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Читать книгу: «Voyages loin de ma chambre t.1», страница 14

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CHAPITRE V
Deux fêtes. – Raout et garden-party

Je me suis laissée entraîner à une petite soirée; c’est l’époque. Ces dames ont les small and earlies, ces mots, mis au bas d’une invitation, signifient qu’on sera peu nombreux, qu’il faut venir de bonne heure, et qu’on s’en ira de même. Bref, cette phrase anglaise équivaut à notre sans cérémonie français. Nous étions quand même plus de cent personnes. On est arrivé à dix heures et parti à deux heures après minuit. C’est paraît-il ce qu’on appelle en Angleterre, arriver tôt et partir de même.

Cette petite soirée était un raout; on promène et on cause, en régalant son palais d’excellentes choses, et ses oreilles d’excellente musique.

Tantôt ce sont les chanteurs tyroliens qui font fureur, en ce moment, les tziganes, très en vogue aussi, ou simplement un orchestre jouant des airs d’opéra. Cette fois, c’était une troupe de tziganes qui se faisait entendre. Ces artistes ont beaucoup d’originalité et leur musique beaucoup de caractère. Je suis également allée à un garden-party, cette distraction est un des plaisirs favoris de tout le monde aussi bien des dames que des messieurs.

Le lawn-tennis et le crickett ont fait florès. J’ai vu un jeune homme d’une force remarquable au crickett, et qui tient son savoir de William Grace, de Manchester, lequel depuis trente ans, passe pour le premier cricketter d’Angleterre.

Cette fête se passait au milieu d’un jardin rempli de corbeilles de fleurs qui se détachaient sur des pelouses d’herbe tendre et unie comme du velours; ces pelouses sont le triomphe des jardiniers anglais. Le five o’clock tea a été servi dans une grande serre aménagée ad hoc, mais le modeste thé était additionné de chocolat, de café, de sorbets, de champagne, de sandwichs aux volailles truffées, de fraises, de raisins et de friandises de toutes sortes, c’était une avalanche de bonnes choses, auxquelles on a fait grand honneur. Il est certain qu’ici le climat creuse l’estomac; il faut beaucoup manger pour ne pas s’anémier. Les pâtés ont été profondément battus en brèche, et l’armée des petits fours a reçu de rudes assauts.

Les Anglais se tirent à merveille de ces batailles gastronomiques. Ils sont un peu de l’avis de ce cuisinier de haute volée, qui disait à son maître, un jeune diplomate d’avenir: «C’est par les dîners, qu’on gouverne le monde.» Le fait est que les Anglais mangent énormément sans se montrer trop difficiles sur le choix des mets. Ils font passer la quantité avant la qualité. Ici cependant ce n’était pas le cas. Tout était abondant et parfait. Après ce repas, on est entré dans le grand salon pour se reposer quelques instants et mettre en pratique le proverbe anglais:

 
After dinner sit a while
After supper walk a mile,
 

ce qui veut dire:

 
Après un repas copieux, prenez du repos.
Après un repas léger, faites une courte promenade.
 

Pendant ce temps-là, la nuit venait, et le jardin s’illuminait de lanternes vénitiennes et de feux de bengale. C’était l’heure charmante, où la fraîcheur descend et invite à sortir. La jeunesse est allée sous les tonnelles continuer le doux nonchaloir du salon; au lawn-tennis et au crickett, elle a fait succéder des à partés de flirtation fort agréable pour elle sans doute, et fort divertissant aussi pour ceux qui la regardaient. Les jeunes cœurs attendent impatiemment cet épilogue des réunions; c’est pour eux comme le post-scriptum qui contient l’essentiel de la lettre.

En somme deux jolies fêtes, auxquelles je suis bien aise d’avoir assisté.

JOURNAL DE SUZETTE

Je pensais qu’en Angleterre il y avait beaucoup de cavaliers, – pas du tout; j’en ai vu très peu mais on voit des vélocipédistes en très grand nombre.

Les Anglais aiment aussi beaucoup les parties sur l’eau, ils aiment les bains, la pêche, et s’en vont souvent canoter sur la Tamise qui prend ici le nom d’Isis. De charmants bateaux se louent et des jeunes gens, en habits de fantaisie les conduisent avec une vitesse effrayante; l’autre soir, sous nos yeux, une petite périssoire où deux jeunes gens s’étaient embarqués et qu’ils conduisaient comme des fous a chaviré; mais heureusement ils ont eu pied, et ont regagné le bord du quai d’un petit air triomphant, aux applaudissements ironiques des promeneurs.

Pour cet exercice de navigation, comme pour le lawn-tennis, les jeunes gens portent des habits en flanelle rayée de couleur voyante d’un joli effet. C’est à qui arrivera le plus vite; quelquefois le petit bateau marche si fort que sa pointe enfonce dans l’eau; mais ceux qui le montent n’ont pas peur, la rivière est peu large, et ils savent nager; ces petites noyades là sont des jeux pour rire.

J’espère que nous ne tarderons pas à partir: si mon corps est en Angleterre, mon cœur est en France. Madame parlait d’allonger notre séjour d’une semaine, mais depuis trois jours, les jours se suivent et se ressemblent, et j’espère que cela modifiera ses projets. De la pluie le matin, de la pluie l’après-midi, de la pluie le soir, et nous sommes en été. Les trois quarts du temps dans ce pays-ci Mylord Soleil s’obstine à garder son bonnet de nuit de nuages gris et sa vilaine robe de chambre de brouillard noir. Dame! après ça, il ne faut pas s’étonner que le spleen soit une maladie anglaise. Je comprends que les indigents soient particulièrement tristes, ils n’ont même pas le soleil bienfaisant qui est le foyer du pauvre.

Voilà probablement pourquoi on boit tant dans ce pays-ci pour se régayer un peu; l’ivresse est le défaut caractéristique de toutes les classes: tout est si froid à l’extérieur qu’il faut bien se réchauffer à l’intérieur.

On dit que la reine elle-même aime à prendre son petit night cape.

Miss Emily m’a assuré qu’à Londres les ladies, les femmes du monde, trouvent chez tous leurs fournisseurs du Champagne extra-sec et du gin extra-pur, et ne regagnent la plupart du temps leur voiture qu’à pas chancelants. Il y a des modistes célèbres pour leur whisky d’Ecosse, des lingères au brandy incomparable, des gantières chez qui l’on est toujours assuré de trouver une pinte de cette fameuse old ale qui a parfois dix années de bouteille et dont un seul verre endormait lord Seymour.

Plus d’une élégante ne va au spectacle qu’avec un flacon de rhum en poche, dont elle s’offre de fréquentes rasades derrière l’éventail. Par les temps froids, dans la rue, elle tient son manchon sur ses lèvres. Or, ledit manchon est «truqué» en biberon contenant du whisky… d’autres remplacent la bouteille par des bonbons consistant en capsules de gomme remplies d’alcool, et s’en régalent jusqu’à l’ivresse complète.

Miss Emily m’a raconté l’histoire d’une dame qui possédait une magnifique bible de format in-8, à tranches dorées. Ce superbe volume contenait une bouteille de la capacité d’un litre. Cette bonne dame, chez elle comme au temple, ne se servait jamais que de cette sainte bible. Et tout le monde admirait son attachement aux pratiques religieuses. Elle est morte alcoolique, mais elle avait l’ivresse douce, et ce n’est qu’après sa mort que son pauvre mari a découvert quel emploi elle avait fait du recueil des textes sacrés.

Le puritanisme anglais s’arrête devant une bouteille. On a vu plus d’un goutte-man, cédant à l’attraction d’un breuvage enivrant, s’asseoir devant un flacon de brandy, tirer de son carnet sa carte de visite, la placer dans une fente du bouchon, se verser rasade sur rasade, et s’abandonner ensuite au sommeil de l’ivresse. Il y a des professionnels qui se chargent de ramener à domicile les épaves munies de leur pavillon.

Et voilà comment ceux qui boivent trop, trouvent le moyen de donner du pain à ceux qui ne mangent pas assez.

JOURNAL DE MADAME

CHAPITRE VI
Encore les Salutistes. Notes de mon amie. Coutumes anglaises. Religion anglicane

Les salutistes viennent de passer sous ma fenêtre avec leur tam-tam obligé. Cette religion, qui ne peut marcher sans tambour ni trompettes, est d’un grotesque achevé. Décidément cette armée nous poursuit, nous l’avons rencontrée partout. Ces soldats de Dieu, tout habillés de rouge et qui feraient plutôt penser à ceux du diable, portent ici sur le dos et sur la poitrine de grands écriteaux que je n’ai pu lire. On dit que la Suisse les a mal accueillis, elle a même fini par coffrer ces étonnants missionnaires. Du coup les salutistes ont crié victoire et parlent maintenant de leurs valeureux frères comme de saints martyrs.

L’armée du salut, commencée dans l’absurde, finira dans un long éclat de rire. Les salutistes se noient dans le ridicule.

NOTES DE MON AMIE

Autrefois en Angleterre, la veille de Noël (Christmas Eve et non pas Night) était seulement fête de famille.

La veille de Noël on se réunissait chez les grands parents où la jeunesse dansait, jouait à Colin Maillard (Blind Man’s Buff) et on finissait la soirée par «Snap Dragons» plus tard remplacé par la lanterne magique.

Les Snap Dragons consistaient en un plat énorme dans lequel on mettait des raisins secs et des petits fruits confits qu’on plaçait sur une table ronde, dans la salle à manger tendue d’avance de draps blancs. Ensuite toute lumière était éteinte, les enfants, grands et petits étaient invités à entrer. Au dernier moment on versait soit du cognac, soit du gin sur les fruits et on y mettait le feu.

Alors c’était à qui aurait le courage le premier d’en retirer et d’en manger, après avoir dansé la main dans la main autour de la table. Naturellement les flammes donnaient de la lumière, et sur les draps on voyait se refléter les danseurs et ceux qui plongeaient la main dans les flammes. Une fois commencé on continuait ce jeu jusqu’au dernier raisin parmi les éclats de rire et de frayeur.

De notre temps les «Snap Dragons» et «Blind Man’s Buff» sont à peine connus et la veille de Noël est devenue une journée assez fatigante pour les jeunes filles qui font des économies pendant l’année pour pouvoir monter une épicerie pour les pauvres, soit dans la cuisine, le vestibule ou la terre de la maison. Là viennent les personnes âgées auxquelles on distribue des paquets de thé, de sucre, et des épiceries, dont le poids est proportionné au nombre des membres de chaque famille et à ses besoins.

On y glisse souvent de l’argent pour payer le loyer.

Le soir on a l’Arbre de Noël (pour les enfants de la maison) décoré avec des bougies et des lampes de couleur, et sur lequel sont suspendus des cadeaux pour chacun.

On y invite les petits amis qui ont perdu leur mère, ou qui ne sont pas dans une position de fortune suffisante pour avoir un arbre chez eux.

Il y a toujours dans les écoles publiques un arbre de Noël pour les ouvriers et pour les pauvres, une jeune fille aimable tient le piano pendant qu’on distribue les cadeaux, composés d’objets confectionnés, la plupart du temps, par les personnes riches et charitables.

On y trouve des tricots, des vêtements, etc., mais il y a aussi des bonbons et des joujoux.

Autrefois, dans la soirée même du jour de Noël, toute la famille dansait après le dîner, les Messieurs et les Dames les plus âgés commençaient le quadrille. Bien entendu que leur danse ne durait que quelques minutes, c’était ensuite le tour de la jeunesse. La salle de danse était décorée, comme la salle à manger, de fleurs, de verdure, de guirlandes et d’emblèmes formés de houx et de gui; au milieu de la salle il y avait, suspendu au plafond, une grande branche de gui, et si le danseur avait l’adresse de faire passer sa danseuse sous cette branche, il avait le droit de l’embrasser, soit sur le front, soit sur la main, selon l’intimité qui existait. Les fiancés, sous cette fameuse branche, s’embrassaient sur les deux joues.

De nos jours, on danse rarement le jour de Noël, on va à l’église.

Les parents ayant reçu leurs enfants et petits-enfants à Noël, l’aîné des enfants mariés reçoit le jour de l’an.

Le lendemain de Noël s’appelle «Boxing Day» parce qu’on donne ce jour-là, les «Christmas Boxes», ou étrennes.

C’est congé partout, les banques même sont fermées.

Le jour de Noël tout le monde mange Roast Beef, Plum pudding et mince pies, pâtisserie faite à cette saison seulement. Dans les prisons même on en donne et l’on y distribue de la bière et du tabac à priser et à fumer. Dans les classes supérieures les Anglais ont toujours au dîner une dinde farcie, la dinde de Noël, comme à la Saint-Michel ils mangent l'Oie, en souvenir de la destruction de la flotte de l’Armada. La reine Elisabeth était à table en train de manger de l’oie quand on lui annonça la grande nouvelle: La flotte que Philippe II, roi d’Espagne, avait équipée (1588) contre l’Angleterre, venait d'être détruite par une tempête. Depuis ce jour mémorable, tous les bons patriotes d’Angleterre mangent, le 29 octobre, une oie rôtie en mémoire de ce triomphe facile.

J’ai omis de dire que la veille de Noël, Christmas Eve, on entend dans les rues des chanteurs et des musiciens qui vont de porte en porte de minuit à une heure du matin.

Tantôt c’est une harpe qui accompagne les chants, tantôt un violon, quelquefois plusieurs instruments de musique ou bien un harmonium.

On chante Adeste Fideles, Minuit, Chrétiens, et autres cantiques de Noël avec beaucoup de sentiment. Le lendemain, les chanteurs font la quête, quand ils n’attendent pas Boxing Day, congé général pendant lequel tous les magasins sont fermés. Le peuple sort, les riches restent à la maison pour contribuer au bien-être des pauvres, comme je l’ai expliqué plus haut.

On jugerait même défavorablement une personne aisée qui se promènerait pendant ce fameux jour de Boxing Day. On dirait qu’en sortant elle veut ainsi échapper au devoir de faire le bien et de donner des étrennes.

De ces bonnes coutumes anglaises, je passe maintenant à la religion anglicane.

Les nombreuses sectes protestantes qui fleurissent dans le royaume de la Grande-Bretagne, prennent chacune un nom différent, tels que Wesleyans, Baptistes, Calvinistes, Luthériens, etc. On en ferait une liste interminable. Les Anglicans de la Haute et de la Basse Eglise appellent les autres sectes Non-Conformistes et les considèrent hors l’Eglise comme nous-mêmes catholiques considérons les membres des autres religions.

L’Angleterre est le pays du parlementarisme. L’Eglise anglicane est l’humble servante du Parlement, mais elle a aussi son Parlement à elle qu’on appelle «la Convocation». Chaque province ecclésiastique, celle de Cantorbery, aussi bien que celle d’York, a la sienne. La Convocation se composait autrefois de deux Chambres: la Haute, que formaient les évêques; la Basse, constituée par des doyens ou des archidiacres nommés par leurs confrères. L’archevêque est le président d’office de la première; les membres de la seconde élisent leur prolocutor.

Chose extraordinaire cependant, la Haute et la Basse Eglise sont toujours en guerre l’une contre l’autre, et toutes deux ne veulent pas qu’on les regarde comme Protestantes. Les membres de ces deux Eglises reconnaissent qu’Henry VIII et la Reine Elisabeth étaient des personnes indignes, sans foi et sans religion, ainsi qu’Olivier Cromwell et tous ceux qui persécutaient l’Eglise catholique et mettaient à mort ses fidèles.

Les Anglicans de la Haute Eglise ne donnent pas davantage raison aux Catholiques, qu’ils appellent Humanistes, pendant qu’eux-mêmes s’intitulent Catholiques. Ils se montrent très jaloux de ce titre, affirmant qu’ils sont les seuls qui aient le droit de se nommer Catholiques, puisque leur Religion est la même maintenant qu’elle était avant la Réformation, commencée par Luther, sous le Roi Henry VIII, et continuée sous sa fille Elisabeth. Donc, ils ne veulent pas admettre qu’ils soient Protestants, ni appliquer ce terme de Protestants aux Non-Conformistes. Ils déclarent que notre Religion est presque nouvelle, puisqu’il y a eu tant d’innovations depuis le règne d’Henry VIII. Il faut avouer que la Haute Eglise Anglicane ressemble beaucoup à la nôtre. Elle a tous les jours la messe, comme nous l’avons, mais dite en Anglais, d’une haute et intelligible voix. Les fidèles croient à la présence réelle de Jésus-Christ dans la communion. A la place des hosties, chacun en communiant reçoit un petit carré de mie de pain préparé d’avance. Il faut que le pain ait deux jours, et soit fait de farine très fine et très blanche; il est coupé par un instrument réservé pour cela dans la sacristie.

Le prêtre présente un de ces morceaux (qui ressemblent aux dés à jouer,) à chacun des communiants qui, agenouillé devant l’autel, le reçoit de sa main dans la sienne, entre l’index et le pouce, et le porte respectueusement à sa bouche. Ensuite le second prêtre arrive avec le calice qu’il offre à chaque communiant, et il le tient de telle sorte que le vin ne fait qu’effleurer la lèvre supérieure. Il essuie le calice chaque fois, comme chez nous on essuie les reliques qu’on offre à l’adoration des fidèles. Quant aux autres sectes, en dehors de l’Eglise anglicane, les détails de leur croyance seraient trop longs à énumérer ici. En général, les Anglicans les regardent comme nous autres, Catholiques, regardons les Protestants, c’est-à-dire hors de l’Eglise, et ils les nomment Dissenters, ce qui veut dire Non-Conformistes.

Les Dissenters reçoivent la communion le soir, tandis que les Anglicans la reçoivent à jeûn le matin. Les Dissenters la reçoivent assis, autour d’une grande table, rompant le pain et buvant le vin ensemble, en imitation, disent-ils, de J. – C. à la dernière Cène.

Les soi-disants Catholiques font abstinence tout le Carême et tous les vendredis de l’année, et plus sévèrement que nous.

Ils vont à confesse, et n’obtiennent l’absolution qu’après avoir fait d’autres Pénitences que des prières. Il faut qu’on se corrige de telle ou telle faute, ou en partie, avant de recevoir l’Absolution. Aussi prient-ils pour les morts, observant les fêtes des grands Saints, c’est-à-dire de ceux ou de celles dont on trouve les noms, soit dans l’Evangile, soit dans l’Ecriture Sainte, mais ils ne reconnaissent pas les saints de nos jours, tels que Marguerite-Marie, Jeanne d’Arc, et se moquent de la proposition de faire cannoniser Christophe Colomb, qu’ils disent n’avoir jamais été chrétien!

Les Anglicans récitent l'Ave Maria, Hail Mary, en anglais, font le signe de la croix et des génuflexions comme nous les faisons.

Aux fêtes de la Sainte Vierge, de Pâques, de l’Ascension, de Corpus Christi, de la Dédicace des Eglises, de Saint Michel, etc., il y a des processions magnifiques dans leurs églises, avec bannières et chants religieux. Elles se terminent comme dans le culte catholique par la bénédiction. Leurs autels ont le Christ et des cierges allumés comme les nôtres, ils ont aussi des statues de Saints dans leurs églises, le tout si beau, si propre, si soigné, qu’il faut bien l’admirer. Les membres de la Haute Eglise ont également des statues et des objets de piété dans leurs chambres à coucher.

Ils ne se gênent pas pour critiquer nos églises, et se disent très scandalisés de voir le manque de propreté qui règne chez les Romains, en tout ce qui sert à l’usage du bon Dieu, mais par-dessus tout ils blâment les chandeliers qui servent au public pour placer les cierges, et dont on voit couler la graisse. Les Anglicans (prêtres) ne se servent dans l’église que de cierges en cire, jamais de bougies comme on en met dans les nôtres. Si la paroisse est pauvre, on en brûle moins, mais tout est de première qualité, aussi le linge, les rochets des prêtres, les nappes d’autel, etc., sont d’une blancheur immaculée.

La Haute Eglise anglicane a des communautés religieuses, dont les hommes et femmes portent des costumes pareils aux nôtres, et suivent presque les mêmes règles.

J’ai visité pendant mon dernier séjour à Londres, une chapelle anglicane de perpétuelle adoration, et j’y ai vu quatre sœurs en prière devant l’autel. Le prêtre m’a dit qu’il en est toujours ainsi, et que les religieuses veillent jour et nuit devant le Saint-Sacrement exposé.

Les sœurs de charité rappellent les nôtres à s’y méprendre. Les prêtres, comme notre clergé français, mettent une soutane dans la maison, à l’église ils portent des vêtements magnifiques, qui seraient dignes de nos plus riches paroisses.

Ils ne font pas vœu de chasteté, mais tous ne se marient pas. On trouve qu’il vaut mieux éviter les scandales et immoralités qu’on rencontre quelquefois dans les pays catholiques romains, et pour cette raison on les laisse libres. L’Eglise anglicane ne reconnaît que deux sacrements; le Baptême et l’Eucharistie. Son enseignement sur le baptême est le même que le nôtre; et on croit qu’un enfant mourant sans baptême entre dans les Limbes et reste privé de la vue de Dieu.

Le Baptême se fait aussi à l’Eglise, qui a des fonts baptismaux, mais on ne fait pas usage de sel ni d’huile. Le prêtre cependant fait le signe de la Croix sur la tête de l’enfant en le prenant dans ses bras, et en le baptisant, il se sert en anglais des mêmes paroles que celles dont se sert l’Eglise catholique romaine. Le Credo est semblable au nôtre, on y supprime seulement le mot Romain.

Pour un garçon il faut deux parrains et une marraine, et pour une fille deux marraines et un parrain. Il y a une secte en dehors de l’Eglise anglicane (toujours Haute Eglise) qu’on appelle «Baptistes.» Ces Baptistes sont bien entendu Non-Conformistes. Ils ne permettent le baptême qu’à l'âge de vingt-et-un ans, et pour cette cérémonie le néophyte descend dans l’eau jusqu’au cou, s’exposant à prendre froid, ce qui arrive assez souvent. La Haute Eglise a la Confirmation comme nous, mais elle se donne en anglais et non en latin.

La hiérarchie anglicane comprend aussi des vicaires, curés, évêques et archevêques. Les membres de la Haute Eglise font des génuflexions et le signe de la croix comme nous. La grande division entre les catholiques anglicans de la Haute Eglise et les catholiques romains, consiste en ce que les premiers ne reconnaissent pas l'infaillibilité du Pape; sans l’infaillibilité, ils l’accepteraient volontiers comme chef de l’Eglise; ils croient à la Virginité de la Sainte Vierge, mais n’acceptent pas le dogme de l’Immaculée-Conception.

Tout en adressant l'Ave Maria à la Sainte Vierge, ils refusent le scapulaire et ne récitent pas le chapelet, ils n’admettent pas davantage les Indulgences qui, disent-ils, n’existaient pas avant l’érection de l’Eglise Saint-Pierre de Rome, c’est alors qu’on commença à vendre les indulgences pour payer cette gigantesque construction.

Ils croient que tout est possible au bon Dieu, mais ils n’admettent pas facilement les miracles. La fête de l’Ascension est très belle dans l’Eglise anglicane.

Dès la veille, un essaim de jeunes filles décore intérieurement l’édifice de fleurs blanches. Elles se divisent par groupes, qui se chargent de la chaire, des fonts baptismaux, des autels, de l’entrée du sanctuaire. C’est à qui rivaliserait de zèle et de bon goût.

A la fin de la saison, c’est-à-dire vers le commencement d’octobre, il y a un jour consacré aux actions de grâce, qu’on rend à Dieu pour la moisson et les biens de la terre. Ce jour s’appelle Thanksgiving Day, et presque toute la journée il y a soit des messes jusqu’à midi, soit des cantiques chantés en chœur, et répétés longtemps d’avance, soit des prières et des sermons jusqu’à neuf heures du soir; La clôture a lieu d’une manière très imposante: sermon, action de grâces à genoux, cantique chanté par tout le monde, chœurs avec accompagnement d’orgue et Salut. Avant le Thanksgiving day, l’église est délicieusement décorée des biens de la terre, légumes, fruits, fleurs, blés, etc. etc., chacun envoie ce qu’il a de plus beau, telle qu’une énorme grappe de raisins, une pomme prodigieuse, et ainsi de suite de tous les fruits, fleurs et légumes, qu’on arrange avec un goût exquis sur des fonds de mousse et de verdure. Ce sont de ravissantes décorations autour des colonnes et des lustres. Pour l’autel et le sanctuaire on fait des chefs-d'œuvre.

Cette coutume qui a lieu dans toutes les paroisses des villes, villages et bourgs du Royaume-Uni, et chez toutes les sectes, se termine par une sonnerie de cloches jouant des airs pieux, connus et aimés du public. En France, on ne se doute pas de la manière dont on sonne les cloches en Angleterre, et j’ai vu des Français si attendris en les entendant pour la première fois qu’ils en versaient des larmes.

Le lendemain de Tanksgiving Day, les fruits et les légumes sont distribués par des jeunes filles de bonnes familles, aux malades qui n’ont pu assister à la cérémonie, aux hôpitaux, et partout où on sait que ce souvenir de la plus belle des fêtes sera le bien-venu. Les Anglicans envoient leurs dons aux Anglicans; les Non-Conformistes à leur troupeau.

JOURNAL DE SUZETTE

Madame a prolongé son séjour d’une semaine, comme je le craignais, mais en ce monde tout prend fin, notre séjour à Oxford est terminé. J’ai bien employé ma dernière journée. En me levant ce matin mon premier soin a été, comme une bonne anglaise, que je ne suis pas cependant, de me diriger vers le petit déjeûner; à cette heure là les grillades sont chaudes et la bouilloire chante au coin du feu.

De la cuisine on n’entend pas que le chant de la bouilloire, il y a au bout de la rue, un atelier de couture, où les jeunes filles chantent toute la journée, je ne dirai pas comme des fauvettes, non! en général les voix sont peu harmonieuses, on fuit instinctivement. J’ajouterai même qu’il faut avoir les oreilles exercées à la politesse pour écouter patiemment le chant des jeunes misses – c’est une chose étrange comme les femmes ont la voix pointue même en parlant et les hommes au contraire la voix gutturale, surtout quand ils parlent aux animaux on dirait un rugissement. La première fois que j’ai entendu ici le cocher Bob parler à ses chevaux, j’ai eu grand peur.

Après le thé nous sommes sorties. Miss Emily m’a d’abord menée sur le champ de foire où j’ai vu des bestiaux magnifiques; les animaux sont parqués dans des stalles de fer, ce qui permet de circuler facilement sans crainte d'être embroché par une vache ou mordu par un porc: c’est très ingénieusement installé; nous n’avons rien de semblable en France.

Ensuite je suis encore allée voir une cérémonie religieuse, la communion à une église protestante. Les fidèles ôtent leurs gants en entrant et restent à genoux pendant tout l’office, le ministre se tient à un autel dans le genre des nôtres et récite des prières tout haut, puis le moment de la communion venu, tout le monde se dirige vers l’autel, où deux ministres tiennent l’un un bassin d’argent contenant le pain, l’autre une timbale de même métal contenant le vin. La timbale passe de lèvre en lèvre, sans que personne manifeste le moindre dégoût, quand tout le monde a été pourvu, l’officiant consomme le reste.

Oxford a des religieuses protestantes habillées comme les nôtres – les règles de leur couvent sont aussi une imitation des institutions catholiques. En revenant, Miss Emily et moi, nous en avons croisé une dans la rue. Cette religieuse nous a saluées très poliment. Je me demande encore en l’honneur de quel saint cette révérence à des personnes qu’elle ne connaît pas.

Je terminerai mon journal d’aujourd’hui par un trait qui montre l’Anglais sous son vrai jour.

Hier, une amie de Miss Emily, femme de charge d’une grande maison, et qui parle aussi français, m’a dit soudain, que pensez-vous des Anglais? Cette question à brûle-pourpoint m’a d’abord un peu interloquée et j’ai cru être fort aimable en répondant, je pense qu’ils valent bien les Français, et vous que pensez-vous des Français?

«Oh my dear les Anglais n’ont pas de supérieurs ni même d’égaux dans tout l’univers, voilà ce que nous pensons!

O les orgueilleux! O les snobs! ces petitesses-là ce sont leurs pieds d’argile…

Les mœurs anglaises sont pleines d’hypocrisie. On crie Shoking! bien haut, pour rien, quand cela se voit, tandis qu’à l’intérieur de sa conscience, on entasse des montagnes de fautes sans sourciller. – J’avais entendu dire que la pruderie britannique cache ses vices sous des dehors affectés, rien n’est plus vrai.

JOURNAL DE MADAME
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 октября 2017
Объем:
240 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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