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Читать книгу: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O)», страница 25

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Nous avons vu dans beaucoup de châteaux, d'abbayes et d'officialités, des cachots, des vade in pace; mais nous ne connaissons que trois oubliettes considérées comme telles avec quelque raison. Les unes se trouvaient au château Chinon, les secondes à la Bastille et les troisièmes dans celui de Pierrefonds. Il faut constater aussi que les romans et les chroniques du moyen âge parlent souvent de chartres, de cachots; mais d'oubliettes, il n'en est pas question. Nous ne serions pas éloigné de croire que les oubliettes du château Chinon sont des latrines, ce qui réduirait les exemples cités à deux. «Nous devons avertir nos lecteurs, dit M. Mérimée dans les Instructions du comité historique des arts et monuments 271, de se tenir en garde contre les traditions locales qui s'attachent aux souterrains des donjons. On donne trop souvent au moyen âge des couleurs atroces, et l'imagination accepte trop facilement les scènes d'horreurs que les romanciers placent dans de semblables lieux. Combien de celliers et de magasins de bois n'ont pas été pris pour d'affreux cachots! Combien d'os, débris de cuisines, n'ont pas été regardés comme les restes des victimes de la tyrannie féodale! C'est avec la même réserve qu'il faut examiner les cachots désignés sous le nom d'oubliettes, espèces de puits où l'on descendait des prisonniers destinés à périr de faim, ou bien qu'on tuait en les y précipitant d'un lieu élevé dont le plancher se dérobait sous leurs pieds. Sans révoquer absolument en doute l'existence des oubliettes, on doit cependant les considérer comme fort rares, et ne les admettre que lorsqu'une semblable destination est bien démontrée.» Nous sommes d'autant plus disposé à considérer les oubliettes du château Chinon comme une fosse de latrines, que l'espèce de puits à plan carré qui les compose est percé à peu près à mi-hauteur d'une porte qui semble être la voie d'extraction des matières, à moins d'admettre que cette porte n'ait été pratiquée pour voir si le condamné était bien mort. Quant aux oubliettes de la Bastille, elles pourraient passer pour une glacière. En voici la coupe (1).


Elles consistaient en une salle voûtée à six pans, située dans le soubassement d'une des tours, à laquelle on n'arrivait que par une petite porte communiquant à l'escalier à vis; tout autour de cette salle était un trottoir d'un mètre de large, et au milieu un cône renversé terminé par un petit orifice destiné à entraîner les eaux.



Il est certain qu'un malheureux descendu dans le fond de cet entonnoir ne pouvait ni s'asseoir, ni se coucher, ni se tenir debout. Il faudrait admettre que le petit canal était une vidange, et que les gens qu'on descendait dans ce cul de basse-fosse étaient placés là pour leur donner le loisir de faire des réflexions. C'était une sorte de question prolongée. Mais ce cône peut bien être une glacière, et ce ne serait pas le seul exemple d'un magasin de glace existant dans un château. Nos ancêtres aimaient à boire frais, le petit canal inférieur est alors bien expliqué. Quant aux oubliettes du château de Pierrefonds, on ne peut douter de leur destination; en voici la coupe (2). Elles consistent en un puits creusé au milieu d'une salle qui était certainement un cachot, puisqu'il contient dans une niche un siége d'aisances.

On ne peut même descendre dans ce cachot que par un orifice A percé au centre de sa voûte. On descendait du rez-de-chaussée à la salle C, qui devait servir également de prison, par un escalier à vis. À cette salle C est joint un cabinet d'aisances; elle ne recevait de jour que par une très-petite ouverture D. Si l'orifice des oubliettes restait béant dans le cachot, s'il n'était pas fermé par un tampon, on conçoit quelle devait être la situation du malheureux prisonnier craignant sans cesse de tomber dans ce trou qu'il ne pouvait voir, puisque le cachot ne reçoit pas de jour. Les deux orifices, celui de la voûte et celui des oubliettes, se correspondant exactement, de la trappe A on pouvait faire tomber quelqu'un dans le puits sans prendre la peine au préalable de le descendre dans le cachot. Nous sommes descendus au fond de ces oubliettes; nous y avons trouvé le rouet qui a servi à les fonder, mais aucune trace d'être humain. En B est le niveau du fond du fossé. En les creusant de deux mètres nous en avons fait un puits qui donne de l'eau pour les besoins du château. Dans ce même château il existe d'autres cachots semblables à celui-ci, sauf le puits des oubliettes; dans l'un de ces cachots nous avons constaté l'existence de noms gravés et une grossière sculpture faite sur les parements. On prétend qu'au château de Blois il existe aussi des oubliettes, mais nous n'avons pu en vérifier exactement la forme.

OUVRIER, s. m. Quelle était la situation de l'ouvrier de bâtiments au moyen âge? Cette question est difficile à résoudre. Avant l'établissement régulier des corporations, vers le milieu du XIIIe siècle, l'ouvrier était-il libre, comme celui de notre temps, ou faisait-il partie d'un corps, obéissant à des statuts, soumis à une sorte de juridiction exercée par ses pairs? Les marques de tâcherons que l'on trouve sur les pierres des parements de nos monuments du XIIe siècle et du commencement du XIIIe, dans l'Île-de-France, le Soissonnais, le Beauvoisis; une partie de la Champagne, en Bourgogne et dans les provinces de l'Ouest, prouvent évidemment que les ouvriers tailleurs de pierre, au moins, n'étaient pas payés à la journée, mais à la tâche. Suivant le mode de construire de cette époque, les pierres des parements faisant rarement parpaing et n'étant que des carreaux d'une épaisseur à peu près égale, la maçonnerie de pierre se payait à tant la toise superficielle au maître de l'oeuvre, et la pierre taillée, compris lits et joints, à tant la toise de même à l'ouvrier. Celui-ci marquait donc chaque morceau sur sa face nue afin que l'on pût estimer la valeur du travail qu'il avait fait.

Il faut bien admettre alors que l'ouvrier était libre, c'est-à-dire qu'il pouvait faire plus ou moins de travail, se faire embaucher ou se retirer du chantier comme cela se pratique aujourd'hui. Mais vers le milieu du XIIIe siècle, lorsque les règlements d'Étienne Boileau furent mis en vigueur, ce mode de travail dut être modifié.

Les ouvriers durent d'abord se soumettre aux statuts de la corporation dont ils faisaient partie; le salaire fut réglé par les maîtrises, et chaque affilié ne pouvant avoir qu'un, deux ou trois apprentis sous ses ordres, devenait ainsi, vis à vis le maître de l'oeuvre, ce que nous appelons aujourd'hui le compagnon, ayant avec lui un ou plusieurs garçons.

Alors le salaire se régla par journées de compagnon et d'aide, et chaque compagnon devenait ainsi comme une fraction d'entrepreneur concourant à l'entreprise générale, au moyen d'un salaire convenu et réglé pour telle ou telle partie. Aussi les marques de tâcherons ne se voient plus sur nos monuments des provinces du domaine royal à dater du milieu du XIIIe siècle.

Le maître de l'oeuvre, chargé de la conception et de la direction de l'ouvrage, se trouvait en même temps le répartiteur des salaires, faisant, comme nous dirions aujourd'hui, soumissionner telle partie, telle voûte, tel pilier, tel portion de muraille par tel et tel compagnon. C'est ce qui explique, dans un même édifice, ces différences d'exécution que l'on remarque d'un pilier, d'une voûte, d'une travée à l'autre, certaines variations dans les profils, etc. Les matériaux étant fournis par celui qui faisait bâtir, ils étaient livrés à chacun de ces compagnons après avoir été tracés par le maître de l'oeuvre, car le maître de l'oeuvre était forcément appareilleur 272. Le système de construction admis par les architectes du moyen âge les obligeait à se mettre en rapport direct avec les ouvriers. Et encore aujourd'hui ne peut-on procéder autrement quand on veut l'appliquer. Il résultait naturellement de ces rapports continuels entre l'ordonnateur et l'exécutant un cachet d'art très-fortement empreint sur les moindres parties de l'oeuvre, comme l'expression d'une même pensée entre l'esprit qui combinait et la main qui exécutait.

Nous avons changé tout cela, et de notre temps les intermédiaires entre l'architecte qui travaille dans son cabinet et l'ouvrier qui taille la pierre sont si nombreux, se connaissent si peu, que l'exécution n'est qu'une empreinte effacée de la conception.

Nous sommes certainement des gens civilisés, mais nous le serions davantage si, au lieu de manifester un dédain profond pour des institutions que nous connaissons mal et qui nous donneraient quelque peine à étudier, nous tentions d'en profiter. Ainsi, il est bien certain qu'au moyen âge, entre le maître de l'oeuvre et l'ouvrier il n'y avait pas la distance immense qui sépare aujourd'hui l'architecte des derniers exécutants; ce n'était pas certes l'architecte qui se trouvait placé plus bas sur les degrés de l'échelle intellectuelle, mais bien l'ouvrier qui atteignait un degré supérieur. Pour ne parler que de la maçonnerie, la manière dont les tracés sont compris par les tailleurs de pierre, l'intelligence avec laquelle ils sont rendus, indique chez ceux-ci une connaissance de la géométrie descriptive, des pénétrations de plans, que nous avons grand-peine à trouver de notre temps chez les meilleurs appareilleurs. L'exécution matérielle des tailles atteint toujours une grande supériorité sur celle que nous obtenons en moyenne. Mais si nous allons chercher des corps de métiers plus relevés, comme par exemple les sculpteurs, les tailleurs d'ymages, il nous faut beaucoup d'années et des soins infinis pour former des ouvriers en état de rivaliser avec ceux du moyen âge.

De notre temps, les charpentiers forment le seul corps qui ait conservé l'esprit des ouvriers du moyen âge. Ils sont organisés, ils ont conservé l'initiative; n'est pas charpentier qui veut. Ils sont solidaires sur un chantier, très-soumis au savoir du chef quand ils l'ont bien reconnu, mais parfaitement dédaigneux pour son insuffisance si elle est constatée, ce qui n'est pas long. Et parmi les ouvriers de bâtiment les charpentiers qui ont su maintenir leur ancienne organisation sont en moyenne les plus intelligents et les plus instruits.

On s'occupe beaucoup des ouvriers depuis quelques années; on pense à assurer leur bien-être, à trouver des refuges pour leur vieillesse; le côté matériel de leur existence s'est sensiblement amélioré. Mais pour ce qui est du bâtiment, on ne s'est peut-être pas assez occupé de leur instruction, de relever la façon. Le système de la concurrence, qui certes présente de grands avantages, a aussi des inconvénients: il tend à avilir la main d'oeuvre, à faire employer des hommes incapables de préférence à des hommes habiles, parce que les premiers acceptent des conditions de salaire inférieures, ou bien parce qu'ils font en moins de temps et plus mal, il est vrai, tel travail demandé. Ce n'est pas là un moyen propre à améliorer la situation morale de l'ouvrier. Les chantiers ouverts sur plusieurs points de la France pour la restauration de nos anciens édifices du moyen âge ont formé des pépinières d'exécutants habiles, parce que, dans ces chantiers, la perfection de la main-d'oeuvre est une condition inhérente au travail. Tout cela est à considérer, mais ce qu'il faudrait, c'est un enseignement pour les ouvriers de bâtiments; le système des corporations n'existe plus, il serait nécessaire de le remplacer par un système d'enseignement appliqué. En attendant, les architectes, sur leurs chantiers, peuvent prendre une influence très-salutaire sur les ouvriers qu'ils emploient, s'ils veulent se donner la peine de s'occuper directement du travail qui leur est confié, et s'ils ne dédaignent pas de leur expliquer eux-mêmes les moyens les plus propres à obtenir une exécution parfaite.

FIN DU TOME SIXIÈME
271
   Collection de documents inédits sur l'hist. de France. Architecture militaire, p. 74.


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272
   Toutes les représentations de maître des oeuvres au moyen âge les montrent avec le grand compas d'appareilleur à la main. Si nous disons que le maître de l'oeuvre était forcément appareilleur, c'est qu'en effet, le système de l'architecture dite gothique admis, il est nécessaire que l'architecte trace lui-même les épures des divers membres de son édifice. Ce fait seul explique pourquoi ce système de construction est repoussé, comme indigne de notre état civilisé, par les maîtres des oeuvres de notre temps. C'est, à tout prendre, un assez dur métier que celui d'appareilleur.


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Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
30 июня 2018
Объем:
660 стр. 285 иллюстраций
Правообладатель:
Public Domain

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