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Читать книгу: «Le magasin d'antiquités, Tome II», страница 24

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Toute la journée, il neigea sans interruption. La nuit vint, brillante et étoilée; mais le vent n'était pas tombé, et le froid était des plus vifs. Parfois, vers la fin de ce long relais, Kit ne pouvait s'empêcher de souhaiter qu'il fît un peu plus chaud; mais quand on s'arrêtait pour changer de chevaux, et qu'il avait battu la semelle pendant quelques minutes, payé le postillon, éveillé l'autre, qu'il s'était donné du mouvement à droite et à gauche jusqu'à ce que les chevaux fussent attelés, il avait si chaud, que le sang lui fourmillait au bout des doigts. Alors il lui semblait qu'avec un peu moins de froid il perdrait la moitié du plaisir et de l'honneur du voyage. Là-dessus, il s'élançait gaiement sur sa banquette, chantant aux accords joyeux des roues qui recommençaient à tourner; et, laissant les bons citadins dormir dans leurs lits bien chauds, il poursuivait sa course le long de la route solitaire.

Cependant les deux gentlemen qui étaient à l'intérieur, fort peu disposés à dormir, trompaient le temps par la conversation. Pressés l'un et l'autre de la même impatience, leur entretien roulait souvent sur l'objet de leur expédition, sur la manière dont elle avait été conduite, sur les espérances et les craintes que leur en inspirait le dénoûment. Des premières, ils en avaient beaucoup; des secondes, peu, peut-être même aucune, au delà de cette inquiétude indéfinissable qui est inséparable d'une espérance subitement éveillée et d'une attente prolongée.

Dans un moment de repos après une de leurs conversations, et quand déjà la moitié de la nuit s'était écoulée, le gentleman, devenu de plus en plus silencieux et pensif, se tourna vers son compagnon et lui dit brusquement:

«Êtes-vous un auditeur patient?

– Comme bien d'autres, je suppose, répondit en souriant M. Garland. Je puis l'être si ce qu'on me raconte m'intéresse; dans le cas contraire, je puis faire semblant de l'être. Pourquoi me demandez-vous ça?

– J'ai sur les lèvres un court récit, et je vais vous mettre tout de suite à l'épreuve. C'est très-court.»

Et sans attendre une réponse, il appuya sa main sur le bras de M. Garland et s'exprima ainsi:

«Il y avait autrefois deux frères qui s'aimaient tendrement l'un l'autre. Il existait entre leurs âges une certaine disproportion: quelque douze ans. Peut-être était-ce une raison pour accroître leur attachement mutuel. Cependant, malgré la distance qui les séparait, ils devinrent rivaux de bonne heure. La plus profonde, la plus forte affection de leurs coeurs se porta sur le même objet.

«Le plus jeune s'en aperçut le premier, à diverses circonstances qui éveillèrent son attention et sa vigilance. Je ne vous dirai pas quelle douleur il éprouva, à quelle agonie son âme fut en proie, quelle lutte il eut à soutenir contre lui-même. Il avait eu une enfance maladive. Son frère, plein de patience et d'égards au sein de sa belle santé et de sa force, s'était bien souvent sevré des plaisirs qu'il aimait pour rester assis au chevet du malade, lui racontant de vieilles histoires jusqu'à ce que son visage pâle s'illuminât d'un éclat extraordinaire; ou pour le porter dans ses bras jusqu'à quelque lieu champêtre où il veillait sur le pauvre et triste enfant, pendant qu'il jouissait là d'une brillante journée d'été et du spectacle de la santé, partout dans la nature alentour, excepté en lui-même; en un mot, pour lui servir de tendre et fidèle garde-malade. Je ne m'étendrai pas sur tout ce qu'il fit pour conquérir l'amour de la pauvre et faible créature; car mon histoire n'aurait pas de fin. Mais quand arriva le temps de la rivalité, le coeur du plus jeune frère se remplit du souvenir de ces jours d'autrefois. Le ciel lui donna la force d'acquitter, par les sacrifices réfléchis d'une âme déjà mûrie par les années, les soins donnés par un élan de dévouement juvénile. Il ne troubla point le bonheur de son frère. La vérité ne s'échappa jamais de ses lèvres; il quitta son pays, avec l'espoir de mourir à l'étranger.

Le frère aîné épousa cette femme… qui depuis longtemps est dans le ciel et légua une fille à son mari.

«Si vous avez vu quelque galerie de portraits d'une ancienne famille, vous aurez dû remarquer combien de fois la même physionomie, la même figure, souvent la plus belle et la plus simple de toutes, se perpétue à vos yeux dans diverses générations, et comme vous pouvez suivre à la trace la même douce jeune fille à travers toute une longue ligne de portraits, ne vieillissant jamais, ne changeant jamais, comme le bon ange de la famille, toujours là pour assister les siens à l'heure des épreuves, peut-être pour les racheter de leurs fautes…

«Dans cette fille revivait la mère. Vous pouvez juger avec quel amour celui qui avait perdu la mère presque en l'obtenant s'attacha à cette enfant, sa vivante image. Elle grandit; elle devint femme, elle donna son coeur à un homme qui n'en était pas digne. Eh bien! son tendre père ne put la voir s'affliger et languir dans la peine. Il se dit que peut-être, après tout, cet homme qu'il regrettait de lui voir aimer valait mieux qu'il ne paraissait; qu'en tout cas, il ne pourrait manquer de s'améliorer dans la compagnie d'une telle femme. Le pauvre père joignit leurs mains: le mariage s'accomplit.

«Le malheur qui suivit cette union, le froid abandon et les reproches immérités, la pauvreté qui vint fondre sur la maison, les luttes de la vie quotidienne, ces luttes trop mesquines et trop pénibles pour être racontées, mais affreuses à traverser: tout cela, la jeune femme le supporta comme les femmes seules savent le supporter, dans le dévouement profond de leur coeur, dans l'excellence de leur nature. Ses moyens d'existence étaient épuisés; le père était réduit presque au dénûment par la conduite du gendre; et chaque jour, comme ils vivaient tous sous le même toit, il était témoin des mauvais traitements et du malheur que subissait sa fille. Et cependant elle ne se plaignait point d'autre chose que de n'être point aimée de son mari. Patiente et soutenue jusqu'au bout par la force de l'affection, elle suivit à trois semaines de distance son mari dans la tombe, léguant aux soins de son père deux orphelins: l'un, un fils de dix ou douze ans; l'autre, une fille, une fille presque encore au berceau, semblable pour sa faiblesse, pour son âge, pour ses formes et ses traits, à ce qu'elle avait été elle-même quand elle avait perdu sa mère jeune encore.

«Le frère aîné, grand-père de ces deux orphelins, était désormais un homme brisé par la douleur; courbé, écrasé déjà, moins par le poids des années que sous la main pesante du malheur. Avec les débris de sa fortune il entreprit le commerce des tableaux d'abord, puis des curiosités antiques. Il avait toujours eu, dès l'enfance, un goût dominant pour les objets de ce genre; il en avait fait son amusement autrefois, il s'en fit alors une ressource pour se procurer une subsistance pénible et précaire.

«Le fils en grandissant rappelait de plus en plus le caractère et les traits de son père; la fille était tout le portrait de sa mère: aussi quand le vieillard la prenait sur ses genoux et contemplait ses doux yeux bleus, il lui semblait sortir d'un rêve douloureux et revoir sa fille redevenue enfant. Le garçon dépravé ne tarda pas à se dégoûter de la maison et à chercher des compagnons qui convinssent mieux à ses goûts. Le vieillard et la petite fille demeurèrent seuls ensemble.

«Ce fut alors, ce fut lorsque l'amour qu'il avait eu pour deux mortes qui avaient été l'une après l'autre si chères à son coeur, se fut porté tout entier sur cette petite créature; lorsque ce visage, qu'il avait constamment devant les yeux, lui rappelait heure par heure les changements qu'il avait observés d'année en année chez les autres, les souffrances auxquelles il avait assisté et tout ce que sa propre fille avait eu à supporter; ce fut alors, quand les désordres d'un jeune homme dissipé et endurci achevèrent l'oeuvre de ruine que le père avait commencée, et amenèrent plus d'une fois des moments de gêne et même de détresse, ce fut alors que le vieillard commença à se sentir poursuivi sans cesse par la sinistre image de la pauvreté, du dénûment, qu'il redoutait non pas pour lui, mais pour l'enfant. Cette idée une fois conçue vint obséder la maison comme un spectre qui la hantait jour et nuit.

«Le plus jeune frère avait pendant ce temps-là visité plusieurs contrées étrangères et traversé la vie en pèlerin solitaire. On avait injustement interprété son bannissement volontaire, mais il avait supporté, non sans douleur, les reproches et les jugements précipités pour accomplir le sacrifice qui avait brisé son coeur, et il avait su se tenir dans l'ombre. D'ailleurs, les communications entre lui et son frère aîné étaient difficiles, incertaines, souvent interrompues; toutefois elles n'étaient point brisées, et ce fut avec une profonde tristesse que de lettre en lettre il apprit tout ce que je viens de vous raconter.

«Alors les rêves de la jeunesse, d'une vie heureuse, heureuse, bien que commencée par le chagrin et la souffrance prématurée, l'assaillirent de nouveau plus fréquemment qu'auparavant: chaque nuit, redevenu enfant dans ses rêves, il se revoyait aux côtés de son frère. Il mit le plus tôt possible ordre à ses affaires, convertit en espèces tout ce qu'il possédait, et avec une fortune suffisante pour deux, le corps tremblant, la main ouverte, le coeur plein d'une émotion délirante, il arriva un soir à la porte de son frère! …

Le narrateur, dont la voix était devenue défaillante, s'arrêta.

«Je sais le reste, dit M. Garland en lui serrant la main.

– Oui, reprit son ami après un moment de silence, nous pouvons nous épargner le reste. Vous connaissez le triste résultat de toutes mes recherches. Lors même qu'après des poursuites où j'ai mis toute l'activité et la prudence possible, nous apprîmes qu'on les avait vus en compagnie de deux pauvres coureurs de foires, et que plus tard nous découvrîmes ces deux hommes, puis le lieu où s'étaient retirés le vieillard et l'enfant, eh bien! même alors nous arrivâmes trop tard. Ah! Dieu veuille que cette fois encore il ne soit pas trop tard!

– Non, non, dit Garland; cette fois nous réussirons.

– Déjà je l'ai cru, déjà je l'ai espéré; en ce moment je le crois et je l'espère. Mais un poids cruel pèse sur mon esprit, et la tristesse qui m'obsède résiste à l'espérance et à la raison.

– Cela ne me surprend point, dit M. Garland; c'est la conséquence naturelle des événements que vous venez de retracer; de ces temps malheureux, de ce voyage pénible, et, par-dessus tout, de cette nuit affreuse. Une nuit affreuse, en vérité!.. Entendez-vous comme le vent mugit!..»

CHAPITRE XXXIII

Le jour revint et retrouva les voyageurs en route. Depuis leur départ, ils avaient dû s'arrêter quelquefois pour prendre un peu de nourriture; et souvent perdre du temps, surtout la nuit, pour attendre des chevaux de relais. Hors cela, ils n'avaient fait aucune halte. Mais le temps continuait d'être affreux; les routes étaient souvent escarpées et difficiles. Ce n'était qu'à la nuit qu'ils pouvaient espérer d'atteindre le but de leur excursion.

Kit, tout gonflé, tout roidi par le froid, supportait cela comme un homme. Il avait bien assez de maintenir son sang en circulation, de se représenter l'heureuse issue de cet aventureux voyage et de s'étonner à chaque pas de tout ce qui lui passait sous les yeux, sans prendre le temps de songer aux inconvénients de la route. Cependant le jour qui s'obscurcissait, et la fuite rapide des heures accroissaient son impatience, comme celle de ses compagnons. La courte clarté d'un jour d'hiver ne tarda pas à s'évanouir; quand la nuit fut tombée, il leur restait encore à faire plusieurs milles.

Le vent tomba à l'entrée de la nuit. Ses mugissements éloignés devinrent une plainte basse et mélancolique: rampant tout le long du chemin et effleurant des deux côtés les buissons desséchés, on aurait dit un grand fantôme pour qui la route était trop étroite et dont les vêtements frôlaient de chaque côté les ronces du chemin à mesure qu'il avançait. Petit à petit il finit par se calmer et s'éteindre; ce fut au tour de la neige.

Les flocons se pressaient, serrés et rapides; bientôt ils couvrirent la terre à quelques pouces d'épaisseur, répandant en même temps un silence solennel, tout alentour. Les roues tournaient sans bruit; et le son éclatant et retentissant du sabot des chevaux ne devint plus qu'un piétinement sourd et comprimé. Leur marche muette et lente ne troublait plus le silence de mort qui régnait partout.

Abritant ses yeux contre la neige qui se gelait sur ses cils et obscurcissait sa vue, Kit s'efforçait souvent de distinguer les premières lueurs vacillantes qui pouvaient indiquer l'approche de quelque bourg. Il apercevait bien de temps en temps quelques objets, mais aucun d'une manière précise. Tantôt apparaissait un grand clocher qui bientôt après se transformait en un arbre; tantôt une grange; tantôt une ombre qui s'étendait sur le sol, projetée par les brillantes lanternes de la chaise de poste; tantôt c'étaient des cavaliers, des piétons, des voitures qui précédaient les voyageurs ou se croisaient avec eux sur la route étroite, et qui, au bout d'un certain temps, devenaient des ombres à leur tour. Un mur, une ruine, un pignon épais se dressait au bord de la route; et, lorsqu'on avançait la tête, on trouvait que ce n'était plus que la route elle-même. D'étranges tournants, des ponts, des courants d'eau semblaient s'élancer au-devant des voyageurs, rendant la direction plus incertaine encore: et cependant on était toujours sur la route; et tout cela, comme le reste, finissait par se perdre en de vaines illusions.

Kit descendit lentement de sa banquette, car ses membres étaient transis de froid, au moment où l'on arriva à une maison de poste isolée, et il y demanda à quelle distance ils étaient encore du terme de leur voyage. Il était tard pour un relais de traverse, et tout le monde était couché. Mais d'une fenêtre d'en haut quelqu'un répondit: Dix milles. Les quelques minutes qui s'écoulèrent ensuite semblèrent avoir la durée d'une heure; mais enfin un homme amena en grelottant les chevaux, et ne tarda pas à repartir.

Le chemin où l'on s'engagea était un chemin de traverse. Au bout de trois ou quatre milles, il se trouva qu'il était plein de trous et d'ornières, couverts de neige, qui faisaient à chaque instant tomber les chevaux tremblants et les obligeaient à ne plus aller qu'au pas. Comme il était impossible, pour des gens aussi agités que l'étaient nos voyageurs, de rester tranquillement assis et d'avancer si lentement, tous trois descendirent et suivirent péniblement la voiture. La distance semblait interminable, et l'on avait toutes les peines du monde à marcher. Les voyageurs croyaient déjà que le postillon s'était trompé de route, lorsque minuit sonna à l'horloge d'une église peu éloignée; la voiture s'arrêta. Elle ne faisait pas grand bruit auparavant; mais lorsqu'elle cessa de faire craquer la neige, le silence fut aussi effrayant que si quelque tumulte étourdissant avait été remplacé tout à coup par un calme complet.

«C'est ici, messieurs, dit le postillon descendant de son cheval et frappant à la porte d'une petite auberge. Holà!.. après minuit, dans ce pays-ci, tout est mort.»

Le postillon avait frappé ferme et longtemps, mais sans réussir à se faire entendre des habitants plongés dans le sommeil. Tout demeurait sombre et silencieux. Les voyageurs se reculent pour regarder aux fenêtres, simples trous grossièrement percés dans la muraille blanche. Pas de lumière. On croirait la maison déserte, et les dormeurs déjà morts; car rien ne bouge.

Les voyageurs se consultèrent avec anxiété et à voix basse, comme s'ils craignaient de troubler les échos sinistres qu'ils venaient de réveiller.

«Allons-nous-en, dit le gentleman, et que ce brave homme continue de frapper jusqu'à ce qu'on l'entende, si c'est possible. Je ne puis me reposer avant de savoir si nous ne sommes pas arrivés trop tard. Allons-nous-en, au nom du ciel!»

Ils s'éloignèrent, laissant au postillon le soin de recommencer à frapper et de se procurer tout ce que l'auberge pourrait fournir. Kit les accompagna avec une petite boîte qu'il avait suspendue dans la voiture au moment du départ, sans l'oublier depuis; c'était l'oiseau de Nelly dans sa vieille cage, juste comme elle le lui avait légué. Il savait bien qu'elle aurait du plaisir à revoir son oiseau!

La route descendait par une pente douce en avançant, les voyageurs perdirent de vue l'église dont ils avaient entendu l'horloge, ainsi que le petit village groupé tout autour. Les coups de marteau répétés à la porte de l'auberge, et que dans le calme général ils pouvaient distinguer parfaitement, les troublaient. Ils auraient voulu que le postillon se tînt plutôt tranquille, et regrettèrent de ne pas lui avoir dit de ne point rompre le silence avant leur retour.

La vieille tour de l'église, revêtue comme un fantôme de son blanc manteau de frimas, se dressa de nouveau devant eux; et en quelques moments, ils s'en trouvèrent tout près. Ce monument vénérable tranchait par sa teinte grise sur la blancheur du paysage dont il était entouré. L'ancien cadran solaire placé sur le mur du beffroi avait presque disparu sous un monceau de neige et on eût eu peine à le reconnaître. Le temps semblait lui-même avoir caché ses heures, dans son humeur triste et sombre, désespérant de voir jamais le jour succéder à cette nuit funèbre.

Tout près de là se trouvait une porte à claire-voie; mais il y avait plus d'un sentier dans le cimetière sur lequel elle ouvrait; et incertains de celui qu'ils prendraient, les voyageurs s'arrêtèrent.

– Voici la rue du village, si l'on peut donner le nom de rue à un assemblage irrégulier de pauvres chaumières de grandeurs et d'époques diverses, les unes se présentant de face, les autres de dos, d'autres avec des pignons tournés vers la route; çà et là une enseigne ou un hangar, qui empiétait sur le chemin. À une fenêtre peu éloignée tremblait une faible lumière; Kit courut vers cette maison pour prendre des informations.

Un vieillard qui était à l'intérieur répondit au premier appel, il parut aussitôt à la petite croisée, en roulant un vêtement autour de sa poitrine pour se garantir du froid, et demanda qui pouvait être dehors à cette heure indue et ce que l'on voulait.

«Par un si mauvais temps, dit-il d'un ton grondeur, on ne dérange pas les gens. Ma besogne n'est pas de nature à ce qu'on ait besoin de me relancer jusque dans mon lit. Il n'y a pas grand mal à laisser refroidir les corps pour lesquels on recourt à moi, surtout dans cette saison. Qu'est-ce que vous demandez?

– Je ne vous aurais pas fait sortir de votre lit, répondit Kit, si j'avais su que vous fussiez âgé et malade.

– Âgé!.. répéta l'autre d'un accent bourru; comment pouvez-vous savoir si je suis âgé? Peut-être pas aussi âgé que vous le pensez, l'ami. Quant à être malade, vous trouverez bien des jeunesses moins bien portantes que moi, et c'est grand dommage; non pas que je sois robuste et actif malgré mes années, ce n'est pas là ce que je veux dire, mais que la jeunesse ne les empêche pas d'être si faibles et si fragiles. Je vous demande pardon si je vous ai d'abord parlé rudement. Mes yeux ne sont pas bien bons la nuit, mais ce n'est pas à cause de l'âge ou de la maladie; ils n'ont jamais été bons, et je n'avais pas vu que vous êtes un étranger.

– Je suis bien fâché de vous avoir fait lever de votre lit, reprit Kit; mais ces messieurs que vous apercevez à la porte du cimetière sont aussi des étrangers qui arrivent en ce moment après un long voyage, pour aller au presbytère. Pouvez-vous nous l'indiquer?

– Si je le puis! répondit le vieillard d'une voix tremblante. Vienne l'été prochain, il y aura cinquante ans que je suis fossoyeur en ce village. Votre chemin, mon ami, est de prendre à droite. J'espère que vous n'apportez pas de fâcheuses nouvelles à notre bon ministre?»

Kit s'empressa de répondre négativement et de le remercier. Il allait s'éloigner quand son attention fut attirée par une voix d'enfant. Il leva les yeux et aperçut une toute petite créature à une croisée voisine.

«Qu'est-ce qu'il y a? dit vivement l'enfant. Est-ce que mon rêve serait vrai? Je vous en prie, dites-le-moi, qui que vous soyez, vous qui êtes là debout et éveillé.

– Pauvre enfant! dit le fossoyeur avant que Kit eût pu répondre.

Comment ça va-t-il, mon mignon?

– Mon rêve est-il vrai? s'écria de nouveau l'enfant d'une voix si fervente qu'elle eût fait vibrer le coeur de quiconque pouvait l'entendre. Non, non, c'est impossible. Je me trompe. Comment serait-ce possible?

– Je comprends sa pensée, dit le fossoyeur. Retourne à ton lit, cher enfant!

– Oh! s'écria l'enfant dans un transport de désespoir, je savais bien que cela n'était pas possible, j'en étais bien sûr avant de le demander. Mais toute cette nuit et l'autre nuit aussi, mon rêve a été le même. Je ne puis plus m'endormir sans que ce vilain rêve me revienne.

– Essaye de te rendormir, dit doucement le vieillard; ton rêve ne reviendra pas.

– Non, non, je préfère qu'il revienne, tout cruel qu'il est; je préfère qu'il revienne. Je n'ai pas peur de le revoir dans mon sommeil, mais après ça, j'en ai tant de chagrin que j'en suis triste, tout triste!..»

Le vieux fossoyeur lui adressa un: «Dieu te bénisse!» L'enfant éploré répondit: «Bonne nuit!» et Kit se trouva seul de nouveau.

Il se hâta de retourner vers son maître, tout ému de ce qu'il venait d'entendre, mais plus encore de l'accent du jeune garçon, que de ses paroles, dont il ne pouvait comprendre le sens. Les voyageurs suivirent le sentier indiqué par le fossoyeur, et bientôt ils arrivèrent au presbytère. Regardant alors autour d'eux quand ils furent en cet endroit, ils aperçurent, à quelque distance et à la fenêtre ogivale d'un bâtiment en ruine, une lumière qui veillait solitaire.

Cette lumière entourée de l'ombre épaisse des murs au fond desquels elle était enfoncée, brillait comme une étoile. Vive et radieuse comme les astres qui diamantaient le ciel au-dessus de la tête des voyageurs, solitaire et immobile comme eux, elle semblait être de la même famille que les éternelles lampes de l'espace et brûler de conserve avec elles.

«Quelle est cette lumière? s'écria le gentleman.

– Sûrement, dit M. Garland, elle est dans la ruine qu'ils habitent. Je ne vois pas d'autre bâtiment ruiné.

– Impossible, répliqua vivement le gentleman: ils ne peuvent pas veiller jusqu'à une heure aussi avancée!..»

Kit, pour les tirer d'embarras, leur proposa, tandis qu'ils sonneraient à la porte du presbytère, d'aller, en attendant, du côté où brillait la lumière pour reconnaître s'il y avait par là quelqu'un d'éveillé; il s'élança donc, avec leur permission, respirant à peine, et toujours la cage à la main, tout droit vers son but.

Il n'était pas facile de se diriger parmi les tombes, et en toute autre occasion Kit eût marché plus lentement ou bien pris un détour. Mais, sans se préoccuper des obstacles, il continua son chemin à pas pressés, et ne tarda point à arriver à quelques pieds de la fenêtre.

Il s'approcha le plus doucement possible, et frôlant la muraille d'assez près pour heurter avec sa manche le lierre blanchi par la neige, il écouta. Nul bruit à l'intérieur. L'église elle-même ne pouvait pas être plus silencieuse. Appuyant sa joue contre la vitre, il écouta encore. Rien. Et pourtant, il y avait alentour un si profond silence, que Kit était bien certain qu'il eût pu entendre même la respiration d'une personne endormie, s'il y en avait eu dans ce lieu.

Chose étrange qu'une lumière en cet endroit à une heure aussi avancée de la nuit, et personne auprès de la lumière!

Un rideau était tiré vers la partie inférieure de la croisée; Kit ne pouvait donc voir dans la chambre. Mais, sur ce rideau ne se projetait aucune ombre. Grimper au mur et essayer de regarder du dehors n'eût pas été une tentative sans danger, ni certainement sans bruit, et il eût pu effrayer Nelly, si c'était là réellement le lieu de sa demeure. Il écouta encore; toujours le même silence inquiétant.

Il quitta la place lentement et avec précaution, tourna derrière la ruine et arriva enfin à une porte. Il frappa. Point de réponse. Mais à l'intérieur régnait un singulier bruit. Il eût été difficile d'en déterminer la nature. Il ressemblait au gémissement étouffé d'une personne affligée; mais ce n'était pas cela, car il était trop régulier et trop répété. Tantôt on eût dit une sorte de chant, tantôt une lamentation, selon le sens imaginaire qu'il lui prêtait, car le son était uniforme et continu. Jamais Kit n'avait entendu rien de semblable, et dans cette psalmodie, il y avait quelque chose d'effrayant, de surnaturel et de glacial.

Kit sentit son sang se figer plus encore peut-être que tout à l'heure par la gelée et la neige: cependant, il frappa de nouveau. Pas de réponse; le bruit continua sans interruption. Alors, Kit posa avec précaution sa main sur le loquet et poussa son genou contre la porte qui, n'étant pas fermée à l'intérieur, céda à la pression et tourna sur ses gonds. Le jeune homme aperçut le reflet d'un feu de foyer sur les vieilles murailles, et il entra.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 сентября 2017
Объем:
440 стр. 1 иллюстрация
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Public Domain

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