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Читать книгу: «Victor, ou L'enfant de la forêt», страница 7

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IIe NUIT DE LA FORÊT

«Vous vous doutez bien, mes amis, que pendant toute la journée je fis une foule de réflexions, qui toutes aboutirent à me confirmer dans le projet d'adopter l'enfant qu'une mère me confiait. Dans tous les temps, j'avais eu du goût pour les aventures extraordinaires. Celle-ci exigeait du courage, de la patience, c'était assez pour qu'elle me plût; j'étais d'ailleurs accablé de chagrins. En adoptant l'orphelin, je soulageais ma conscience, et je me donnais une consolation, un délassement au moins pour le moment. Les soins que je devais donner à mon fils adoptif pouvaient me distraire de ma noire mélancolie. Je verrai, me disais-je, en lui le fils de Cécile, et je croirai Cécile vengée.

»Après m'être bien affermi dans l'entreprise que je formais, j'attendis le soir avec une espèce d'impatience. Elle arriva enfin cette soirée, qui devait m'enchaîner pour long-temps à l'enfance; au malheur! Je sortis de chez moi à mon heure ordinaire, vers onze heures; mais pour cette fois, je m'armai; je pris une paire de pistolets à ma ceinture, et mon sabre sous le bras. Cette précaution était nécessaire; on pouvait m'entraîner dans un piége; les brigands de la forêt pouvaient m'attaquer; je pouvais enfin trouver l'occasion d'opposer de la résistance, soit en protégeant la mère et l'enfant, soit en me défendant moi-même. Je partis donc bien armé, et, après avoir marché pendant plus d'une heure dans les longs détours de la forêt, je retrouvai ma grotte chérie, celle qui m'avait préservé de l'orage, celle qui m'avait offert les moyens de faire une bonne action. Il faisait très-nuit; cependant il était impossible de distinguer les objets, et je n'avais point fait la réflexion qu'il me serait difficile de trouver l'enfant qu'on devait exposer dans la grotte. D'ailleurs si l'on avait écrit de nouveau sur les tablettes, pouvais-je en distinguer les caractères? Cette réflexion m'alarma, et je me repentis de n'avoir point apporté une lanterne sourde. J'étais arrivé à la grotte, dont la veille j'avais bien remarqué la situation; mais devais-je y entrer sans craindre de fouler aux pieds, d'écraser peut-être l'innocente créature qu'on y avait sans doute déposée! Tout mon sang se glaça à cette idée; et j'allais me disposer à attendre le jour à la porte de la grotte, lorsque je crus appercevoir de la clarté dans le fond de cette espèce de souterrain. Je ne me trompe point; c'est une lumière éloignée, mais qui peut guider mes pas. Je sens que j'ai besoin de toute ma fermeté, d'un peu de témérité même, et je m'avance, non sans éprouver une espèce de frémissement involontaire… Mes yeux sont attachés à la terre… Je crains de rencontrer sous mes pieds ce que mon cœur brûle de trouver… Mes pas sont lents… mes regards se fixent en vain de tous les côtés, je ne vois rien. À mesure que je m'enfonce dans cette grotte tortueuse, mes yeux distinguent plus aisément. J'apperçois enfin la lumière qui m'a guidé: c'est une torche… elle est enfoncée dans la terre… À côté d'elle sont les tablettes mystérieuses qui nous servent de fidèle interprète: je les ouvre précipitamment, et j'y lis ces mots nouvellement tracés.

«On est satisfait des éclaircissemens que vous avez donnés, et l'on s'en repose entièrement sur votre probité. Homme rare!.. prenez ce flambeau… suivez la grotte à droite… vous y trouverez l'enfant».

»Je suis l'avis qui m'est donné… Me voilà, un flambeau à la main, cherchant dans les détours obscurs d'un immense souterrain, non la fortune, non les trésors de la cupidité, mais l'enfance et le malheur… La tendre pitié guide mes pas chancelans… la douce humanité fait battre délicieusement mon cœur, et quelques larmes de sensibilité coulent de mes yeux attentifs…

»Tu partages ma situation, mon cher Victor; je te vois m'écouter, haletant d'inquiétude… Tu suis ma démarche incertaine, et tu soupires après le moment où je te rencontrerai, faible nouveau-né, couché sur la pierre, abandonné à la pitié, aux soins de la tendre humanité… C'était toi, mon Victor: je te trouvai enfin; tu me tendais tes petits bras; ta bouche semblait me sourire, et me demander un père, une mère, que la nature t'enlevait, peut-être pour ne jamais les revoir!.. Comme j'aime à me rappeler ce moment, ce doux moment où je t'apperçus pour la première fois!.. Le voilà! m'écriai-je involontairement, le voilà, ce cher enfant! Ô mon Dieu, conserve-lui l'existence, à moi la vie, la patience et la paix de l'ame!..

»Mes genoux fléchissent, mon cœur bat violemment, mes yeux se troublent, je me laisse tomber sur la terre, et je prends dans mes bras l'enfant, que je serre étroitement contre mon sein. Pauvre petit, pauvre petit! lui dis-je, qu'es-tu? qui sont les cruels qui te persécutent, qui forcent ta pauvre mère à t'éloigner, à t'abandonner? Oh! faut-il qu'à peine entré dans la carrière de la vie, ton berceau soit livré aux orages du malheur! Tes yeux sont ouverts, petit ami, et c'est pour fixer la pierre de ce souterrain, où l'on me confie le soin de tes jours!.. Tes premiers cris sont ceux de la douleur, tes premiers pas dans la vie t'ont plongé dans l'infortune. Mais non, non, tu n'es plus malheureux, tu ne le seras plus, au moins. Je t'emporte, je t'emporte avec moi; tu seras mon fils, tu seras le frère de Clémence, et peut-être, par la suite, seras-tu son époux… Comme cette idée sourit à mon cœur! Je vois déjà mes petits-enfans, ma postérité dans cet enfant; je vois l'appui de ma vieillesse, ma consolation, mon ami, tout mon bonheur à venir… Viens, viens, ne perdons pas de temps; arrachons ton enfance à l'abandon; créons en toi un homme, et un homme heureux…

»Tu pleures, Victor, tu pleures, Clémence, et vous aussi, madame Wolf!.. ce récit vous émeut tous les trois; et moi-même… Viens, mon Victor, viens essuyer les larmes que fait couler de mes yeux le souvenir touchant du moment de ton adoption… En voyant alors tes petites mains, je me doutais bien qu'un jour elles seraient mouillées des pleurs de ton vieux père, oui, de ton père, je le suis, je le fus dès cet instant, qui sera toujours gravé dans ma mémoire et… dans mon cœur!..».

(Ici Victor et le baron se serrèrent étroitement dans les bras l'un de l'autre. Clémence porta sur ses lèvres la main de son père, et madame Wolf parut plongée dans un trouble violent, auquel ses trois amis n'eurent pas le temps de faire attention. Au bout d'un moment, M. de Fritzierne reprit sa narration en ces termes):

«L'enfant était richement habillé; je me doutais qu'il appartenait à des gens très-aisés. Il était couché dans une espèce de barcelonnette couverte de rubans et d'étoffes précieuses; on l'avait déposé, dans ce berceau, sur une pierre angulaire, qui formait comme un banc à cet endroit du souterrain. Quand j'eus bien caressé cette petite créature, qui semblait me sourire, je songeais à l'emporter; et, chargé de ce précieux dépôt, je repris le même chemin que j'avais parcouru déjà. Je croyais ma correspondance finie avec les étrangers qui me le confiaient; je me trompais: à la même place où j'avais trouvé la torche allumée, j'apperçus un autre flambeau et d'autres tablettes; je les ouvris, après avoir mis à terre ma barcelonnette.

«À présent, m'y disait-on, que vous possédez le bien le plus précieux dont une mère puisse se priver, accordez une faveur bien chère à cette mère malheureuse, et qui l'attend de votre générosité. Gardez l'enfant pendant toute la journée: il le faut pour sa sûreté, pour celle de sa mère; mais souffrez qu'elle le nourrisse de son lait pendant la nuit; promettez que demain vous l'apporterez ici à la même heure, vous-même, car il ne faut mettre personne dans votre confidence. Voyez si vous voulez consentir à le rendre à sa mère, toutes les nuits seulement? ce n'est qu'à cette seule condition qu'on peut vous le confier. Prononcez oui à haute voix et sans crainte: on vous écoute, il suffira de votre parole».

»Cette loi qu'on m'imposait me parut bien dure à observer; il fallait me résoudre à venir passer toutes les nuits dans cette grotte… Tout autre que moi n'aurait pas souscrit à ce traité; mais j'avais vu l'enfant; il était si beau, si intéressant!.. Un regard que je jetai de nouveau sur lui acheva de me déterminer. J'y consens, m'écriai-je tout haut; mais ce manége durera-t-il long-temps? l'enfant est-il à moi, ou si je n'en ai que la garde pendant un temps prescrit?..

»J'attendais qu'on me répondit: personne… le silence le plus absolu… Je pris le parti de reprendre le berceau, l'enfant, et de sortir de cette grotte pour revenir au château. Je laissais les deux flambeaux, que j'eus le soin d'éteindre pour ne donner aucun soupçon, et je pris sur moi les premières tablettes dans lesquelles on m'avait fait les premières propositions. Bientôt je perdis de vue la forêt de Kingratz; et je rentrai chez moi avant que le jour parût. Je fis éveiller sur-le-champ la nourrice de ma fille Clémence, et je lui confiais l'enfant, en lui disant, pour toute explication, que je l'avais trouvé. Cette bonne femme alaitait ma fille, qui n'avait que deux mois: l'enfant de la forêt pouvait avoir plus d'un an; mais il était si faible, si délicat, qu'il avait besoin encore long-temps de cette nourriture céleste dont la nature a rendu les femme dépositaires, et qui est qui le premier aliment de tous les hommes. Je me proposais de prendre une seconde nourrice pour l'orphelin; mais, dans le moment, celle que j'avais chez moi me fut d'un grand secours. Quand j'eus pris ces premiers soins, je me jetai sur mon lit, où je dormis avec un calme qui m'était étranger depuis bien long-temps, tant il est vrai qu'une bonne action rafraîchit le sang, et donne le repos aux cœurs les plus troublés par les malheurs ou par les passions».

IIIe NUIT DE LA FORÊT

«À mon réveil, mon premier vœu fut pour qu'on m'apportât mon petit Victor. Je lui avais donné ce nom que portait autrefois un Français, mon ami, avec lequel j'avais été fort lié. J'aimais beaucoup les Français; je savais que la mère de l'enfant était française, et ce titre réveillait en moi des souvenirs agréables. L'enfant avait bien reposé; on en avait eu le plus grand soin; j'étais tranquille sur sa santé; mais, d'un autre côté, j'étais tourmenté par la promesse que j'avais faite de le porter toutes les nuits à sa mère; cette contrainte me gênait singulièrement, et il fallait tout l'intérêt que j'avais ressenti pour des malheurs que je supposais bien grands, pour avoir souscrit à une condition aussi dure. Je devais cependant tenir ma promesse; je me flattai d'ailleurs de tirer des explications de la mère pendant ces entrevues nocturnes. Elle viendra, me dis-je, elle alaitera son fils à mes côtés, je la verrai, je lui parlerai, je l'interrogerai; elle me confiera ses chagrins; et j'aurai le bonheur de lui offrir des consolations, que sait-on, un appui, des secours peut-être…

»Cet espoir me fit désirer la fin de la journée, trop longue à mon impatience. La soirée arriva enfin: à mon heure accoutumée, je pris l'enfant dans mes bras et partis pour la forêt, toujours armé comme la veille. Combien de réflexions je fis en chemin sur cette aventure bizarre, extraordinaire, dans laquelle je me trouvais engagé sans en connaître le fond, sans en prévoir les suites!.. Comment se faisait-il en effet qu'une femme se trouvât régulièrement toutes les nuits dans une forêt infestée de brigands? L'habitait-elle, cette forêt? ou si elle ne l'habitait pas, pourquoi choisissait-elle un rendez-vous aussi dangereux, aussi effrayant pour un sexe timide? L'écriture des deux tablettes que j'avais vues, était celle d'une femme. Était-ce la mère de l'enfant avec qui je correspondais directement?.. Mais que faisait-elle donc dans cette forêt? y était-elle retenue par quelque lâche ravisseur? Pourquoi se priver de son enfant pendant le jour, et ne l'alaiter que la nuit? était-elle alors débarrassée de ses surveillans? Ceux qui la persécutaient, qui la forçaient à se priver de son fils, étaient-ils ses parens, son époux lui-même?.. Compte-t-elle que je lui porterai comme cela son fils toutes les nuits? n'en serai-je que le gardien? m'enlèvera-t-elle ensuite cette innocente créature au moment où j'y serai le plus attaché?.. Il faut qu'elle me satisfasse sur tous ces points, il le faut. Si elle n'est point digne de mon estime, si sa conduite est toujours aussi obscure, si je m'expose trop moi-même en lui donnant la satisfaction d'embrasser son fils, elle ignore mon nom, mon asyle; je garderai l'enfant, et je ne reviendrai plus à la forêt… Mais quoi! soustraire un enfant à sa mère!.. Eh bien! est-ce faire son malheur, à ce petit? Eh! n'aura-t-il pas en moi le plus tendre des pères?

»Je m'avance vers la grotte, plein, de ces idées, fermement décidé à pénétrer, dès cette nuit même, le secret de la mère de mon petit enfant; bien déterminé à lui rendre son fils, si elle s'obstine à se voiler toujours à mes regards, à me cacher ses malheurs… Je m'approche, chargé de mon précieux fardeau… La plus grande obscurité règne autour de moi… Je fais quelques pas encore… Rien… Je vous avoue qu'ici, mes amis, une espèce de terreur vint se mêler au dépit de me voir trompé dans mon attente… On me demandait l'enfant pour le nourrir pendant la nuit, il était tout naturel que je m'attendisse à voir paraître une femme qui, remplissant à mes yeux les devoirs entiers d'une mère, me convainquît qu'on n'avait pas voulu se jouer de ma complaisance. Fut-ce la mère de l'enfant, fut-ce une nourrice mercenaire, quelqu'un au moins devait se présenter… Mais toujours rien!.. personne!.. l'obscurité la plus profonde!..

»Interdit, outré d'indignation, effrayé même, j'allais abandonner la grotte, sans toutefois me dessaisir de mon fils adoptif; j'allais reprendre le chemin de la forêt, quitter la voûte immense qui m'interceptait la sombre clarté du firmament étoilé, lorsque l'incident le plus étonnant glace tout-à-coup mes sens, et m'enfonce plus que jamais dans l'aventure bizarre que je courais depuis trois jours… Redoublez d'attention, mes amis, écoutez-moi bien.

»Au milieu des ténèbres épaisses qui m'environnent, une main, une main invisible me saisit par le bras… Cette main puissante cherche à m'entraîner; ou à m'arracher la faible créature qu'avec confiance je rapporte à sa mère… Tremblant, non pour moi, mais pour l'enfant auquel déjà je m'intéresse comme un père, je tente de me dégager. Que me veut-on, m'écriai-je? – Imprudent, me répond-on! taisez-vous, et suivez-moi sans effroi. – Où me conduisez-vous, répliquai-je avec un ton de voix plus bas? – Où la nature et le malheur réclament votre générosité, votre sensibilité… – Mais pourquoi sans lumière?.. – Craignez-vous?.. Rendez, rendez-moi l'enfant, et fuyez loin d'ici; trompez l'espoir d'une infortunée qui a cru à votre probité, à votre délicatesse, à votre fermeté… Mais sachez qu'en abusant de sa confiance, vous faites son malheur; oui, homme faible et timide, vous causez à la mère des remords éternels, et à l'enfant, l'enfant que vous tenez, la mort. – La mort? – La mort!.. tel est l'arrêt de… Dirai-je, ô ciel! l'arrêt de celle qui lui a donné l'être? – Quoi! sa mère?.. – Lui a donné la vie; si vous abandonnez l'enfant, cette mère malheureuse se verra forcée de lui donner la mort. – Ô crime!.. Eh! vous ai-je dit, vous ai-je fait entendre seulement que j'étais capable d'abandonner cette innocente créature, qui dans ce moment me tend les bras? Oui, je sens ce petit garçon charmant, je le sens qui caresse mes joues inondées de larmes; il me sourit sans doute, et moi je l'arrose des pleurs de la compassion!.. Guide invisible et inhumain, homme, femme, qui que vous soyez, votre conduite étrange me fait bien du mal: vous connaissez mon cœur sensible, bon, et vous en abusez d'une manière bien cruelle!..

»Pendant cette espèce de dialogue, je suivais l'inconnu ou l'inconnue, dont la main me pressait assez vigoureusement le bras gauche, et me forçait à céder, pour ne pas faire un éclat sans doute imprudent. Le son de sa voix paraissait appartenir à une femme; mais la force de son poignet m'annonçait un homme, et un homme fort; un autre indice encore me persuadait que mon guide était un homme, c'est qu'il marchait à pas de géant; ses pas étaient très-grands, et je ne pouvais le suivre qu'en pressant singulièrement ma marche. Quand nous eûmes cessé, moi de l'interroger, lui de me répondre, mille réflexions se présentèrent en foule à mon esprit. Il me tenait toujours, et moi je me laissais conduire comme un agneau; quelque chose même me disait intérieurement que je ne m'en repentirais pas, que je n'avais aucun danger à courir… Je tenais toujours mon petit Victor, et je sentais que ma fermeté ne m'abandonnerait pas, tant que j'aurais dans mes bras cet enfant qui me causait tant d'inquiétude.

»Enfin, après avoir suivi mon guide pendant tout au plus cinq minutes, je me trouvai dans un lieu, obscur toujours, mais qui me parut meublé. J'entendis remuer un fauteuil, une table fut culbutée, une commode rudement heurtée, et tout cela, parce qu'une personne se leva brusquement à mon arrivée, et se précipita vivement à ma rencontre. Est-ce lui, s'écria-t-elle, est-ce mon fils? – Oui, madame, répondit mon guide; je vous l'amène avec son généreux bienfaiteur… – Homme bon, homme estimable, me dit la mère, si vous saviez… Vous ne sa saurez jamais… non: vous ignorerez long-temps, toujours peut-être, le secret de sa naissance… Il le faut, il est absolument nécessaire… Mais donnez-le-moi, donnez-le-moi, ce malheureux enfant; qu'il repose encore une fois sur mon sein… que ses lèvres s'humectent encore une fois du lait maternel… Oh! donnez-moi mon fils, si vous ne voulez que j'expire à vos pieds!

»Quand on pense, mes amis, que cette scène se passait dans les ténèbres, que j'ignorais où j'étais, qui me parlait, comment je reverrais la lumière du jour!.. vous frémissez; et, si jamais je publie mes aventures, cette aventure du moins, quiconque la lira frémira comme vous, s'il se met bien à ma place, s'il veut ne pas confondre cet événement avec ces récits fabuleux, mensongers, exagérés, invraisemblables, que nous rencontrons dans les romans, et qui n'ont d'autre objet que de nous effrayer sans nous intéresser, sans arriver à un but moral: j'en ai lu aussi, moi, des romans; mais j'ai éprouvé!.. et des malheurs réels n'effacent que trop le souvenir de malheurs imaginaires!.. Je reviens à ma situation… elle était pénible: je ne savais si je devais exiger des aveux, des explications, ou céder à l'effusion de la tendresse maternelle… Cependant cette femme venait de donner un accent si douloureux à cette exclamation: Oh! donnez-moi mon fils, si vous ne voulez que j'expire à vos pieds!.. Elle avait un son de voix si touchant! toutes les facultés de mon ame étaient tellement ébranlées!.. un moment d'attendrissement, une espèce d'enchantement de mon cœur!.. enfin, je ne sais comment cela se fit, mais l'enfant me fut pris dans mes bras, sans que je songeasse à le retenir, à le refuser.

»Soudain je me sentis repris par mon guide. On me fit faire une vingtaine de pas, toujours dans l'obscurité: ensuite une porte se ferma derrière moi; je me trouvai seul, absolument seul… La clarté d'un flambeau frappa de loin mes yeux… Une demi-heure s'écoula toute entière avant que j'arrivasse à l'endroit où brillait cette clarté salutaire. Je m'approche pour m'en emparer; ô surprise! des tablettes sont à côté; j'y lis ce que j'avais lu la veille à la même place: Prenez ce flambeau; suivez la grotte à droite, vous y retrouverez l'enfant.

»Pour le coup mon imagination se trouble; elle croit entrevoir quelque chose de magique dans la suite de ces événemens… La tête presque égarée, je prends le flambeau; je cherche, comme j'avais cherché la veille; je trouve et saisis l'enfant avec autant de plaisir que j'en avais eu l'autre nuit à le découvrir: je reprends le chemin de la forêt, celui de mon château, et je rentre chez moi sans m'être apperçu du long trajet que j'ai eu à faire pour y arriver, tant mon esprit était troublé des aventures extraordinaires dont je venais de me trouver le héros… Bon Victor! pauvre ami!.. je te remis aux soins de ta nourrice, de la nourrice de Clémence; tu dormis, toi, tu dormis!.. et moi je veillai; toute la nuit tu occupas ma pensée, toi et ta mère, ta mère invisible, impénétrable, mais sans doute infortunée; oh oui, bien infortunée!..».

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 сентября 2017
Объем:
580 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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