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Читать книгу: «Quentin Durward», страница 4

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Son compagnon était un homme robuste, de moyenne taille, et plus jeune d'une dizaine d'années. Il avait ce qu'on appelle l'air en dessous, et un sourire sinistre, quand par hasard il souriait, ce qui ne lui arrivait jamais que par forme de réponse à certains signes secrets qu'il échangeait avec l'autre inconnu. Il était armé d'une épée et d'un poignard, et l'Écossais remarqua qu'il cachait sous son habit uni un jaseran ou cotte de mailles flexible, telle qu'en portaient souvent, dans ces temps périlleux, même les hommes qui n'avaient pas pris le parti des armes, mais que la profession obligeait à de fréquens voyages; ce qui le confirma dans l'idée que ce pouvait être un boucher, un nourrisseur de bestiaux, ou un homme occupé de quelque métier de ce genre.

Le jeune Écossais n'eut besoin que d'un instant pour faire les observations dont il nous a fallu quelque temps pour rendre compte, et il répondit, après un moment de silence et en faisant une légère salutation: – Je ne sais à qui je puis avoir l'honneur de parler, mais il m'est indifférent qu'on sache que je suis un cadet écossais, et que je viens chercher fortune en France ou ailleurs, suivant la coutume de mes compatriotes.

– Pâques-Dieu! s'écria l'aîné des deux inconnus, et c'est une excellente coutume. Vous semblez un garçon de bonne mine, et de l'âge qu'il faut pour réussir avec les hommes et avec les femmes. Eh bien! qu'en dites vous? je suis commerçant, et j'ai besoin d'un jeune homme pour m'aider dans mon trafic. Mais je suppose que vous êtes trop gentilhomme pour vous mêler des travaux ignobles du négoce.

– Mon beau monsieur, si vous me faites cette offre sérieusement, ce dont j'ai quelque doute, je vous dois des remerciemens; je vous prie de les agréer: mais je crois que je ne vous serai pas fort utile dans votre commerce.

– Oh! je crois bien que tu es plus habile à tirer de l'arc qu'à rédiger un mémoire de marchandises, et que tu sais manier un sabre mieux que la plume; n'est-il pas vrai?

– Je suis un homme de bruyères, monsieur, et par conséquent archer, comme nous le disons. Mais j'ai été dans un couvent, et les bons pères m'ont appris à lire, à écrire, et même à compter.

– Pâques-Dieu! cela est trop magnifique. Par Notre-Dame d'Embrun, tu es un véritable prodige, l'ami!

– Riez tant qu'il vous plaira, mon beau maître, répliqua le jeune homme qui n'était pas très-satisfait du ton de plaisanterie de sa nouvelle connaissance; quant à moi, je pense que je ferais bien d'aller me sécher, au lieu de m'amuser ici à répondre à vos questions, tandis que l'eau découle de mes habits.

– Pâques-Dieu! s'écria le même inconnu en riant encore plus haut, le proverbe ne ment jamais: fier comme un Écossais. – Allons, jeune homme, vous êtes d'un pays que j'estime, ayant fait autrefois commerce avec l'écosse. Les Écossais sont un peuple pauvre et honnête. Si vous voulez nous accompagner au village, je vous donnerai un verre de vin chaud et un bon déjeuner, pour vous dédommager de votre bain. Mais, Tête-Bleue! que faites-vous de ce gant de chasse sur votre main? Ne savez-vous pas que la chasse à l'oiseau n'est pas permise dans un parc royal?

– C'est ce que m'a appris un coquin de forestier du duc de Bourgogne. Je n'avais fait que lâcher sur un héron, près de Péronne, le faucon que j'avais apporté d'écosse, et sur lequel je comptais pour fixer l'attention sur moi; le pendard le perça d'une flèche.

– Et que fîtes-vous alors?

– Je le battis, répondit le jeune brave en brandissant son bâton; je le battis autant qu'un chrétien peut en battre un autre sans le tuer; car je ne voulais pas avoir sa mort à me reprocher.

– Savez-vous que si vous étiez tombé entre les mains du duc de Bourgogne, il vous aurait fait pendre comme une châtaigne?

– Oui, on m'a dit qu'en fait de cette besogne, il y va aussi vite que le roi de France; mais, comme cela était arrivé près de Péronne, je sautai par-dessus la frontière, et je me moquai de lui. S'il n'avait pas été un prince si emporté, j'aurais peut-être, pris du service dans ses troupes.

– Il aura à regretter la perte d'un tel paladin, si la trêve vient à se rompre!

Et celui qui parlait ainsi jeta en même temps, un coup d'œil sur son compagnon; celui-ci répondit par un de ces sourires en dessous qui animaient un moment sa physionomie, comme un éclair illumine un instant un ciel d'hiver.

Le jeune Écossais les regarda tour à tour, en enfonçant son bonnet sur l'œil droit, en homme qui ne veut servir de jouet à personne. – Mes maîtres, leur dit-il avec fermeté, et vous surtout qui êtes le plus âgé, et qui devriez être le plus sage, il faudra, je crois, que je vous apprenne qu'il n'est ni sage ni prudent de plaisanter à mes dépens. Le ton de votre conversation ne me plaît nullement. Je sais entendre la plaisanterie, souffrir une réprimande de la part d'un homme plus âgé que moi, et même l'en remercier quand je sens que je l'ai méritée; mais je n'aime pas à être traité comme un enfant, quand Dieu sait que je me crois assez homme pour vous frotter convenablement tous les deux, si vous me poussez à bout.

Celui à qui il s'adressait particulièrement semblait prêt à étouffer de rire en l'entendant parler ainsi. La main de son compagnon se portait de nouveau sur la garde de son épée, lorsque le jeune homme lui asséna sur le poignet un coup de bâton si bien appliqué qu'il lui eût été impossible de s'en servir: cet incident ne fit qu'augmenter la bonne humeur de l'autre.

– Holà! holà! très-vaillant Écossais! s'écria-t-il pourtant; par amour pour ta chère patrie! Et vous, compère, point de regards menaçans. Pâques-Dieu! il faut de la justice dans le commerce, et un bain peut servir de compensation pour un coup donné sur le poignet avec tant de grâce et d'agilité. écoutez-moi, l'ami, ajouta-t-il en s'adressant au jeune étranger avec une gravité sérieuse qui lui en imposa et lui inspira du respect en dépit de lui-même: plus de violence; il ne serait pas sage de vous y livrer contre-moi, et vous voyez que mon compère est suffisamment payé. Quel est votre nom?

– Quand on me fait une question avec civilité, je puis y répondre de même, et je suis disposé à avoir pour vous le respect dû à votre âge, à moins que vous n'épuisiez ma patience par vos railleries. Ici, en France et en Flandre, on s'est amusé à m'appeler le varlet au sac de velours, à cause du sac à faucon que je porte; mais mon véritable nom, dans mon pays, est Quentin Durward.

– Durward! et ce nom est-il celui d'un gentilhomme?

– Depuis quinze générations. Et c'est ce qui fait que je ne me soucie pas de suivre une autre profession que celle des armes.

– Véritable Écossais! j'en réponds: surabondance de sang, surabondance d'orgueil, et grande pénurie de ducats. Eh bien! compère, marchez en avant et faites-nous préparer à déjeuner au bosquet des Mûriers, car ce jeune homme fera autant d'honneur au repas qu'une souris affamée en ferait au fromage d'une ménagère. – Et quant au Bohémien, écoute-moi.

Il lui dit quelques mots à l'oreille; son compagnon n'y répondit que par un sourire d'intelligence qui avait quelque chose de sombre, et il partit d'un assez bon pas.

– Eh bien! dit le premier au jeune Durward, maintenant nous allons faire route ensemble; et en traversant la forêt nous pourrons entendre la messe à la chapelle de Saint-Hubert; car il n'est pas juste de s'occuper des besoins du corps avant d'avoir songé à ceux de l'âme.

Durward, en bon catholique, n'avait pas d'objection à faire à cette proposition, quoiqu'il eût probablement désiré commencer par faire sécher ses habits et prendre quelques rafraîchissemens. Ils eurent bientôt perdu de vue le compagnon du marchand; mais en suivant le même chemin qu'il avait pris, ils entrèrent bientôt dans un bois planté de grands arbres entremêlés de buissons et de broussailles, et traversé par de longues avenues dans lesquelles ils voyaient passer des troupeaux de daims dont la sécurité semblait annoncer qu'ils sentaient que ce parc était un asile pour eux.

– Vous me demandiez si j'étais bon archer, dit le jeune Écossais; donnez-moi un arc et une couple de flèches, et je vous réponds que vous aurez de la venaison.

– Pâques-Dieu! mon jeune ami, prenez-y bien garde. Mon compère a l'œil ouvert sur les daims; il est chargé d'y veiller, et c'est un garde rigide.

– Il ressemble plutôt à un boucher qu'à un joyeux forestier. Je ne puis croire que ce visage de pendard appartienne à quelqu'un qui connaisse les nobles règles de la vénerie.

– Ah! mon jeune ami, mon compère n'a pas la figure prévenante à la première vue, et cependant aucun de ceux qui ont eu affaire à lui n'a jamais été s'en plaindre.

Quentin Durward trouva quelque chose de singulier et de désagréablement expressif dans le ton dont ces derniers mots avaient été prononcés, et levant tout à coup les yeux sur son compagnon, il crut voir sur sa physionomie, dans le sourire qui crispait ses lèvres, et dans le clignement de son œil noir et plein de vivacité, de quoi justifier la surprise qu'il éprouvait.

– J'ai entendu parler de voleurs, de brigands, de coupe-jarrets, pensa-t-il en lui-même; ne serait-il pas possible, que le drôle qui est en avant fut un assassin, et que celui-ci fut chargé de lui amener sa proie dans un endroit convenable? Je me tiendrai sur mes gardes, et ils n'auront guère de moi que de bons horions écossais.

Tandis qu'il réfléchissait ainsi, ils arrivèrent à une clairière où les grands arbres de la forêt étaient plus écartés les uns des autres. La terre, nettoyée des buissons et des broussailles, y était couverte d'un tapis de la plus riche verdure, qui, protégée par les grands arbres contre l'ardeur brûlante du soleil, était plus fraîche et plus belle qu'on ne la trouve généralement en France. Les arbres, en cet endroit retiré, étaient principalement des bouleaux et des ormes gigantesques qui s'élevaient comme des montagnes de feuilles. Au milieu de ces superbes enfans de la terre, dans l'endroit le plus découvert, s'élevait une humble chapelle près de laquelle coulait un petit ruisseau. L'architecture en était simple et même grossière. À quelques pas, on voyait une cabane pour l'ermite ou le prêtre qui se consacrait au service de l'autel dans ce lieu solitaire. Dans une niche pratiquée au-dessus de la porte, une petite statue représentait saint Hubert, avec un cor passé autour du cou, et deux lévriers à ses pieds. La situation de cette chapelle, au milieu d'un parc rempli de gibier, avait fait naître naturellement l'idée de la dédier au saint qui est le patron des chasseurs.

Le vieillard, suivi du jeune Durward, dirigea ses pas vers ce petit édifice consacré par la religion; et comme il s'en approchait, le prêtre, revêtu de ses ornemens sacerdotaux, sortit de sa cellule et entra dans la chapelle, probablement pour y exercer son saint ministère. Durward s'inclina profondément devant lui, par respect pour son caractère sacré; mais son compagnon porta plus loin la dévotion, et mit un genou en terre pour recevoir la bénédiction du saint homme. Il le suivit dans l'église à pas lents, et d'un air qui exprimait la contrition et l'humilité la plus sincère.

L'intérieur de la chapelle était orné de manière à rappeler les occupations auxquelles s'était livré le saint patron quand il était sur terre. Les plus riches dépouilles des animaux qu'on poursuit à la chasse dans différens pays tenaient lieu de tapisserie et de tenture autour de l'autel et dans toute l'église. On y voyait suspendus, le long des murs, des cors, des arcs, des carquois, mêlés avec des têtes de cerfs, de loups et d'autres animaux; en un mot, tous les ornemens avaient un caractère forestier. La messe même y répondit, car elle fut très-courte, étant ce qu'on appelait une messe de chasse, telle qu'on la célébrait, devant les nobles et les grands qui, en assistant à cette solennité, étaient ordinairement impatiens de pouvoir se livrer à leur amusement favori. Pendant cette courte cérémonie, le compagnon de Durward parut y donner l'attention la plus entière et la plus scrupuleuse, tandis que le jeune Écossais, n'étant pas tout-à-fait aussi occupé de pensées religieuses, ne pouvait s'empêcher de se reprocher intérieurement d'avoir pu concevoir des soupçons injurieux contre un homme qui paraissait si humble et si dévot. Bien loin de le regarder alors comme associé et complice de brigands, il était presque tenté de le prendre pour un saint.

Quand la messe fut finie, ils sortirent ensemble de la chapelle, et l'inconnu dît à Durward: – Nous sommes maintenant à peu de distance du village, et vous pouvez rompre le jeûne en toute sûreté de conscience. Suivez-moi.

Tournant sur la droite, et prenant un chemin qui montait graduellement, il recommanda à son compagnon d'avoir grand soin de ne pas s'écarter du sentier, et d'en garder le milieu autant qu'il le pourrait.

Durward lui demanda pourquoi il lui recommandait cette précaution.

– C'est que nous sommes près de la cour, jeune homme; et, Pâques-Dieu! on ne marche pas, dans cette région comme sur vos montagnes couvertes de bruyères. À l'exception du sentier que nous suivons, chaque toise de terrain est rendue dangereuse et presque impraticable par des pièges et des trappes armées de faux qui tranchent les membres du voyageur imprudent, comme la serpette du jardinier coupe une branche d'aubépine. Des pointes de fer vous traverseraient les pieds, et il y a des fosses assez profondes pour vous y ensevelir à jamais. Vous êtes maintenant dans l'enceinte du domaine royal, et nous allons voir tout à l'heure la façade du château.

– Si j'étais le roi de France, je ne me donnerais pas tant de peine pour placer autour de ma demeure des pièges et des trappes. Au lieu de cela, je tâcherais de gouverner si bien, que personne n'oserait en approcher avec de mauvaises intentions; et quant à ceux qui y viendraient avec des sentimens de paix et d'affection, plus le nombre en serait grand, plus j'en serais charmé.

Le compagnon de l'Écossais regard autour de lui d'un air alarmé, et lui dit: – Silence, sire varlet au sac de velours, silence! car j'ai oublié de vous dire que les feuilles de ces arbres ont des oreilles, et qu'elles rapportent dans le cabinet du roi tout ce qu'elles entendent.

– Je m'en inquiète fort peu, répondit Quentin Durward; j'ai dans la bouche une langue écossaise, et elle est assez hardie pour dire ce que je pense en face du roi Louis: que Dieu le protège! Et quant aux oreilles dont vous parlez, si je les voyais sur une tête humaine, je les abattrais avec mon couteau de chasse.

CHAPITRE III.
Le Château

«Un imposant château se présente à la vue;

«Par des portes de fer l'entrée est défendue,

«Les murs en sont épais et les fossés profonds:

«On y voit des créneaux, des tours, des bastions,

«Et des soldats armés veillent sur les murailles.»

Anonyme.

TANDIS que Durward et sa nouvelle connaissance parlaient ainsi, ils arrivèrent vis-à-vis de la façade de Plessis-les-Tours, château qui, même dans ces temps dangereux, où les grands étaient obligés de résider dans des places fortes, était remarquable par les précautions jalouses qu'on prenait pour en rendre l'accès difficile.

À partir de la lisière du bois où le jeune Écossais s'était arrêté avec son compagnon pour contempler cette résidence royale, s'étendait, ou pour mieux dire s'élevait, quoique par une montée fort douce, une esplanade découverte, sur laquelle on ne voyait ni arbre, ni arbuste, à l'exception d'un chêne gigantesque, à demi mort de vieillesse. Cet espace avait été laissé ouvert, conformément aux règles de fortification de tous les siècles, afin que l'ennemi ne pût approcher des murs à couvert et sans être aperçu du haut du château, situé à l'extrémité de cette esplanade.

Le château était entouré de trois remparts extérieurs garnis de créneaux et de tourelles de distance en distance, et notamment à tous les angles. Le second mur s'élevait plus haut que le premier, et était construit de manière à commander celui-ci, si l'ennemi parvenait à s'en emparer: il en était de même du troisième, qui formait la barrière intérieure. Autour du mur extérieur (ce dont le Français informa son compagnon, attendu qu'étant placés plus bas que le niveau des fondations ils ne pouvaient l'apercevoir) on avait creusé un fossé d'environ vingt pieds de profondeur, où l'eau arrivait au moyen d'une saignée qu'on avait faite au Cher, ou plutôt à une de ses branches tributaires. Un second fossé régnait au pied du second mur; un troisième défendait pareillement la dernière muraille, et tous trois étaient également de dimension peu ordinaire. Les rives intérieure et extérieure de ce triple fossé étaient garnies de palissades en fer qui atteignaient le même but que ce qu'on appelle des chevaux-de-frise en termes de fortification modernes, car chaque pieu de fer se terminait en différentes pointes bien aiguës, et divergentes en tous sens de sorte qu'on ne pouvait risquer une escalade sans s'exposer à une mort certaine.

Dans l'intérieur de l'enceinte formée par le troisième mur s'élevait le château, composé de bâtimens construits à différentes dates, dont le plus ancien était une tour noircie par le temps, qui semblait un géant éthiopien d'une taille démesurée; l'absence de toute autre fenêtre plus grande que des barbacanes pratiquées à distances inégales, pour servir à la défense de la forteresse, faisait naître, à l'approche de cette tour, cette sensation pénible qu'on éprouve en voyant un aveugle.

Les autres bâtimens ne semblaient pas devoir être beaucoup plus agréables pour ceux qui les habitaient, car toutes les fenêtres s'ouvraient sur une cour intérieure, de sorte que tout l'extérieur annonçait une prison plutôt qu'un palais. Le roi régnant avait même ajouté à cette ressemblance, en faisant construire les fortifications nouvelles de manière à ce qu'on ne pût les distinguer des anciennes; car il était, comme la plupart des gens soupçonneux, très-jaloux de cacher ses soupçons. On avait employé pour cela des briques et des pierres de la couleur la plus sombre, et mêlé de la suie dans le ciment, de manière que tous les bâtimens avaient uniformément la même teinte d'antiquité.

Cette place formidable n'avait qu'une seule entrée, du moins Durward n'en vit qu'une seule sur toute la façade; elle était flanquée, selon l'usage, de deux fortes tours, et défendue par une herse en fer et un pont-levis. La herse était baissée, et le pont-levis levé. Des tours semblables s'élevaient de même à la seconde et à la troisième enceinte; mais elles n'étaient pas sur la même ligne que celles de la première, car on ne pouvait aller directement d'une porte à l'autre; mais après avoir passé la première, on avait à faire une cinquantaine de pas entre les deux premiers murs avant d'arriver à la seconde; et en supposant que ce fût une troupe ennemie, elle était exposée aux traits dont on pouvait l'accabler des deux côtés. De même, après avoir passé la seconde porte, il fallait dévier encore une fois de la ligne droite pour gagner la troisième; de sorte que, pour entrer dans la cour, au centre de laquelle s'élevaient les bâtimens, il fallait traverser deux défilés étroits et dangereux, en prêtant le flanc à des décharges d'artillerie, et forcer trois portes défendues de la manière la plus formidable. Venant d'un pays non moins désolé par une guerre étrangère que par les divisions intestines, et dont la surface inégale et montagneuse, fertile en rochers et en torrens, offre tant de situations admirablement fortifiées, le jeune Durward connaissait assez bien tous les différens moyens par lesquels les hommes, dans ce siècle encore un peu barbare, cherchaient à protéger leurs habitations; mais il avoua franchement à son compagnon qu'il n'aurait pas cru qu'il fût au pouvoir de l'art de faire tant dans un lieu où la nature avait fait si peu; car le château, comme nous l'avons donné à entendre, n'était situé que sur une éminence peu élevée, à laquelle on montait par une rampe fort douce, depuis l'endroit où Quentin s'était arrêté.

Pour ajouter à sa surprise, son compagnon lui apprit qu'à l'exception du sentier tournant par lequel ils étaient arrivés, tous les environs du château étaient, de même que la partie de bois qu'ils venaient de traverser, parsemés de pièges, de trappes, de fosses et d'embûches de toutes sortes, qui menaçaient de mort quiconque oserait s'y hasarder sans guide; il y avait sur les murs des espèces de guérites en fer, appelées nids d'hirondelles, d'où les sentinelles, lui dit-il, régulièrement postées, pouvaient tirer presqu'à coup sûr contre quiconque oserait se présenter sans avoir le signal ou le mot d'ordre, qui était changé chaque jour; les archers de la garde royale remplissaient nuit et jour ce devoir, pour lequel ils recevaient du roi Louis profit et honneur, une forte paie et de riches habits.

– Et maintenant, jeune homme, ajouta-t-il, dites-moi si vous avez jamais vu un château aussi fort, et si vous pensez qu'il existe des gens assez hardis pour le prendre d'assaut?

Durward était resté long-temps les yeux fixés sur cette forteresse, dont la vue l'intéressait à un tel point qu'il en oubliait que ses vêtemens étaient mouillés. À la question qui venait de lui être faite, ses yeux étincelèrent, et son visage s'anima de nouvelles couleurs, semblable à un homme entreprenant qui médite un trait de hardiesse.

– C'est une place très-forte et bien gardée, répondit-il; mais il n'y a rien d'impossible pour les braves.

– Et en connaissez-vous dans votre pays qui y réussiraient? demanda le vieillard d'un ton un peu dédaigneux.

– Je n'oserais l'affirmer; mais il s'y trouve des milliers d'hommes qui, pour une bonne cause, ne reculeraient pas devant cette entreprise.

– Oui-dà26! et vous vous comptez peut-être dans ce nombre?

– Je ferais mal de me vanter quand il n'y a aucun danger; mais mon père a fait un trait assez hardi, et je me flatte que je ne suis point bâtard.

– Eh bien! vous pourriez trouver à qui parler, et même des compatriotes; car les archers écossais de la garde du roi Louis sont en sentinelle sur ces murs, – trois cents gentilshommes des meilleures maisons de votre pays.

– En ce cas, si j'étais le roi Louis, je me confierais en ces trois cents gentilshommes écossais, j'abattrais ces murs pour combler les fossés, j'appellerais près de moi mes pairs et mes paladins, et je vivrais en roi, faisant rompre des lances dans des tournois, donnant des festins le jour à mes nobles, dansant la nuit avec les dames, et ne craignant pas plus un ennemi qu'une mouche.

Son compagnon sourit encore; et tournant le dos au château, dont il lui dit qu'ils s'étaient un peu trop approchés, il le fit rentrer dans le bois, en prenant un chemin plus large et plus battu que le sentier par lequel ils étaient venus.

– Cette route, lui dit-il, conduit au village du Plessis; et comme étranger, vous trouverez à vous y loger honorablement et à un prix raisonnable. À environ deux milles plus loin est la belle ville de Tours, qui donne son nom à cette riche et superbe province. Mais le village du Plessis, où Plessis-du-Parc, comme on l'appelle à cause de sa proximité du château du roi et du parc royal qui l'entoure, vous fournira un asile plus voisin et non moins hospitalier.

– Je vous remercie de vos renseignemens, mon bon maître, mais mon séjour ici ne sera pas long, et si je trouve au village du Plessis, Plessis-le-Parc ou Plessis-l'étang, un morceau de viande à manger et quelque chose de meilleur que de l'eau à boire, mes affaires y seront bientôt terminées.

– Je m'imaginais que vous aviez quelque ami à voir dans ces environs.

– C'est la vérité, le propre frère de ma mère; et avant qu'il quittât les montagnes d'Angus, c'était le plus bel homme dont les drogues27en eussent foulé les bruyères.

– Et comment le nommez-vous? Je vous le ferai chercher; car il ne serait pas prudent à vous de monter au château. On pourrait vous prendre pour un espion.

– Par la main de mon père! me prendre pour un espion! Celui qui oserait me donner un nom pareil sentirait le froid du fer que je porte. Quant au nom de mon oncle, je n'ai nulle raison pour le cacher. Il se nomme Lesly. C'est un nom noble et honorable.

– Je n'en doute nullement; mais il se trouve dans la garde écossaise trois personnes qui le portent.

– Mon oncle se nomme Ludovic Lesly.

– Mais parmi les trois Lesly, deux portent le nom de Ludovic.

– On surnommait mon parent Ludovic à la cicatrice; car nos noms de famille sont si communs en écosse, que, lorsqu'on n'a pas de terre dont on puisse prendre le nom pour se distinguer, on porte toujours un sobriquet.

– Un nom de guerre, vous voulez dire? Mais je vois que le Lesly dont vous parlez est celui que nous surnommons le Balafré, à cause de la cicatrice qu'il porte sur la figure. C'est un brave homme et un bon soldat. Je désire pouvoir vous faciliter une entrevue avec lui, car il appartient à un corps dont les devoirs sont stricts, et ceux qui le composent sortent rarement du château, à moins que ce ne soit pour escorter la personne du roi. Et maintenant, jeune homme, répondez à une question. Je parie que vous désirez entrer, comme votre oncle, dans la garde écossaise. Si tel est votre projet, il est un peu hardi, d'autant plus que vous êtes fort jeune, et que l'expérience de quelques années est nécessaire pour remplir les hautes fonctions auxquelles vous aspirez.

– Il est possible que j'aie eu quelque idée semblable, mais, si cela est, la fantaisie en est passée.

– Que voulez-vous dire, jeune homme? Parlez-vous avec ce ton de légèreté d'une garde dans laquelle les plus nobles de vos compatriotes sont jaloux d'être admis?

– Je leur en fais mon compliment. Pour parler franchement, j'aurais assez aimé à entrer au service du roi Louis; mais malgré les beaux habits et la bonne paie, je préfère le grand air à ces cages de fer qu'on voit là-haut; à ces nids d'hirondelles, comme vous appelez ces espèces de boîtes à poivre. D'ailleurs, je vous avouerai que je n'aime pas un château dans les environs dusquel on voit croître des chênes qui portent des glands semblables à celui que j'aperçois.

– Je devine ce que vous voulez dire, mais expliquez-vous plus clairement.

– Soit. Regardez ce gros chêne qui est à quelques portées de flèche du château: ne voyez-vous pas pendu à une branche de cet arbre un homme en jaquette grise pareille à la mienne?

– C'est ma foi vrai! Pâques-Dieu! voyez ce que c'est que d'avoir des yeux jeunes! J'apercevais bien quelque chose, mais je croyais que c'était un corbeau perché dans les branches. Au surplus, ce spectacle n'a rien de nouveau jeune homme: quand l'été fera place à l'automne, qu'il y aura de longs clairs de lune, et que les routes deviendront peu sûres, vous verrez accrochés à ce même chêne des groupes de dix et même de vingt glands semblables. Mais qu'importe? chacun d'eux sert d'épouvantail pour effrayer les coquins; et pour chaque drôle qui est suspendu de cette manière, l'honnête homme peut compter qu'il y a en France un brigand, un traître, un voleur de grand chemin, un pillard ou un oppresseur de moins. Vous devez y reconnaître, jeune homme, des preuves de la justice de notre souverain.

– Cela peut être; mais si j'étais le roi Louis, je les ferais pendre un peu plus loin de mon palais. Dans mon pays nous suspendons des corbeaux morts dans les endroits fréquentés par les corbeaux vivans, mais non pas dans nos jardins ou, dans nos pigeonniers. L'odeur de ce cadavre… Fi! je crois la sentir à la distance où nous en sommes.

– Si vous vivez assez pour devenir un honnête et loyal serviteur de notre prince, mon bon jeune homme, vous apprendrez qu'il n'y a pas de parfum qui vaille l'odeur d'un traître mort.

– Je ne désirerai jamais vivre assez long-temps pour perdre l'odorat et la vue. Montrez-moi un traître vivant, et voilà mon bras, et mon épée; quand il est mort, ma haine ne peut lui survivre. Mais je crois que nous arrivons au village; et j'espère vous y prouver que ni le bain que j'ai pris, ni le dégoût que j'ai éprouvé, ne m'ont ôté l'appétit pour déjeuner. Ainsi, mon bon ami, à l'hôtellerie et par le plus court chemin. – Cependant, un moment: avant de recevoir de vous l'hospitalité, dites-moi quel est votre nom?

– On me nomme maître Pierre. Je ne suis pas marchand de titres; je suis un homme tout uni, qui ai de quoi vivre de mon bien; voilà comment on m'appelle.

– Maître Pierre, soit! dit Quentin, – je suis charmé qu'un heureux hasard nous ai fait faire connaissance; car j'ai besoin de quelques mots de bon avis, et je sais en être reconnaissant.

Tandis qu'ils parlaient ainsi, la tour de l'église et un grand crucifix de bois qui s'élevait au-dessus des arbres leur annonçaient qu'ils étaient à l'entrée du village.

Mais maître Pierre se détournant un peu du chemin, qui venait d'aboutir à une grande route, lui dit que l'auberge où il avait dessein de le conduire était dans un endroit un peu écarté, et qu'on n'y recevait que des voyageurs de la meilleure espèce.

– Si vous désignez par-là ceux qui voyagent avec la bourse la mieux garnie, dit le jeune Écossais, je ne suis pas de ce nombre, et j'aime autant avoir affaire à vos escorcheurs de la grande route qu'à ceux de votre hôtellerie.

– Pâques-Dieu! comme vous êtes prudens, vous autres Écossais! Un Anglais se jette tout droit dans une taverne, boit et mange tout ce qu'il y trouve de mieux, et ne songe à l'écot que lorsqu'il a le ventre plein. Mais vous oubliez, maître Quentin, puisque Quentin est votre nom, vous oubliez que je vous dois un déjeuner pour le bain que ma méprise vous a valu; c'est la pénitence de mon tort a votre égard.

– En vérité, j'avais oublié le bain, le tort et la pénitence; car mes vêtemens se sont séchés sur moi, ou à peu près, en marchant. Cependant je ne refuserai pas votre offre obligeante; car j'ai dîné hier fort légèrement, et je n'ai pas soupé. Vous semblez être un vieux bourgeois respectable, et je ne vois pas pourquoi je n'accepterais pas votre courtoisie.

Le Français sourit à part lui; car il voyait clairement que son jeune compagnon, quoique presque mourant de faim selon toute apparence, avait quelque peine à se faire à l'idée de déjeuner aux dépens d'un étranger, et qu'il s'efforçait de réduire son orgueil au silence, par la réflexion, que, lorsqu'il s'agissait d'obligations si légères, celui qui consentait à en être redevable montrait autant de complaisance que celui qui faisait la politesse.

26.Sic. (Note du correcteur – ELG.)
27.Sandales à brodequins. – (Note de l'éditeur.)
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 сентября 2017
Объем:
720 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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