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Читать книгу: «Voyages loin de ma chambre t.1», страница 5

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Le jeune homme demanda vingt-quatre heures de réflexion et alla soumettre le cas à son confesseur qui lui suggéra une bonne ruse: Le lendemain, au moment où Satan lui montrait de nouveau son plan, en lui rappelant à quelles conditions il en deviendrait possesseur, le jeune homme le lui arracha brusquement, et, tirant tout aussitôt de dessous sa robe une relique de sainte Ursule, il en frappa l’Esprit du mal au front. Satan vit bien qu’il était joué: «C’est encore une ruse de l’Eglise! s’écria-t-il; mais la cathédrale que tu me voles ne sera jamais achevée, et ton nom restera inconnu!» En prononçant ces mots, Satan arracha d’un coup de griffe la partie supérieure du dessin. Le jeune architecte mourut de chagrin de n’avoir jamais pu le reconstituer.

Pendant de longues années, l’évènement sembla donner raison à la légende. Les travaux de la cathédrale de Cologne, commencés en 1249, furent continués jusqu’en 1509; mais, dans ce long espace de temps, ils furent interrompus plus d’une fois, si bien qu’au commencement de ce siècle, le chœur seul avait pu être terminé.

Transformé par la Révolution française en magasin à fourrages, mutilé par le temps autant que par les hommes, le vénérable édifice menaçait ruine et allait probablement être jeté bas, lorsque le zèle archéologique et religieux se réveillant, des associations se formèrent et entreprirent non seulement de restaurer, mais encore d’achever à l’aide de souscriptions l'œuvre gigantesque à peine ébauchée au Moyen-Age. Les dons affluèrent de toutes parts; le roi de Prusse d’alors, Frédéric-Guillaume IV, s’engagea à verser annuellement cinquante mille thalers, et, le 4 septembre 1820, eut lieu la seconde fondation de la cathédrale, fête magnifique dont Cologne n’a pas perdu le souvenir. Dès lors, il n’y eut plus d’arrêt dans les travaux, que moins d’un demi-siècle, comme on le voit, a suffi pour mener à bien.

Le chœur est une merveille du moyen-âge: on venait de toutes parts à Cologne pour honorer les précieuses reliques qu’elle possède, et particulièrement celles des Rois Mages.

Saint Bruno naquit à Cologne, et Marie de Médicis y mourut en 1642. – Rubens y séjourna longtemps, quelques auteurs croient qu’il y est né; en réalité il reçut le jour à Siegen (Nassau), d’une famille noble et originaire d’Anvers. Nous n’avons pas voulu quitter Cologne sans acheter quelques flacons de cette eau spiritueuse et parfumée, qui porte son nom; inventée à la fin du siècle dernier par Jean-Marie Farina, elle est maintenant connue du monde entier.

Aix-la-Chapelle est aussi une ville importante des états prussiens: l’hôtel de ville est magnifique; la cathédrale bâtie par Charlemagne est remarquable; cependant je lui reproche son style un peu lourd, un peu confus, et elle me semble bien inférieure à celle de Cologne.

Près de la ville se trouvent des eaux sulfureuses et ferrugineuses, fort en vogue. Ces sources furent découvertes par Charlemagne vers 773 pendant une partie de chasse. Il y fit construire une chapelle; d’où son nom d’Aix-la-Chapelle. L’empereur finit même par faire de cette ville sa résidence habituelle et la capitale de tout l’empire. A partir de cette époque le développement et l’importance d’Aix ne firent que s’accroître. Il s’y tint différents conciles; les empereurs s’y firent couronner pendant plusieurs siècles, de 813 à 1531. Les habitants vous montrent avec fierté les tombeaux de l’empereur Othon III et de Charlemagne.

De même qu’Argenteuil possède la tunique de Notre-Seigneur, et Prün, dans le diocèse de Liège, ses sandales, Aix-la-Chapelle conserve précieusement sa ceinture de cuir (cingulum), dont les deux extrémités sont réunies et scellées du sceau de l’Empereur Constantin.

Ce trésor, ainsi que les restes de Charlemagne, qu’on appelle les «grandes reliques», ne sont présentés à la vue du peuple que tous les sept ans.

CHAPITRE VIII
Bruxelles, Laeken, Waterloo, Gand, Bruges, Anvers, Spa, Paris et ses ruines, Retour au logis

D’Aix-la-Chapelle, nous arrivons à la petite ville manufacturière de Verviers, première station belge. Là, il faut subir l’ennui de la douane, mais c’est égal, je ne suis plus en pays ennemi, il me semble qu’on m’a ôté un poids qui m’oppressait le cœur, je respire plus librement.

Le paysage a changé d’aspect; cependant vers Liège je retrouve des réminiscences de la Suisse en petit. Mais en approchant de Bruxelles, adieu la poésie. Nous sommes dans un pays riche et fertile, ces immenses plaines le prouvent certainement, malgré leur apparence terne, uniforme, presque insipide. Bruxelles s’annonce très bien par cette superbe gare du nord où nous débarquons; mais il y a tant de Parisiens ayant fui la Commune que tous les hôtels où nous frappons sont pleins. Enfin, après une journée de fatigues nous trouvons un appartement chez Monsieur Vereyken où nous sommes très confortablement installées.

Je vois dans mon guide que la ville de Bruxelles est à deux cent soixante-six kilomètres de Paris, et qu’elle renferme environ deux cent mille habitants.

Au septième siècle, Bruxelles n’était encore qu’un modeste bourg. Cette ville ne reçut son nom qu’en 1044, lorsqu’elle fut entourée de murs, et devint le séjour des ducs de Brabant. Ce n’est que depuis 1831 qu’elle est la capitale de la Belgique. Elle était avant l’une des deux capitales du royaume des Pays-Bas. Deux fois prise par les Français à la fin du dix-septième et à la fin du dix-huitième siècle, elle appartint à la France de 1795 à 1814.

On dit que Bruxelles est un petit Paris. C’est en effet une jolie miniature de notre capitale, avec sa ceinture de boulevards et son bois de la Cambre, rival de notre bois de Boulogne. Elle compte quatorze portes, vingt-sept ponts, et plusieurs beaux édifices. Sa cathédrale dédiée à Sainte Gudule est vraiment très belle à l’extérieur, quoique ses tours semblent inachevées.

L’intérieur est décoré très richement de superbes vitraux, de tableaux de maîtres et de magnifiques tombeaux en marbre blanc. La chaire en bois sculpté est très curieuse: l’artiste a représenté nos premiers parents mangeant la pomme et a personnifié les sept péchés capitaux qui viennent à la suite. L’hôtel de ville gothique est un remarquable monument entouré d’antiques maisons d’une architecture riche et bizarre. On ne voit qu’arabesques, colonnes, statuettes d’un grand effet. Ces demeures rappellent la domination des Espagnols, qui implantèrent ici le style mauresque, qu’ils tenaient eux-mêmes de leurs vainqueurs les Maures. L’ancienne maison du Roi est le chef-d'œuvre de ce genre. Quant au palais du roi actuel, ce n’est qu’une grande construction moderne, sans ornements et sans style. Sans doute que le confort et les richesses de l’intérieur font oublier l’extérieur, mais je ne l’ai pas visité.

La résidence royale de Laeken, située dans le faubourg de ce nom, est entourée d’un grand parc ouvert au public, qui peut s’y promener tout en admirant les beaux arbres, les pelouses fleuries, les orangeries et les serres remplies de plantes rares et superbes.

Le palais des ducs d’Orange, un peu moins laid que le palais du Roi, a été transformé en musée. Les promenades sont magnifiques et nombreuses.

L’Allée Verte est tout simplement ravissante; le parc royal, devant le palais du Roi, est planté de beaux arbres, mais les statues me semblent de peu de mérite.

Le parc de Bruxelles, devant le palais de la Nation, se trouve dans la ville haute, au milieu des quartiers les plus élégants. On y rencontre tout ce qui fait la beauté ordinaire des grands enclos: des massifs, des taillis, des pelouses, de l’eau. On a conservé un bassin qui recevait l’eau d’une fontaine aujourd’hui tarie. Ce bassin est donc à sec, mais on le garde, parce que Pierre-le-Grand pendant son séjour à Bruxelles, s’amusa un jour à boire «en vrai charpentier,» une bouteille de vin qu’il avait fait rafraîchir dans ce bassin. L’histoire, qui souvent laisse passer des faits importants, s’amuse parfois à consigner les plus petits, et c’est comme cela que les générations pourront lire gravés sur les bords du dit bassin, l’année, le mois, le jour et l’heure où le Roi a bu.

Quant au bois de la Cambre, il est vraiment splendide, et je crois qu’il peut rivaliser avec notre Bois de Boulogne. Au demeurant, Bruxelles est une ville industrieuse et commerciale, intelligente et artistique, riche et élégante.

Ses musées possèdent beaucoup de choses rares et curieuses, celui de peinture renferme une grande quantité de tableaux de Rubens, Van-Dyck, Rambrand, des deux Teniers, et de tous les maîtres de l’école flamande. Le musée Hirtz, fondé par un particulier, dont il contient seulement les œuvres et les collections assez originales, présente également beaucoup d’intérêt.

Bruxelles a de fort beaux magasins, et j’ai admiré aux étalages de lingerie ces belles dentelles si renommées dites point de Bruxelles.

Le théâtre de la Monnaie et celui des galeries Saint-Hubert sont les deux plus beaux de Bruxelles. Au reste, les divertissements abondent ici. Georgette irait volontiers tous les jours au spectacle ou au cirque; elle devient très mondaine. Je crois qu’il est temps de rentrer chez nous, et vraiment le mal du pays me gagne. Depuis huit mois je parcours villes et campagnes, employant mon temps à tout voir, à tout visiter. J’ai coudoyé des milliers de personnes et cependant je suis toujours l’étrangère partout où je vais. Je suis l’inconnue qui passe devant des indifférents et à la longue, ce sentiment d’isolement, cette solitude dont on se sent entouré deviennent une souffrance de cœur!.. Oh! mon sweet home! quand te reverrai-je?

Nous avons visité le château de Laeken, résidence d’été du roi: c’est simple et beau. Puis nous avons fait une excursion à Warterloo, ce tombeau des gloires du premier empire. Georgette a grimpé au sommet du monticule d’où le lion belge domine la plaine en vainqueur, mais je n’ai pas eu ce courage; je suis restée aux pieds du colosse où m’est venue à l’esprit cette réflexion: «Que le petit état belge s’était fait représenter par un bien gros animal. Waterloo a comme Fribourg son tilleul historique et centenaire. C’est de ce tilleul, qui lui servit d’observatoire, que Napoléon suivait la bataille qui devait aboutir à la suprême défaite.

Bruxelles a aussi sa légende, la bien jolie légende de la Guerliche.

«La Guerliche, type populaire flamand, est une des personnifications de l’esprit qui court les rues. Goguenard, sentencieux, il parle par paraboles et par proverbes. Un jour, le roi des Pays-Bas vint visiter les Flandres. Il avise dans une promenade la plus belle ferme et le plus beau moulin qu’il ait jamais vus.

«A qui ce moulin? demande-t-il.

– Au meunier la Guerliche, sire.

– Et cette ferme?

– Au mayeur Sans-Souci.

– Sans-Souci! s’écrie le roi, voilà un gaillard qui est plus heureux que moi. Qu’on aille lui annoncer que je l’attends demain pour lui poser trois questions: 1º Ce que pèse la lune; 2º Ce que vaut son roi; 3º Ce que je pense. S’il répond de travers, il sera pendu: ce serait trop commode de passer ainsi la vie sans inquiétude.»

Sans-Souci se désole, mais la Guerliche s’offre à le remplacer, à la condition que le mayeur renoncera à la main de Toinette, qu’ils aiment tous deux.

La Guerliche se présente devant le roi.

«Eh bien! lui demande le monarque, sais-tu ce que pèse la lune?

– Oui, sire, elle pèse une livre.

– Et sur quoi bases-tu ton opinion?

– Sur ce qu’elle a quatre quarts.

– C’est juste, fait le roi. Et dis-moi maintenant, combien m’estimes-tu?

– Vingt-neuf deniers.

– Comment drôle, tu oses?..

– Dame! sire, puisque Notre-Seigneur Jésus-Christ a été vendu pour trente deniers, je dois, en bon chrétien, vous placer un peu au-dessous.

– Très bien! dit le roi. Peux-tu me dire aussi ce que je pense?

– Parfaitement. Vous pensez que je suis Sans-Souci.

– Oui.

– Eh bien, je suis la Guerliche!

– Je te prends pour premier ministre! s’écria le roi enthousiasmé.»

Il est peu probable que ma destinée me ramène jamais en Belgique; je profite donc de mon séjour pour visiter ses principales villes.

Gand est une place forte de cent vingt mille âmes, plantée au beau milieu de plusieurs rivières, et une ville intelligente, possédant une Université libre, une Académie de dessin, peinture, sculpture, architecture, des musées, des bibliothèques, des sociétés savantes. Ce qui donne à cette ville de dix-neuf kilomètres de tour, un aspect tout particulier, c’est qu’elle est bâtie sur trente-six petites îles reliées entre elles par trois cents ponts. Il y en a plus qu’à Venise certainement, mais Venise reste une ville de Palais et l’emportera toujours sur sa rivale du nord, qui garde cependant aussi bien des souvenirs.

On admire son magnifique bassin pouvant contenir quatre cents bâtiments, son hôtel de ville du XVme siècle, son beffroi du XIIme, sa cathédrale du XIIIme, que couronne une tour de quatre-vingt-dix mètres de haut, enfin les vastes bâtiments de son Béguinage célèbre, qui tient tout un quartier. On vous fait aussi remarquer les restes de l’abbaye de Saint-Pierre, autrefois la plus riche des Pays-Bas.

Les églises ici sont remplies d'œuvres d’art.

Gand est la patrie de Charles-Quint. Cette ville fut prise en 1678, par Louis XIV, et à la fin du siècle dernier par les armées de la République.

Louis XVIII s’y retira pendant les Cent Jours et y publia un journal officiel: Le Moniteur de Gand. Bruges, qui compte cinquante mille âmes, est une ville belge, à la physionomie espagnole. Cette physionomie se retrouve aussi bien dans les demeures que dans les habitants, beaucoup de femmes sont brunes et n’ont rien du type un peu lourd des Allemandes blondes ou des rousses flamandes.

On remarque à Bruges le Palais épiscopal, l’ancien palais de Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, actuellement Palais de Justice, les halles, dont la tour possède le plus beau carillon de toute l’Europe, et l’église Notre-Dame, où se trouve le tombeau de Charles-le-Téméraire.

Le peintre J. Van Eych est souvent appelé Jean de Bruges, parce qu’il se fixa dans cette ville.

Quant aux dentelles de Bruges, que j’entendais vanter dans mon enfance, il paraît qu’elles se fabriquent dans les béguinages de Gand et non à Bruges, qui a cependant son béguinage.

En France nous ne connaissons pas le béguinage. En Belgique il est très florissant. Le béguinage n’est point un ordre, tant s’en faut ni une congrégation, puisqu’on n’y prononce point de vœux, c’est une sorte de confrérie. Autrefois on donnait ce nom à des filles ou veuves, qui, sans faire de vœux, se réunissaient pour vivre dans la dévotion. Cette sorte de communauté, qui remonte au XIIme siècle, fut suivant les uns appelée béguinage, du nom de Lambert Begg ou le Bègue, prêtre Liègeois, leur fondateur (1170); suivant d’autres, de Sainte Bègue ou Begga, sœur de Sainte Gertrude, qui aurait fondé ce genre de communauté dès 692. On a fait enfin dériver ce nom du vieil allemand beggen, demander, prier. Il y a encore en Allemagne, et surtout en Belgique, beaucoup de ces maisons-là.

Les Béguines furent supprimées en France par Louis XI, et remplacées, pour les soins à donner aux malades, par des sœurs du tiers-ordre de Saint François, auxquelles le vulgaire appliqua le nom de Béguines.

Le béguinage de Bruges exige des quartiers de noblesse: des princesses, des filles de sang royal en font partie. En principe, on va au béguinage pour sanctifier son âme, mais cette institution rend encore d’autres services. On a eu des déboires, des ennuis dans le monde ou un réel chagrin, on se réfugie au béguinage pour le temps qu’on veut, quelques jours ou quelques mois, et là on se retrempe, on prie, on se console.

Lorsqu’un jeune homme resté indécis, hésitant, ne se décide pas à demander la main de la jeune fille qui a jeté son dévolu sur lui, crac! celle-ci se précipite au béguinage, et menace d’y rester jusqu’à la fin de ses jours. Ce grand coup frappe généralement le cœur du rebelle, qui fait sortir l’amoureuse du béguinage, en lui passant l’anneau de fiançailles au doigt.

Comme on le voit, le béguinage, à tous les points de vue, a du bon.

De Bruges nous sommes allées faire un déjeûner d’huîtres à Ostende, station balnéaire très suivie. Nous nous sommes fort régalées de ces petites huîtres vertes sortant toutes fraîches de l’eau; elles sont à la hauteur de leur réputation, et quoique petites sans doute, je n’aurais pas voulu tenir la gageure de cet étranger, qui dernièrement avait parié avaler son cent d’huîtres pendant que l’horloge sonnerait les douze coups de midi, ce qu’il fit comme il l’avait dit, et sans en être le moins du monde incommodé.

Par exemple, j’ai eu quelque surprise en apprenant que ces délicieux mollusques, que je classais parmi les meilleurs produits de la mer du Nord, sont seulement élevés en Belgique et qu’ils naissent tous en Angleterre, sur les rochers de Colchester, d’où on les amène ici par cargaison.

Ah! le commerce, que n’invente-t-il pas?

J’ai été aussi à Anvers, cette belle ville dont Napoléon voulait faire la rivale de Londres. Elle comptait jadis deux cent mille âmes et fut pendant les douzième, treizième et quatorzième siècles l’une des premières places marchandes du globe.

Elle était si florissante il y a quatre cents ans que le négociant Doems, chez qui Charles-Quint avait accepté de dîner, après le repas, jeta au feu, et sans se ruiner une reconnaissance de dix millions de florins prêtés par lui à l’Etat: «Je suis trop payé, dit l’Anversois par l’honneur que Votre Majesté m’a fait aujourd’hui.»

Anvers ne fut pas seulement une ville supérieure par son commerce, elle le fut aussi par les arts. Elle avait son académie de Belles-Lettres, et fut le siège principal de l’école flamande de peinture. On l’appelait alors Anvers la riche.

Au moyen-âge, l’usage de donner des surnoms aux hommes et aux lieux était assez général. Bien des villes avaient un surnom; il était ordinairement caractéristique, et il peignait chaque cité d’un seul trait. Dans les Pays-Bas, on rencontrait donc:

Anvers la riche;

Bruxelles la noble;

Louvain la sage;

Gand la grande;

Bruges l’ancienne.

C’était la même chose en Suisse.

Un vieux chroniqueur suisse nous apprend que de son temps, quand on parlait des neuf cités épiscopales de la rue aux prêtres (c’est ainsi qu’on désignait le Rhin, à cause de la quantité d’évêchés qui se trouvaient sur ses bords), il était en usage de dire:

Coire est la plus haut située;

Constance, la plus grande;

Strasbourg, la plus noble;

Mayence, la plus digne;

Trèves, la plus ancienne;

Cologne, la plus puissante;

Spire, la plus pieuse;

Worms, la plus pauvre;

Et Bâle, la plus gaie.

Valenciennes s’appelait la franqueville.

Levasseur (Annales de Noyon) rappelle qu’un doyen de Noyon disait, en 1633:

Noyon la sainte;

Saint-Quentin la grande;

Péronne la dévote (et aussi la pucelle);

Chauny la bien-aimée;

Ham la bien placée;

Bohain la frontière;

Nesle la noble;

Athie la désolée.

Le commerce d’Anvers est encore considérable. J’ai vu avec étonnement et admiration son port couvert de vaisseaux, dont les milliers de mâts émergent de la mer, comme les arbres d’une immense forêt. J’ai encore visité, avec beaucoup d’intérêt, son musée, le plus beau du royaume, et qui possède les plus belles toiles de Rubens.

Nous avons admiré à Notre-Dame, dont la tour est le plus haut édifice de la Belgique, le magnifique tableau de Rubens: La Descente de Croix.

Nous avons longuement promené Georgette et moi dans le magnifique jardin zoologique, le plus complet que j’ai vu. Il passe du reste pour l’un des plus pittoresques et des mieux entretenus qu’il y ait en Europe.

On vante son palais de verre, décoré dans le goût égyptien, qui permet de voir à couvert la ménagerie et d’assister au repas des fauves.

Anvers possède aussi un jardin botanique, dont l’origine est… originale.

Un jour de l’année 1826, on faisait une vente de fleurs qui avait attiré foule d’amateurs. Parmi ces collections se trouvait un arbuste fort rare et d’un prix si élevé, qu’il ne trouvait point acquéreur.

«Eh bien! qu’on l’achète pour le jardin botanique de Bruxelles, cria une voix.

– Vous avez raison, répondit un secrétaire du Roi.

Et la voix railleuse reprit: C’est ça, laissons partir le plus beau fleuron de notre couronne. N’est-ce pas honteux que la ville d’Anvers n’ait pas un jardin botanique?»

L’idée fut acceptée, le jardin fut fondé et l’arbuste rare fut son premier habitant.

Spa, fort en vogue, est une petite ville d’eau très bien rebâtie après l’incendie de 1807, sur la frontière du Luxembourg. C’est Bade en miniature. Les salons de jeu, fraîchement décorés, sont splendides. J’y ai vu un joueur perdre vingt mille francs sans sourciller. La promenade de Sept Heures et l’allée du Marteau où défile le beau monde sont charmantes, mais c’est bien loin du grandiose de la Forêt-Noire. Peut-être aussi suis-je blasée d’avoir tant vu. J’attends avec impatience l’ouverture de Paris pour retourner chez moi; je verrai en passant dans quel état les sauvages communards ont mis cette malheureuse ville.

20 Juin 1891.

Après l’insurrection vaincue et l’armée rentrée à Paris, nous nous apprêtions à partir, lorsque Georgette est prise de la rougeole. Quinze grands jours de souffrance et d’ennuis, qui me dégoûtent tout à fait de Bruxelles. Enfin, Georgette fait sa première sortie pour voir défiler une superbe cavalcade et je rentre le soir malade à mon tour avec la rougeole. Quinze nouveaux jours de souffrance, d’ennui et de réclusion. J’en ai assez de ces terres cosmopolites «où l’on ne se sent plus regardé par les doux yeux de la patrie.» Ah! comme j’ai hâte de la revoir, cette mère patrie, si malheureuse aujourd’hui, la Matrie comme disait Platon.

Enfin, le docteur m’octroie la permission de partir, et nous quittons la Belgique pour toujours.

Depuis notre entrée en France, partout nous apercevons les traces de la guerre. Aux environs de Paris, surtout, ce ne sont que ponts coupés, réparés provisoirement, sur lesquels le train passe avec grandes précautions. Paris me semble triste comme un tombeau, par ce brillant soleil d’été qui n’éclaire que les ruines de ses palais; et cependant, chose étrange, il y a foule dans les rues, le mouvement reprend, les restaurants sont pleins de monde, et les cafés aussi. On cause avec le même enjouement, avec la même futilité de paroles, si j’osais je dirais, avec la même insouciance qu’aux temps heureux. Mon Dieu, quel peuple que ce peuple français que rien n’abat! Voilà des mois que les Parisiens meurent de faim, voilà des mois que leur ville est à feu et à sang, et sitôt une accalmie, ils se reprennent à vivre comme par le passé. Et cependant, quel spectacle affreux! On fouille tous les squares pour en retirer les cadavres enfouis précipitamment pendant la lutte, dans toutes ces rues où l’on se battait pied à pied, comme des géants, comme des démons. Les troupes campent au Jardin des Tuileries, au Palais-Royal, dans les rues, partout.

Les maisons que le pétrole a épargnées sont criblées de balles, écornées par les boulets. Tous les ponts sur la Seine sont coupés. A Sèvres, il ne reste pas un arbre sur pied: dévastation complète. Mais comme ruines, Saint-Cloud est un chef-d'œuvre, c’est l’abomination de la désolation. Je ne crois pas qu’il y ait eu cinq maisons épargnées par le bombardement.

Après avoir parcouru la ville et les environs, nous nous éloignons l'âme navrée de toutes ces tristesses. Nous rentrons enfin chez nous après huit mois d’absence.

C’est une grande joie de revoir tout ce qu’on avait quitté et tout ce qu’on aime; c’est une grande joie de franchir le seuil de sa maison et de retrouver sa demeure, cette demeure qui est la petite patrie dans la grande.

Les exilés seuls ont savouré ces douceurs-là.

 
«O mon jardin, ma maisonnette,
«Chers témoins de ma paix discrète,
«Qu’avec bonheur je vous revoi,
«Et qu’avec plaisir je répète:
«Il n’est pas de petit chez soi!»
 
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 октября 2017
Объем:
240 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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