Читайте только на ЛитРес

Книгу нельзя скачать файлом, но можно читать в нашем приложении или онлайн на сайте.

Читать книгу: «Le tour de la France par deux enfants», страница 17

Bruno G.
Шрифт:

LXXXIV. – Toulouse. – Un grand jurisconsulte, Cujas

«Il suffit de savoir les vingt-quatre lettres de l'alphabet et de vouloir; avec cela, on apprend tout le reste.»

A Toulouse, il fallut se donner bien de la peine, car l'ancienne capitale du Languedoc, peuplée de 130,000 âmes, est une grande ville commerçante: le Perpignan lui apportait quantité de marchandises, principalement de beaux blés durs d'Afrique, que l'on débarqua avec l'aide d'André au magnifique moulin du Bazacle, sur la Garonne.

– Rappelle-toi, petit Julien, dit André, que la meunerie est une des industries où la France fait merveille. Ce n'est pas le tout de faire pousser du blé, vois-tu; il faut savoir en tirer les plus belles farines. Eh bien, les farines de France sont renommées pour leur finesse, et Toulouse est dans cette partie du midi le grand centre de la meunerie.

Revenu au bateau, Julien prit son livre et lut la vie d'un des grands hommes de Toulouse.

A Toulouse naquit, au seizième siècle, un enfant nommé Jacques Cujas, qui montra de bonne heure un ardent désir de s'instruire. Son père n'était qu'un pauvre ouvrier qui travaillait à préparer et à fouler la laine, un foulon. Le petit Cujas supplia son père, tout en travaillant avec lui, de lui donner un peu d'argent pour acheter des livres. Le père finit par lui en donner, et l'enfant, au lieu d'acheter des livres qui eussent pu l'amuser, acheta des grammaires grecques et latines, des ouvrages anciens fort sérieux, grâce auxquels il espérait s'instruire. Le jeune Cujas, sans aucun maître, se mit à apprendre le latin et le grec, et il travailla avec tant de courage qu'il sut bientôt ces deux langues si difficiles.

A cette époque, Toulouse était comme aujourd'hui une ville savante, et elle avait une grande école de droit. La science du droit, enfants, est une belle science: elle enseigne ce qui est permis ou défendu dans un pays, ce qui est juste ou injuste envers nos concitoyens.

Elle étudie également quelles sont les lois les meilleures et les plus sages qu'un pays puisse se donner, quels sont les moyens de perfectionner la législation et de rendre ainsi les peuples plus heureux.

Le jeune Cujas voulut être un grand homme de loi, un grand jurisconsulte. Il étudia donc le droit sous la direction d'un professeur qui avait été frappé de son intelligence. Bientôt il devint professeur à son tour, et sa réputation était si grande que des jeunes gens venaient de toutes les parties de l'Europe afin d'avoir pour maître Cujas. Plus tard, Cujas professa successivement le droit à Cahors, à Valence, à Avignon, à Paris, à Bourges. Ses élèves le suivaient partout, comme une cour suit un prince. On lui offrit d'aller en Italie enseigner le droit; il ne voulut pas quitter sa patrie.

La bonté de Cujas égalait son génie: il aidait à chaque instant de sa bourse les étudiants, qui avaient pour lui non moins d'affection que de respect.

Les travaux de Cujas ont été fort utiles aux progrès de la science du droit en France, et à celui des bonnes lois. Encore aujourd'hui on étudie avec admiration ses savants ouvrages. On lui a élevé une statue à Toulouse sur une des places de la ville, devant le palais du tribunal où se rend la justice.

LXXXV. – André et Julien retrouvent à Bordeaux leur oncle Frantz

On retrouve une force nouvelle en revoyant les siens

Le Perpignan, au-dessus de Toulouse, quitta le canal du Midi et entra dans la Garonne, ce beau fleuve qui descend des Pyrénées pour aller se jeter dans l'Océan au delà de Bordeaux. Le courant rapide du fleuve entraînait le bateau, ce qui fit qu'il n'y eut plus besoin de manier la perche à grand effort ou de se faire traîner à l'aide d'un câble par les chevaux, d'écluse en écluse. Les mariniers et André eurent donc plus de loisir pour regarder le riche pays de Guyenne et Gascogne, où ils ne tardèrent pas à entrer.

La jambe de Julien était presque guérie. A mesure qu'elle allait mieux, la gaîté de l'enfant lui revenait, et aussi le besoin de sauter et de courir. A la pensée qu'on arriverait bientôt à Bordeaux, il ne se tenait pas de plaisir. – Pourvu que notre oncle Frantz soit guéri aussi! pensait-il.

Enfin, au bout de quelques jours, la Garonne alla s'élargissant de plus en plus entre ses coteaux couverts des premiers vignobles du monde. En même temps on apercevait un plus grand nombre de bateaux. Bientôt même, au loin, on vit sur le fleuve toute une forêt de mâts.

– André, disait Julien en frappant dans ses mains, vois donc; nous arrivons, quel bonheur!

On apercevait en effet Bordeaux avec ses belles maisons et son magnifique pont de 486 mètres jeté sur le fleuve.

Chacun, sur le Perpignan, était plus attentif que jamais à la manœuvre, afin qu'il n'arrivât pas d'accident. Bientôt le Perpignan acheva son entrée et prit sa place au bord du quai animé, où des marins et des hommes de peine allaient et venaient chargés de marchandises.

Une planche fut jetée pour aller du bateau au quai, et l'on mit pied à terre.

Le patron, qui avait l'œil vif, avait remarqué un homme assis à l'écart sur un tas de planches et qui, pâle et fatigué comme un convalescent, semblait considérer avec attention le mouvement d'arrivée du bateau. Le patron frappa sur l'épaule d'André: – Regarde, dit-il, je parie que voilà ton oncle, auquel tu as écrit l'autre jour.

André regarda et le cœur lui battit d'émotion, car cet inconnu ressemblait tellement à son cher père qu'il n'y avait pas moyen de se tromper. – Julien, dit-il, viens vite.

Et les enfants, se tenant par la main, coururent vers l'étranger.

Julien, de loin, tendait ses petits bras; frappé, lui aussi, par la ressemblance de son oncle avec son père, il souriait et soupirait tout ensemble, disant: – C'est lui, bien sûr, c'est notre oncle Frantz, le frère de notre père.

En voyant ces deux enfants descendus du Perpignan et qui couraient vers lui, l'oncle Frantz à son tour pensa vite à ses jeunes neveux. Il leur ouvrit les bras: – Mes pauvres enfants, leur dit-il en les embrassant l'un et l'autre, comment m'avez-vous deviné au milieu de cette foule?

– Oh! dit Julien avec sa petite voix qui tremblait d'émotion, vous lui ressemblez tant! J'ai cru que c'était lui!

L'oncle de nouveau embrassa ses neveux, et tout bas: – Je ne lui ressemblerai pas seulement par le visage, dit-il; enfants, j'aurai son cœur pour vous aimer.

– Mon Dieu, murmurèrent intérieurement les deux orphelins, vous nous avez donc exaucés, vous nous avez rendu une famille!

LXXXVI. – Les sages paroles de l'oncle Frantz: le respect dû à la loi. – Un nouveau voyage

Il faut se soumettre à la loi, même quand elle nous paraît dure et pénible

L'oncle Frantz était sorti de l'hôpital depuis huit jours. Il avait loué sur un quai de Bordeaux une petite chambre. Dans cette chambre il y avait un second lit tout prêt pour l'arrivée des deux orphelins.

Quoique Frantz eût été gravement malade, il reprenait ses forces assez vite. C'était un robuste Lorrain, de grande taille et de constitution vigoureuse. – Dans huit jours, dit-il aux enfants, je serai de force à travailler.

– Attendez-en quinze, mon oncle, dit André; cela vaudra mieux.

Après les chagrins que Frantz Volden venait d'éprouver, il se sentit tout heureux d'avoir auprès de lui ces deux enfants. La sagesse et le courage d'André l'émerveillaient et le réconfortaient, la vivacité et la tendresse de Julien le mettaient en joie. L'enfant depuis bien longtemps n'avait été aussi gai. Quand il marchait dans les rues de Bordeaux ou sur la grande place des Quinconces, tenant son oncle par la main, il se dressait de toute sa petite taille, il regardait les autres enfants avec une sorte de fierté naïve, pensant en lui-même: – Et moi aussi j'ai un oncle, un second père, j'ai une famille! Et nous allons travailler tous à présent pour gagner une maison à nous.

– Enfants, dit un matin l'oncle Frantz, voici mon avis sur notre situation. Nous avons beau être sur le sol de la France, cela ne suffit pas aux Alsaciens-Lorrains pour être regardés comme Français; il leur faut encore remplir les formalités exigées par la loi dans le traité de paix avec l'Allemagne. Donc nous avons tous les trois à régler nos affaires en Alsace-Lorraine. La loi nous accorde encore pour cela neuf mois. Une fois en règle de ce côté, une fois notre titre de Français reconnu, nous songerons au reste.

– Oui, oui, mon oncle, s'écrièrent André et Julien d'une même voix, c'est ce que voulait notre père, c'est aussi ce que nous pensons.

– D'ailleurs, ajouta André, notre père nous a appris qu'avant toutes choses il faut se soumettre à la loi.

– Il avait raison, mes enfants; même quand la loi est dure et pénible, c'est toujours la loi, et il faut l'observer. Seulement l'Alsace-Lorraine est loin et nos économies bien minces, car les six mille francs que j'avais placés sont perdus sans retour: c'était le fruit de vingt années de travail et de privations, et tout est à recommencer maintenant. Tâchons donc de faire notre voyage sans rien dépenser, mais au contraire en gagnant quelque chose, comme vous l'avez fait vous-mêmes depuis quatre mois. Vous savez que par métier je suis charpentier de navire. Eh bien, il y a au port de Bordeaux un vieil ami à moi, le pilote Guillaume, dont le vaisseau va partir bientôt pour Calais. Il m'a promis de prier le capitaine du navire de m'employer à son bord.

– Moi-même, dit André, j'y pourrai gagner quelque chose.

– Et moi? demanda Julien.

– Nous débattrons par marché ton passage, et nous nous embarquerons tous les trois. C'est un de ces navires de grand cabotage nombreux à Bordeaux, qui ont l'habitude d'aller, en suivant les côtes, de Bordeaux jusqu'à Calais. Nous serons là-bas dans quelques semaines et avec un peu d'argent de gagné. Nous reprendrons de l'ouvrage sur les bateaux d'eau douce qui naviguent sans cesse de Calais en Lorraine, et nous arriverons ainsi sans qu'il nous en ait rien coûté.

– Nous allons donc voir encore la mer! dit Julien.

– Oui, et une mer bien plus grande, bien plus terrible que la Méditerranée: l'Océan. Mais ce qui me contrarie le plus, Julien, c'est que tu vas encore te trouver à manquer l'école pendant plusieurs mois.

– Oh! mais, mon oncle, soyez tranquille: je travaillerai à bord du navire comme si j'étais en classe. André me dira quels devoirs faire, et je les ferai. De cette façon, quand nous serons enfin bien établis quelque part et que je retournerai dans une école, je ne serai pas le dernier de la classe, allez!

– A la bonne heure! dit l'oncle Frantz. Le temps de la jeunesse est celui de l'étude, mon Julien, et un enfant studieux se prépare un avenir honorable.

LXXXVII. – Grands hommes de la Gascogne: Montesquieu, Fénelon, Daumesnil et saint Vincent de Paul

Il y a quelque chose de supérieur encore au génie, c'est la bonté

Julien, en attendant le départ du navire qui devait l'emmener sur l'Océan, s'empressa de mettre à exécution la promesse qu'il avait faite à son oncle de travailler avec ardeur.

Il s'installa avec son carton d'écolier et son encrier en corne dans un coin de la chambre, et, d'après les conseils de son oncle qui lui recommandait toujours l'ordre et la méthode, il fit un plan sur la meilleure manière d'employer chaque journée. Il y avait l'heure de la lecture, celle des devoirs, celle des leçons et aussi celle du jeu.

L'heure de la lecture venue, Julien ouvrit son livre sur les grands hommes et se mit à lire tout en faisant ses réflexions; car il savait qu'on ne doit par lire machinalement, mais en cherchant à se rendre compte de tout et à s'instruire par sa lecture.

I. Quoique Bordeaux soit une ville commerçante avant tout, elle n'en a pas moins le goût des lettres, et c'est près de Bordeaux qu'est né un des plus grands écrivains de la France, Montesquieu.

– Tiens, dit Julien, j'ai vu la rue Montesquieu à Bordeaux; c'était bien sûr en l'honneur de ce grand homme. Il m'a l'air d'être un savant, voyons cela.

Et Julien lut ce qui suit:

Montesquieu était d'une famille de magistrats et, jeune encore, il entra lui-même dans la magistrature. On appelle magistrats les hommes chargés de faire respecter la loi: ainsi, les juges devant lesquels on amène les criminels sont des magistrats, les présidents des tribunaux et des cours de justice sont aussi des magistrats.

Les fonctions de Montesquieu ne l'empêchèrent point de consacrer tous ses loisirs à l'étude; lui, qui par profession s'occupait de la loi, s'appliqua à étudier les lois des différents peuples pour les comparer et chercher les meilleures. Il a écrit là-dessus de beaux livres, qui comptent parmi les chefs-d'œuvre de notre langue. Les immenses travaux qu'il eut à faire pour écrire son principal ouvrage, l'Esprit des lois, altérèrent sa santé. Il mourut en 1755. Admiré de toute l'Europe, il fut regretté jusque dans les pays étrangers.

Montesquieu avait le plus noble caractère: il était bon, indulgent, bienfaisant sans orgueil, compatissant aux maux d'autrui. «Je n'ai jamais vu couler de larmes, disait-il, sans en être attendri.» L'amour de l'humanité était chez lui une véritable passion.

Montesquieu est le premier écrivain français qui ait protesté éloquemment contre l'injustice de l'esclavage, établi alors dans toutes les colonies. Si cette institution honteuse a aujourd'hui presque disparu des pays civilisés, c'est en partie grâce à Montesquieu et à ceux qui, persuadés par ses écrits, ont condamné cette barbarie à l'égard des noirs.

– Oh! dit Julien, je me rappelle que c'est la France qui a la première aboli l'esclavage dans ses colonies, et j'en suis bien fier pour la France. Mais lisons l'autre histoire; c'est celle d'un général, à ce que je vois.

II. Périgueux, jolie ville de 23,000 âmes, sur l'Isle, a vu naître Daumesnil. Les soldats qui combattaient avec lui l'avaient nommé le brave. A Wagram, il eut la jambe emportée par un boulet. Devenu colonel, puis général, il fut nommé gouverneur de Vincennes, un des forts qui défendent les approches de Paris. Le peuple l'appelait Jambe de Bois.

En 1814, les armées étrangères qui avaient envahi la France entourèrent Vincennes et envoyèrent demander à Daumesnil de rendre sa forteresse. – «Rendez-moi d'abord ma jambe, répondit-il.» Et comme l'un des envoyés, irrita de cette saillie, lui répliquait: «Nous vous ferons sauter,» Daumesnil, lui montrant simplement un magasin où étaient amassés 1800 milliers de poudre: «S'il le faut, répondit-il, je commencerai et nous sauterons ensemble.» Les envoyés se retirèrent, peu rassurés, et le fort ne put être pris.

Le polygone de Vincennes. – On appelle polygone le lieu ou les artilleurs s'exercent à construire des batteries, à manœuvrer et à tirer les canons. Au milieu d'un vaste terrain vide se trouve une butte en terre qui sert de point de mire aux boulets. Les artilleurs sont à une grande distance de cette butte, et, d'après des calculs exécutés sur un carnet, ils tournent la gueule du canon dans la direction voulue et lancent le boulet.

L'année suivante, les ennemis envahirent de nouveau la France et revinrent mettre le siège devant le fort de Vincennes. De nouveau, ils députèrent des envoyés vers Daumesnil; mais comme la violence et les menaces n'avaient point réussi l'année précédente auprès du général, on essaya de le corrompre par de l'argent. Il était pauvre, on lui offrit un million pour qu'il rendit la place de Vincennes. Daumesnil répondit avec mépris à l'envoyé qui lui avait remis une lettre secrète du général prussien:

– Allez dire à votre général que je garde à la fois sa lettre et la place de Vincennes: la place, pour la conserver à mon pays, qui me l'a confiée; la lettre, pour la donner en dot à mes enfants: ils aimeront mieux cette preuve de mon honneur qu'un million gagné par trahison. Vous pouvez ajouter que, malgré ma jambe de bois et mes vingt-trois blessures, je me sens encore plus de force qu'il n'en faut pour défendre la citadelle, ou pour faire sauter avec elle votre général et son armée.

Ainsi Vincennes demeura imprenable grâce à ce général qui, comme on l'a dit, «ne voulut jamais ni se rendre ni se vendre.»

– Bravo! s'écria fièrement le petit Julien, voilà un homme comme je les aime, moi. Plaise à Dieu qu'il en naisse beaucoup en France comme celui-là! Vive la ville de Périgueux, qui a produit un si honnête général.

Et après avoir regardé de nouveau le fort de Vincennes, pour faire en lui-même des comparaisons entre cette forteresse et les autres qu'il connaissait, Julien tourna la page et passa à l'histoire suivante:

III. Fénelon, dont la statue s'élève à Périgueux, est, avec Bossuet, le plus illustre des prélats français et en même temps un de nos plus grands écrivains. Il fut archevêque de Cambrai et précepteur du petit-fils de Louis XIV.

Fénelon, né au chateau de Fénelon, (Périgord) en 1651, mort à Cambrai en 1715. Il fit ses études à l'Université de Cahors, puis à Paris. Ses ouvrages les plus connus des enfants sont Télémaque et les Fables.

La ville de Cambrai a gardé le souvenir de sa bonté et de sa bienfaisance. En l'année 1709, au moment où la guerre désolait la France attaquée de tous les côtés à la fois, nos soldats étaient dans les environs de Cambrai, mal vêtus et sans pain, car les horreurs de la famine étaient venues s'ajouter à celles de la guerre. Fénelon fit, pour soulager notre armée, tout ce qu'il était possible de faire, ordonnant aux paysans de venir apporter leurs blés et donnant lui-même généreusement tout le blé qu'il possédait.

– Oh! le grand cœur, s'écria Julien. J'aime beaucoup Fénelon, et je suis content qu'on lui ait élevé une statue.

IV. Le département des Landes, voisin de la Gironde, est loin de lui ressembler. C'est l'un des moins fertiles et des moins peuplés de la France, l'un de ceux où l'industrie des habitants a le plus besoin de suppléer à la pauvreté du sol. Il est couvert de bruyères et de marécages, et, en bien des endroits, ne nourrit que de maigres troupeaux de moutons. Pendant longtemps on crut que rien ne pourrait venir dans ce terrain stérile, mais on a fini par reconnaître qu'un arbre peut y croître et le fertiliser: le pin, qui en couvre maintenant une grande partie et dont on récolte la résine.

C'est dans ce pays, plus pauvre encore autrefois, que naquit, d'une humble famille, un enfant qui est devenu par sa charité une des gloires de la France. Saint Vincent de Paul est né à Dax. Tout enfant, il gardait les troupeaux. Élevé au milieu de la pauvreté et de la misère, il en éprouva plus vivement le désir de la soulager. Il consacra sa vie entière à secourir les infortunés. C'est lui qui a établi en France les hospices pour les enfants abandonnés.

– Oh! je le connaissais déjà, ce saint-là, dit Julien, et je l'aime depuis longtemps. Je sais qu'il obtint des richesses et dépensa en un hiver trois millions pour nourrir la Lorraine qui mourait de faim. Mais j'avais oublié où il était né, et je suis bien aise de le savoir.

En même temps, Julien regarda dans son livre une image qui représentait un pâtre des Landes suivant les troupeaux sur des échasses; car il y a de nombreux marécages dans les Landes, et on se sert d'échasses pour ne pas enfoncer dans la vase. Cette image amusa beaucoup Julien.

– Peut-être bien, se disait-il, que saint Vincent de Paul, quand il était petit, gardait comme cela ses troupeaux monté sur des échasses. Je suis sûr à présent de ne plus oublier où est né le bon saint Vincent de Paul.

LXXXVIII. – Lettre de Jean-Joseph. Réponse de Julien. – L'Océan, les vagues, les marées, les tempêtes

Par les lettres, nous pouvons converser les uns avec les autres malgré la distance qui nous sépare

La veille du jour où le navire devait partir, André reçut une lettre à laquelle il ne s'attendait guère. Il regarda avec surprise tous les timbres dont la poste l'avait recouverte: Clermont à Marseille, Marseille à Cette, Cette à Bordeaux. Elle était allée à la recherche des enfants dans les principales villes où ils avaient passé.

– Que de peine la poste a dû se donner, dit Julien, pour que ce petit carré de papier nous arrive! je n'aurais jamais cru que la poste prît tant de soin!

André ouvrit la lettre. Elle avait été écrite par le brave petit Jean-Joseph. Ayant reçu quelques sous pour la fête de Noël, il les avait employés à acheter un timbre-poste et du papier; puis, de sa plus belle écriture, il avait écrit à André et à Julien pour leur souhaiter la bonne année, pour leur dire qu'il ne les oubliait pas, qu'il ne les oublierait jamais, que toujours il se rappellerait qu'il leur devait la vie.

André et Julien furent bien émus en lisant la petite lettre de Jean-Joseph; cette preuve de la reconnaissance du pauvre enfant d'Auvergne les avait touchés jusqu'aux larmes.

– Julien, dit André, toi qui as le temps, il faudra, quand nous serons à bord du navire, répondre une longue lettre à Jean-Joseph: cela lui fera plaisir.

– Oui, je lui raconterai notre voyage, cela l'amusera beaucoup, et j'écrirai bien fin, pour pouvoir en dire bien long. Oh! que c'est donc agréable de savoir écrire, André! Quand on est bien loin de ses amis, quel plaisir cela fait de recevoir des nouvelles d'eux et de pouvoir leur en donner!

Réponse de Julien à Jean-Joseph
Lundi matin.

Mon cher Jean-Joseph,

André et moi nous avons été bien contents, oh! bien contents, quand nous avons reçu votre lettre, et nous vous souhaitons nous aussi la bonne année, mon cher Jean-Joseph, et qu'il ne vous arrive que du bonheur.

Mais savez-vous où nous l'avons lue, votre petite lettre du jour de l'an? C'est à Bordeaux. Et savez-vous où je vous écris celle-ci, moi? Non, jamais, jamais vous ne devineriez cela, Jean-Joseph. Alors je vais vous le dire. C'est au beau milieu de l'Océan, sur le pont du navire le Poitou, qui est un grand vaisseau à voile. On l'appelle le Poitou parce que le capitaine auquel il appartient est de Poitiers.

Mais vous n'avez jamais vu la mer, Jean-Joseph, ni les navires non plus. Alors, il faut que je vous explique cela. Imaginez-vous que l'Océan me paraît grand comme le ciel. Partout autour de moi, devant, derrière, je ne vois que de l'eau. Le ciel a l'air de toucher à la mer de tous les côtés, et notre navire avance au milieu comme une petite hirondelle, bien petite, qui paraît un point dans l'air.

Pourtant il est très grand tout de même le Poitou, et on est bien installé dessus. On est même bien mieux que dans un autre bateau où j'ai navigué déjà sur la Méditerranée.

La Méditerranée est aussi une grande mer, mais elle est bien loin de ressembler à l'Océan. Elle n'a point de marées, point de flux et de reflux, comme disent les matelots, tandis que l'Océan a des marées très hautes. J'étais bien en peine de ce que cela signifiait, la marée; mais j'en ai vu une au port de la Rochelle, où notre navire s'est arrêté un jour, et je vais vous dire ce que c'est.

Vous saurez d'abord, Jean-Joseph, que l'eau de toutes les mers remue toujours; elle n'est jamais tranquille une seule minute, elle danse à droite, à gauche, en haut, en bas, la nuit comme le jour. Seulement la Méditerranée saute sans avancer sur le rivage et reste toujours au même endroit, comme l'eau d'une rivière ou d'une mare. L'eau de l'Océan, au contraire, avance, avance pendant six heures sur la terre comme une inondation: alors il y a de grands terrains tout couverts d'eau; puis après, elle redescend pendant six autres heures, et on peut marcher à pied sec là où elle était, comme j'ai fait à la Rochelle. Seulement on n'y peut rien laisser, vous pensez bien, ni rien bâtir; car elle revient ensuite pendant six autres heures et elle emporterait tout; et c'est comme cela, toujours, toujours, depuis que le monde est monde. Il paraît que c'est la lune qui attire ainsi et soulève l'eau de l'Océan. Je vous dirai, Jean-Joseph, que c'est tout à fait amusant, quand on est sur le bord de la mer, de jouer à courir au devant des vagues. On a beau se dépêcher, voilà que quelquefois les vagues courent plus vite que vous, et on en reçoit de bonnes giboulées dans les jambes; et on rit, parce qu'on a eu peur tout de même.

Mais je suis sûr, Jean-Joseph, qu'en lisant ma lettre vous vous dites: – Est-il heureux, ce Julien-là, de voyager ainsi et de voir tant de belles choses, tandis que moi je fais tout bonnement des paniers le soir à la veillée, après avoir gardé les bêtes aux champs tout le jour! Ah! Jean-Joseph, ne vous pressez pas tant de parler. Quand vous saurez nos aventures, vous verrez qu'il y a bien des ennuis partout, allez.

D'abord, les premiers jours qu'on était sur le navire, il y avait de grosses vagues, si grosses que cela nous ballottait comme les feuilles sur un arbre quand le vent souffle. On ne pouvait pas marcher sur le plancher du navire sans risquer de tomber. Il fallait donc rester toujours assis comme si on était en pénitence, et puis à table, quand on voulait boire, le vin vous tombait tout d'un coup dans le col de votre chemise, au lieu de vous tomber dans la gorge. Et alors, petit à petit, à force d'être toujours secoué comme cela, on finissait par avoir envie de vomir. Les marins riaient: – Bah! disaient-ils, ce n'est rien, petit Julien, c'est le mal de mer, cela passera.

Hélas! Jean-Joseph, cela ne passait pas vite du tout; on ne pouvait plus ni boire ni manger, on ne faisait rien que de vomir. Mon Dieu! j'aurais bien voulu, je vous assure, être alors avec vous à tisser des paniers le soir, tout uniment, au coin du feu.

Enfin, tout de même, à la longue cela s'en est allé; ce coquin de mal de mer est passé, et je me suis remis à travailler dans un petit coin du navire, comme si j'étais à l'école.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
25 июня 2017
Объем:
340 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

С этой книгой читают