Читайте только на ЛитРес

Книгу нельзя скачать файлом, но можно читать в нашем приложении или онлайн на сайте.

Читать книгу: «Voyages loin de ma chambre t.1», страница 15

Шрифт:

CHAPITRE VII
Dîner d’adieu. – Une partie de foot-ball

Ma bonne amie a donné hier, en mon honneur, un grand dîner d’adieu. Repas pantagruélique, où j’ai encore été à même d’apprécier le brillant appétit des ladies et des gentlemen anglais. Ils mangent comme des ogres; ce besoin continuel de se sustenter doit tenir à l’air qu’ils respirent.

Le climat qui ronge d’une façon si étrange les monuments, rongerait-il aussi l’estomac? Suzette prétend qu’elle est constamment altérée et affamée. Si je restais plus longtemps à Oxford, je finirais par être comme elle, j’arriverais aux cinq repas que font consciencieusement les Anglais, tous les jours. L’hiver, c’est le froid qui les fait dévorer, et l’été, c’est le chaud. Le fait est que la chaleur molle et lourde abat complètement, et de toutes façons il faut bien se redonner des forces.

L’après-midi, j’avais assisté à une partie de foot-ball. On aime les jeux de force brutale en Angleterre. Le foot-ball y est fort en honneur, principalement au célèbre collège de Rugby, où sont précieusement conservées les traditions de ce jeu national.

Il y a deux manières de jouer le foot-ball, soit à la mode de Rugby, soit à la mode de Londres, où réside l’association pour la réforme un peu adoucie de ce jeu trop sauvage, comme la soûle en Bretagne.

«A Rugby, c’est le jeu dans toute sa barbarie, tel qu’il a été légué aux Forwards d’à-présent par les jeunes athlètes du temps des Stuarts, des Lancastres et des Tudors. Le foot-ball ou balle au pied, sur laquelle se ruent les lutteurs des deux camps pour l’envoyer d’un coup de pied vers le but adverse, le vrai, le pur, le traditionnel foot-ball de Rugby autorise la mêlée, le corps-à-corps, l’usage des pieds, des mains, de la tête, scrummage et hacking, c’est-à-dire bagarre et coups de souliers dans les tibias! Comme on le voit, il n’y a pas moyen pour les jouteurs de s’ennuyer un seul instant!

A Londres, sans aller jusqu’à faire revivre les édits protecteurs de 1314, de 1349 et de 1401, l’Association n’admet que l’emploi des membres inférieurs. C’est un progrès. Il est défendu de se casser autre chose que les jambes, n’importe laquelle par exemple. Le code n’a pas prévu de préférence.

Le foot-ball est la contre-partie, le contraire d’un sport régulier. Il prête aux abus de la vigueur individuelle, à tous les vices inhérents aux mêlées confuses. Enfin, sans parler des blessures graves, fractures et contusions qui sont innombrables, les cas de mort subite ne sont pas rares non plus, par suite d’étouffement, de compression viscérale ou d’épuisement.»

Le journal médical anglais, le Lancet, donne la statistique suivante des accidents occasionnés par ce jeu. L’année dernière, de septembre à janvier, on a compté: treize morts, quinze fractures de jambes, quatre bras cassés, onze nuques démolies, une joue crevée, un nez abîmé, etc.

Ici on jouait le foot-ball de Londres, mais c’est égal, qu’est-ce qu’un plaisir qui vous inquiète au lieu de vous amuser? Je fais des vœux pour que le foot-ball ne pénètre pas en France, à la suite du crocket et du lawn-tennis.

JOURNAL DE SUZETTE

Nous partons après demain. Que j’en suis heureuse! je me sens légère comme l’oiseau qui ouvre ses ailes, gaie comme l’oiseau qui reprend sa liberté. J’aurais fini par devenir morose comme la petite fermière de Madame, un enfant de huit ans qu’on avait amenée au château pendant une très grave maladie de sa mère.

Au bout de trois jours elle ne riait plus, au bout de quatre elle parlait à peine, au bout de cinq elle pleurait.

– Mais mon enfant tu es bien soignée ici.

– C’est vrai, mais je voudrais retourner chez nous.

– Tu as une belle chambre, des jeux.

– C’est vrai, mais je voudrais retourner chez nous.

– Madame est bien bonne pour toi.

– Bien bonne, c’est vrai, mais je voudrais retourner chez nous.

Chère petite, elle ne voyait rien au-dessus de l’humble foyer qui était son chez elle. Je comprends cela; moi aussi je suis bien soignée, j’ai une jolie chambre, je ne fais que me promener, et pourtant j’aime mieux travailler et retourner chez nous, chez nous en France.

Nous reviendrons par Douvres et Calais, j’en suis bien contente, je préfère la vapeur sur terre à la vapeur sur mer.

JOURNAL DE MADAME

Ce n’est pas sans émotion que je vais quitter mon excellente amie, mais c’est sans regret que je quitterai l’Angleterre. Sans doute on trouve parmi les Anglais, pris individuellement, des gens charmants, pleins de courtoisie et d’amabilité, de distinction et même de cœur, mais la nation anglaise, à l’abri de ses remparts liquides, s’enferme de parti pris dans un superbe isolement; ne pensant qu’à soi, elle garde ses coudées franches pour ne faire aucune alliance qui puisse la compromettre, c’est-à-dire l’entraîner à combattre dans l’intérêt des autres. Personne aussi n’aime «ce peuple amphibie, qui gouverne la terre par la mer.»

La France ne peut aimer son ennemie séculaire, la perfide Albion, les autres Etats d’Europe s’en méfient, et les Américains ne professent aucune sympathie pour les Anglais. «Vous ne les verrez jamais caresser la crinière du Lion britannique; non, leur plus grand amusement est de lui tortiller la queue.» Mais assez de réflexions sur Old England, je reviens à mon amie. C’est demain que doit sonner l’heure de la séparation…

Comme le temps passe vite dans l’intimité d’une femme aimable et bonne. L’amabilité, la bonté n’ont pas d'âge, je dirai même qu’elles sont toujours jeunes et belles, c’est un rayonnement de l'âme.

Mon amie est très connue et très aimée à Oxford, elle fait le bien d’une main généreuse et discrète. Il y a trois choses chez elle qui ne sont jamais fermées: sa porte, sa bourse et son cœur.

Voilà une femme qui doit certainement se coucher tous les soirs avec la conscience satisfaite d’un Titus qui n’a point perdu sa journée.

J’emporte les meilleurs souvenirs. On est heureux d’avoir vu les lieux qu’habitent ceux qu’on aime, on vit leur vie par la pensée, on les retrouve dans leur intérieur, on les suit dans leurs habitudes, et l’on se sent plus rapproché d’eux.

La sympathie, la véritable amitié sont rares, il est bien doux de se connaître des cœurs acquis et de savoir à soi-même ses sentiments d’affection bien placés.

J’ai visité des terres charmantes, j’ai vu la plus grande ville du monde, j’ai joui des douceurs de l’amitié. Mon voyage s’est accompli sans ennuis, sans mésaventures, sans trop de fatigues, et ma plus grande joie après tous ces plaisirs, c’est de rentrer chez moi. C’est ici le cas d’appliquer le proverbe anglais qui sera toujours vrai:

There is no place like home
JOURNAL DE SUZETTE

Je ne m’attendais pas à cette douloureuse surprise, notre traversée si courte a été affreuse!

Nous avons d’abord voyagé en chemin de fer, aperçu rapidement plusieurs comtés, les uns aux campagnes riches, bien cultivées, vraiment superbes; les autres, steppes de landes, de bruyères, de sapins, qui m’ont rappelé certaines parties de la Bretagne.

Au demeurant, l’Angleterre est un pays étrange. En général, la campagne est belle et paraît triste, les villes sont très peuplées et manquent d’animation.

Vive! Vive, notre gaie France!

A neuf heures du soir, nous montons à bord, à minuit, nous démarrons. La mer est calme. Il y a beaucoup de passagers, et moins de passagères, sept dames frisées comme des chérubins sont mes compagnes de voyage.

Au fur et à mesure que nous gagnons la pleine mer, le vent se lève et souffle avec furie. Le bateau danse effrayamment, et un sourd grondement se fait entendre sous les flots. Vers une heure, la tempête est à son apogée. Tantôt le bateau s’élève sur la crête des lames immenses, tantôt il pique une pointe terrible dans l’abîme, où il semble prêt à disparaître, sous les vagues démesurément hautes, qui l’accablent.

Le mal de mer fait des ravages, les dames gémissent, les toilettes sont en désordre et les beaux cheveux défrisés. Je pense que je suis trop impressionnée, trop effrayée pour être malade. Madame garde son sang-froid, mais je vois qu’elle est inquiète. A une heure et demie, la mer de plus en plus irritée entre en démence. Je fais mon acte de contrition, persuadée que c’est fini, la mer sera mon tombeau…

L’orage illumine l’air, les lames se dorent de lueurs phosphorescentes, bientôt la pluie tombe à torrents, le vent va faiblir. Le ciel a pitié de nous.

Vers deux heures, l’accalmie se produit. Je reprends courage.

Nous sommes maintenant bien près de nos côtes. On aperçoit leurs feux qui éclairent la nuit. Nous sommes sauvées! On jette l’ancre, le navire accoste, les passagers débarquent. Salut, France! noble terre, douce patrie…

Ce soir, jour béni, je serai de retour en Bretagne, mon cher pays, ma vraie patrie, puisque c’est là qu’habitent tous ceux que j’aime. Mon Dieu, je vous rends grâce!

SUZETTE.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 октября 2017
Объем:
240 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

С этой книгой читают