partagé de la nature eut encore le malheur de perdre son père et sa mère dès l'âge de douze ans. Resté orphelin, on le mit en apprentissage chez un pâtissier, mais il ne put jamais apprendre à faire de bonne pâtisserie. Son frère aîné, qui était dessinateur, voulut lui enseigner le dessin: il ne put y réussir.

Enfin un parent du jeune Claude l'emmena à Rome.

C'était en Italie et à Rome que se trouvaient alors les plus grands peintres. Le petit Claude fut placé à Rome au service d'un peintre pour apprêter ses repas et aussi pour broyer ses couleurs. Il était là broyant sur du marbre du blanc, du bleu, du rouge, et il voyait ensuite, grâce au pinceau de son maître, toutes ces couleurs s'étendre sur la toile et former de magnifiques tableaux.

Peu à peu il prit goût à la peinture, et son maître lui donna quelques leçons.

Lorsque Claude venait à sortir de la ville et qu'il parcourait la campagne, il restait des heures entières à regarder les paysages, les arbres, les prairies, le soleil qui s'élevait ou se couchait sur les montagnes. Il se rappelait les paysages de sa chère Lorraine, qu'il avait tant de fois regardés des heures entières sans mot dire, alors que ses camarades d'école jouaient étourdiment sans rien remarquer des belles choses de la nature et se moquaient de son air endormi.

Claude était maintenant sorti de ce long sommeil où s'était écoulée son enfance. Il essaya de transporter sur les tableaux les paysages qui le frappaient, et il y réussit si bien que, dès l'âge de vingt-cinq ans, il s'était rendu illustre. Il travailla beaucoup et devint très riche, car ses tableaux se vendaient à des prix fort élevés. De nos jours, leur valeur n'a fait qu'augmenter avec le temps, et on estime à un demi-million quatre tableaux de Claude le Lorrain qui ornent aujourd'hui le palais de Saint-Pétersbourg. Ceux que nous avons à Paris, au musée du Louvre, sont d'un prix inestimable. Eh bien, Julien, que pensez-vous de ce récit?

– Oh! Madame Gertrude, répondit l'enfant, qui avait honte de sa faute, embrassez-moi, je vous en prie, et oubliez les sottises que j'ai dites tout à l'heure. Jamais plus, je vous le promets, je ne me moquerai de personne.

– A la bonne heure, petit Julien! et quand vous serez tenté de le faire, rappelez-vous notre grand peintre de Lorraine, et que son souvenir vous rende modeste.

XXVII. – Les grands hommes de guerre de la Lorraine. – Histoire de Jeanne Darc2

«N'attaquez pas les premiers; mais si on vient vous attaquer, défendez-vous hardiment, et vous serez les maîtres.» Jeanne Darc

Le samedi suivant, Julien fut encore le premier; il était si content, qu'il sautait de plaisir en revenant de l'école.

Mme Gertrude était assise à sa fenêtre devant sa machine à coudre. La fenêtre était ouverte, car il faisait beau temps.

En relevant la tête Mme Gertrude aperçut de loin le petit garçon: à son air satisfait elle devina vite qu'il avait de bonnes nouvelles; elle lui sourit donc; l'enfant aussitôt éleva en l'air ses bons points et accourut à toutes jambes pour les lui mettre dans la main. Cette fois il ne dit rien pour se glorifier, mais le cœur lui battait d'émotion.

– Vous êtes un brave enfant, Julien; embrassez-moi, et dites-moi ce qui vous ferait le plus de plaisir, car je veux vous récompenser.

Julien rougit, et lorsqu'il eut embrassé la bonne dame:

– Peut-être bien, Madame Gertrude, qu'en cherchant dans votre mémoire vous y retrouveriez encore une histoire à me raconter, comme celle de Claude le Lorrain.

– Mon Dieu, Julien, puisque vous aimez tant la Lorraine et que j'ai commencé à vous parler des grands hommes qu'elle a donnés à la patrie, je veux bien continuer.

Julien approcha sa petite chaise pour mieux entendre; car la machine à coudre faisait du bruit et il ne voulait pas perdre une parole.

– Vous saurez d'abord, Julien, que, toutes les fois qu'il s'est agi de défendre la France, la Lorraine a fourni des hommes résolus et de grands capitaines. Vous vous rappelez que la Lorraine est placée sur la frontière française: nous sommes donc, nous autres Lorrains, comme l'avant-garde vigilante de la patrie, et nous n'avons pas manqué à notre rôle: nous avons donné à la France de grands généraux pour la défendre. Nancy a vu naître Drouot, fils d'un pauvre boulanger, célèbre par ses vertus privées comme par ses vertus militaires, et que Napoléon Ier appelait le sage. Bar-le-Duc, le chef-lieu du département de la Meuse, nous a donné Oudinot, qui fut blessé trente-cinq fois dans les batailles, et Exelmans, autre modèle de bravoure. Le général Chevert, de Verdun, défendit une ville avec quelques centaines d'hommes seulement et donna l'exemple d'une valeur inflexible. Et votre ville de Phalsbourg, petit Julien, elle a vu naître le maréchal Lobeau, encore le fils d'un boulanger, qui devint un de nos meilleurs généraux et dont on disait: «il est invariable comme le devoir.»

Mais si les hommes, en Lorraine, se sont illustrés à défendre la patrie, sachez qu'une femme de la Lorraine, une jeune fille du peuple, Jeanne Darc s'est rendue encore plus célèbre. Écoutez son histoire.

I. Jeanne Darc était née à Domremy, dans le département des Vosges où nous sommes, et elle n'avait jamais quitté son village.

Bien souvent, tandis que ses doigts agiles dévidaient la quenouille de lin, elle avait entendu dans la maison de son père raconter la grande misère qui régnait alors au pays de France. Depuis quatre-vingts ans la guerre et la famine duraient. Les Anglais étaient maîtres de presque toute la France; ils s'étaient avancés jusqu'à Orléans et avaient mis le siège devant cette ville; ils pillaient et rançonnaient le pauvre monde. Les ouvriers n'avaient point de travail, les maisons abandonnées s'effondraient, et les campagnes désertes étaient parcourues par les brigands. Le roi Charles VII, trop indifférent aux misères de son peuple, fuyait devant l'ennemi, oubliant dans les plaisirs et les fêtes la honte de l'invasion.

Lorsque la simple fille songeait à ces tristes choses, une grande pitié la prenait. Elle pleurait, priant de tout son cœur Dieu et les saintes du paradis de venir en aide à ce peuple de France que tout semblait avoir abandonné.

Un jour, à l'heure de midi, tandis qu'elle priait dans le jardin de son père, elle crut entendre une voix s'élever: – Jeanne, va trouver le roi de France; demande-lui une armée, et tu délivreras Orléans.

Jeanne était timide et douce; elle se mit à fondre en larmes. Mais d'autres voix continuèrent à lui ordonner de partir, lui promettant qu'elle chasserait les Anglais.

Persuadée enfin que Dieu l'avait choisie pour délivrer la patrie elle se résolut à partir.

Tout d'abord elle fut traitée de folle, mais la ferme douceur de ses réponses parvint à convaincre les plus incrédules. Le roi lui-même finit par croire à la mission de Jeanne, et lui confia une armée.

A ce moment les Anglais étaient encore devant Orléans, et toute la France avait les yeux fixés sur la malheureuse ville, qui résistait avec courage, mais qui allait bientôt manquer de vivres. Jeanne, à la tête de sa petite armée, pénétra dans Orléans malgré les Anglais. Elle amenait avec elle un convoi de vivres et de munitions.

Les courages se ranimèrent. Alors Jeanne, entraînant le peuple à sa suite, sortit de la ville pour attaquer les Anglais.

Dès la première rencontre, elle fut blessée et tomba de cheval. Déjà le peuple, la croyant morte, prenait la fuite: mais elle, arrachant courageusement la flèche restée dans la plaie et remontant à cheval, courut vers les retranchements des Anglais. Elle marchait au premier rang et enflammait ses soldats par son intrépidité: toute l'armée la suivit, et les Anglais furent chassés. Peu de jours après, ils étaient forcés de lever le siège.

Après Orléans, Jeanne se dirigea vers Reims, où elle voulait faire sacrer le roi. D'Orléans à Reims la route était longue, couverte d'ennemis. Jeanne les battit à chaque rencontre, et son armée entra victorieuse à Reims, où le roi fut sacré dans la grande cathédrale.

Jeanne déclara alors que sa mission était finie et qu'elle devait retourner à la maison de son père. Mais le roi n'y voulut pas consentir et la retint en lui laissant le commandement de l'armée.

II. Bientôt Jeanne fut blessée à Compiègne, prise par trahison et vendue aux Anglais qui l'achetèrent dix mille livres. Puis les Anglais la conduisirent à Rouen, où ils l'emprisonnèrent.

Le procès dura longtemps. Les juges faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour embarrasser Jeanne, pour la faire se contredire et se condamner elle-même. Mais elle, répondant toujours avec droiture et sans détours, savait éviter leurs embûches.

– Est-ce que Dieu hait les Anglais? lui demandait-on. – Je n'en sais rien, répondit-elle; ce que je sais, c'est qu'ils seront tous mis hors de France, sauf ceux qui y périront.

On lui demandait encore comment elle faisait pour vaincre:

– Je disais: «Entrez hardiment parmi les Anglais,» et j'y entrais moi-même.

– Jamais, ajouta-t-elle, je n'ai vu couler le sang de la France sans que mes cheveux se levassent.

Après ce long procès, après des tourments et des outrages de toute sorte, elle fut condamnée à être brûlée vive sur la place de Rouen.

En écoutant cette sentence barbare, la pauvre fille se prit à pleurer. «Rouen! Rouen! disait-elle, mourrai-je ici?» – Mais bientôt ce grand cœur reprit courage.

Elle marcha au supplice tranquillement; pas un mot de reproche ne s'échappa de ses lèvres ni contre le roi qui l'avait lâchement abandonnée, ni contre les juges iniques qui l'avaient condamnée.

Quand elle fut attachée sur le bûcher, on alluma. Le Frère qui avait accompagné Jeanne Darc était resté à côté d'elle, et tous les deux étaient environnés par des tourbillons de fumée. Jeanne, songeant comme toujours plus aux autres qu'à elle-même, eut peur pour lui, non pour elle, et lui dit de descendre.

Alors il descendit et elle resta seule au milieu des flammes qui commençaient à l'envelopper. Elle pressait entre ses bras une petite croix de bois. On l'entendit crier: Jésus! Jésus! et elle mourut.

Le peuple pleurait: quelques Anglais essayaient de rire, d'autres se frappaient la poitrine, disant: – Nous sommes perdus; nous avons brûlé une sainte.

Jeanne Darc, mon enfant, est l'une des gloires les plus pures de la patrie.

Les autres nations ont eu de grands capitaines qu'ils peuvent opposer aux nôtres. Aucune nation n'a eu une héroïne qui puisse se comparer à cette humble paysanne de Lorraine, à cette noble fille du peuple de France.

Dame Gertrude se tut; Julien poussa un gros soupir, car il était ému, et comme il gardait le silence en réfléchissant tristement, on n'entendait plus que le bruit monotone de la machine à coudre.

Au bout d'un moment, Julien sortit de ses réflexions.

Oh! Mme Gertrude, s'écria-t-il, que j'aime cette pauvre Jeanne, et que je vous remercie de m'avoir dit son histoire!

XXVIII. – Les bons certificats d'André. – La mairie. – L'honnêteté et l'économie

Si tu es honnête, laborieux et économe, aie confiance dans l'avenir

Cependant le temps s'écoulait: il y avait un mois qu'André et Julien étaient à Épinal; on songeait déjà au départ. Le patron d'André, qui n'avait que des louanges à faire du jeune garçon, lui avait procuré des papiers en règle, un livret bien en ordre, un certificat signé de lui-même avec le sceau de la mairie, puis l'attestation du maire de la ville déclarant qu'André et Julien étaient de braves et honnêtes enfants, et qu'ils avaient passé laborieusement leur temps à Épinal, l'un à l'école, l'autre chez son patron. La mère Gertrude avait voulu, elle aussi, se porter garante des jeunes orphelins, et de sa plus belle écriture elle avait joint son témoignage à celui de M. l'instituteur, à ceux du patron d'André et du maire.

Nos jeunes garçons étaient bien contents. – Comme c'est bon, disait André, d'avoir l'estime de tous ceux avec lesquels on vit! – Et Julien frappait de joie dans ses deux mains en regardant les précieux papiers.

Quand il fut question de régler le prix de la pension chez la mère Gertrude, elle leur dit:

– Mes enfants, voilà un mois que nous sommes ensemble, je suis économe, comme vous savez; aussi j'ai déployé toutes mes finesses pour que nous ne dépensions pas trop d'argent. André m'a remis chaque semaine ce qu'il gagnait; je me suis arrangée pour ne pas tout dépenser. Voilà deux belles pièces de cinq francs qui restent sur les journées d'André, et nous allons les joindre à la petite réserve que vous m'avez confiée en arrivant. – Oh! Madame Gertrude, dit André, il n'est pas possible que vous ayez si peu dépensé pour nous; à ce compte-là vous devez être en perte et nous serions trop riches.

– Non, non, dit obstinément l'excellente petite vieille; soyez tranquille, André, je ne suis point en perte, et j'ai eu tant de plaisir à vous avoir avec moi que ma vieille maison va me paraître vide à présent et mes années plus lourdes à porter. Hélas! la belle jeunesse ressemble au soleil, elle réchauffe tout ce qui l'entoure.

– Oh! Madame Gertrude, dit Julien ému en l'embrassant de tout son cœur, nous penserons souvent à vous et nous vous écrirons quand nous aurons rejoint notre oncle.

– Oui, mes enfants, il faudra m'écrire; et si vous vous trouviez dans l'embarras, adressez-vous à moi. Je ne suis pas riche, mais je suis si économe que je trouve toujours moyen de mettre quelques petites choses de côté. L'économie a cela de bon, voyez-vous, que non seulement elle vous empêche de devenir à charge aux autres, mais encore elle vous permet de secourir à l'occasion ceux qui souffrent.

– Madame Gertrude, nous allons tâcher de faire comme vous, dirent les deux enfants: nous allons être bien économes. Nous sommes tout fiers d'avoir tant d'argent!.. cela nous donne bon courage et bon espoir.

XXIX. – La Haute-Saône et Vesoul. – Le voiturier jovial. – La confiance imprudente

Ne vous fiez pas étourdiment à ceux que vous ne connaissez point. On ne se repent jamais d'avoir été prudent

Depuis que le jour du départ était fixé, la mère Gertrude s'était mise en quête pour trouver aux enfants l'occasion d'une voiture. Après bien des peines et au prix d'une légère gratification, elle découvrit un voiturier qui allait à Vesoul et le décida à prendre les enfants avec lui.

Le lendemain, de grand matin, elle les conduisit à la place où le voiturier avait donné rendez-vous, et après s'être embrassés plus d'une fois, on se sépara les larmes aux yeux et le cœur bien gros.

Il était à peine quatre heures du matin lorsque la voiture quitta Épinal; aussi le soir même les enfants étaient à Vesoul, c'est-à-dire en Franche-Comté. Vesoul est une petite ville de dix mille âmes située au pied d'une haute colline dans une vallée fertile et verdoyante. Le département de la Haute-Saône, dont elle est le chef-lieu, est peut-être le plus riche de France en mines de fer, et de nombreux ouvriers travaillent à arracher le minerai de fer dans les profondes galeries creusées sous le sol.

André et Julien ne connaissaient personne à Vesoul: là, il n'y avait plus pour eux d'amis; il fallut payer pour le lit et la nuit, entamer la petite réserve pour acheter à déjeuner, et ne plus compter que sur ses jambes pour faire la route.

Malgré cela, après avoir dormi une bonne nuit, les enfants le lendemain partirent gaîment de Vesoul et prirent la grande route de Besançon. Le soleil brillait: de petits nuages flottaient en l'air à une grande hauteur.

– Nous aurons beau temps! dit Julien.

– Oui, répondit André, si ces nuages se maintiennent aussi hauts qu'ils le sont à présent.

Les deux enfants espéraient coucher à moitié chemin et arriver à Besançon le lendemain soir. Malheureusement, après quelques kilomètres de marche, ils virent le ciel se couvrir de nuages, André s'arrêta un instant pour observer l'horizon.

Les nuages avaient grossi et s'étaient arrondis comme des balles de coton; quelques-uns étaient bas et noirâtres.

– Hâtons le pas, Julien, dit André, car les nuages semblent annoncer la pluie.

Bientôt, en effet, les deux enfants sentirent de grosses gouttes. Apercevant un hangar abandonné qui se trouvait au bord de la route, ils s'y abritèrent et attendirent patiemment que la pluie cessât. Plusieurs heures se passèrent; mais la pluie tombait toujours avec violence.

– Quel malheur! pensait André, voilà un jour de retard. Il nous faudra aller coucher au petit village que j'aperçois d'ici. Et s'il pleut encore demain!..

A ce moment, Julien vit passer sur la route une carriole qui s'en allait dans la direction de Besançon. C'était un boisselier de Besançon qui revenait d'une foire où il était allé vendre des boisseaux, des litres en bois de chêne, des seaux, soufflets et tamis. Il avait aussi dans sa voiture des objets de vannerie, paniers et corbeilles de toute sorte. Il allait vite, car sa marchandise n'était pas lourde.

– Mon Dieu! André, s'écria Julien, si nous demandions à ce voiturier de nous prendre avec lui en payant quelque chose: cela ne vaudrait-il pas mieux? – Essayons, dit André.

Ils coururent et poliment expliquèrent au conducteur l'embarras où la pluie les mettait. Le voiturier avait l'air souriant, le visage fort enluminé, les manières joviales, mais un peu grossières.

– Montez, mes gaillards, dit-il, et donnez-moi quinze sous; vous serez ce soir à Besançon.

André hésita un instant.

– Est-il bien sage, pensait-il, de nous confier à un homme que nous ne connaissons pas et dont les manières n'inspirent pas grand respect?

Mais au même moment la pluie et le vent redoublèrent, et la carriole protégée par une bonne toile cirée promettait aux enfants un abri bien agréable. André se décida à tenter l'aventure. Il donna ses quinze sous, non sans un peu d'inquiétude, et s'installa avec Julien au fond de la carriole, parmi les boisseaux et les corbeilles. Le cocher fouetta son cheval hardiment, et l'on arriva bientôt à un village: on le traversa au bruit retentissant des clic clac, et en galopant si fort que la carriole allait de droite et de gauche avec mille cahots.

Julien était ravi: – Comme on marche vite! dit-il tout bas à André; nous serons ce soir de bonne heure à Besançon. Cela vaut bien quinze sous, vraiment.

Mais l'enthousiasme du cocher et l'ardeur du cheval tombèrent subitement devant la dernière maison du village, qui était une auberge. Là, des buveurs attablés chantaient bruyamment.

– Eh! eh! les enfants, dit le joyeux voiturier, il faut se rafraîchir un peu… Ici le vin est bon… Une bouteille de vin ne fait jamais de mal.

– Merci, monsieur, dit André tout interdit, car il s'aperçut que leur conducteur, en sautant par terre, avait chancelé comme un homme qui a bu déjà, et il commençait à soupçonner que les belles couleurs du jovial cocher tenaient sans doute à la boisson.

– Mon Dieu! dit-il tout bas à Julien, nous avons agi comme des étourdis et des imprudents en nous adressant au premier venu et en lui donnant notre argent. Je crains bien que nous n'ayons à nous en repentir. Cet homme a l'air pris de vin.

Le petit Julien confus garda le silence.

2.L'orthographe ancienne du nom Jeanne Darc a été conservée.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
25 июня 2017
Объем:
340 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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