Читайте только на ЛитРес

Книгу нельзя скачать файлом, но можно читать в нашем приложении или онлайн на сайте.

Читать книгу: «Le Montonéro», страница 7

Шрифт:

VII
LA PANIQUE

On ne saurait se faire une idée même lointaine de la rapidité avec laquelle se répand une mauvaise nouvelle; de la façon dont elle se défigure en passant de bouche en bouche, se grossissant incessamment et finissant, dans un temps fort court, par revenir à celui qui le premier en a été l'auteur, tellement surchargée de faits et enjolivée de détails que celui-ci ne la saurait reconnaître.

On serait porté à supposer qu'il existe dans l'atmosphère des courants électriques qui se chargent de transmettre aux quatre coins de l'horizon, avec la rapidité de l'éclair, et de les faire tomber dans le domaine public ces nouvelles sinistres que les chefs du pouvoir ne se confient qu'à l'oreille et sous la condition expresse du secret le plus strict.

Le capitaine don Sylvio Quiroga n'avait depuis son retour à San Miguel, communiqué avec personne autre que don Eusebio Moratín et don Zéno Cabral; ses soldats avaient, comme lui, gardé le plus profond silence sur ce qui s'était passé pendant leur courte expédition à la recherche des fugitifs, et pourtant, par une fatalité inexplicable, à peine les deux généraux, en sortant de chez le duc de Mantoue, mettaient-ils le pied sous les portales de la place Mayor, que de tous les côtés ils n'apercevaient que des visages effarés et entendaient des voix saccadées par l'épouvante murmurer le nom si redouté des Pincheyras.

La nouvelle avait déjà fait beaucoup de chemin; ce n'était plus deux cents hommes qui s'étaient montrés aux environs de la ville, mais bien une formidable armée espagnole venant du haut Pérou, pillant, brûlant, dévastant tout sur son passage, et dont la féroce cuadrilla des Pincheyras formait l'avant-garde; ils arrivaient à marche forcée; bientôt, le lendemain peut-être, ils camperaient devant la ville. Que faire? Que résoudre? Où se cacher? Où fuir? C'en était fait de San Miguel, les Espagnols pour se venger de leur défaite, n'y laisseraient pas pierre sur pierre.

Ceux qui les avaient vus, car, comme toujours, il y avait des gens qui affirmaient avoir vu cette fantastique armée espagnole, qui n'existait réellement que dans leur cerveau, assuraient avoir entendu proférer par l'ennemi les plus terribles serments de vengeance contre les malheureux insurgés.

Des gens armés de torches, venus on ne savait d'où, parcouraient la ville en tous les sens en criant:

– Aux armes! Aux armes!

A ces hurlements, à ces flammes sanglantes qui projetaient des lueurs sinistres sur les murailles, les citoyens sortaient en toute hâte de leurs maisons, les femmes et les enfants pleuraient et se lamentaient; bref, la panique était devenue, en quelques instants si générale, que les deux officiers, qui savaient cependant la vérité, en furent effrayés eux-mêmes et se demandèrent si le mal n'était pas en effet plus grand qu'ils ne le supposaient.

Ils montèrent sur les chevaux que leurs assistants leur tenaient tout prêts à la porte de la maison du duc et ils s'élancèrent à toute bride vers le Cabildo.

Malgré l'heure avancée, il était plus de minuit, le Cabildo, au moment où le gouverneur et le montonero y pénétrèrent, était envahi par la foule et offrait un spectacle de désordre et d'épouvante non moins animé et non moins bruyant que celui qu'ils avaient eu sous les yeux en traversant la Plaza Mayor.

Les deux officiers furent reçus par des cris de joie et des protestations de dévouement que la peur seule pouvait inspirer à la plupart des assistants.

Le gouverneur éprouva une peine infinie à rétablir un peu d'ordre et à se faire écouter par ces hommes rendus presque insensibles par la terreur.

Mais ce fut en vain qu'il essaya de les rassurer en leur racontant simplement ce qui s'était passé; on ne voulut pas le croire, et il ne réussit à convaincre personne que le danger qu'ils redoutaient si fort n'existait pas.

Le tocsin sonnait à toutes les églises, des barricades se construisaient à l'angle de toutes les rues, que parcouraient incessamment des patrouilles de bourgeois armés, tandis que d'autres bivouaquaient sur la place.

La ville offrait en ce moment l'aspect d'un vaste camp; il ne fallait pas essayer de résister au torrent, le gouverneur le comprit, et désespérant de rétablir la sécurité par les voies ordinaires, il feignit de se rendre aux raisonnements des personnes qui l'entouraient et essaya d'organiser la panique en donnant des ordres pour la défense de la cité et expédiant des aides de camp dans toutes les directions.

Don Zéno, après avoir échangé quelques mots à voix basse avec le gouverneur, au lieu de monter au Cabildo, avait piqué des deux et s'était éloigné à fond de train, suivi par le capitaine Quiroga.

Mais son absence ne fut pas longue. Bientôt un galop de chevaux se fit entendre, et don Zéno reparut à la tête de sa montonera, qui installa immédiatement son bivouac sur la Plaza Mayor.

La vue des partisans, dans le courage desquels les habitants de San Miguel avaient une pleine confiance, commença peu à peu à rassurer la population.

D'autant plus que les montoneros, après avoir attaché leurs chevaux aux piquets et placé des sentinelles, se mêlèrent à la foule, et commencèrent tout doucement en causant avec les uns et avec les autres, tout en feignant d'abord d'entrer dans les idées générales, de rétablir les faits si étrangement défigurés, en racontant l'affaire telle qu'elle était réellement.

L'influence de ces récits, colportés de l'un à l'autre et incessamment recommencés par les soldats, ne tarda pas à se faire sentir dans la foule; la réaction se manifesta bientôt, et les moins poltrons sentirent le courage leur revenir un peu.

Cependant, comme en fin de compte le danger, pour être moindre qu'on ne le supposait, existait cependant réellement, et que le voisinage des montoneros royalistes ne laissait pas que d'être fort inquiétant pour la sûreté commune, le général Moratín profita habilement de l'effervescence de la population pour prendre les mesures les plus efficaces qu'il pût imaginer, pour résister à un coup de main, en attendant des renforts en cas où l'ennemi aurait à l'improviste tenté d'enlever la ville par surprise, ce qui n'était pas sans exemple dans l'histoire de la révolution buenos-airienne.

Des officiers dévoués surveillaient la construction des barricades; sur les toits en terrasse des maisons, on montait des pierres pour assommer les assaillants; des dépôts d'armes et de munitions étaient établis en différents endroits; les barrières étaient fermées et défendues par des postes nombreux.

Cependant, don Zéno Cabral, à la tête d'une quarantaine de montoneros résolus, était parti à la découverte, se lançant en enfant perdu dans la campagne.

Tous les députés s'étaient réunis au Cabildo dans la salle des séances et s'étaient déclarés en permanence.

Le gouverneur, voulant par sa présence rassurer la population, était monté à cheval, et, suivi d'un nombreux état-major, avait parcouru la ville dans tous les sens, encourageant les uns, gourmandant les autres, et excitant les habitants à faire leur devoir et à combattre bravement l'ennemi s'il osait se montrer.

La nuit tout entière s'écoula ainsi. Au lever du soleil, le calme était à peu près rétabli, bien que cependant chacun eût conservé ses armes et fût demeuré à son poste.

Don Zéno Cabral, parti depuis plus de quatre heures pour battre l'estrade, n'était pas encore de retour. Don Eusebio ne savait que penser de cette longue absence qui commençait sérieusement à l'inquiéter.

Plusieurs aides de camp dépêchés par lui à la rencontre du montonero, étaient revenus sans apporter de nouvelles ni de lui ni de son détachement.

Sur ces entrefaites, un officier entra, se pencha à l'oreille du gouverneur et murmura quelques mots que lui seul entendit.

Don Eusebio tressaillit, il pâlit légèrement, mais se remettant aussitôt:

– Capitaine, dit-il à l'officier, faites sonner le boute-selle, que toute la cuadrilla de don Zéno Cabral monte à cheval, nous allons pousser une reconnaissance hors la ville, afin de rassurer la population en lui prouvant que le danger n'existe plus.

L'ordre fut immédiatement exécuté, et la montonera sortit de la ville au petit pas.

Le général don Eusebio Moratín, monté sur un magnifique cheval noir, et vêtu d'un uniforme tout couvert de broderies d'or, s'avançait à sa tête.

La foule, éparse dans toutes les rues, saluait le passage des partisans de ses chaleureuses acclamations.

La montonera semblait bien plutôt exécuter une promenade militaire que partir pour tenter une reconnaissance.

Dès que la troupe fut en rase campagne, et qu'un pli de terrain l'eut dérobée aux regards des habitants, le général fit sonner la halte, plaça les sentinelles et ordonna aux officiers de le venir trouver sur le tertre, au sommet duquel lui-même s'était arrêté à cent pas à peu près en avant de la cuadrilla.

Ceux-ci obéirent aussitôt avec une impatience mêlée de curiosité, car bien que personne ne les en eût informés, ils soupçonnaient vaguement que cette sortie improvisée de la ville cachait un motif plus grave que celui d'une promenade.

Lorsque tous les officiers furent arrivés, et qu'après avoir mis pied à terre, ils se furent rangés en cercle autour du général, celui-ci prit la parole:

– Caballeros, leur dit-il nettement, le temps de la dissimulation est passé; il est de mon devoir de vous expliquer franchement la situation, d'autant plus que j'ai le plus grand besoin de votre concours.

– Parlez, général, répondirent les officiers, nous sommes prêts à vous obéir comme si vous étiez réellement notre chef, quel que soit l'ordre que vous nous donniez dans l'intérêt de la patrie.

– Je vous remercie, caballeros, et je compte sur votre promesse; voici ce qui se passe, votre chef, don Zéno Cabral, trompé par un traître, un espion, ou un imbécile, on ne sait encore lequel, a été avec les quelques hommes qui l'accompagnaient, surpris par un parti de batteurs d'estrade royaux. Tout fait supposer que ce parti appartient à la formidable cuadrilla des Pincheyras. Don Zéno, après des prodiges de valeur, a été contraint de se rendre afin d'arrêter l'effusion du sang. Heureusement, un de ses compagnons est parvenu à s'échapper presque par miracle, c'est lui qui nous a appris ce qui s'était passé, ces nouvelles sont donc positives.

Les officiers, à ces paroles, poussèrent des exclamations de colère.

– Les ennemis sont proches, continua le général, en réclamant le silence d'un geste, ne se doutant pas de la fuite de l'un de leurs prisonniers et se croyant parfaitement sûrs que leur hardi coup de main est encore ignoré de nous, ils ne se retirent que doucement et presque sans ordre; l'occasion est donc belle pour prendre notre revanche et délivrer votre chef et vos amis, le voulez-vous?

– Oui! Oui! s'écrièrent les officiers en brandissant leurs armes. A eux! A eux!

– Très bien, répondit le général, avant une heure nous les aurons rejoints, nous les attaquerons à l'improviste, et alors chacun fera son devoir; souvenez-vous que les hommes que nous attaquons sont des bandits, sans foi ni loi, mis, par leurs crimes, au ban de la société. A eux donc, et pas de quartier!

Les officiers répondirent par des cris et des serments de vengeance, allèrent se replacer en tête de leurs pelotons respectifs et la cuadrilla repartit au galop, disparaissant presque au milieu du nuage épais de poussière qu'elle soulevait sur son passage.

Ce que le général Moratín avait annoncé aux officiers de la cuadrilla était vrai, ou du moins assez mal renseigné par le fugitif, il le croyait tel, car les choses ne s'étaient pas passées absolument ainsi, qu'on le lui avait rapporté.

Don Zéno Cabral parti, ainsi que nous l'avons dit plus haut, vers deux heures du matin à la tête d'un assez faible détachement dans l'intention de pousser une reconnaissance aux environs de la ville; après avoir battu pendant deux ou trois heures la campagne sans rien découvrir de suspect et sans relever aucune trace du passage d'une troupe armée, avait voulu avant de rentrer dans la ville explorer les bords de la rivière qui, assez escarpés à cause des nombreux entassements de rochers qui la garnissent, et couverts en sus d'épais bouquets d'arbres épineux et de buissons fourrés pouvaient recéler une embuscade de maraudeurs, avait donc fait un crochet et s'avançant avec les plus minutieuses précautions afin de ne pas être surpris à l'improviste, il avait commencé son exploration.

Pendant assez longtemps les montoneros marchèrent ainsi, sondant les buissons et les taillis de la pointe de leurs lances, sans rien découvrir, et leur chef, convaincu que l'ennemi, si, par hasard, il s'était aventuré aussi près de la ville, avait jugé prudent de ne pas y demeurer davantage et s'était éloigné, allait donner l'ordre de la retraite, lorsque tout à coup, au moment où il s'y attendait le moins, une centaine d'hommes avaient surgi de tous côtés du milieu des buissons, avaient entouré la troupe et l'avaient vigoureusement attaquée.

Bien que surpris et poussés par un ennemi dont ils ignoraient le nombre, mais que cependant ils supposaient avec raison leur être bien supérieurs, les montoneros n'étaient pas hommes à mettre du premier coup bas les armes, sans tenter de vendre chèrement leur vie, surtout avec l'homme qui les commandait.

Il y eut un premier moment de désordre effroyable, un choc terrible corps à corps, au milieu duquel don Zéno Cabral fut renversé de cheval et jeté à terre.

Un instant ses compagnons le crurent mort.

Ce fut alors que l'un d'eux se glissa inaperçu au milieu des arbres et des rochers, et s'enfuit à toute bride porter à San Miguel la nouvelle de la défaite des montoneros.

Ceux-ci cependant étaient, loin d'être vaincus. Don Zéno Cabral s'était relevé presque aussitôt et avait reparu à la tête de ses gens, qui, découragés un instant par sa chute, avaient en l'apercevant de nouveau à cheval senti renaître leur courage sur le point de les abandonner.

Cependant les assaillants étaient trop nombreux, le lieu de l'embuscade trop bien choisi pour que les montoneros conservassent l'espoir, non pas de vaincre, ils n'en avaient pas la pensée, mais de sortir du mauvais pas dans lequel ils étaient tombés.

Don Zéno Cabral reconnut d'un coup d'œil les difficultés du terrain sur lequel il lui fallait combattre et où ses cavaliers étaient dans l'impossibilité de faire manœuvrer leurs chevaux.

Tous ses efforts tendirent donc à élargir le champ de bataille, les montoneros, groupés et serrés autour de lui, chargèrent résolument l'ennemi à plusieurs reprises sans réussir à l'entamer; la partie était, selon l'expression vulgaire, bien attaquée et bien défendue, ils luttaient montoneros contre montoneros, bandits contre bandits.

Le chef des patriotes savait désormais à quels ennemis il avait affaire; leurs ponchos rouges, uniforme adopté par les Pincheyras, les lui avait fait reconnaître dès que le jour était arrivé.

Car pendant le combat acharné que se livraient les deux troupes, le soleil s'était levé et avait dissipé les ténèbres.

Malheureusement la clarté du jour en révélant le petit nombre des patriotes, rendait leur défaite plus probable.

Les Pincheyras furieux d'avoir été si longtemps tenus en échec par un aussi faible détachement, redoublèrent d'efforts pour en finir enfin avec eux.

Mais ceux-ci ne se découragèrent pas; conduits une dernière fois à la charge par leur intrépide chef, ils se ruèrent avec fureur sur leurs ennemis, qui vainement essayèrent de leur barrer le passage.

Les montoneros avaient réussi à renverser la barrière humaine dressée devant eux et avaient gagné la plaine.

Mais au prix de quels sacrifices!

Vingt des leurs étaient demeurés sans vie, étendus parmi les rochers; les survivants, au nombre d'une quinzaine au plus, étaient blessés pour la plupart et accablés par la fatigue du combat de géant qu'il leur avait fallu si longtemps soutenir.

Tout n'était pas fini, cependant; pour se retrouver en rase campagne; les patriotes n'étaient pas sauvés; du reste, ils se faisaient pas d'illusions pour leur sort, mais, sachant qu'ils n'avaient pas de quartier à attendre de leurs féroces ennemis, ils préféraient se faire tuer que tomber vivants entre leurs mains et être condamnés à souffrir d'horribles tortures.

Pourtant, bien que fort mauvaise encore, leur situation s'était sensiblement améliorée, par la raison qu'ils avaient maintenant de l'espace autour d'eux, et que leur salut allait dépendre de la vitesse de leurs chevaux.

Les Pincheyras, pour surprendre leurs ennemis, avaient été contraints de mettre pied à terre et de cacher leurs chevaux à quelques pas de là.

Lorsque les montoneros eurent réussi à s'ouvrir un passage, les Pincheyras se précipitèrent immédiatement vers l'endroit où ils avaient laissé leurs chevaux afin de les poursuivre.

Il y eut alors forcément un temps d'arrêt dont Zéno Cabral et ses compagnons profitèrent pour gagner au pied et agrandir la distance qui les séparait de leurs ennemis.

Le chef des Pincheyras, homme de haute taille, aux traits énergiques et accentués, à la physionomie dure et cruelle, jeune encore, et qui, pendant le combat, avait fait des prodiges de valeur et s'était constamment acharné sur don Zéno Cabral lui-même, qu'il avait même, au commencement de l'action, renversé de cheval, apparut bientôt presque couché sur sa monture, brandissant furieusement sa lance et excitant à grands cris une vingtaine de cavaliers dont il était suivi.

Les autres Pincheyras ne tardèrent pas à le joindre, émergeant successivement du milieu des rochers et des bouquets d'arbres.

Alors, la poursuite commença rapide, échevelée, désespérée de part et d'autre.

Les montoneros, pour donner moins de prise à leurs ennemis, s'étaient dispersés sur un grand espace, étendus sur leurs chevaux, pendus de côté par l'étrier, et, d'une main, se retenant à la crinière pour éviter les bolas et les lassos que leurs ennemis, tout en galopant à fond de train, faisaient tournoyer autour de leurs têtes.

Cette chasse à l'homme, grâce à l'habileté de ces cavaliers émérites, offrait un spectacle des plus émouvants, rempli des plus étranges péripéties.

Les Pincheyras, cependant, malgré les efforts des montoneros, grâce aux chevaux frais qu'ils montaient, se rapprochaient rapidement; encore quelques minutes, et ils seraient arrivés à portée de ceux qu'ils poursuivaient, lorsque tout à coup la terre retentit sous les pas pressés d'une troupe considérable de cavaliers, un nuage épais de poussière apparut à l'horizon.

Bientôt ce nuage s'entr'ouvrit, et le général don Eusebio Moratín, suivi de toute la cuadrilla de don Zéno Cabral, chargea avec fureur les royaux.

Ceux-ci surpris à leur tour, quand déjà ils se croyaient vainqueurs, poussèrent des hurlements de rage, et, tournant bride aussitôt, ils essayèrent de s'échapper dans toutes les directions, serrés de près par les montoneros, qui, en reconnaissant leur chef, avaient senti redoubler leur ardeur. Don Zéno, brûlant de tirer une éclatante vengeance de ce qu'il considérait comme un affront, serra affectueusement la main du général, et, bien que rendu de fatigue et blessé en deux ou trois endroits, il se mit à la tête de sa cuadrilla et la lança sur les Pincheyras.

Bientôt les bolas et les lassos volèrent de tous les côtés, et les cavaliers, enlevés de leur selle, roulèrent sur le sol avec des cris de colère et de douleur.

La lutte fut courte, mais terrible. Enveloppés par la cuadrilla, les Pincheyras, malgré une résistance désespérée, succombèrent et furent contraints de se rendre.

Vingt-cinq à peine survivaient; les autres, étranglés par les lassos, percés par les lances ou le crâne fracassé par les terribles bolas, jonchaient au loin la campagne.

Un seul homme avait échappé, sans qu'il fût possible de deviner par quel miracle.

C'était le chef des Pincheyras.

Cerné par les montoneros, refoulé comme une bête fauve, il était entré dans un épais fourré de lentisques et d'arbres du Pérou, où les patriotes l'avaient presque aussitôt suivi.

Le Pincheyra s'était froidement retourné; il avait, d'un dernier coup de carabine, abattu un de ceux qui le serraient de plus près, puis, avec un ricanement de dédain, il s'était enfoncé au milieu d'un buisson où il avait subitement disparu.

Vainement les montoneros, exaspérés par la résistance opiniâtre de cet homme et le dernier meurtre qu'il avait commis, s'étaient élancés pour le saisir; pendant plus d'une heure ils sondèrent pied à pied, pouce à pouce, le terrain, écartèrent les branches des buissons, frappèrent le sol et les rochers du bois de leurs lances; ils ne réussirent pas à découvrir les traces de leur audacieux adversaire.

Il était devenu invisible. Toutes les recherches furent infructueuses; on ne put pas le retrouver, et les montoneros se virent contraints de renoncer à s'emparer de lui.

Le général fit sonner le boute-selle, bien qu'à contre-cœur. Il lui coûtait beaucoup de ne pas ramener cet homme à San Miguel, d'autant plus qu'un des prisonniers avait avoué que celui qu'on cherchait si infructueusement n'était rien moins que don Santiago Pincheyra lui-même.

La réputation de don Santiago était trop bien établie pour que le général ne fût pas désespéré de n'avoir pas réussi à le prendre.

Cependant il fallait retourner à la ville. Les prisonniers furent attachés à la queue des chevaux et la cuadrilla partit au galop pour San Miguel.

– Señor général, avait dit don Zéno Cabral au gouverneur, en lui prenant la main avec effusion, vous m'avez sauvé la vie, plus même, vous m'avez sauvé l'honneur; quoi qu'il arrive, je suis à vous, à quelque époque que ce soit, je vous en donne ma parole.

– Merci, don Zéno, avait répondu le général avec un léger sourire en répondant à sa chaleureuse étreinte, j'accepte votre parole et au besoin je me souviendrai.

– En tout et pour tout disposez de moi.

Une heure plus tard, la cuadrilla rentrait à San Miguel accueillie par les cris de joie des habitants, à la vue des malheureux Pincheyras traînés prisonniers à la queue des chevaux.

Le passage des montoneros à travers les rues de la ville fut un véritable triomphe.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 мая 2017
Объем:
330 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

С этой книгой читают