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Читать книгу: «Le tour de la France par deux enfants», страница 10

Bruno G.
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LI. – Le Nivernais et les bois du Morvan. – Les principaux arbres de nos forêts. – Le flottage des bois sur les rivières. – Le Berry et le Bourbonnais. – Vichy. Richesse de la France en eaux minérales

Les arbres nous donnent leur ombre, leurs fruits, leur bois; ils purifient l'air, retiennent la terre par leurs racines et la rendent plus fertile en empêchant la sécheresse

On partit du Creuzot le lendemain matin. Bientôt même, on quitta le département de Saône-et-Loire. On avait vendu au Creuzot les marchandises qui étaient dans la voiture, et Pierrot, allégé de sa charge, trottait plus rapidement.

– Qu'est-ce donc que ces montagnes si boisées que nous voyons à présent? demanda Julien; est-ce encore la côte d'Or?

– A quoi penses-tu donc, Julien? répondit le patron. Tu sais bien que la côte d'Or est couverte de vignes. Nous avons quitté la Bourgogne: nous voici dans le Nivernais; les monts boisés que tu vois sont les collines du Morvan.

– C'est un pays qui doit produire beaucoup de bois, à ce qu'il me semble, dit André.

– Oui, la richesse du département de la Nièvre, ce sont surtout ses forêts. Il y a beaucoup de cours d'eau, au moyen desquels on expédie les bois en les faisant flotter. N'as-tu pas déjà remarqué, Julien, le long de notre route, ces bois et ces grosses bûches qui descendent tout seuls les rivières?

– Oui, oui: il y a sur le rivage des ouvriers armés de crocs qui empêchent les bûches de s'arrêter en chemin.

– Eh bien, c'est un homme de la Nièvre, Jean Rouvet, qui a eu le premier, il y a déjà quatre cents ans, la bonne idée de faire flotter les bois de cette manière en les abandonnant au cours de l'eau. Ainsi arrivent jusqu'à Paris et dans les autres villes les bois qui servent à chauffer les habitants ou à construire les maisons.

– Tiens, dit Julien, voilà justement des bûcherons qui abattent là-bas de grands chênes. Partout où on regarde, on ne voit rien que des chênes.

– C'est que le chêne est le principal de nos arbres; il couvrait autrefois presque toute la France. Mais nous avons aussi le châtaignier, l'orme, le hêtre, les pins et les sapins.

– Oh! pour les pins et les sapins, nous les connaissons bien, dit André: il y en a assez dans les Vosges.

– Ici, dans la Nièvre, c'est le chêne qui domine.

– Le chef-lieu de la Nièvre, c'est Nevers, se mit à dire le petit Julien tout fier, car il cherchait cela depuis deux minutes; et Nevers est sur la Nièvre.

– Eh bien, savant petit Julien, dit le patron, tu te rappelleras qu'il y a à Nevers une importante fonderie de canons pour la marine, où l'on fond les canons en coulant le métal dans des moules, comme nous avons vu faire au Creuzot. Un peu plus loin, à Bourges, se trouve aussi une fonderie d'armes.

– Bourges, c'est l'ancienne capitale du Berry et le chef-lieu du Cher, n'est-ce pas, monsieur? dit André.

– Précisément. Et toi, Julien, n'as-tu jamais entendu parler du Berry?

– Oh! si, monsieur Gertal, car on parle toujours des moutons du Berry, ce qui me fait penser qu'il doit y avoir de beaux moutons dans ce pays-là.

– Tu ne te trompes pas, et les laines du Berry sont renommées.

– Est-ce que nous allons encore voir Bourges et le Berry, monsieur Gertal?

– Comme tu y vas, Julien! Nous ne voyageons pas pour notre plaisir, mais pour nos affaires, et nous ne pouvons visiter toutes les villes de France. Nous n'avons point d'affaires dans le Berry. C'est dans le Bourbonnais que nous allons bientôt entrer. Le Bourbonnais a formé le département de l'Allier.

– Julien, dit André, quel est le chef-lieu du département de l'Allier? Le sais-tu aussi bien que celui de la Nièvre?

– L'Allier, dit Julien en cherchant, l'Allier… chef-lieu… Eh bien, ne voilà-t-il pas que je ne me rappelle point du tout!

– Et le petit garçon baissa la tête tout honteux.

– Chef-lieu, Moulins, dit M. Gertal. Allons, Julien, nous passerons demain à Moulins; cela fait que tu connaîtras cette ville, et tu ne l'oublieras plus.

– Mais dites-moi, monsieur Gertal, qu'y a-t-il donc à se rappeler dans le département de l'Allier?

– C'est, je crois, dans l'Allier que se trouve Vichy, le grand établissement d'eaux minérales, dit André.

– Justement, dit le patron.

– Moi, je sais ce que c'est que les établissements d'eaux pour les malades, dit Julien. En Lorraine, il y a Plombières, et Mme Gertrude m'a raconté cela; et puis j'ai vu Plombières dans des images.

– Eh bien, Vichy est le plus grand établissement d'eaux minérales du monde entier: il s'y est rendu, en certaines années, jusqu'à cent mille personnes. Tous ces gens venaient pour remettre leur santé, pour boire l'eau chargée de divers sels qui jaillit toute chaude de terre, ou pour prendre des bains dans cette eau. C'est que, vois-tu, petit Julien, les eaux minérales sont encore au nombre des principales richesses de la France: nul pays ne possède autant de sources célèbres pour la guérison des maladies.

LII. – La probité. – André et le jeune commis

Honneur et probité, voilà la vraie noblesse

– André, dit un jour M. Gertal, voici un énorme paquet de marchandises que je viens de vendre. Il est trop lourd pour Julien; charge-le sur ton épaule et va le porter à son adresse. Voici la facture, mets-la dans ta poche: elle s'élève à deux cents francs. Si on te paie tout de suite, tu diminueras six francs: cela engagera le client à payer comptant une autre fois.

André chargea aussitôt le paquet sur son dos et partit. C'était dans un faubourg éloigné de Moulins qu'il se rendait, et il était assez fatigué en arrivant. Un jeune commis le reçut, car le maître de la maison venait de sortir et avait laissé l'argent à son commis pour payer à sa place.

Le jeune homme dit à André qu'il avait là les deux cents francs tout prêts.

– Puisque votre patron paie tout de suite, dit André en comptant l'argent, M. Gertal m'a dit de rabattre six francs sur la facture. Les voici; vous les remettrez à votre maître.

– Certainement, certainement, répondit le commis en traînant sur les mots d'un air narquois. A vrai dire, ce seront six francs qui ne profiteront guère: mon maître n'y compte pas, et ils seraient bien mieux placés moitié dans votre poche, moitié dans la mienne.

En disant cela, il riait d'un gros rire en dessous et il tournait entre ses doigts les six pièces d'un franc, regardant André de côté pour voir ce qu'il dirait.

André, trop honnête pour supposer que ce fût sérieux, n'en rougit pas moins jusqu'aux oreilles, tant cette manière de parler lui déplaisait. Cependant il se tut par politesse pour le commis et prit la plume pour acquitter la facture.

Le jeune homme, en voyant André rougir, s'imagina que c'était par timidité et que ce silence était de l'indécision; il reprit donc, pensant le décider.

– Hélas! par le temps qui court l'argent est dur à gagner pour les employés. On les exténue de fatigue, on les paie mal, et pourtant les maîtres regorgent d'argent. Mais, Dieu merci, avec un peu d'adresse on peut suppléer à l'avarice des patrons… Tenez, ajouta-t-il en baissant la voix et en présentant trois francs à André, partageons l'aubaine; nous nous arrangerons et personne ne le saura.

André cette fois fut si indigné qu'il ne se contint pas.

– Malheureux, s'écria-t-il, vous ne m'avez donc pas regardé en face, que vous me croyez capable de mettre dans ma poche l'argent d'autrui?

En même temps, avec la rapidité de pensée qui lui était naturelle, il arracha des doigts du commis la facture qu'il venait d'acquitter, et d'une main que l'émotion rendait tremblante il reprit la plume, puis marqua en grosses lettres qu'il avait fait au nom de M. Gertal un rabais de six francs.

– A présent, dit-il en posant la plume et la facture sur la table, vous serez bien forcé de rendre à votre maître exactement ce qui lui est dû.

Et tournant le dos avec mépris, il s'en alla.

Comme il traversait la cour, l'employé le rejoignit en courant: – Vous êtes un honnête garçon, lui dit-il d'un ton doucereux, mais vous entendez mal la plaisanterie, je ne voulais que rire un peu. Ne parlez pas de ce qui vient de se passer, je vous en prie: cela n'était pas sérieux, vous me feriez du tort, j'ai ma vieille mère à soutenir…

– Taisez-vous, menteur, interrompit une voix par derrière; et en même temps la figure courroucée du maître de la maison se dressa devant le commis infidèle. Taisez-vous, reprit-il, et n'essayez pas d'attendrir cet honnête garçon par un double mensonge: car vous n'avez pas de mère à soutenir et vous ne plaisantiez pas tout à l'heure, quand vous vouliez entraîner ce brave enfant à manquer de probité comme vous. J'ai tout entendu du cabinet voisin, car il y a longtemps que je vous soupçonne et que je vous guette pour vous prendre la main dans le sac. A présent, je sais à quoi m'en tenir sur votre compte. Quant à vous, mon jeune ami, dit-il en se tournant vers André, voici les six francs que votre probité voulait me conserver, je vous les donne.

– Non, monsieur, dit simplement André, je n'ai fait que mon devoir tout juste; je rougirais d'être récompensé pour cela.

Et après avoir salué poliment, il s'éloigna sans vouloir rien accepter.

Et il marchait d'un pas allègre, pensant en lui-même:

– Allons donc! est-ce que l'honneur doit se payer? L'honneur ne se paie pas plus qu'il ne se vend: mon vieux père nous a dit cela cent fois à Julien et à moi, et je ne l'oublierai jamais.

LIII. – Les monts d'Auvergne. – Le puy de Dôme. – Aurillac. – Un orage au sommet du Cantal

Il y a peu de pays aussi variés que la France: elle a tous les aspects, tous les climats, presque toutes les productions

Peu de temps après cette aventure, nos voyageurs quittèrent le Bourbonnais et entrèrent en Auvergne. On se rendait à Clermont-Ferrand. Il faisait une belle journée d'automne, le soleil brillait dans un ciel sans nuages. Comme la route montait beaucoup, nos amis étaient descendus et ils gravissaient la côte à pied tous les trois, afin de soulager un peu Pierrot. Julien se dégourdissait les jambes en sautant de çà de là, tout joyeux du beau temps qu'il faisait. Bientôt pourtant il se rapprocha de M. Gertal et d'André, et du haut d'une grande côte d'où la vue dominait l'horizon, il leur montra une chaîne de montagnes ensoleillée.

– Qu'est-ce donc, je vous prie, demanda-t-il, que ces monts qui sont là tout entassés les uns auprès des autres? Voyez! il y en a qui ressemblent à de grands dômes; d'autres sont fendus, d'autres s'ouvrent par en haut comme des gueules béantes. Voilà des montagnes qui ne sont point du tout pareilles aux autres que nous avons vues.

– Julien, ce sont les dômes et les puys d'Auvergne. Le plus élevé que tu aperçois là-bas, c'est le puy de Dôme.

– Tiens, s'écria l'enfant, j'ai vu à l'école dans mon livre de lecture une image qui montre les volcans éteints de l'Auvergne; alors les voilà donc devant nous, monsieur Gertal?

– Justement, mon enfant, toutes ces montagnes ont été autrefois d'anciens volcans.

– Oh! monsieur Gertal, cela devait être bien beau, mais aussi bien effrayant à voir, quand toutes ces grandes bouches lançaient du feu et de la fumée. L'Auvergne devait ressembler à un enfer. C'est égal, je préfère que ces volcans-là soient éteints, et qu'il y ait de belle herbe verte au pied.

– Petit Julien, regarde bien à ta gauche, à présent. Vois-tu cette plaine qui s'étend à perte de vue? C'est la fertile Limagne, la terre la plus féconde de France. Elle est arrosée par de nombreux cours d'eau et produit en abondance le blé, le seigle, l'huile, les fruits.

– Alors, monsieur Gertal, l'Auvergne est donc, comme la Côte-d'Or, bien riche?

– Petit Julien, la Limagne ne couvre pas tout le territoire de l'Auvergne; elle n'occupe que vingt-quatre lieues carrées. En revanche la montagne ne produit que des pâturages et des bois; l'hiver y est bien long et rigoureux.

– Oui, oui, dit l'enfant; c'est comme dans le Jura et la Savoie. Y a-t-il aussi bien des troupeaux par là?

– Certainement; dans le département voisin, le Cantal, il y a même une race de bœufs très renommés, la race de Salers, et l'on fait de bons fromages dans le Cantal.

– Le chef-lieu du Cantal, c'est Aurillac, n'est-ce pas, monsieur Gertal.

– Tout juste, une jolie ville aux rues bien propres, arrosée par des ruisseaux d'eau courante. Le Cantal est un département pauvre; ses habitants sont souvent obligés d'émigrer, comme on fait en Savoie, pour aller gagner leur vie ailleurs: ils se font portefaix, charbonniers, et souvent chaudronniers. Le métier de chaudronnier est un de ceux que les Auvergnats préfèrent, et Aurillac est un des grands centres de la chaudronnerie. Mais, petit Julien, puisque tu es savant en géographie, sais-tu ce que c'est que le Cantal?

– Oh! dame, monsieur Gertal, je ne sais pas tant de choses, moi; mais je pense que cela doit être une rivière, comme l'Allier que j'ai vu à Moulins.

– Allons donc! c'est une montagne. Le Plomb du Cantal a près de 1,900 mètres de hauteur, il y a de la neige sur le sommet une bonne partie de l'année. Pour moi, je n'oublierai jamais le Cantal, vois-tu, parce que j'y suis monté.

– Vraiment, monsieur Gertal? Est-ce que c'est difficile d'aller là comme au mont Blanc?

– Oh! non, certes; seulement l'orage nous prit au haut: il pleuvait à verse, il soufflait un vent effroyable, et il n'y avait qu'un petit bout de rocher abrupt pour tout abri; l'orage dura quatre heures, et nous avons grelotté tout le temps sur ce sommet, mes amis et moi.

– Oh! dit Julien, moi, je serais descendu bien vite en courant pour me réchauffer.

– Toi, petit, tu aurais dû faire comme les camarades, attendre. Quand un brouillard ou une pluie couvre les montagnes du Cantal, si l'on est au sommet, il faut bon gré mal gré y rester jusqu'à la fin, ou risquer des chutes dangereuses. On voit au-dessous de ses pieds une mer de nuages noirs sillonnés par la foudre; ce n'est pas le moment de descendre.

– Certes, dit André, je comprends cela. Et Julien a-t-il donc déjà oublié combien les brouillards sont terribles sur la montagne?

– Non, mon frère, dit le petit garçon. Je me rappellerai toujours les Vosges, et cette nuit où tu m'as réchauffé dans tes bras et où je me suis endormi en priant Dieu d'avoir pitié des deux orphelins à l'abandon.

– Et Dieu t'a exaucé, enfant, dit le patron, puisque vous voilà à moitié de votre long voyage et en bon chemin.

LIV. – Julien parcourt Clermont-Ferrand – Les maisons en lave. – Pâtes alimentaires et fruits confits de la Limagne. – Réflexions sur le métier de marchand

Le vrai bonheur est dans la maison de la famille

Quand le petit Julien arriva à Clermont et qu'il eut parcouru les rues de la ville pour faire les commissions du patron, il fut tout désappointé.

– Oh! André, dit-il au retour pendant le dîner, que c'est triste, cette ville-là! les maisons sont si hautes, et toutes les pierres noires comme de l'ardoise! on dirait une prison; pourquoi donc, monsieur Gertal?

– C'est qu'ici, presque tout est construit en lave.

– En lave? ce n'est pas beau, la lave; qu'est-ce que c'est donc?

– Julien, dit André, tu réponds trop vite; cela fait que tu parles sans réfléchir. Voyons, qu'est-ce qui sort des volcans?

Cette fois, Julien réfléchit un moment et dit:

– Je me rappelle, à présent: il sort des volcans une sorte de boue brûlante appelée lave. Il y a beaucoup d'anciens volcans en Auvergne, il doit y avoir de la lave; mais on fait donc des maisons avec la lave des volcans?

– Oui, Julien, reprit M. Gertal, la lave refroidie a la couleur de l'ardoise, ce qui est sombre, c'est vrai; mais la lave a une dureté et une solidité égales à celles du marbre. Il y a en Auvergne des masses de lave considérables qu'on appelle des coulées parce qu'elles ont coulé des volcans; on en rencontre parfois qui bordent le lit des rivières comme une longue rangée de tuyaux d'orgue; il y a aussi dans la lave des trous, des colonnades, des grottes curieuses ayant toute sorte de formes. Depuis cinq siècles on exploite en Auvergne des carrières de lave, et on en a retiré de quoi bâtir toutes les maisons de la Limagne, et des pays voisins.

– Tout de même, dit le petit Julien, c'est bien singulier de penser que les volcans nous ont donné la maison où nous voilà!

– Ils ont aussi donné à la Limagne sa richesse. Généralement les terrains volcaniques sont plus fertiles. C'est avec les blés abondants de la Limagne que Clermont fait les excellentes pâtes alimentaires, les vermicelles, les semoules dont j'ai acheté une grande quantité et que nous chargerons demain dans la voiture. Les fruits secs et confits que Clermont prépare si bien et à bon marché ont aussi mûri dans la Limagne.

– Est-ce que vous en avez acheté, monsieur Gertal?

– Oui, dit le patron, et j'en trouverai une vente certaine, car ils sont renommés. En même temps, il chercha dans sa poche et atteignit un petit sac: – Voici des échantillons; goûtez cette marchandise, enfants.

Il y avait des abricots, des cerises, des prunes. Julien fut d'avis que la Limagne était un pays superbe, puisqu'il donne des fruits si parfaits, et que les habitants étaient fort industrieux de savoir si bien les conserver.

M. Gertal reprit alors: – Pour votre vente à vous, enfants, je vous achèterai des dentelles du pays: à Lyon, vous les vendrez à merveille.

– Des dentelles! s'écria Julien; mais, monsieur Gertal, est-ce que nous saurons vendre cela?..Comment voulez-vous?.. – Et l'enfant regardait le patron d'un air penaud.

– Bah! pourquoi non, petit Julien? Je te montrerai. Il est bon de s'habituer à travailler en tout genre quand on a sa vie à gagner. Un paquet de dentelles sera moins lourd à porter chez les acheteurs que deux poulardes.

– Pour ça, c'est vrai, reprit gaîment le petit garçon; les poulardes étaient pesantes, monsieur Gertal: vous les aviez joliment choisies. Mais, dites-moi, en Auvergne, les femmes font donc de la dentelle et des broderies, comme dans mon pays de Lorraine?

– Elles font des dentelles à très bas prix et solides. Il y a soixante-dix mille ouvrières qui travaillent à cela dans l'Auvergne et dans le département voisin, la Haute-Loire, chef-lieu le Puy. Comme la vie est à bon marché dans tous ces pays, et que les populations sont sobres, économes et consciencieuses, elles fabriquent à bon compte d'excellente marchandise, et le marchand qui la revend n'a point de reproches à craindre.

– C'est un métier bien amusant d'être marchand, dit le petit Julien; on voyage comme si on avait des rentes, et on gagne l'argent aisément.

– Petit Julien, répondit M. Gertal, je m'aperçois que tu parles souvent à présent sans réflexion. En ce moment-ci, il se trouve que la vente est bonne et qu'on gagne sa vie, c'est agréable; mais tu oublies qu'il y a des mois et quelquefois des années où on ne vend pas de quoi vivre, et petit à petit on mange tout ce qu'on avait amassé. Et puis, tu crois donc que moi, qui ai vu cent fois ces pays nouveaux pour toi, je n'aimerais pas mieux, à cette heure, être au coin de mon feu, assis auprès de ma femme avec mon fils sur les genoux, au lieu d'errer sur toutes les grandes routes en songeant à ma petite famille et en m'inquiétant de tout ce qui peut lui arriver pendant mon absence?

– Oh! c'est vrai, monsieur Gertal; voilà que je deviens étourdi tout de même! Je parle comme cela, du premier coup, sans réfléchir; ce n'est pas beau, et je vais tâcher de me corriger. Je comprends bien, allez, que, pour celui qui a une famille, rien ne vaut sa maison, son pays.

LV. – La ville de Thiers et les couteliers. – Limoges et la porcelaine. – Un grand médecin né dans le Limousin, Dupuytren

Ce qu'il y a de plus heureux dans la richesse, c'est qu'elle permet de soulager la misère d'autrui

Ce fut à la petite pointe du jour qu'on quitta Clermont; aussi on arriva de bonne heure à Thiers. Cette ville toute noire, aux rues escarpées, aux maisons entassées sur le penchant d'une montagne, est très industrieuse et s'accroît tous les jours. Elle occupe vingt mille ouvriers, et c'est aujourd'hui la plus importante ville de France pour la coutellerie.

Pendant que Pierrot dînait, nos amis dînèrent eux-mêmes, puis on se diligenta pour faire les affaires rapidement, car le patron ne voulait pas coucher à Thiers.

M. Gertal emmena les enfants avec lui, et ils achetèrent un paquet d'excellente coutellerie à bon marché, pour une valeur de 35 fr.; la veille, on avait déjà employé à Clermont les 35 autres francs en achats de dentelles.

Quand on fut en route, tandis que Pierrot gravissait pas à pas le chemin montant, Julien dit à M. Gertal:

– Avez-vous vu, monsieur, les jolies assiettes ornées de dessins et de fleurs dans lesquelles on nous a servi le dessert à Thiers? Moi, j'ai regardé par derrière, et j'ai vu qu'il y avait dessus: Limoges. Je pense que cela veut dire qu'on les a faites à Limoges. Limoges n'est donc pas loin d'ici?

– Ce n'est pas très près, répondit M. Gertal. Cependant le Limousin touche à l'Auvergne. C'est un pays du même genre, un peu moins montagneux et beaucoup plus humide.

– Je vois, reprit Julien, que dans ce pays-là on fabrique beaucoup d'assiettes, puisqu'il y en a jusque par ici.

– Oh! petit Julien, il y en a par toute la France, des porcelaines et des faïences de Limoges. Non loin de cette dernière ville, à Saint-Yrieix, on a découvert une terre fine et blanche: c'est cette terre que les ouvriers pétrissent et façonnent sur des tours pour en faire de la porcelaine. Il y a à Limoges une des plus grandes manufactures de porcelaine de la France. Limoges est du reste une ville peuplée, commerçante et très industrieuse.

André était à côté de Julien.

– Eh bien, lui dit-il, puisque nous parlons de Limoges et du Limousin, où nous ne devons point passer, cherche dans ton livre: il y a sans doute des grands hommes nés dans cette province. Tu nous feras la lecture, et ce sera pour nous comme un petit voyage en imagination.

Julien s'empressa de prendre son livre et lut la vie de Dupuytren.

Vers la fin du siècle dernier naquit, de parents très pauvres, le jeune Guillaume Dupuytren. Son père s'imposa de dures privations pour le faire instruire. L'enfant profita si bien des leçons de ses maîtres, et ses progrès furent si rapides que, dès l'âge de dix-huit ans, il fut nommé à un poste important de l'École de médecine de Paris: car Guillaume voulait être médecin-chirurgien. Il le fut bientôt en effet, et ne tarda pas à devenir illustre. On le demandait partout à la fois, chez les riches comme chez les pauvres; mais lui, qui se souvenait d'avoir été pauvre, prodiguait également ses soins aux uns et aux autres. Il partageait en deux sa journée: le matin soignant les pauvres, qui ne le payaient point, le soir allant visiter les riches, qui lui donnaient leur or. Il mourut comblé de richesses et d'honneur, et il légua deux cent mille francs à l'École de médecine pour faire avancer la science à laquelle il a consacré sa vie.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
25 июня 2017
Объем:
340 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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