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Читать книгу: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O)», страница 3

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Rapetissant le goût à ces maigres et fugitives fonctions, on a dû nécessairement rapetisser ceux qui sont considérés comme les dépositaires du goût. Aussi, les architectes ont vu bientôt une certaine partie des édifices publics sortir de leurs mains, puisque le goût n'avait rien à voir dans «les grands partis d'ordonnance, les masses imposantes.» On a pensé que leur concours était inutile s'il s'agissait de bâtir des ponts, d'élever des quais, de faire de grands travaux de terrassement, des casernes, des ouvrages militaires. Et si le public trouve la plupart de ces bâtisses laides, disgracieuses, barbares même, on peut dire que le goût n'entre pour rien là-dedans, et que lui, public, n'a point à l'y chercher. Eh bien, nos architectes du moyen âge, d'accord avec le public de leur temps, croyaient que le goût se dévoile aussi bien dans la construction d'un pont et d'une forteresse que dans l'ornementation d'une chapelle ou d'une chambre à coucher; pour eux, le goût présidait à la conception, aux dispositions d'ensemble, aussi bien qu'aux détails de l'architecture, et l'on pourra reconnaître même que cette qualité générale en matière de goût se retrouve jusque pendant le XVIIe siècle. Il suffit de voir comme étaient conçus les châteaux de Vaux, de Maison, de Coulommiers, du Rincy, de Berny, de Versailles, de Monceaux, de Saint-Germain, de Chantilly, leurs parcs et dépendances, pour s'assurer que le goût, chez les architectes qui ont présidé à la construction et à l'arrangement de ces résidences, n'était pas seulement une qualité s'attachant aux détails, un tour indéfinissable que le sentiment seul comprend et qu'aucune analyse ne peut démontrer», mais au contraire le résultat de bonnes traditions, du savoir, de vues générales, justes et larges en même temps, résultat dont les causes comme les effets peuvent être démontrés. C'est bien plutôt dans les dispositions d'ensemble que les architectes du XVIIe siècle montrent leur goût que dans l'exécution des détails. Par le fait, le goût se manifeste dans tout, préside à tout, au milieu des civilisations qui sont dans les conditions propres à son développement. Il y autant de goût dans la composition et l'ordonnance du Parthénon, dans la manière dont il est planté sur l'Acropole d'Athènes, que dans le tracé et l'exécution des profils et des sculptures.

Voyons maintenant comment les artistes du moyen âge, en France, ont manifesté cette qualité essentielle. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, le vrai est la première condition du goût. Les architectes de ces temps possèdent de la brique pour bâtir, leur construction ne simulera pas un édifice en pierre de taille; ils adopteront, non-seulement la structure, mais la décoration que peut fournir la brique; ils éviteront, dans les bandeaux et les corniches, les fortes saillies; ce ne sera pas par la sculpture qu'ils produiront de l'effet, mais par les masses que donnent naturellement des parements de terre-cuite revêtissant un blocage. Aussi les monuments de brique élevés par les architectes du moyen âge rappellent-ils certaines constructions romaines du temps de l'Empire; employant les mêmes procédés, ils étaient entraînés à rappeler les mêmes formes, bien qu'alors les habitudes des constructeurs fussent très-différentes de celles des Romains. Ils font ressortir la grandeur de ces masses simples par des cordons délicats mais très-accentués dans leurs détails, ainsi qu'on peut les composer avec des briques posées sur l'angle et en encorbellement. S'ils mêlent la pierre à la brique, et si la pierre est rare, ils ne l'emploieront que pour des colonnes monostyles, des chapiteaux, des tablettes de corniches, des corbeaux sculptés, des appuis de fenêtres, des jambages et des archivoltes. Plus la matière est chère, plus ils sauront en rehausser le prix par la main-d'oeuvre. Économes de matériaux (ce qui est encore une preuve de goût), ils ne les prodigueront pas inutilement, les choisissant suivant la fonction qu'ils doivent remplir, la place qu'ils doivent occuper. Dans un même édifice, nous verrons des colonnes monostyles, dont le transport, la taille et la pose ont dû demander beaucoup de temps, de soins et de peine, porter des constructions en petits matériaux, montés et posés à la main. Observateurs fidèles des principes de leur construction 12, ils voudront que ces principes soient apparents; leur appareil n'est pas seulement une science, c'est un art qui veut être apprécié, qui s'adresse aux yeux, explique à tous les procédés employés sans qu'il soit nécessaire d'être initié aux secrets du praticien. Jamais la construction ne dissimule ses moyens; elle ne paraît être que ce qu'elle est. Aussi (et c'est là une observation que chacun peut faire) un édifice du moyen âge gagne plutôt qu'il ne perd à faire voir son appareil, les joints et lits de sa construction; en peut-on dire autant des édifices bâtis depuis le XVIIIe siècle? Dans la plupart de ces monuments, au contraire, la construction réelle n'est-elle pas tellement en désaccord avec les formes, qu'on est forcément entraîné à chercher les moyens propres à la dissimuler? Imagine-t-on l'effet que produirait, par exemple, la colonnade du Louvre avec des joints et lits franchement accusés comme ils le sont sur la façade de Notre-Dame de Paris? En cela donc on ne peut refuser aux architectes du moyen âge d'être vrais. On objectera peut-être ceci: que les Grecs et même les Romains n'ont pas accusé l'appareil, les moyens de la construction, le détail de la structure, et que cependant on ne saurait prétendre qu'ils ont ainsi manqué de goût en cessant d'être vrais. Les Grecs et les Romains, lorsqu'ils ont employé la pierre ou le marbre, ont eu en vue d'élever des édifices qui parussent tout d'une pièce; ils posaient leurs pierres parfaitement jointives, sans mortier entre elles, de manière à ce que les sutures demeurassent invisibles. Chez les Grecs, l'idée de donner à un édifice l'aspect d'une matière homogène, comme le serait un monument taillé dans le roc, était dominante à ce point que, s'ils ne pouvaient employer des matériaux d'une extrême finesse et pureté, lorsqu'ils bâtissaient en pierre et non en marbre, ils revêtissaient cette pierre d'un stuc fin, coloré, qui cachait absolument ces joints et lits à peine visibles. Or nous avons adopté ou cru adopter les formes de l'architecture des Grecs et des Romains, et nous construisons comme les architectes du moyen âge, en posant nos pierres sur mortier ou plâtre. C'est alors que nous ne faisons pas preuve de goût, puisque notre construction est visible, malgré nos efforts pour la dissimuler, et que nous adoptons des formes évidemment altérées si l'appareil reste apparent. Si donc, en construction, pour montrer du goût il faut être vrai, les anciens, comme les artistes du moyen âge, étaient des gens de goût, et nous ne saurions aujourd'hui prétendre au même avantage.

Passons aux dispositions générales. On ne saurait nier que nos églises du moyen âge, grandes ou petites, remplissaient parfaitement leur objet; que les plans de ces édifices, empruntés le plus souvent à la basilique romaine, mais profondément modifiés suivant les besoins et les moyens de construction, étaient bien conçus, puisque, depuis lors, on n'a rien su trouver de mieux, et que, même dans les temps où l'architecture du moyen âge était considérée comme un art barbare, on n'a fait autre chose que de copier ces plans, en les gâtant toutefois. La belle disposition des sanctuaires avec collatéraux, qui appartient au moyen âge, est non-seulement propre à l'objet, mais produit infailliblement un très-grand effet. Or cette disposition est simple, facile à comprendre, favorable aux développements des cérémonies du culte et à toutes les décorations les plus somptueuses. Partout une circulation facile, de l'air et de la lumière. Si, dans les châteaux des XIIIe, XIVe et XVe siècles, on ne découvre pas ces dispositions symétriques adoptées depuis lors, c'est qu'en réalité les besoins journaliers des habitants de ces demeures ne se prêtaient point à la symétrie. On songeait bien plutôt à trouver des distributions intérieures convenables, des moyens de défense suffisants, qu'à présenter aux passants des façades pondérées. Le goût ne consistait pas alors à chercher cette symétrie sans raison, mais à exprimer au contraire les besoins divers par les aspects différents donnés aux bâtiments. La grand'salle, la chapelle, les logis, les cuisines, les défenses, les communs, adoptaient le caractère d'architecture propre à chacune de ces parties. De même que dans la cité tous les édifices étaient marqués au coin de leur destination propre, dans le château, chaque service possédait une physionomie particulière. Cela n'était pas conforme au goût des architectes du XVIIe siècle, mais c'était conforme au goût absolu, c'est-à-dire à la vérité et à la raison. Les anciens ne procédaient pas autrement, et les diverses parties qui composaient une villa romaine n'avaient pas de rapports symétriques entre elles.

Les maisons des particuliers, pendant le moyen âge, soit qu'elles occupassent une grande surface, soit qu'elles fussent petites, laissaient voir clairement, à l'extérieur, leur distribution intérieure. La salle, le lieu de réunion de la famille se distinguaient des chambres et des cabinets par l'ordonnance de ses baies; les escaliers étaient visibles, en hors-d'oeuvre le plus souvent, et si des étages étaient entre-solés, l'architecte ne coupait pas de grandes fenêtres par les planchers. Une façade en pans-de-bois ne se cachait pas sous un enduit simulant la pierre, et les détails étaient à l'échelle de l'habitant. Si des portiques protégeaient les passants, ils étaient assez bas et assez profonds pour les abriter en laissant une circulation facile sous leurs arcades. Avant de songer à faire d'une fontaine un point de vue, on croyait qu'elle était destinée à fournir de l'eau à tous ceux qui en avaient besoin. Avant de faire de l'entrée d'un établissement public une décoration monumentale, on trouvait convenable d'abriter sous un auvent les personnes qui frappaient à la porte. La tâche de l'architecte de goût était donc de donner à toute chose une apparence conforme à l'usage, quitte à appliquer la décoration que comportait chaque partie. L'architecture ne s'imposait pas, elle obéissait; mais elle obéissait comme une personne libre, sans contrainte, sans abandonner ses principes, en mettant ses ressources et son savoir au service des besoins auxquels il fallait satisfaire, considérant, avant tout, ces besoins comme une question dominante.

Pour en revenir à des méthodes conformes au goût, nous avons donc quelque chose à faire, beaucoup à défaire; nous avons à laisser de côté ce que des esprits peu indulgents considèrent comme le pédantisme d'école, une coterie arrivée à la puissance d'une oligarchie tyrannique; nous avons à respecter le vrai, à repousser le mensonge, à lutter contre des habitudes déjà vieilles et considérées par cela même comme respectables; nous avons encore à acquérir cette souplesse dans l'emploi des moyens mis à notre disposition, souplesse qui est un des charmes de l'architecture des anciens comme de l'architecture du moyen âge et de la Renaissance. Un amateur des arts disait un jour devant nous, en admirant fort quelque groupe en terre-cuite de Bouchardon: «C'est l'antiquité, moins la roideur!» Autant de mots, autant d'hérésies en fait de goût. Les terres-cuites de Bouchardon ne ressemblent nullement aux antiques, et la sculpture antique n'est jamais roide. Ce qui est roide, gêné, contraint, c'est, en toute chose, l'imitation, la recherche, la manière. Celui qui sait, celui qui est vrai fait ce qu'il fait avec grâce, avec souplesse, avec goût par conséquent. En architecture, la seule façon de montrer du goût, c'est d'appliquer à propos des principes qui nous sont devenus familiers; ce n'est pas de rechercher l'imitation de formes, si belles qu'elles soient, sans savoir pourquoi on les imite.

GOUTTIÈRE, s. f. Voy. GARGOUILLE.

GRANGE, s. f. Bâtiment rural propre à renfermer les fourrages et les grains. Les moines, qui s'occupaient fort, surtout à dater du XIe siècle, de travaux agricoles, bâtirent un grand nombre de granges soit dans l'enceinte des abbayes, soit dans la campagne. À l'article ARCHITECTURE MONASTIQUE, nous avons donné quelques-uns de ces bâtiments, entourés de murs de clôture, comme le sont aujourd'hui nos fermes. Ces granges étaient en assez grand nombre et généralement bien construites, car il en existe encore plusieurs dans l'Île-de-France, la Normandie, la Champagne et la Touraine, qui datent des XIIe, XIIIe et XIVe siècles. C'est principalement à la fin du XIIe siècle, au moment où les abbayes, devenues très-riches, s'appliquaient à l'exploitation de leurs terres, que les plus belles granges et les plus vastes ont été élevées. Habituellement elles se composent de trois nefs séparées par deux rangées de piles ou de poteaux supportant une énorme charpente. MM. Verdier et Catiois, dans leur excellent ouvrage sur l'Architecture domestique au moyen âge, en donnent quelques-unes, et entre autres la belle grange monumentale de l'abbaye de Maubuisson, qui date de la première moitié du XIIIe siècle. M. de Caumont, dans son Bulletin monumental 13, signale celles de Perrières, celle d'Ardennes, celles de l'Eure; elles datent des XIIe, XIIIe et XIVe siècles. L'une des granges de l'abbaye de Longchamps, près Paris, existe encore tout entière; elle date du XIIIe siècle. Nous en donnons le plan (1).


L'entrée est pratiquée sur l'un des grands côtés, en A. Cette entrée se compose d'une porte charretière, avec porte bâtarde à côté; en B est un puits. La fig. 2 présente l'un des pignons renforcés chacun de cinq contre-forts, et la fig. 3 la coupe transversale.



La charpente est exécutée avec le plus grand soin, en beau bois de chêne, à vive arête.



La fig. 4 donne l'une des travées longitudinales 14. Ces granges sont toujours placées sur des terrains abrités, secs, nivelés avec soin, de manière à éloigner les eaux pluviales de la base des murs. Dans le voisinage des châteaux, et même quelquefois dans la bâille, des granges étaient élevées pour recevoir les approvisionnements de fourrages et de grains nécessaires à la garnison.

Les grandes abbayes avaient le soin de bâtir leurs granges sur des terrains entourés de murs de clôture, défendus par des échauguettes et de bonnes portes flanquées. Ces centres de provisions de grains et de fourrages étaient occupés par des moines que l'on détachait temporairement dans ces établissements isolés au milieu des champs, par suite de quelque faute, et pour faire pénitence. Ils étaient habités aussi par des frères convers et par des paysans. Ils contenaient donc des logements disposés près des portes, et, la nuit, les voyageurs pouvaient trouver un gîte dans ces dépendances, signalées au loin par un fanal et le son d'une cloche suspendue au-dessus de l'une des entrées. Peu à peu les granges d'abbayes, avec leurs enceintes et logis, virent se grouper autour d'elles des habitations de paysans, et devinrent ainsi le noyau d'un hameau. Nous avons en France beaucoup de villages qui n'ont pas une autre origine, et qui ont conservé le nom de la Grange. En temps de guerre, les paysans se renfermaient dans l'enceinte et s'y défendaient de leur mieux. À l'instigation de quelque seigneur rival de l'abbaye, il leur arrivait aussi de piller les granges des moines ou d'y mettre le feu, ce qui ne leur était pas d'un grand profit.

Quelquefois ces bâtiments ruraux contenaient des étables à rez-de-chaussée; telle est la belle grange qui existe encore près de l'église de Saint-Martin-au-Bois, dans le département de l'Oise. Le rez-de-chaussée est voûté et est destiné à recevoir des troupeaux; au-dessus, un vaste grenier sert de magasin aux fourrages. Les granges sont elles-mêmes, dans certaines localités, des bâtiments fortifiés, entourés de fossés, flanqués de tours; toutefois cette disposition n'apparaît guère qu'au XVe siècle, c'est-à-dire à l'époque où la campagne, en France, était continuellement ravagée par des bandes de routiers.

GRIFFE, s. f. C'est le nom que l'on donne à un appendice de la base des colonnes pendant une certaine partie du moyen âge. On sait que les bases des ordres ionique et corinthien romains se composent de tores circulaires reposant sur une plinthe carrée (1).



Il résulte de cette disposition que les tores A laissent quatre angles B, découverts, à surface supérieure horizontale, que le moindre mouvement de la colonne fait briser. Nous ne nions pas que la composition de ce détail architectonique ne soit parfaitement classique; mais, cet aveu fait, on nous permettra de considérer cette disposition comme vicieuse, au point de vue de la construction, peu rassurante même pour l'oeil, qui ne comprend pas à quoi servent ces angles minces réservés sous une charge verticale. Les anciens avaient eux-mêmes si bien senti l'inconvénient pratique de la plinthe carrée, qu'ils amaigrissaient, sous les diagonales ab, le lit inférieur de ces angles saillants (2). C'était un aveu de leur inutilité; il eût été plus simple de ne pas les conserver, et de donner à la plinthe une forme circulaire ou polygonale.



Il faut croire que les architectes romans voulurent éviter la casse des angles des plinthes de bases, car, dès le XIe siècle, nous observons déjà que, du dernier tore à l'angle de la plinthe, on laisse un appendice ou renfort qui donne un certain empattement et une plus grande résistance à ces angles. Ces premières griffes (3) sont très-simples de forme: ce sont des boutons, des ergots qui, partant du tore, s'appuient sur la surface triangulaire des quatre angles de la plinthe (voy. BASE). Mais bientôt, ces appendices étant fort près de l'oeil, on en fit des morceaux de sculpture très-soignés et souvent très-riches. Au XIIe siècle, dans les édifices rhénans, on voit des bases de colonnes cylindriques armées de griffes volumineuses, finement sculptées, qui amortissent puissamment les tores sur les plinthes.



Voici (4) une de ces griffes provenant des bases des gros piliers du choeur de la cathédrale de Strasbourg. Cet ornement donne à la base une fermeté très-convenable à ce membre de l'architecture, fermeté qui manque absolument à la base romaine; le gros tore inférieur, aplati (voy. BASE), se prête d'ailleurs à recevoir ces appendices.

Autour du choeur de l'église abbatiale de Vézelay, les gros piliers cylindriques reposent sur des bases ornées de fort belles griffes (5).



Nous en trouvons de très-remarquables, également sculptés, sur les angles des plinthes des grosses colonnes du sanctuaire de l'église collégiale de Poissy; quelques-unes (car ces griffes sont variées à chaque base) représentent des animaux fantastiques sculptés avec beaucoup de finesse (6). Ces deux exemples appartiennent à la fin du XIIe siècle. Au commencement du XIIIe siècle, les griffes sont moins variées comme forme; mais leur sculpture est énergique, bien appropriée à la place, largement modelée.



Voici (7) une des griffes provenant des bases du tour du choeur de la cathédrale de Laon. Cette feuille, terminée par un crochet, enroulée sur elle-même à son extrémité, se lie intimement au tore; elle semble avoir poussé sur sa surface et l'envelopper. On comprend que ces appendices puissants donnent de la solidité aux cornes de la plinthe et leur permettent de résister à une pression produite par un tassement irrégulier.

Quelquefois (au commencement du XIIIe siècle) la griffe n'est qu'un évidement pratiqué à l'angle d'une plinthe très-épaisse. On voit des exemples de ces sortes de griffes aux colonnes engagées des chapelles du tour du choeur de la cathédrale de Troyes (8).



La griffe la plus vulgaire adoptée à cette époque affecte la forme d'une feuille d'eau, ressemblant assez au rez-de-coeur de l'architecture antique, mais d'un modelé plus énergique. C'est ainsi que sont sculptées les griffes des bases des colonnes de la partie inférieure de la cathédrale de Paris (9). Vers le milieu du XIIIe siècle, les plinthes des bases étant presque toujours taillées sur plan octogonal, la griffe disparaît. On la voit renaître dans quelques monuments du XIVe siècle, comme à la cathédrale (ancienne) de Carcassonne(10), à la cathédrale de Sens (11) 15. Elle disparaît définitivement au XVe siècle.



On peut regretter que ce bel ornement ait été complétement abandonné; et bien que si, par aventure, un architecte s'avisait de l'employer de nouveau, comme un appendice nécessaire, rassurant pour l'oeil, on ne manquerait pas d'accuser cet architecte de nous faire rétrograder vers les temps barbares. Il ne faut pas désespérer de lui voir reprendre la place qu'il occupait si légitimement.

GRILLAGE, s. m. Réseau en fer mince ou en fil de fer destiné à garantir les vitraux contre la grêle, à préserver des sculptures du contact, quelquefois aussi des objets précieux déposés dans les trésors des églises ou des châteaux. Il reste peu d'exemples de grillages d'une époque ancienne; cependant nous en possédons encore qui datent du XIIIe siècle. Les fenêtres du chevet de l'ancienne cathédrale de Béziers conservent leurs grillages, qui sont de jolies pièces de forge.



Ils se composent (1) de montants simples et alternativement de montants auxquels sont soudées de fines brindilles de fer. Ces grillages sont scellés dans les tableaux des baies au moyen des traverses A; celles-ci sont pourvues d'oeils renflés, ainsi que l'indique le détail B. Les traverses ont 0,02 c. d'épaisseur sur 0,035m c. de largeur; les montants ont 0,015m d'épaisseur sur 0,02 c. de largeur; les brindilles ont en moyenne 0,01 c. carré, et sont retenues au moyen d'embrasses C serrées à froid. Mais ce sont là plutôt des grilles très-délicates que des grillages.



Voici (2) un exemple de grillages fabriqués avec des fils de fer et qui datent du XIVe siècle. Ce fragment a été trouvé à Rouen chez un marchand de ferrailles, et nous en avons vu un autre absolument semblable dans la cathédrale de Munich. On admettra que les anciens serruriers ou grillageurs avaient plus d'imagination que ceux de notre temps. Nos grillages modernes sont d'un aspect moins agréable.

GRILLE, s. f. Clôture à jour en fer ou en bronze. L'antiquité romaine employait souvent le bronze coulé pour les grilles de clôture. À l'exemple des anciens, dans les premiers temps du moyen âge, ce procédé fut quelquefois adopté. Tout le monde connaît les belles grilles en cuivre coulé de Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle, et qui datent de l'époque de Charlemagne 16. Ces clôtures avaient été vraisemblablement fabriquées soit en Orient, soit par des artistes byzantins établis en Lombardie. Mais, outre que ces clôtures étaient fort chères, tant à cause de la matière employée que par les frais de modèle et de moulage, elles pouvaient être brisées facilement. Le fer, d'un emploi très-commun dans les Gaules dès une époque reculée, fut de préférence adopté pour toutes les clôtures à jour fabriquées pendant le moyen âge en France. L'art du forgeron était d'ailleurs développé chez nous, et il se perfectionna singulièrement pendant les XIe et XIIe siècles. Il faut savoir qu'alors on n'avait pas les moyens de fabrication introduits par l'industrie moderne; le fer était étendu en plaques ou corroyé en forme de barres, à la main, sans le secours de ces cylindres puissants qui, aujourd'hui, réduisent instantanément un bloc de fer rouge en fil de fer. Obtenir une barre de fer longue, d'une égale épaisseur, bien équarrie et dressée, c'était là une première difficulté, dont nous ne pouvons avoir une idée, puisque tous les fers nous sont livrés, par les usines, réduits en barres de toutes grosseurs et de sections très-variées, sans que la main du forgeron ait en rien participé à ce premier travail. Bien que l'on ne puisse méconnaître les immenses avantages de la fabrication mécanique, il est certain cependant que les forgerons ont dû peu à peu perdre l'habitude de manier le fer et d'en connaître les qualités. Il y a vingt-cinq ans, on aurait vainement cherché à Paris un forgeron capable de façonner la grille la plus simple, et si nous en trouvons aujourd'hui, c'est grâce aux recherches sur les arts industriels du moyen âge, grâce à quelques-uns de ces architectes, qui, au dire de plusieurs, ne tendent à rien moins qu'à faire rétrograder l'art de l'architecture vers la barbarie. Ceci dit, afin de rendre à chacun ce qui lui est dû, occupons-nous des grilles. On comprendra sans peine que, lorsqu'il fallait réduire à la main un morceau de fer rougi en une barre, on évitait autant que possible de donner à ces barres une grande longueur. Le forgeron, obligé de retourner le bloc sur l'enclume et de l'amener peu à peu aux dimensions d'une tringle équarrie, ne pouvait dépasser certaines dimensions assez peu étendues, et devait chercher, par des combinaisons d'assemblage, à éviter les pièces très-longues, par conséquent très-lourdes. Cela seul explique pourquoi les plus anciennes grilles sont composées autant que possible, de petites pièces de forge.

Une des plus anciennes grilles que nous connaissions, et qui soit une oeuvre d'art, se trouve dans la cathédrale du Puy-en-Vélay. Cette grille ouvrante, à un vantail, se compose d'un châssis de fer de 0,04 c. sur 0,02 c. d'épaisseur, contenant quatre traverses séparées par des montants de 0,015m sur 0,02 c., entre lesquels sont disposés des rinceaux de fer très-artistement composés. Cette grille date, pensons-nous, du commencement du XIIe siècle. En voici un fragment (1).



Dans la hauteur, on compte cinq panneaux de brindilles soudées à des embases et arrêtées aux montants par des embrasses B. Ces embrasses ne sont pas soudées, mais simplement contournées à chaud. Le fer forgé à la main présentant toujours des irrégularités, le forgeron, pour dissimuler ces défauts, a eu l'idée de couvrir les montants, les brindilles et leurs embases, de coups de poinçon et de burin qui donnent à cette ferronnerie un aspect brillant, précieux et fin. Le détail (2) indique ce genre de travail fait à froid. L'irrégularité même du travail donne un charme particulier à ces pièces de forge dans lesquelles on sent partout la main de l'homme. Les montants de cette grille sont posés de champ et portent, ainsi que nous l'avons dit, 0,015m sur 0,02 c. Les brindilles ont en moyenne 0,007m sur 0,015m.



Pendant le cours du XIIe siècle, le mode de fabrication des grilles ne se modifie guère; ce sont toujours des montants compris dans des châssis et renfermant des ornements composés de brindilles de fer à section carrée ou méplate. Quand on veut donner beaucoup de force aux grilles, les montants, comme les brindilles, se présentent de champ (3); quand, au contraire, on prétend donner un aspect léger à ces grilles, les montants et brindilles présentent à la vue leur côté large (4). Ceci peut paraître étrange, car le tracé géométral produit précisément l'effet contraire; mais les architectes du moyen âge ne se préoccupaient pas de l'effet géométral, purement de convention. Il est clair que, toute grille se voyant obliquement dans la plus grande partie de sa surface, si les fers sont posés de champ, leurs côtés larges apparaissent et se développent, ce qui donne un aspect robuste à l'ouvrage; si les fers, au contraire, sont posés de plat, leurs faces larges diminuent par l'effet de la perspective, et les surfaces étroites n'empiètent point sur les vides.



La fig. 5, qui donne le même dessin de grille, l'un, celui A, obtenu avec des fers de champ, l'autre, celui B, avec des fers de plat, fera comprendre cette loi si simple et si peu observée généralement, par suite de l'habitude que nous avons prise de ne pas nous préoccuper de l'effet perspectif en exécution. D'après le tracé géométral, la grille A semblerait légère et la grille B paraîtrait robuste, tandis qu'en exécution c'est le contraire qui a lieu.

Vers la fin du XIIe siècle, cependant, les serruriers cherchèrent, parfois, d'autres combinaisons que celles données par des enroulements de brindilles compris entre des montants et des traverses: ils assemblèrent ensemble, avec beaucoup d'adresse, des panneaux d'ornements formant, par leur réunion, de grands dessins. Cela toutefois ne fut guère employé que pour des clôtures délicates et composées de fers très-minces. M. Didron possède une très-jolie grille de ce genre, qui a été gravée dans les Annales archéologiques 17, et qui appartient certainement à la serrurerie si remarquable de la fin du XIIe siècle et du commencement du XIIIe. Ces grilles, composées de brindilles enroulées et seulement ornées de quelques coups de poinçons ou de gravures, semblèrent trop pauvres aux forgerons du XIIe siècle, lorsqu'il fallut entourer des sanctuaires, fermer certaines parties importantes des édifices religieux ou civils; bientôt ils terminèrent ces brindilles par des ornements enlevés à chaud au moyen d'une étampe ou matrice de fer trempé. C'est ainsi que sont fabriquées les belles grilles dont nous voyons encore quelques débris dans l'église abbatiale de Saint-Denis, et dont nous donnons ici un spécimen (6).



Ces grilles, qui datent de la fin du XIIe siècle, sont forgées avec une rare perfection, et il semble qu'entre les mains de l'ouvrier le fer avait acquis la malléabilité du plomb. Les ornements ne sont étampés que sur une face. Notre figure est au quart de l'exécution; en A, nous avons tracé la section d'une des brindilles, moitié d'exécution. L'abbé Suger avait fait faire pour son église des grilles en cuivre fondu, ainsi que le constatent les auteurs contemporains et Dom Doublet qui les avait vues; elles ont été détruites au commencement du dernier siècle. On observera que le système de grilles en fer composées de panneaux d'ornements compris entre des montants et traverses offrait en même temps beaucoup de solidité et de légèreté; ces panneaux pouvaient être facilement montés, démontés ou réparés, riches ou simples, très-fournis ou grêles. Il arrivait que ces panneaux étaient parfois embrevés entre des montants munis de plaques de fer débordant leur largeur et formant ainsi une suite de rainures. Beaucoup de sanctuaires d'églises étaient fermés par des grilles ainsi combinées; nous en trouvons encore un assez bel exemple dans le choeur de l'église abbatiale de Saint-Germer 18, et, de tous côtés, des débris qui nous font assez voir que leur emploi était fréquent, que ces sortes d'ouvrages n'étaient point très-rares, et que les forgerons les façonnaient sans difficulté. Des armoires contenant des objets précieux, des tombeaux, des châsses, étaient entourés parfois de grilles d'une extrême richesse, surtout à l'époque où l'art du forgeron nous fournit les plus beaux exemples de serrurerie, nous voulons parler du XIIIe siècle (voy. SERRURERIE). Ces sortes de grilles ne sont décorées que du côté de la face extérieure, et les brindilles, au lieu d'être comprises entre des montants et des traverses, sont souvent appliquées devant l'armature principale. Telle est, par exemple, la belle grille en fer qui protége le tombeau de la reine Eléonor dans le choeur de l'église abbatiale de Westminster. Nous possédons aussi, dans les magasins de l'église impériale de Saint-Denis, des fragments de grilles forgées et assemblées suivant cette méthode (6 bis), qui avait l'avantage de roidir singulièrement les châssis simples composés de montants et de traverses. Ces enroulements de brindilles finement forgées, étampées et retouchées au burin, rivées sur des châssis en fer, leur donnaient une grande richesse en même temps qu'une solidité à toute épreuve.

12
   Voy. CONSTRUCTION.


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13
   T. XIV, p. 491; t. XV, p. 193, 443 et 492.


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14
   Nous devons ces dessins, relevés avec le plus grand soin, à M. Davioud, architecte de la ville de Paris.


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15
   Pilier de gauche à l'entrée de la nef, repris au XIVe siècle.


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16
   Voy. Gailhabaud, Architecture du Ve au XVIIe siècle, t. IV.


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17
   T. X, p, 117.


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18
   Voy. l'Encyclopédie d'architecture. Bance, éditeur.


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Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
30 июня 2018
Объем:
660 стр. 285 иллюстраций
Правообладатель:
Public Domain

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