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Читать книгу: «Le tour de la France par deux enfants», страница 13

Bruno G.
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LXV. – Deux hommes illustres de Lyon. – L'ouvrier Jacquard. Le botaniste Bernard de Jussieu. L'union dans la famille. – Le cèdre du Jardin des Plantes

Ce que la patrie admire dans ses grands hommes, ce n'est pas seulement leur génie, c'est encore leur travail et leur vertu

Quand on eut quitté Lyon et ses dernières maisons, tandis que la voiture courait à travers les campagnes fertiles et les beaux vignobles du Lyonnais, Julien prit son livre et, profitant de la première côte que Pierrot monta au pas, fit la lecture à haute voix.

I. A Lyon est né un homme qu'on a proposé depuis longtemps comme modèle à tous les travailleurs. Jacquard était fils d'un pauvre ouvrier tisseur et d'une ouvrière en soie. Dès l'enfance, il connut par lui-même les souffrances que les ouvriers de cette époque avaient à endurer pour tisser la soie. La loi d'alors permettait d'employer les enfants aux travaux les plus fatigants: ils y devenaient aveugles, bossus, bancals, et mouraient de bonne heure.

Le jeune Jacquard, mis à ce dur métier, tomba lui-même malade. Ses parents, pour lui sauver la vie, durent lui donner une autre occupation; ils le placèrent chez un relieur, et ce fut un grand bonheur pour l'enfant, car, une fois dans l'atelier de reliure, il ne se borna pas à cartonner les livres qu'on lui apportait: à ses moments de loisir, il lisait ces livres, et il acquit ainsi l'instruction élémentaire qu'on n'avait pu lui donner.

Une fois instruit, le studieux ouvrier sentit s'éveiller en lui le goût de la mécanique, et il conçut l'idée d'une machine qui accomplirait à elle seule le pénible travail qu'il avait lui-même accompli jadis. Mais de tristes événements vinrent interrompre ses recherches: c'était le moment des guerres de la Révolution, où les citoyens combattaient les uns contre les autres en même temps que contre les ennemis de la France. Il se fit soldat et alla combattre, lui aussi, pour la patrie.

Pendant qu'il était sur le champ de bataille, son fils unique mourut à Lyon. Sa femme était dans la misère, tressant, pour vivre, des chapeaux de paille. C'est alors qu'il revint de l'armée, et ce fut au milieu de cette tristesse et de cette misère générale qu'il finit par construire la machine à laquelle il a donné son nom.

Mais que de temps il fallut pour que cette merveilleuse machine fût estimée à son vrai prix! Les ouvriers mêmes dont elle devait soulager le travail, la voyaient de mauvais œil. Un jour, on la brisa sur la place publique, et le grand homme qui l'avait inventée eut lui-même à souffrir les mauvais traitements d'ouvriers ignorants.

Enfin, au bout de douze ans d'efforts, son métier fut généralement adopté et fit la richesse de Lyon.

Les ouvriers, qui craignaient que la machine nouvelle ne leur nuisît et ne leur enlevât du travail, virent, au contraire, leur nombre augmenter chaque jour: il y a maintenant à Lyon plus de cent mille ouvriers en soieries. Et partout on a adopté le métier de Jacquard, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Amérique et jusqu'en Chine. Chaque ville manufacturière invitait Jacquard à venir organiser chez elle les ateliers de tissage. La ville de Manchester en Angleterre lui offrit même dans ce but beaucoup d'argent; mais Jacquard, voulant conserver toutes ses forces et tout son travail pour sa patrie bien-aimée, refusa.

La ville de Lyon, reconnaissante envers cet homme qui a fait sa prospérité, lui a élevé une statue sur une de ses places.

Parmi les hommes célèbres que Lyon a produits, on peut citer encore Bernard de Jussieu, né dans les dernières années du dix-septième siècle. Il s'adonna à l'étude des plantes; cette étude s'appelle la botanique. C'est Bernard de Jussieu qui trouva le moyen de bien classer les milliers de plantes que produit la nature, de les distinguer les unes des autres et de savoir les reconnaître. Il avait tant travaillé que, sur la fin de sa vie, il devint presque aveugle; il ne pouvait plus ni lire, ni écrire, ni surtout distinguer ses chères plantes; mais son neveu, auquel il avait communiqué son savoir, l'aida de ses yeux et de son intelligence: le neveu voyait à la place de l'oncle, et il lui disait tout ce qu'il voyait. L'œuvre de Jussieu put donc être continuée, et ne fut pas même interrompue par sa mort.

Ainsi, dans une famille unie, chaque membre aide les autres et les remplace au besoin dans leur travail.

Quand on se promène à Paris, au Jardin des Plantes, on voit un grand arbre, un magnifique cèdre, qui rappelle Bernard de Jussieu. C'est, en effet, ce dernier qui l'a rapporté dans son chapeau et planté en cet endroit, alors que le grand arbre n'était encore qu'une petite plante.

LXVI. – Une ville nouvelle au milieu des mines de houille: Saint-Étienne. – Ses manufactures d'armes et de rubans. – La trempe de l'acier

Les richesses d'un pays ne sont pas seulement à la surface de son sol: il y en a d'incalculables enfouies dans la terre et que la pioche du mineur en retire

Après avoir traversé un joli pays, verdoyant et bien cultivé, nos voyageurs virent de loin monter dans le ciel un grand nuage de fumée. En approchant, Julien distingua bientôt de hautes cheminées qui s'élevaient dans les airs à une soixantaine de mètres. – Oh! dit Julien, on dirait que nous revenons au Creuzot, mais c'est bien plus grand encore. Combien voilà de cheminées!

– C'est Saint-Étienne, dit M. Gertal. Et Saint-Étienne a en effet plus d'un rapport avec le Creuzot, car, là aussi, on travaille le fer, l'acier; on y fait la plus grande partie des outils de toute sorte qui servent aux différents métiers.

– Je me souviens, dit André, que l'enclume sur laquelle je travaillais portait la marque de Saint-Étienne.

– Toutes ces usines-là, mes amis, ne sont pas aussi vieilles que moi. Parmi les grandes villes de la France, Saint-Étienne est la plus récente. Il y a cent ans c'était plutôt un bourg qu'une ville, car elle n'avait que six mille habitants; aujourd'hui elle en a cent trente mille.

– Vraiment, monsieur Gertal? et quand vous l'avez vue pour la première fois, elle n'était point comme à présent?

– Non certes, petit Julien; et je suis sûr que cette année encore je vais y voir bien des maisons nouvelles, des rues tout entières que je ne connaissais point.

– Mais pourquoi Saint-Étienne s'agrandit-il comme cela?

– Vois-tu, mon ami, ce qui fait la prospérité de cette ville, c'est qu'elle est tout entourée de mines de houille. Ces mines lui donnent du charbon tant qu'elle en veut pour faire marcher ses machines.

A ce moment, on entrait dans Saint-Étienne et on y voyait de grandes rues bordées de belles maisons, mais tout cela était noirci par la fumée des usines; la terre elle-même était noire de charbon de terre, et quand le vent venait à souffler, il soulevait des tourbillons de poussière noire.

La voiture se dirigea vers une hôtellerie que connaissait M. Gertal et qui était située non loin de la grande Manufacture nationale d'armes.

Quand on arriva, il était déjà tard et le travail venait de cesser à la Manufacture. Alors, à un signal donné, on vit tous les ouvriers sortir à la fois: c'était une grande foule, et Julien les regardait passer avec surprise, en se demandant comment on pouvait occuper tant de travailleurs.

– Et tous les fusils dont la France a besoin pour ses soldats! lui dit André; ne crois-tu pas qu'il y ait là de quoi donner de la besogne? Sans compter les sabres, les épées, les baïonnettes: la plus grande partie de tout cela se fait à Saint-Étienne. C'est dans la petite rivière qui coule ici, et qui s'appelle le Furens, qu'on trempe l'acier des sabres et des épées, pour les rendre plus durs et plus flexibles.

– Oui, mes amis, dit M. Gertal, Saint-Étienne est la ville du fer et de l'acier. Cependant l'industrie du fer n'occupe encore que la moitié de ses nombreux ouvriers. Ce ne sont point des objets de quincaillerie que je vais acheter ici; ce sont des soieries, des rubans, des velours. Il y a à Saint-Étienne plus de 40,000 ouvriers occupés à tisser la soie. Ici encore on trouve ces métiers inventés par Jacquard qui fabriquent jusqu'à trente-six pièces de rubans à la fois.

En disant ces mots, M. Gertal sortit avec les deux enfants pour aller faire des achats. Il se rendit chez plusieurs fabricants de rubans et de soieries, où l'on entendait encore, malgré l'heure tardive, le bruit monotone des métiers.

M. Gertal devait rester un jour seulement à Saint-Étienne. Le surlendemain, au moment du départ, il dit à Julien:

– Mon ami, le temps approche ou nous allons nous quitter. Te rappelles-tu la promesse que je t'ai faite à Besançon? Je ne l'ai pas oubliée, moi. Voici le petit cadeau que tu désirais.

En même temps, M. Gertal atteignit un parapluie soigneusement renfermé dans un fourreau en toile cirée. – Je te l'ai acheté ici même, dit-il.

– Oh! merci, monsieur Gertal, s'écria Julien en ouvrant le parapluie. Mais, ajouta-t-il, il est en soie, vraiment! Oh! qu'il est grand et beau! voyez, monsieur Gertal, comme André et moi nous serons bien garantis là-dessous! Et avec cela il est léger comme un jonc. Que vous êtes bon, monsieur Gertal!

Puis, passant le parapluie à André, qui le remit dans son étui, l'enfant courut aussitôt embrasser le patron.

On quitta ensuite la grande ville industrielle pour se diriger vers le sud-est, et on passa du Lyonnais dans le Dauphiné.

LXVII. – André et Julien quittent M. Gertal. – Pensées tristes de Julien. – Le regret de la maison paternelle

Combien sont heureux ceux qui ont un père, une mère, un foyer auquel viennent s'asseoir, après le travail, tous les membres de la famille unis par la même affection!

C'était à Valence, chef-lieu du département de la Drôme, dans le Dauphiné, que nos trois amis devaient se quitter.

M. Gertal y acheta diverses marchandises, y compris des objets de mégisserie, gants, maroquinerie et peaux fines, qu'on travaille à Valence, à Annonay et dans toute cette contrée de la France. Ensuite M. Gertal se prépara à repartir.

Après six semaines de fatigue et de voyage, il avait hâte de retourner vers le Jura, où sa femme et son fils l'attendaient. Les enfants, d'autre part, avaient encore soixante lieues à faire avant d'arriver à Marseille.

Ce fut sur la jolie promenade d'où l'on découvre d'un côté les rochers à pic qui dominent le Rhône, de l'autre côté les Alpes du Dauphiné, que nos amis se dirent adieu.

– André, dit M. Gertal, quand tu m'as demandé quelque chose comme salaire à Besançon, je n'ai rien voulu te promettre, car je ne te connaissais pas; mais depuis ce jour tu t'es montré si laborieux, si courageux, et tu m'as donné si bonne aide en toute chose, que je veux t'en montrer ma reconnaissance. J'ai fait l'autre jour à Julien le cadeau que je lui avais promis; voici maintenant quelque chose pour toi, André.

Et il tendit au jeune garçon un porte-monnaie tout neuf, où il y avait trois petites pièces de cinq francs en or.

– Avec vos autres économies, dit M. Gertal, cela vous fera à présent cent francs juste. J'ai aussi tenu à mentionner sur un certificat ma bonne opinion de toi et l'excellent service que tu as fait pour mon compte depuis six semaines. Le maire de Valence a légalisé ma signature et mis à côté le sceau de la mairie. Voilà également ton livret bien en ordre. Dieu veuille à présent, mes enfants, vous accorder un bon voyage.

Et le Jurassien, sans laisser à André le temps de le remercier, l'attira dans ses bras ainsi que le petit Julien.

Il était ému de les quitter tous les deux. Au moment de se séparer, il se souvenait des jours passés avec eux, du travail qu'on avait fait ensemble, et aussi des plaisirs et des anxiétés éprouvés en commun. Il songeait à cette nuit d'angoisse en Auvergne pendant l'incendie, et, par la pensée, il revoyait André emportant dans ses bras le pauvre Jean-Joseph. A demi-voix, le cœur gros, il dit aux enfants en leur donnant le baiser d'adieu:

Le Dauphiné, baigné par le Rhône et dominé par les Alpes, est habité par une population énergique. Outre la ville de Grenoble (45,000 hab.), renommée pour ses gants et ses liqueurs, Vienne est connue pour ses manufactures de draps et ses tanneries, Valence et Montélimar3 pour leurs soies et leurs nougats. Gap est une petite ville située dans les montagnes, qui fait le commerce des bestiaux. Briançon, place forte, est la ville la plus élevée de France; elle est à 1,300 mètres au-dessus du niveau de la mer.

– Le ciel vous bénisse, enfants, et que Dieu vous rende le bien que vous avez fait au petit orphelin d'Auvergne.

Une heure après, les deux enfants, leur paquet sur l'épaule, suivaient la grande route de Valence à Marseille, qui longe le cours du Rhône.

Le petit Julien était sérieux; par moments, il poussait un gros soupir; ses yeux baissés étaient humides comme ceux d'un enfant qui a grande envie de pleurer. Ce nouveau départ lui rappelait les départs précédents. Il songeait à Phalsbourg, à la bonne mère Étienne, à Mme Gertrude, et aussi au pauvre Jean-Joseph qui, en le quittant, lui avait dit: – Que j'ai de peine, Julien, de penser qu'ici-bas nous ne nous verrons peut-être jamais plus!

Et en remuant tous ces souvenirs dans sa petite tête, l'enfant se sentit si désolé que le voyage lui parut devenu la chose la plus pénible du monde. Lui, si gai d'ordinaire, ne regardait même pas la grande route, tant elle lui paraissait longue, et triste, et solitaire. Le cadeau de M. Gertal, qui l'avait tant ravi au premier moment, ne l'occupait guère: il portait son parapluie neuf d'un air fatigué sur l'épaule. Il ne put s'empêcher de dire à André:

– Mon Dieu! que c'est donc triste de quitter sans cesse comme cela les gens qui vous aiment et de n'avoir plus de famille à soi, d'amis avec qui l'on vive toujours, ni de maison, ni de ville, ni rien! André, voilà que j'ai de la peine à présent, d'être toujours en voyage.

Et Julien s'arrêta, car sa petite voix était tremblante comme celle d'un enfant qui a les larmes dans les yeux.

André le regarda doucement: – Du courage, mon Julien, lui dit-il. Tu sais bien que nous faisons la volonté de notre père, que nous faisons notre devoir, que nous voulons rejoindre notre oncle et rester Français, coûte que coûte. Marchons donc courageusement, et au lieu de nous plaindre, remercions Dieu au contraire de nous avoir rendu si douces les premières étapes de notre longue route. Combien chacun de nous serait plus à plaindre s'il était absolument seul au monde comme Jean-Joseph! O mon petit Julien, puisque nous n'avons plus ni père ni mère, aimons-nous chaque jour davantage tous les deux, afin de ne pas sentir notre isolement.

– Oui, dit l'enfant en se jetant dans les bras d'André. Et puis, sans doute aussi le bon Dieu permettra que nous retrouvions notre oncle, et alors nous l'aimerons tant, quoique nous ne le connaissions point encore, qu'il faudra bien qu'il nous aime aussi, n'est-ce pas, André?

LXVIII. – Les mûriers et les magnaneries du Dauphiné

Que de richesses dues à un simple petit insecte! Le ver à soie occupe et fait vivre des provinces entières de la France

Pour achever de distraire Julien de ses pensées tristes, André lui fit remarquer le pays qu'ils parcouraient. Il faisait un beau soleil d'automne et les oiseaux chantaient encore comme au printemps, dans les arbres du chemin.

– Ne remarques-tu pas comme il fait chaud, dit André; le soleil a bien plus de force dans ce pays-ci: c'est que nous approchons du midi. Vois, il y a encore des buissons de roses dans les jardins.

L'enfant, jusqu'alors plongé dans ses réflexions, avait marché sans rien observer de ce qui l'entourait. Il leva les yeux sur la route, et il remarqua à son tour que presque tous les arbres plantés dans la campagne avaient leurs feuilles arrachées, sauf un ou deux. Sur ceux-ci des jeunes gens étaient montés, qui cueillaient une à une les feuilles vertes et les déposaient précieusement dans un grand sac. Ils le refermaient ensuite et le remportaient sur leurs épaules.

– Tiens! dit l'enfant, l'étrange chose! Pourquoi donc cueille-t-on les feuilles de ces beaux arbres? Serait-ce pour donner à manger aux vaches?

– Mais non, Julien; réfléchis, tu vas trouver ce que l'on veut faire quand tu sauras que ce sont là des mûriers.

– Des mûriers?.. reprit Julien. Oh! mais oui, je sais à présent. On nourrit les vers à soie avec les feuilles de mûrier.

– Justement, dit André. C'est dans la vallée du Rhône, dans le Dauphiné et dans le Languedoc, qu'on élève les vers, pour tisser plus tard leur soie à Lyon et à Saint-Étienne. Comme nous suivrons le Rhône à travers le Dauphiné et la Provence jusqu'à Marseille, nous verrons dans la campagne des mûriers presque tout le temps.

– Et ce sont les vers à soie qui mangent ces sacs de feuilles? Mon Dieu, faut-il qu'il y en ait de ces vers!

– Il s'est trouvé des années, m'a dit M. Gertal, où on a récolté dans la vallée du Rhône jusqu'à vingt-huit millions de kilogrammes de cocons de soie; et un cocon, qui est le travail d'un seul ver, pèse si peu, qu'il avait fallu pour produire tous ces cocons plus de vingt milliards de vers à soie.

– Qu'est-ce qui élève tout cela, sais-tu, André?

Ce sont ordinairement les femmes et les filles des cultivateurs. Les chambres où on élève les vers à soie s'appellent des magnaneries, parce que, dans le patois provençal, on appelle les vers des magnans. Il paraît que dans ces contrées chaque ferme, chaque maison a sa magnanerie, petite ou grande. Les vers sont là par centaines et par milliers, se nourrissant avec les feuilles qu'on leur apporte.

– André, nous verrons peut-être des magnaneries là où nous coucherons?

– C'est bien probable, répondit André.

Quand le soir fut venu, les enfants demandèrent à coucher dans une sorte de petite auberge, moitié ferme et moitié hôtellerie, comme il s'en rencontre dans les villages. Ils firent le prix à l'avance, et s'assirent ensuite auprès de la cheminée pendant que la soupe cuisait.

Julien regardait de tous les côtés, espérant à chaque porte qui s'ouvrait entrevoir dans le lointain la chambre des vers à soie, mais ce fut en vain.

L'hôtelière était une bonne vieille, qui paraissait si avenante qu'André, pour faire plaisir à Julien, se hasarda à l'interroger, mais elle ne comprenait que quelques phrases françaises, car elle parlait à l'ordinaire, comme beaucoup de vieilles gens du lieu, le patois du midi.

André et Julien, qui s'étaient levés poliment, se rassirent tout désappointés.

Les gens qui entraient parlaient tous patois entre eux; les deux enfants, assis à l'écart et ne comprenant pas un mot à ce qui se disait, se sentaient bien isolés dans cette ferme étrangère. Le petit Julien finit par quitter sa chaise, et s'approchant d'André, vint se planter debout entre les jambes de son frère. Il s'assit à moitié sur ses genoux, et le regardant d'un air d'affection un peu triste, il lui dit tout bas: – Pourquoi donc tous les gens de ce pays-ci ne parlent-ils pas français?

– C'est que tous n'ont pas pu aller à l'école. Mais dans un certain nombre d'années il n'en sera plus ainsi, et par toute la France on saura parler la langue de la patrie.

En ce moment, la porte d'en face s'ouvrit de nouveau: c'étaient les enfants de l'hôtelière qui revenaient de l'école.

– André, s'écria Julien, ces enfants doivent savoir le français, puisqu'ils vont à l'école. Quel bonheur! nous pourrons causer ensemble.

LXIX. – La dévideuse de cocons. Les fils de soie. – Les chrysalides et la mort du ver à soie. – Comment les vers à soie ont été apportés dans le Comtat-Venaissin

Le ver à soie nous a été apporté de Chine, le coton nous vient d'Amérique; toutes les parties du monde contribuent à nous donner les choses dont nous avons besoin

Les enfants qui venaient d'entrer échangèrent quelques mots avec leur mère, puis ils s'approchèrent d'André et de Julien. André leur répéta la question qu'il avait adressée à l'hôtesse: – Est-ce que vous avez des vers à soie dans la maison, et pourrait-on en voir?

– La saison est trop avancée, dit l'aîné des enfants; les éducations de magnans sont finies presque partout.

– Ah! bien, fit le plus jeune, si on ne peut vous montrer les vers, on peut vous faire voir leur ouvrage. Venez avec moi: ma sœur aînée est ici tout près, en train de dévider les cocons de la récolte! vous la verrez faire.

André et Julien passèrent dans une pièce voisine. Auprès de la fenêtre une femme était assise devant un métier à dévider. – Approchez-vous, dit-elle aux deux enfants avec affabilité et en bon français, car elle ne manquait point d'instruction. Tenez, mon petit garçon, prenez, dans votre main ce cocon et regardez-le bien. C'est le travail de nos vers à soie.

– Quoi! dit Julien, cela n'est pas plus gros qu'un œuf de pigeon, et c'est doux à toucher comme un duvet.

– A présent, reprit l'agile dévideuse, regardez-moi faire. Il s'agit de dévider les cocons, et ce n'est pas facile, car le fil de soie est si fin, si fin, qu'il en faudrait une demi-douzaine réunis pour égaler la grosseur d'un de vos cheveux. N'importe, il faut tâcher d'être adroite.

En disant cela la dévideuse, qui avait en effet l'adresse d'une fée, battait avec un petit balai de bruyère les cocons, qu'elle avait placés dans une bassine d'eau bouillante afin de décoller les fils. Le premier fil une fois trouvé, elle le posait sur le bord de la bassine tout prêt à prendre. Ensuite elle en réunissait quatre ou cinq afin d'obtenir un fil plus gros et plus solide; puis elle imprimait le mouvement au métier, et la soie se trouvait dévidée en écheveaux.

Julien suivait des yeux les cocons, qui sautaient dans la bassine, comme auraient pu faire de petits pelotons qu'on aurait été en train de dépelotonner. A mesure que le métier tournait, les cocons se dévidaient et diminuaient de grosseur. Bientôt la fin du fil arriva, et Julien vit, de chaque cocon fini, quelque chose de noir s'échapper dans l'eau.

– Qu'est-ce que cela? fit-il.

– Ce sont les chrysalides, dit la fileuse. On appelle ainsi les vers qui se sont transformés. Vous savez bien, mon enfant, que le cocon filé par le ver à soie est une sorte de nid où il se retire comme pour s'endormir.

– Oui, madame, dit Julien, j'en ai même vu l'image en classe dans mon livre de lecture; mais le livre dit aussi que le ver à soie s'éveille par la suite, qu'il perce le cocon et sort alors changé en papillon.

– Oui, dit la fileuse, quand on le laisse faire; mais nous ne le laissons pas s'éveiller; car, s'il perçait le cocon, adieu la soie. Il ne resterait plus que mille petits brins brisés, au lieu de ce joli fil long de trois cent cinquante mètres.

– Comment l'empêche-t-on de sortir? dit Julien.

– On ramasse les cocons dans une armoire chauffée par la vapeur d'une chaudière: la vapeur étouffe les chrysalides, et elles restent mortes à l'intérieur de leurs cocons avant d'avoir eu la force de briser la soie. Ce sont les chrysalides que vous voyez flotter sur l'eau.

– Quoi? Madame, vous tuez ainsi tous vos pauvres vers?

– Non; pas tous. Nous en laissons quelques-uns percer leur prison et s'envoler. Aussitôt sortis, ils se hâtent de pondre de petits œufs. On recueille précieusement ces œufs, cette graine; on la ramasse, et au mois de mai prochain, de ces graines sortiront de jeunes vers à soie. Nous les soignerons comme il faut, et ils nous donneront en échange de nouveaux cocons.

– Qui donc a songé à élever les premiers vers à soie? est-ce quelqu'un de votre pays?

– Les vers à soie ne sont point un insecte de nos pays, mon enfant: ils sont originaires de la Chine. En Chine, on les élève en plein air sur les arbres, et non dans les chambres comme chez nous où il fait plus froid.

– La Chine, dit Julien, c'est en Asie.

– Oui, mon enfant, des moines voyageurs, en grand secret, ont rapporté le ver à soie de Chine en Europe. Comme les Chinois voulaient garder pour eux cette industrie précieuse, ils défendaient sous des peines sévères de la faire connaître aux étrangers; mais les moines cachèrent des œufs de ver à soie dans des cannes creuses, et ils les emportèrent en Europe avec des plants de mûrier. Plus tard, ce fut un pape qui dota la France de l'industrie des vers à soie.

– Et comment cela? demanda Julien.

– Vous connaissez bien le comtat d'Avignon, qui est tout près d'ici? A cette époque, le comtat appartenait aux papes. Grégoire X y fit planter des mûriers et éleva des vers à soie. Bientôt on imita dans toute la vallée du Rhône les gens d'Avignon, et à présent on élève des milliards de vers chaque année.

Julien remercia beaucoup la fileuse de tout ce qu'elle venait de lui apprendre, et on alla se mettre à table.

3.Le nom Montélimart a été changé en Montélimar. (L'origine du nom est "Monteil des Aimar". La forme définitive (Montélimar) date de 1328).
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
25 июня 2017
Объем:
340 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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