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Читать книгу: «Le Montonéro», страница 16

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XVI
A CASA-TRAMA

Les cavaliers qui s'avançaient dans le cañon, se dirigeant vers le camp de Casa-Trama, ainsi que se nommait le quartier général des Pincheyras, formaient une troupe d'une trentaine d'hommes environ; tous étaient bien armés et bien montés; leur costume affectait une coupe militaire, et, bien que marchant au petit galop, ils conservaient leurs rangs et ressemblaient plutôt à des soldats ou à des partisans qu'à des voyageurs paisibles amenés dans la cordillière par leurs affaires.

Deux cavaliers montés sur de magnifiques chevaux noirs richement harnachés, précédaient de quelques pas le gros de la troupe, et causaient entre eux avec une certaine animation. Ils n'avaient pas aperçu encore don Pablo ni le peintre français, qui, à demi cachés derrière des fragments de roches les observaient attentivement.

Après quelques minutes de silence, le partisan se tourna vers le peintre.

Ce sont bien les personnes que j'attends, dit-il; venez, rentrons au camp.

– Pourquoi ne pas les attendre là où nous sommes, puisqu'il leur faut absolument passer devant nous?

– Mieux vaut qu'ils ne nous trouvent pas ici; je dois recevoir ces personnes avec un certain décorum que leur rang exige.

– A votre aise; mais il nous sera assez difficile de rentrer au camp sans être rejoint par eux surtout au train qu'ils vont.

– Que cela ne vous inquiète pas, reprit don Pablo en souriant; suivez-moi toujours.

– Allons, fit le peintre en réprimant un mouvement de curiosité.

En effet, il semblait impossible que, de l'endroit où ils étaient placés, les deux hommes pussent regagner le camp sans être non seulement aperçus, mais rejoints en quelques minutes par les voyageurs.

Cependant, contre toutes probabilités, il n'en fut rien.

Le partisan, après avoir escaladé, suivi par le peintre, quelques blocs de rochers entassés sans ordre apparent les uns sur les autres, se trouva à l'entrée d'une caverne naturelle comme il en existe tant dans les montagnes, et dans laquelle, après avoir écarté les ronces et les broussailles qui en masquaient la bouche, il s'engagea résolument. Le peintre n'hésita pas à le suivre, curieux de connaître ce passage caché si adroitement, et dont, sans y réfléchir, le partisan lui révélait l'existence, passage qui, à un moment donné, pouvait être de la plus haute importance pour le jeune homme. La caverne était large, spacieuse, aérée; le jour y pénétrait par d'imperceptibles fissures et faisait filtrer un clair-obscur suffisant pour se diriger sans craindre de s'égarer dans le dédale des galeries qui s'ouvraient à droite et à gauche et allaient se perdre sous la montagne à des distances probablement considérables, ou bien avaient des sorties ménagées dans plusieurs directions.

Après une marche rapide de quelques minutes, un bruit sourd et continu ressemblant à une chute d'eau considérable se fit entendre et devint de plus en plus fort, enfin les deux hommes débouchèrent de la caverne et se trouvèrent sur une étroite plate-forme de deux ou trois mètres de large au plus, masquée complètement par une nappe d'eau qui tombait d'une grande hauteur à deux ou trois mètres au plus en avant de la plate-forme et allait se briser avec fracas, une vingtaine de mètres plus bas, sur un chaos de rochers où elle se partageait en deux branches formant un peu plus loin deux rivières distinctes.

– Nous sommes arrivés, dit le Pincheyra en se tournant vers son compagnon auquel jusque-là il n'avait pas adressé une parole, reconnaissez-vous ce lieu?

– Parfaitement. C'est au pied même de cette cascade que le camp est établi; votre toldo n'en est qu'à une portée de fusil au plus.

– C'est cela même, vous voyez que je ne vous ai pas trompé.

– C'est vrai, mais comment descendrons-nous dans la vallée? Le chemin ne me semble guère praticable.

– Vous vous trompez, il est, au contraire, des plus faciles, vous allez voir; seulement, donnez-moi votre parole de caballero de ne révéler à personne le secret que je vous confie; vous comprenez, n'est-ce pas, l'importance pour moi, en cas d'attaque, d'avoir une issue par laquelle il me serait possible d'échapper sans coup férir avec mes compagnons, et de glisser, pour ainsi dire, comme un serpent entre les doigts de mes ennemis qui croiraient déjà me tenir à leur merci.

– Je comprends parfaitement cela, et je vous fais de grand cœur le serment que vous exigez, d'autant plus que la confiance avec laquelle vous m'avez conduit ici est pour moi une preuve indiscutable de l'estime que vous avez pour moi.

Don Pablo s'inclina poliment.

– Venez, dit-il, nous allons descendre.

Il fit alors un crochet sur la droite et gagna l'extrémité ouest de la plate-forme.

– Voyez, dit-il.

Le peintre regarda.

Un escalier taillé dans le roc vif descendait en pente douce à une certaine profondeur sur les flancs de la montagne et allait se perdre dans un épais fourré d'arbres de haute futaie.

– Le hasard, il y a bien longtemps déjà, reprit don Pablo, m'a révélé ce passage à une époque où je croyais ne devoir jamais l'utiliser; aujourd'hui il m'est fort utile pour entrer et sortir du camp sans être vu; mais ne demeurons pas plus longtemps ici, venez.

Don Pablo, avec une confiance qui eût été une insigne folie avec un autre homme que le peintre, passa alors le premier et commença à descendre sans même tourner la tête pour voir si son compagnon le suivait.

Rien n'eût été plus facile que de faire perdre l'équilibre au partisan en le poussant légèrement, comme par hasard, et de lui briser le crâne contre les rochers; le pensée n'en vint même pas au peintre, malgré la haine qui grondait dans son cœur contre cet homme, haine avivée encore par leur récente querelle; il suivit son ennemi dans cette hasardeuse descente, aussi paisiblement que s'il avait fait une promenade d'agrément avec un ami intime.

Du reste, il ne leur fallut que quelques minutes pour atteindre le bas de la montagne et mettre le pied dans la vallée.

– Nous voici rendus, dit alors don Pablo; nous devons nous séparer ici; allez à vos affaires, tandis que moi j'irai aux miennes.

Ils se trouvaient effectivement au milieu du camp, à quelques pas à peine du toldo du chef.

– N'allez-vous pas recevoir les étrangers qui arrivent? demanda Émile.

– Si bien, je vais les recevoir, car ils seront ici dans dix minutes à peine, et, je vous l'ai dit, je veux leur faire rendre certains honneurs auxquels ils ont droit.

– Il avait été arrêté entre nous, il me semble, que j'assisterais à votre entrevue?

– Parfaitement, et je tiendrai ma promesse, soyez tranquille; mais cette entrevue n'aura lieu que plus lard, dans deux ou trois heures au moins. Je ne vais faire, en ce moment, que remplir envers les étrangers les devoirs de l'hospitalité; lorsqu'ils seront reposés, nous nous occuperons d'affaires. Ainsi, soyez tranquille, quand le moment sera venu, j'aurai soin du vous faire avertir, afin que vous assistiez à la conférence.

– J'ai votre parole, je ne vous ferai donc pas de plus longues objections. Dieu vous garde, seigneur don Pablo.

– Dieu vous garde, seigneur don Émile, répondit le partisan.

Les deux hommes se saluèrent, et sans davantage discourir, ils se tournèrent le dos et tirèrent chacun d'un côté, don Pablo se dirigeant vers l'entrée du camp, où sans doute sa présence ne tarderait pas à être nécessaire, et le peintre remontant du côté de son toldo, où bientôt il arriva. Un homme assis sur le seuil semblait guetter son retour.

Cet homme était Tyro, le Guaranis. A quelques pas de lui, accroupis sur le sol, deux individus déguenillés, mais armés jusqu'aux dents, jouaient au monté; ces individus étaient Mataseis et Sacatripas, les deux sacripants, engagés par le peintre lors de sa fuite de San Miguel de Tucumán; sans se déranger ils saluèrent leur maître au passage et continuèrent la partie acharnée qu'ils avaient commencée au lever du soleil, et qui, selon toutes probabilités, à moins d'événements graves, durerait jusqu'à la fin de la journée.

A la vue du Français, Tyro se leva vivement, souleva le rideau du toldo, et après que son maître fut entré, il le suivit.

– Quoi de nouveau? lui demanda Émile.

– Pas grand-chose en apparence, répondit le Guaranis, mais beaucoup en réalité.

– Ah! fit le jeune homme d'un air soucieux, qu'est-il donc arrivé encore?

– Rien, je vous le répète, mi amo; cependant je crois que vous ferez bien de vous mettre sur vos gardes.

– Eh! N'y suis-je pas toujours?

– C'est vrai; pourtant, un surcroît de précaution ne saurait nuire.

– Alors tu as appris quelque chose?

– Je n'ai rien appris de positif encore, cependant j'ai des soupçons; bientôt, je l'espère, il me sera permis de vous instruire.

– As-tu vu ces dames aujourd'hui?

– Oui, mi amo; ce matin j'ai eu l'honneur de leur faire visite, elles sont tristes et résignées, comme toujours, mais il est facile de voir que cette existence leur pèse à chaque instant davantage et que leur feinte résignation cache un profond découragement.

– Hélas! murmura le jeune homme avec tristesse, je ne puis malheureusement leur venir en aide.

– Peut-être, mi amo.

Émile se redressa vivement.

– Tu sais quelque chose n'est-ce pas, mon bon Tyro? s'écria-t-il avec anxiété.

– Je dois ne rien dire encore, mi amo, soyez patient, bientôt vous saurez tout.

Le jeune homme soupira.

– J'ai vu don Pablo, dit-il.

– Ah! fit le Guaranis avec curiosité.

– J'assisterai à l'entrevue.

– Bon! s'écria l'Indien en se frottant joyeusement les mains, tant mieux; don Pablo n'a pas fait de difficultés?

– Hum, il n'a consenti que le pistolet sur la gorge.

– Peu importe, le principal est que vous soyez présent.

– Tu vois que j'ai suivi ton conseil.

– Bientôt, mi amo, vous en connaîtrez vous-même l'importance.

– A la grâce de Dieu! Je t'avoue que depuis que je suis dans cette affreuse tanière de Casa-Trama, je sens que je perds toute énergie.

– Courage, mi amo, peut-être êtes-vous plus près d'en sortir que vous ne le supposez.

– Tu ne parles jamais que par énigmes.

– Excusez-moi, il m'est, quant à présent, impossible de m'expliquer.

– Fais comme tu voudras, je ne me mêlerai de rien.

– Jusqu'au moment où il faudra agir.

– Mais, quand ce moment viendra-t-il?

Tyro ne répondit pas, occupé à tout préparer pour le déjeuner de son maître; absorbé en apparence par cette grave occupation, il feignit de ne pas entendre ces paroles par trop significatives.

– Voilà qui est fait, mi amo, dit-il, mangez et buvez, il est bon de prendre des forces; on ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve, et il faut être préparé à tous les événements.

Le peintre le regarda un instant avec attention.

– Allons, dit-il, en s'asseyant sur un équipal devant la table, tu machines quelque chose.

Le Guaranis se mit à rire malicieusement.

– Ah! fit-il au bout d'un instant, vous savez, mi amo, que l'engagement de nos deux compagnons est fini d'hier.

– Quels compagnons et quel engagement? répondit le jeune homme la bouche pleine.

– Eh! Mais celui de Mataseis et de son digne acolyte Sacatripas.

– Bon, qu'est-ce que cela me fait? Ces drôles ont été payés d'avance, je ne leur dois donc rien.

– Pardon, mi amo, vous leur devez deux mois.

– Comment cela?

– Parce que j'ai renouvelé leur engagement pour deux mois, ce matin même, au même prix; du reste ce n'est pas cher, les drôles ne manquent pas d'une certaine valeur.

– Quelle singulière idée de nous avoir de nouveau empêtré de ces misérables; ne valait-il pas mieux s'en débarrasser et les envoyer se faire pendre ailleurs.

– Quant à être pendus, soyez tranquille, cela leur arrivera tôt ou tard; provisoirement j'ai pensé qu'il était préférable de les conserver à votre service, souvenez-vous, mi amo, que lorsqu'on lutte contre des bandits, il faut en avoir quelques-uns dans ses intérêts.

– Arrange-toi, cela te regarde, puisque c'est toi qui fais tout ici salon ton caprice; garde-les, ne les garde pas, je m'en lave les mains.

– Vous avez de l'humeur, mi amo?

– Non, je suis triste, j'ai parfois des tentations d'en finir en brûlant la cervelle à ce Pincheyra maudit et me la faisant à moi-même sauter ensuite.

– Gardez vous bien de vous laisser aller à ces tentations, mi amo, non pas que je m'intéresse le moins du monde aux Pincheyras, car je réserve à don Pablo et à ses frères un plat de mon métier qu'ils trouveront trop épicé j'en suis convaincu; mais le moment n'est pas venu encore, patientons et, pour commencer, assistez à l'entrevue d'aujourd'hui, mi amo, et ouvrez les oreilles, car je me trompe fort, ou vous y entendrez d'étranges choses.

– Oui, oui; je suppose qu'une entrevue à laquelle le colonel, car il s'est définitivement octroyé ce grade de son autorité privée, je suppose, dis-je, qu'une telle entrevue doit être fertile en incidents curieux.

– Je veux vous laisser le plaisir de la surprise, mi amo; est-ce que vous sortez? ajouta-t-il en voyant son maître se diriger vers la porte.

– Je compte aller présenter mes hommages à ces dames.

– Vous n'en auriez pas le temps; d'ailleurs, vous ne pourriez pas causer librement avec elles; les deux sœurs de don Pablo leur tiennent en ce moment compagnie.

– Ces femmes semblent avoir reçu un mot d'ordre pour ne pas perdre de vue ces deux malheureuses dames; elles passent presque les journées entières avec elles.

– Il est probable qu'elles ont reçu des instructions à cet égard.

Le jeune homme ne répondit pas, mais il fronça les sourcils, frappa du pied avec colère, et se mit à marcher de long en large.

Quelques minutes s'écoulèrent.

– Parbleu! s'écria-t-il enfin, je suis bien niais de me chagriner ainsi pour des choses qui ne devraient pas me toucher et que je ne puis empêcher! En somme, il est évident que, puisque la vie est un continuel jeu de bascule, lorsque j'aurai atteint le dernier degré de la mauvaise fortune, il faudra bien que je remonte et que, fatalement, ma position s'améliore. Bah! laissons faire la Providence, elle est plus fine que moi et saura bien, lorsque cela lui plaira, me faire sortir d'embarras! Cependant, il me semble qu'il serait temps qu'elle y songeât; je m'ennuie atrocement ici! C'est égal, j'ai eu une triomphante idée de venir au Nouveau Monde pour y chercher la tranquillité et les mœurs patriarcales! Tudieu! Quels patriotes que les Pincheyras! Et comme les histoires de voyages sont vraies et copiées sur nature!

Et il se mit à rire de tout son cœur.

Comme ce qui précède avait été dit en français, et que, par conséquent, l'Indien n'en avait pas compris un mot, il regarda le jeune homme d'un air ébahi, qui redoubla l'hilarité de celui-ci, de sorte que le Guaranis se demandait intérieurement si son maître n'était pas subitement devenu fou, lorsqu'un nouveau personnage parut tout à coup dans le toldo, et par sa seule présence calma, comme par enchantement, la gaieté du Français et lui rendit tout son sérieux.

Ce personnage n'était rien moins que don Santiago Pincheyra, un des frères de don Pablo, celui-là même auquel le jeune homme avait rendu un si grand service lors de son escarmouche avec la cuadrilla de Zéno Cabral.

Tout brutal et tout bourru qu'était don Santiago, il semblait avoir conservé au peintre une certaine reconnaissance de ce service, et, en plusieurs circonstances, il lui avait témoigné un léger intérêt; c'était grâce à son influence qu'il était traité avec considération dans le camp des partisans, et à peu près libre d'agir à sa guise sans être en butte aux grossières tracasseries des bandits de cette troupe indisciplinée.

– Je vois avec plaisir que vous n'engendrez pas la mélancolie parmi nous, seigneur français, lui dit-il en lui tendant la main. Tant mieux, ¡vive Dios! Le chagrin tuerait un chat, comme nous avons coutume de dire.

– Vous voyez que je me forme, répondit Émile en lui pressant la main; pour répondre à votre proverbe par un autre, je vous dirai que chose sans remède, mieux vaut l'oublier; qui me procure l'avantage de votre visite, cher seigneur?

– Le désir de vous voir d'abord, puis ensuite un message de mon frère don Pablo Pincheyra.

– Croyez que je suis sensible, comme je le dois, à cette preuve de courtoisie, cher seigneur, fit le jeune homme en s'inclinant et avec politesse; et ce message, que par votre entremise me fait l'honneur de m'adresser S. ESC. le colonel don Pablo Pincheyra, est important sans doute?

– Vous en jugerez mieux que moi, señor: mon frère réclame votre présence à l'entrevue qui va immédiatement avoir lieu avec des officiers espagnols arrivés, il y a environ une heure, au quartier général.

– Je suis fort honoré que Son Excellence ait daigné songer à moi; je me rendrai au conseil dès que j'en aurai reçu l'ordre.

– Cet ordre, je vous l'apporte, seigneur français, et s'il vous plaît de me suivre, je vous accompagnerai au lieu choisi pour l'entrevue, qui est tout simplement la salle du conseil dans le toldo même de mon frère.

– Fort bien, seigneur don Santiago, je suis prêt à vous suivre.

– Alors, nous partirons tout de suite; car on n'attend plus que vous.

Le peintre échangea avec le Guaranis un dernier regard, auquel celui-ci répondit par un autre non moins significatif, et, sans plus de paroles, il sortit du toldo avec don Santiago.

Tout était en rumeurs à Casa-Trama; l'arrivée imprévue des étrangers avait éveillé la curiosité générale: les rues étaient littéralement encombrées par les hommes, les femmes et les enfants qui se pressaient vers le toldo du colonel.

Les deux hommes eurent beaucoup de peine à se frayer un passage à travers la foule des curieux qui obstruaient la voie publique, et, sans la présence de don Santiago, connu et respecté de tous, le Français ne serait probablement pas parvenu à atteindre l'endroit où il désirait se rendre.

Bien que la demeure de don Pablo Pincheyra portât le nom de toldo, c'était en réalité une maison vaste et aérée, construite avec tout le soin possible pour la commodité intérieure de son propriétaire. Les murs étaient en torchis, recrépis avec soin et blanchis à la chaux. Dix fenêtres avec des contrevents peints en vert, et garnies de plantes grimpantes qui s'élançaient dans toutes les directions et formaient les paraboles les plus échevelées, lui donnaient un air de gaieté qui faisait plaisir à voir. La porte, précédée d'un péristyle et d'une véranda, se trouvait juste au centre de la construction. Devant cette porte un mat de pavillon était planté en terre surmonté du drapeau espagnol; deux sentinelles armées de lances se tenaient l'une au seuil de la porte, l'autre au pied du mât de pavillon; une batterie de six pièces de canons de montagne était braquée à quelques pas en avant, à demi cachée en ce moment par une trentaine de chevaux tout harnachés et qui rongeaient leur frein en blanchissant leur mors d'écume.

A la vue de don Santiago les sentinelles présentèrent les armes et s'écartèrent respectueusement pour lui livrer passage, tandis que la foule était tenue a distance par quelques soldats préposés à cet effet, et n'avait d'autre moyen d'assouvir sa curiosité que celui d'interroger les peones des étrangers, qui surveillaient les chevaux de leurs maîtres.

Les deux hommes pénétrèrent dans la maison après avoir traversé un zaguán rempli de soldats. Ils entrèrent dans une salle où plusieurs officiers discouraient entre eux à haute voix de l'arrivée des étrangers; quelques-uns de ces officiers s'approchèrent de don Santiago pour lui demander des nouvelles; mais celui-ci, qui peut-être n'en savait pas plus qu'eux à ce sujet, ou qui avait reçu des instructions précises de son frère, ne leur fit que des réponses évasives, et, les écartant doucement de la main, il entra enfin dans la salle du conseil, suivi pas à pas par le peintre français, qui commençait, lui aussi à être fort intrigué de tout ce qu'il voyait.

La salle du conseil était une pièce assez vaste, dont les murs blanchis à la chaux étaient complètement nus, à l'exception d'un grand christ en ivoire, placé à l'extrémité de la salle, au-dessus d'un fauteuil occupé en ce moment par don Pablo Pincheyra; à droite de ce christ, une mauvaise gravure, affreusement enluminée, était sensée représenter le roi d'Espagne, couronne en tête et sceptre en main; à gauche, une gravure non moins laide représentait, toujours par à peu près, Nuestra Señora de la Soledad.

L'ameublement était des plus mesquins et des plus primitifs: quelques bancs et quelques équipales rangés contre les murs et une table d'assez petite dimension en formaient la totalité.

Don Pablo Pincheyra, revêtu du grand uniforme de colonel espagnol, était assis sur le fauteuil: près de lui se tenaient son frère don José Antonio, à sa droite; la place de don Santiago, à sa gauche, était vide provisoirement; puis venait le padre Gómez, chapelain de don Pablo, gros moine réjoui et pansu, mais dont les yeux pétillaient de finesse; plusieurs officiers, capitaines, lieutenants et alférez, groupés sans ordre autour de leur chef, s'appuyaient sur leurs sabres et fumaient négligemment leurs cigarettes en causant à voix basse.

Devant la table était assis un homme long, sec et maigre, aux traits ascétiques et aux regards louches et faux. Celui-ci était don Justo Vallejos, secrétaire de don Pablo; car, de même qu'il s'était donné le luxe d'un chapelain, le digne colonel, avec plus de raisons, sans doute, avait senti le besoin d'attacher un secrétaire à sa personne.

Un cabo ou caporal se tenait près de la porte et remplissait les fonctions d'huissier et d'introducteur.

– Enfin, s'écria don Pablo en apercevant le Français, je commençais à craindre que vous ne vinssiez pas.

– Nous avons éprouvé des difficultés infinies pour arriver jusqu'ici, répondit don Santiago en allant prendre la place qui lui était réservée.

– Vous voilà, tout est pour le mieux, señor Francés, placez-vous là, près de mon secrétaire. Cabo Méndez, apportez un siège à ce caballero.

Le jeune homme salua silencieusement, et ainsi qu'il en avait reçu l'ordre, il s'assit auprès du secrétaire, qui inclina la tête de son côté en lui jetant un regard voilé en guise de salut.

– Maintenant, caballeros, reprit don Pablo en s'adressant à tous les assistants, n'oubliez pas que des représentants de Sa Majesté très sacrée le roi notre souverain vont paraître devant nous; agissons avec eux comme de véritables caballeros que nous sommes et prouvons-leur que nous ne sommes pas aussi sauvages qu'ils sont peut-être disposés à le supposer.

Les officiers répondirent par un salut respectueux, se redressèrent et jetèrent leurs cigarettes.

D'un regard circulaire, don Pablo s'assura que ses ordres avaient été exécutés et que ses officiers avaient pris des poses plus convenables que celles qu'ils affectaient auparavant; puis se tournant vers le caporal, immobile à la porte, sur la serrure de laquelle sa main était posée:

– Cabo Méndez, lui dit-il, introduisez en notre présence les représentants de S. M. Catholique le roi des Espagnes et des Indes.

Le caporal ouvrit la porte à deux battants et les personnages attendus et qui se tenaient dans une pièce attenante firent leur entrée dans la salle d'un pas grave et mesuré, après que le caporal eut répété d'une voix claire et d'un ton emphatique les dernières paroles prononcées par don Pablo Pincheyra.

Ces étrangers, à qui on donnait ainsi un titre auquel ils n'avaient probablement que des droits fort incontestables, étaient au nombre de cinq.

Leur escorte était demeurée au dehors. En les apercevant, le jeune Français retint avec peine une exclamation de surprise. De ces cinq personnages, il en avait reconnu deux que certes il était loin de s'attendre à rencontrer en pareil lieu.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 мая 2017
Объем:
330 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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