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Читать книгу: «Lettres à Mademoiselle de Volland», страница 46

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CXXXI

Paris, le 12 octobre 1770.

MESDAMES ET BONNES AMIES,

Il faut pourtant vous rendre compte de ma mauvaise conduite. Je me remets à ce vendredi matin où je fus enlevé d'Isle entre dix et onze heures. Nous arrivâmes à Châlons sur les six heures du soir. Mme Duclos entend des chevaux, une voiture qui entre dans sa rue; elle accourt sur la porte; elle croit aller embrasser Mme de Meaux et Mme de Prunevaux, qu'elle attendait: jugez de son étonnement, lorsqu'elle me vit, moi qu'elle n'attendait pas. Je n'en fus pas moins bien reçu.

Je croyais Mme de Meaux à Bourbonne, retenue sur son lit par une maladie de femme; elle m'avait écrit à Langres que le docteur Juvet l'avait condamnée à y rester jusqu'au 25; j'allais sans savoir sa marche; elle, sans savoir la mienne; et la chose n'aurait pas été mieux quand elle aurait été concertée. À sept heures, une heure après moi, autre postillon, autres chevaux, autre voiture: c'est Mme de Meaux, Mme de Prunevaux, et un M. de Foissy, écuyer de M. le duc de Chartres, homme de trente ans, mais avec la raison, le jugement de quarante-cinq; plein d'égards, de douceur, de politesse, d'agréments et de gaieté; il avait été conduit à Bourbonne par une sciatique gagnée au service des grands. Là, il avait connu ces daines; il avait pris pour elles beaucoup de goût, elles pour lui; il avait retardé son retour pour les accompagner; il avait cédé sa chaise de poste à une des femmes de chambre; il avait pris la place vacante dans la voiture de Mme de Meaux; elles l'avaient mené à Vandœuvre chez M. de Provenchères, qu'il ne connaissait point, et dont il n'était pas connu, et où il avait été accueilli comme il le méritait; il arrivait à Châlons chez M. Duclos, qu'il ne connaissait point, et dont il n'était point connu davantage, et qui ne l'en accueillit pas moins bien.

Nous voilà donc tous à la fois à Châlons, chez M. Duclos; sa femme était vraiment folle de nous avoir. Je n'ai pas vu de ma vie une créature plus heureuse; tout ce qu'il est possible de faire pour vous rendre sa maison agréable, elle l'a fait, et avec une âme et des démonstrations qui ne se rendent pas; cela était à voir. J'ai passé à Châlons le samedi et le dimanche; j'en suis parti le lundi matin; Mme de Meaux et les autres y sont restés deux jours de plus. Le dimanche, c'était la clôture du théâtre, nous allâmes à la comédie. Celui qui fit le compliment me savait au spectacle, et me régala publiquement d'un compliment qui n'était pas trop mal fait. Vous me connaissez; jugez de mon embarras; je m'étais baissé, baissé, baissé dans la toge; peu s'en fallait que je ne fusse perdu, par pudeur, sous les cotillons des dames.

Tandis que tout dormait encore, excepté la maîtresse de la maison, on mit nos chevaux; nous déjeunâmes et nous prîmes congé; la bonne Ductos fondait en larmes; son mari en faisait autant; je pleurais aussi; et mon petit gendre était sorti, de peur que la même envie ne le prît. J'ai su que la même scène douloureuse s'était renouvelée en se séparant d'avec Mme de Meaux. Je suis arrivé ici le 26 septembre à la chute du jour; j'y serais arrivé pour dîner, si notre postillon, au sortir de Château-Thierry, n'avait pas pris la route de Soissons au lieu de prendre celle de Paris. Nous partîmes de Château-Thierry à huit heures et demie du matin, et grâce à cette erreur, forcés de revenir trois lieues sur nos pas, nous nous retrouvâmes, à quatre heures du soir, à Château-Thierry.

Je ne manque pas d'embarras journaliers et d'affaires courantes; jugez de ce que j'en ai trouvé d'accumulées après deux mois d'absence. Ma femme était en bonne santé, ma fille avait été malade, mais très-malade, elle l'était encore; elle va mieux. Pour moi, j'ai déjà perdu tout ce que j'avais ramassé d'embonpoint, de force et de gaieté sur les grands chemins. Les trois premiers jours, il me semblait vivre dans une atmosphère infecte. Je me suis donné tant de peine et de mouvement, que la machine s'est dérangée; j'ai été malade trois jours sans pouvoir sortir; cela s'est passé, et trois jours après cela m'a repris; c'est l'estomac qui périclite; ce sont les intestins qui font mal leurs fonctions. Ma fête est venue, il a fallu, pour l'amusement des autres, se prêter à une petite débauche de table.

J'allai voir, tout en arrivant, M. et Mme Digeon. Je ne trouvai que madame avec l'habit de deuil et le visage de la gaieté et de la santé. J'y causai environ deux heures. Hier, je rencontrai M. Digeon; nous nous embrassâmes fort tendrement. Je lui dis tout le bien que je pensais et que vous pensiez de toi Quelques jours auparavant, j'étais allé faire visite à Mme Bouchard; j'y passai la soirée fort gaiement; nous filmes là, elle, l'abbé de La Chau250 et moi, de la philosophie très-folle et très-solide. Je toi trouvai bon visage. Notre arrangement pour les papillons, s'ils viennent, est tout convenu: autant de baisers que de papillons; mais pas un baiser à la même place; et comme il y aura beaucoup de papillons, j'espère qu'il n'y aura pas la largeur de l'ongle sur toute ma personne qui ne soit baisée plusieurs fois; à moins que la dame n'aime mieux racheter tant de baisers à donner pour un seul qu'elle recevra et que je placerai à mon choix J'ai été à la Briche, où M. Grimm et Mme d'Épinay se sont réfugiés contre les maçons qui démolissent le pignon sur la rue de la maison qu'occupe ou qu'occupait Mme d'Épinay, rue Sainte-Anne. À force de travailler, je suis au courant de mes affaires; ma santé et ma gaieté reviendront; quand? quand vous reviendrez. J'ai et je donne à tout le monde l'espérance que ce sera incessamment; cette espérance est si douce, que tout le monde la prend tout de suite. Je vous embrasse toutes de tout mon cœur; je commence par maman.

Ne m'accusez pas, ni elle non plus, d'avoir oublié le jour de ma naissance; ce jour-là ce fut celui de sa fête, et celui où on toi préparait au loin un joli enfant qui l'aimera, la respectera, toi restera attaché toute sa vie. Après maman, de droit, c'est mon amoureuse. Si je voulais, je ne toi dirais pas la moindre petite douceur, parce qu'elle me connaît, qu'elle est sûre de moi, et que mon éloignement, mon silence, mon absence, ne peuvent toi donner aucun souci sur mes sentiments. Pour vous, mademoiselle Volland, rendez-vous justice à vous-même, et tout sera dit; et puis vous prenant toutes les trois à la fois, je vous réitérerai ce que je vous ai promis mille fois, que vous m'êtes infiniment chères autant que jamais; que vous ne pouvez cesser de me l'être, et que j'ai résolu; oh! non; ce n'est pas une résolution, c'est un penchant très-vrai, très-ancien, toujours le même, qui me presse vers vous, auquel je ne résiste ni ne cherche à résister. Revenez, revenez et vous me trouverez tel peut-être que vous ne me supposez pas, mais tel que j'ai toujours été.

Bonjour, mes bonnes, mes tendres amies; bonjour.

CXXXII

Au Grandval, le 2 novembre 1770.

Rendons à mes amies un petit compte de ma conduite. Vous savez, mesdames et bonnes amies, ce que je suis devenu depuis le 9 d'octobre, jour de ma fête. La veille, joli concert et grand souper; j'ai fait des miennes tant qu'on a voulu; j'ai réconcilié, par occasion, deux êtres qui se méprisaient injustement, et qui, pour s'estimer, n'avaient qu'à se mieux connaître: c'est Mlle Bajon et le petit maître de ma fille. Je fis jouer un concerto à celui-ci; l'autre l'entendit, et trouva qu'il jouait comme un ange. Je fis jouer et chanter la demoiselle, à présent dame; elle chanta et joua comme un ange, et l'autre en convint. Kohaut, ce luth que je vous ai nommé quelquefois, y lut conduit par sa curiosité maligne, qui fut trompée en ne trouvant pas de quoi s'exercer. Il comptait bien boire du bon vin la veille, et faire de moi et de mes convives un bon conte le lendemain; il n'y eut pas moyen, car tout alla bien. Je me couchai à trois heures du matin; j'étais levé à six heures et demie; à onze heures, j'avais environ cinq heures de travail par devers moi; et j'étais à la Comédie-Italienne à une répétition à laquelle j'étais invité. Ma petite bonne est moins tourmentée de ses vomissements; ils se passent, ils reviennent; avec tout cela je n'en suis pas moins inquiet. Philidor me vint voir, il y a quelque temps; je fus curieux de savoir ce qu'il penserait de son talent harmonique; il l'entendit préluder pendant une demi-heure et plus; et il me dit qu'elle n'avait plus rien à apprendre de ce côté; qu'il ne lui restait qu'à manger tout son soûl, qu'à se repaître sans fin de bonne musique. Quelques jours après la Saint-Denis, je suis parti pour le Grandval, où j'ai apporté une besogne immense, et où j'en ai trouvé de la bien plus difficile à faire. J'ai commencé par celle sur laquelle je ne comptais pas. Il est impossible que l'on ne soit heureux où l'on fait le bien. J'ai fait retirer vos volumes de la chambre syndicale, avant que de quitter la ville. Je n'ai vu qu'une fois l'abbé; je ne sais s'il vous aura écrit la lettre en question; mais de retour à Paris, soyez sûres que j'y veillerai. Nous reviendrons le lendemain de la Saint-Martin tous ensemble. À présent que je suis hors de danger, et que je me porte bien, il faut que vous sachiez que j'ai pensé mourir d'une indigestion de pain; cela ne pouvait ni remonter ni descendre: j'ai gardé sur mon estomac pendant plus de quinze heures un poids effroyable qui m'étouffait, et qui ne se laissait pas ébranler par l'eau chaude, de quelque côté que je la prisse. J'en suis encore à vivre de régime, chose difficile ici, où les repas sont énormes, et où l'on désoblige sérieusement la maîtresse de la maison quand on n'use pas de la bonne chère qu'elle vous fait d'aussi bonne grâce qu'elle y en met. J'ai profité de l'extrême liberté de cette indisposition qui m'a affranchi de toutes les petites servitudes de bienséance, pour me renfermer davantage dans mon appartement, et pour travailler davantage. J'ai mis au net, pour la seconde fois, le Traité d'harmonie du petit-maître de ma fille.251 Je vous dirai en passant que le petit Allemand, pour avoir voulu me suivre le jour de ma fête, et faire les honneurs de ma table et de son pays, en a pensé mourir. Je suis après la Mère jalouse de M. Barthe, comédie nouvelle. J'ai encore deux ou trois autres petits projets pour lesquels il me faudrait plus de temps qu'il ne m'en reste. Je m'étais si bien fait à la vie de province que je l'ai regrettée. Je suis si bien fait à la vie de campagne, qu'il ne m'en coûterait rien pour renoncer à la ville, à présent surtout que vous n'y êtes pas; combien on y a de temps, et comme on l'emploie! De ce temps que j'ai ici à profusion, j'en ai donné à Grimm quelques moments. Mous recevons de temps en temps des transfuges de Paris: l'abbé Morellet nous est venu; oh! le plaisant corps! comme je vous en amuserais, si j'en avais le temps! Il m'a laissé le seul exemplaire de son ouvrage, qui a été supprimé, contre les Dialogues de l'abbé Galiani; je ne l'ai pas encore ouvert; le Baron, qui l'a parcouru, m'a dit qu'il était plein d'amertume.

Adieu, mes amies, mes bonnes, tendres et respectables amies; ne soyez inquiètes ni de ma santé, ni de mon amitié. Écoutez bien: je ne suis ni injuste, ni fou; je vous aime et vous aimerai toute ma vie, toute la vôtre. Il faudrait, pour le mieux, mourir tous le même jour; mais comme il ne faut pas s'y attendre, je jure de rester aux deux qui auront le malheur de survivre; je jure de rester à celle qui survivra. Bonjour, mademoiselle Volland, mon cœur est le même; je vous l'ai dit, et je ne mens pas.

CXXXIII

Paris, le 20 novembre 1770.

MESDAMES ET BONNES AMIES,

J'ai fait un second voyage au Grandval. J'y ai passé la vie la plus agréable; des jours partagés entre le travail, la bonne chère, la promenade et le jeu; et puis cette liberté illimitée qu'accorde la maîtresse de la maison à ses hôtes, et qu'en vérité l'on n'a pas chez soi.

Je suis revenu à Paris quatre ou cinq jours après la Saint-Martin, l'âme pleine d'inquiétude. Si j'étais homme à pressentiments, je vous dirais que j'en avais. Il est inouï tout ce que j'ai souffert depuis mon retour; sans la distraction d'un travail forcé, je crois que j'en serais devenu fou. Premièrement, une scène violente entre le Baron et moi; scène dans laquelle le tort était de mon côté. Secondement, toutes sortes de commissions déplaisantes du prince de Galitzin, de Grimm et d'autres. Troisièmement, mes attaques de néphrétique, plus faibles, mais toujours fort incommodes. Quatrièmement, et cela est à la lettre, le remords continuel de me dire perpétuellement: Il faut écrire à mes amies, elles sont inquiètes; ce silence les trouble; et d'arriver d'un jour à l'autre au lendemain sans l'avoir fait. Cinquièmement, le désagrément d'avoir donné tout mon temps, tous mes soins, toute ma peine à l'ouvrage de l'abbé Galiani, et de n'en recueillir que chagrin par une petite femme tracassière qui se mêle de tout et qui brouille tout, parce qu'elle se croit bonne à tout, et que dans le vrai, elle n'est bonne à rien. Sixièmement, l'indisposition de ma fille, qui est tourmentée par un vomissement opiniâtre, qui me désespère. Septièmement, d'avoir tout fait au monde pour prévenir un grand malheur et de n'avoir pu l'empêcher: l'homme que j'estimais s'est, il y a huit jours, cassé la tête de deux coups de pistolet; et la mienne n'en est pas encore remise.

Je pourrais ajouter un huitièmement, c'est une alarme terrible qu'on ignore ici, parce que j'ai pu seul remédier à tout: je travaille la nuit, comme vous savez; je travaillais donc, et j'étais si las de fatigue et de peine, que je me suis endormi la tête sur mon bureau; tandis que je dormais, soit que ma lumière soit tombée sur mes papiers, ou autrement, le feu a pris à tout ce qui m'environnait; la moitié des livres et des papiers qui étaient sur ma table ont été brûlés; heureusement je n'ai rien perdu d'essentiel Je me suis tu de cet accident, parce qu'un mot indiscret là-dessus aurait suffi pour ôter à jamais le repos à ma femme. J'ai si bien pris mes précautions, qu'il n'est pas resté le moindre indice de l'accident qu'elles ont couru et moi aussi.

Pardonnez-moi; recevez mes respects, plaignez-moi, et revenez toutes trois, si vous voulez voir combien vous êtes sincèrement respectées, et tendrement aimées.

CXXXIV

La Haye, le 22 juillet 1773.

MESDAMES ET BONNES AMIES,

Plus je connais ce pays-ci, mieux je m'en accommode. Les soles, les harengs frais, les turbots, les perches, et tout ce qu'ils appellent waterfish sont les meilleures gens du monde. Les promenades sont charmantes; je ne sais si les femmes sont bien sages; mais avec leurs grands chapeaux de paille, leurs yeux baissés, et ces énormes fichus étalés sur leur gorge, elles ont toutes l'air de revenir du salut ou d'aller à confesse. Les hommes ont du sens; ils entendent très-bien leurs affaires; ils sont bien possédés de l'esprit républicain; et cela depuis les premières conditions jusqu'aux dernières. J'ai entendu dire à un bourrelier-bâtier: «Il faut que je me hâte de retirer mon enfant du couvent; je crains qu'elle ne prenne là un peu de cette bassesse monarchique.» C'était une fille qu'il faisait élever à Bruxelles.

Je ne m'étendrai pas sur ce pays-ci; je veux avoir à vous en parler à mon aise au coin de votre foyer, lorsque j'aurai le bonheur de vous y retrouver; car j'espère que vous voudrez bien vous conserver pour vos amis; pour moi qui ai bien résolu de vous aimer toute votre vie et toute la mienne, et qui, par cette raison et beaucoup d'autres, la désire fort longue.

La princesse est revenue de son voyage. C'est une femme très-vive, très-gaie, très-spirituelle, et d'une figure assez aimable; plus qu'assez jeune, instruite et pleine de talents; elle a lu; elle sait plusieurs langues; c'est l'usage des Allemandes; elle joue du clavecin et chante comme un ange; elle est pleine de mots ingénus et piquants; elle est très-bonne: elle disait hier, à table, que la rencontre des malheureux est si douce qu'elle pardonnerait volontiers à la Providence d'en avoir jeté quelques-uns dans les rues. Nous avions un butor qui se repentait de ne s'être pas fait peindre à Paris; elle lui demanda s'il n'y était pas au temps d'Oudry252.Elle est est d'une extrême sensibilité; elle en a même un peu trop pour son bonheur. Comme elle a des connaissances et de la justesse, elle dispute comme un petit lion. Je l'aime à la folie, et je vis entre le prince et sa femme, comme entre un bon frère et une bonne sœur.

C'est ici qu'on emploie bien son temps; point d'importuns qui viennent vous prendre toutes vos matinées; le malheur est qu'on se couche fort tard, et qu'on se lève de même. Notre vie est tranquille, sobre et retirée.

J'ai vu ici deux vieillards qui ont eu jusqu'à présent, qu'ils sont un peu sous la remise, où ils se trouvent mal et avec raison, la plus grande influence dans les affaires du gouvernement. A leur air grave, à leur ton sentencieux et sévère, en vérité il me semblait que j'étais entre les Fabius et les Régulus; rien ne rappelle les vieux Romains comme ces deux respectables personnages-là: ce sont les deux Bentink, l'un Charles Bentink, et l'autre Bentink, comte de Rhoone.

J'ai fait deux ou trois petits ouvrages assez gais253. Je ne sors guère; et quand je sors, je vais toujours sur le bord de la mer, que je n'ai encore vue ni calme ni agitée; la vaste uniformité accompagnée d'un certain murmure incline à rêver; c'est là que je rêve bien.

J'ai cherché des livres très-inutilement; les étrangers ont enlevé tous ceux dont j'espérais me pourvoir.

Je commence à sentir la mauvaise pièce de mon sac; c'est, comme vous savez, mon estomac; pendant le premier mois je me suis cru guéri.

Je vous salue et vous embrasse de tout mon cœur. Je présente mes compliments et mon respect à M. et Mme Bouchard, à M. et Mme Digeon, à M. Duval, à qui je dois de la reconnaissance pour l'intérêt qu'il prend à vos affaires et celui qu'il a bien voulu prendre aux miennes. Ne me laissez pas oublier par M. Gaschon, lorsqu'il vous apparaîtra. Je vous souhaite une prompte et heureuse fin d'affaires domestiques. Je vous suis attaché pour tant que je vivrai; et en quelque lieu que le ciel me promène, je vous y porterai dans mon cœur.

CXXXV

La Haye, ce 13 août 1773.

MESDAMES ET BONNES AMIES,

Est-ce que vous avez résolu de me désespérer? Il y a un siècle que je n'ai entendu parler de vous; par hasard, est-ce que vous n'auriez pas reçu ma dernière lettre? Mademoiselle, si vous saviez toutes les visions cruelles qui m'obsèdent, vous vous garderiez bien de les laisser durer; dites-moi seulement que vous vous portez bien, et que vous m'aimez: que je voie encore une fois de votre écriture.

Eh bien, mes amies, le sort est jeté: je fais le grand voyage; mais rassurez-vous.

M. de Nariskin, chambellan de Sa Majesté Impériale, me prend ici à côté de lui dans une bonne voiture, et me conduit à Pétersbourg doucement, commodément, à petites journées, nous arrêtant par tout où le besoin de repos ou la curiosité nous le conseillera. M. de Nariskin est un très-galant homme, qui a pris à Paris pour moi beaucoup d'estime et d'amitié; il s'est fait, dans une contrée barbare, les vertus délicates d'un pays policé: elles lui appartiennent. Ce n'est pas tout; au mois de janvier prochain, une autre bonne voiture, où je m'assiérai à côté du frère du prince de Galitzin et de sa femme qui font le voyage de France, me déposera au coin de la rue Taranne. J'aurais peut-être un jour du regret d'avoir négligé un voyage que je dois à la reconnaissance.

Bonjour, madame de Blacy; je vous salue et vous embrasse de tout mon cœur. Bonjour, madame Bouchard; je vous salue et vous embrasse aussi. Adieu, bonne amie; adieu, mademoiselle Volland. Dans quatre jours je serai en chemin pour Pétersbourg. Faites des vœux pour vous et pour moi La différence des degrés de latitude ne changera rien à mes sentiments; et vous me serez chère sous le pôle, comme vous me l'étiez sous le méridien de Cassini.

Ne vous inquiétez point; ne vous affligez pas; conservez-vous. Nous serons un peu plus éloignés que quand vous partiez de Paris pour Isle; mais notre séparation sera moins longue; et nos cœurs ne cesseront pas de se toucher. Accordez à des circonstances importantes ce que vous accordiez à la nécessité d'accompagner une mère chérie dans une terre qui faisait ses délices. Je sais qu'il est dur d'être privé à la fois de tous ceux que nous aimons; mais, ma bonne, ma tendre amie, nous nous reverrons! Si vous m'écrivez, adressez, à La Haye, vos lettres au prince de Galitzin, qui me les fera passer à Pétersbourg.

Je vous salue; je vous serre entre mes bras; j'ai l'âme pleine de douleur; une seule espérance me soutient, c'est celle de retrouver une femme que j'aime, et de lui ramener un homme dont elle a toujours été tendrement aimée. Madame Bouchard, je vais dans une contrée où je songerai à votre goût pour l'histoire naturelle, et à la douceur des baisers en croix; j'en aurai quelques-uns si Dieu me prête vie; mais ce ne sera pas dans les premiers huit jours; j'espère que vous voudrez bien abandonner mes joues à Mlle Volland et à Mme de Blacy; elles seront si aises de me revoir!

Bonjour, toutes; songez toutes à moi; parlez-en; dites-en du bien, dites-en du mal: pourvu que vous en parliez avec intérêt je serai satisfait. Je vous réitère mes tendres et sincères amitiés. Ne vous attendez, de Pétersbourg, qu'à des généralités. Nous ferons le carnaval ensemble: je vous le promets. Adieu, adieu.

J'espérais trouver Grimm à Pétersbourg, à la suite de la princesse d'Armstadt dont une des fêles va épouser le grand-duc; tout a été dérangé, et le temps de cette fête et le voyage de Grimm; je n'ai pas appris cette nouvelle sans chagrin.

250.L'abbé Géraud de La Chau, bibliothécaire, interprète et garde des pierres gravées du duc d'Orléans, auteur d'une Dissertation sur les attributs de Vénus, Prault, 1776, in-4.
251.Bemetzrieder. Voir ce Traité, tome XII.
252.Célèbre peintre d'animaux.
253.Jacques le Fataliste, le Neveu de Rameau et la Réfutation d'Helvétius ont été écrits ou revus à cette époque.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
11 августа 2017
Объем:
760 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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