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Читать книгу: «Madame Putiphar, vol 1 e 2», страница 30

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Fier de sa conquête, de cette vivante accusation, le peuple en un instant forme une espèce de pavois avec quelques débris de meubles et des arbres arrachés dans le jardin du gouverneur. On y place le pauvre captif; puis, ce pavois élevé et porté sur les épaules, des vainqueurs, affublés par dérision des habits dorés du comte de Sade, armés ou chargés d’instruments inconnus et bizarres, qu’ils ont pris dans la Chambre des tortures, portant de vieux étendards ou des haillons au bout de leurs lances, se serrent à l’entour; puis, ivre de joie et d’orgueil, ce convoi grotesque et sinistre s’ébranle, se met en marche, descend de la Bastille au milieu des applaudissements et des clameurs, et va répandre au loin sur son passage l’étonnement, l’épouvante et l’enthousiasme.

– Combien y a-t-il que vous étiez prisonnier? crie-t-on de toutes parts au phantôme.

– Pourquoi fûtes-vous arrêté?

– Qui êtes-vous? Comment vous nomme-t-on?

Mais Patrick, – toujours morne et impassible, – la tête baissée et enfouie sous sa barbe et sa chevelure, garde inexorablement le silence.

XXIX

Plus le cheval qui emportoit le corps de Vengeance précipitoit sa course, plus son épouvante augmentoit, plus sa course devenoit terrible et bizarre: la tête, abandonnée à son poids, rouloit sur la croupe et la heurtoit; les jambes, molles et inertes, qui pendoient à droite et à gauche, et alloient et venoient comme des étriers vides, frappoient les flancs; et cela aiguillonnant sans relâche la pauvre bête, comme eût fait un dresseur féroce, la peur dans l’oreille, l’effroi au cœur, la sueur sous le poil, elle bondissoit, elle franchissoit comme un fossé, comme le ravin d’un torrent, de longs espaces de terrain solide; – tantôt, comme un couteau fermant ouvert dans toute sa longueur, et lancé contre une poitrine ennemie, elle glissoit au-dessus du sol, tantôt elle rasoit le sol comme une faulx. – Ce n’étoit plus de la vitesse, c’étoit de la phrénésie!

Défais-toi de cette épouvante qui t’égare, ô coursier noble et fidèle! Ces ténèbres, ne vois-tu pas que ce n’est que la nuit? la nuit, cette intermittence de la fièvre qu’on appelle le jour! Le poids qui te charge, ne vois-tu pas que c’est ton jeune maître, ton compagnon d’enfance, que la mort a réduit à l’état d’un fardeau stupide? – Hélas! de cette tête qui roule sur tes hanches, et que ta course agite comme si elle étoit coupée et suspendue à l’arçon d’une selle, il ne sortira plus cette voix aimée qui te faisoit tressaillir comme le son de la trompette! – Oh! de grâce! à quoi bon tant de hâte, coursier noble et fidèle? qui te presse? Va, tu n’atteindras que trop tôt le terme de cette course rapide!.. Tu ne portes pas, toi, comme le cheval cosaque sur lequel autrefois fut lié le beau page du roi de Pologne, un hetman à l’Ukraine! Tu n’es point une clef, toi, qui s’en va ouvrir le champ brillant d’un avenir! – Une barque qui traverse d’une côte désolée vers une côte orientale! – Ce n’est pas Mazeppa que tu portes, te dis-je, mais un cadavre! ce n’est pas le destin d’une nation, mais une destinée tranchée! Ce n’est pas vers un thrône que tu marches, mais vers une tombe! – Vers la tombe!.. insensé que je suis, mais n’est-ce donc pas là le thrône digne d’envie! Oh! va vite! va vite! noble coursier! – La couronne de pavots que pose la mort sur notre tête est la plus douce couronne, le plus doux règne c’est le sommeil du sépulchre! – Oh! va vite! va vite! – Le royaume de la mort est à coup sûr le plus doux, car pour lui nous quittons touts la vie; et qui vit jamais parmi nous un transfuge de la mort!..

L’obscurité protégeoit cette fuite, – mais nul corbeau ne vint se suspendre au-dessus du coursier et voltiger comme un phalène autour d’un flambeau; point de troupes de loups ravissants, remplissant les airs de leurs hurlements lointains, ne s’acharnèrent à sa suite; ni déserts de sable, ni solitudes désolées, ni steppes aux arbres rabougris, ne se découvrirent devant ses pas: – Seulement après quelques werstes de campagne cultivée, de champs en rapport, il atteignit bientôt, peut-être par hasard, la rive de la forêt de Saint-Germain, d’où, s’orientant comme un pilote habile, il se dirigea vers les hauteurs de Triel. Alors escaladant avec la rapidité d’un izard le penchant de la colline et gagnant le plateau, il vint enfin se poster avec un grand fracas devant la grille du ménil d’Évêquemont.

Là, le col étendu et le front renversé comme un cygne effrayé qui bat de l’aile, et claquète à la vue d’une buse qui plane au-dessus de sa couvée, les nazeaux collés aux barreaux de la grille, piaffant et passageant avec force, écorchant la terre, il se mit à hennir, ainsi qu’un voyageur de nuit appelle et frappe à la porte d’une hôtellerie. – A ce bruit les chiens de garde réveillés s’élancèrent au bout de leurs chaînes et répondirent aux hennissements par des aboiements à pleine gueule. – Ce fut un vacarme terrible, on eût dit que dans les nuées une chasse infernale passoit.

Déborah veilloit encore à cette heure. – Penchée tristement sur le balcon de sa fenêtre, elle écoutoit le silence de la nuit avec l’attention qu’on prête à une symphonie. Au plus léger mouvement des feuilles, au plus doux murmure du vent, elle tressailloit, y croyant trouver un présage du retour de son fils qui, le cruel, tardoit bien à revenir! Dans touts les bruits et les soupirs nocturnes elle l’entendoit, elle entendoit le galop de son cheval. – Après les confidences de la veille, comment la disparition de Vengeance et l’absence de ses armes n’eussent-elles pas donné les plus vives inquiétudes, n’eussent-elles pas causé les plus vives alarmes? Le billet que Vengeance avoit écrit et laissé sur la table en partant, ne pouvoit guère d’ailleurs contribuer à rassurer Déborah; car il ne contenoit que cette phrase mystérieuse: – «Soyez tranquille, ma mère, je reviendrai.» – Lorsque certaines questions isolées que lui avoit faites Vengeance, se représentoient en faisceau dans son esprit, il lui sembloit qu’elle entrevoyoit les choses, que les choses s’expliquoient: alors son anxiété devenoit extrême; elle pleuroit; quelquefois, tremblante comme un lâche sous le fer d’une hache, elle tomboit sur les genoux, et levant ses bras au ciel, d’une voix déchirante elle imploroit: – O mon Dieu! s’écrioit-elle, vous qui êtes un Dieu juste, veillez sur mon enfant! veillez sur mon fils!.. O mon Dieu! n’exigez pas de moi un trop grand sacrifice!

Aussi dès qu’elle eut entendu les pas et les hennissements du cheval, ne doutant pas que ce fût son fils adoré qui revenoit, remerciant Dieu qui le lui rendoit, et se hâtant de s’avancer à sa rencontre, tout bas elle s’étoit dit: – Il s’en revient triomphant!

Les gents du château couroient devant ses pas avec des flambeaux; car au château touts les valets avoient partagé les inquiétudes de Déborah, et avoient refusé de prendre aucun repos avant le retour de leur jeune maître; et lorsque Déborah arriva vers la grille, déjà les gardes l’avoient ouverte. – Mais alors ce fut un coup terrible! au lieu de ce fils enivré par la victoire, revenant fièrement, la tête de son ennemi suspendu au poing, – comme elle se l’étoit imaginé, – ne trouvant qu’un cadavre garrotté et couvert de sang, son cœur se renversa, et elle se précipita contre terre en poussant des sanglots affreux.

Les gardes ayant tranché promptement les liens avec leur épée, le corps de Vengeance fut transporté aussitôt dans la chambre de sa mère; – et là ce fut un spectacle plus déchirant encore que cette pauvre femme cherchant à découvrir quelque reste de chaleur sur un cadavre, arrachant les vêtements qui lui cachoient la plaie, promenant partout ses lèvres et ses larmes!..

Quand il ne lui fut plus permis d’espérer, qu’elle eut bien vu qu’il étoit sans vie, qu’elle eut mis le doigt dans le trou de sa poitrine, un froid mortel la glaçant subitement: – O mon Dieu! dit-elle, dans une horrible défaillance, ce grain de mil étoit-il donc nécessaire pour combler ta mesure!.. – Ils me l’ont tué! tu me l’as tué, ô mon Dieu! – O mon Dieu! que vous êtes cruel!

XXX

Après avoir pleuré amèrement sur le corps de son fils, Déborah le fit porter dans le cénotaphe de la pelouse. Hélas! en le voyant s’agenouiller sur ce marbre destiné à recevoir la dépouille de son père, car chaque jour Vengeance y venoit prier, qui eût dit que le pauvre enfant s’agenouilloit sur sa propre tombe? Comme elle avoit pleuré assidûment sur le corps, Déborah pleura d’abord assidûment sur le sépulchre; puis sa douleur, s’étant peu à peu creusé un lit profond et resserré, cessa de se répandre, et ne coula plus que silencieusement sous des aulnes touffus, sous des fourrés de ronces et de joncs, dans le secret et le mystère. – Mais pour être devenu plus intérieur, plus intime, le chagrin de cette femme infortunée ne perdit rien de sa réalité ni de sa violence. La perte qu’elle avoit faite n’avoit pas de mesure. Elle étoit du nombre de celles qui jamais ne s’effacent. Le temps n’y pouvoit suppléer. Le monde, cette triste cité de gents qui ne sont plus et de gents qui doivent cesser d’être, avec sa mémoire courte et sa tête éventée et bruyante, n’y avoit que faire. Qu’avoit d’ailleurs de commun le monde avec ce cloître, avec ce refuge d’une grande douleur! C’est à peine si son bourdonnement y parvenoit jusques au pied des murailles.

C’en étoit fait! la vie de la pauvre veuve étoit détruite une seconde fois, détruite sans retour. Son dernier espoir étoit brisé net. Même en image le bonheur le plus vague et le plus lointain ne pouvoit désormais s’offrir à ses regards affoiblis. De quelle main eût-elle pu alors essuyer ses larmes? De quel côté se fût-elle penchée sans trouver un abyme?.. Bien qu’elle parût encore appartenir en quelque sorte à la vie, et n’avoir pas encore achevé tout-à-fait sa carrière, bien qu’un fossoyeur ne l’eût point encore descendue dans la fosse, elle n’en habitoit pas moins sous la terre avec ses deux morts. Elle étoit morte, morte avec ceux qu’elle aimoit, avec ceux qu’elle avoit aimés, morte avec Patrick et Vengeance, avec son époux et son fils, morte et clouée dans le même cercueil!

Dans les jours qui suivirent le fatal événement, du fond de sa douleur, Déborah fit faire avec énergie les plus vives et les plus habiles recherches pour découvrir l’assassin cruel qui avoit frappé son enfant. Mais ces instances furent aussi vaines, aussi stériles que celles qu’autrefois elle avoit faites à l’égard de Patrick. Les ténèbres qui planoient sur la fin incertaine du père planèrent sur la fin tragique du fils. – Il étoit donc écrit, murmuroit tout bas Déborah dans son cœur, que ces deux âmes me seroient enlevées par un bras plus invisible que le vent qui passe et emporte la feuille! et que je n’aurois pas même la satisfaction d’avoir un ennemi palpable sur lequel je pusse déposer ma colère et ma haine!.. Comme quelques heures à peine séparoient l’instant du meurtre de Vengeance des révélations qu’il avoit arrachées à sa mère sur le passé et sur la source de leurs maux, Déborah ne put douter un seul instant (il s’étoit montré en cette dernière occasion si téméraire et si terrible) qu’il fût allé se commettre avec quelqu’un de leurs persécuteurs; et de ce nombre il n’avoit guère pu compter que M. de Villepastour ou les héritiers de Pharaon ou madame Putiphar. Villepastour surtout réunissoit sur sa tête les plus raisonnables suspicions. C’étoit avec lui que la chose étoit le moins inadmissible. Aussi fut-ce surtout autour de lui et contre lui que furent pratiquées les poursuites les plus suivies. Mais il fut impossible, quelque ténacité qu’on y voulût mettre, de ramasser une preuve un peu valable. Icolm-Kill n’en vint pas moins trouver cet homme, afin de sonder sous ses pieds le terrain, afin de confronter sa conviction avec la face malheureusement trop habile du vieux courtisan.

Quand le fidèle intendant demanda au marquis s’il n’avoit point vu un tout jeune homme, de telle et telle sorte, qui peut-être étoit venu lui chercher une folle querelle, la marquise, qui se trouvoit là, assise à son clavecin, dans le salon, tomba doucement évanouie; mais Villepastour répondit avec assurance qu’il ne savoit ce qu’on vouloit dire. Puis, se remembrant tout-à-coup le personnage, il l’éconduisit brusquement. – Vous vîntes, il y a quinze ans, monsieur, lui dit-il, je vous remets parfaitement, me réclamer un nommé Patrick chassé des mousquetaires; aujourd’hui c’est d’un enfant que vous venez me demander compte! Où voulez-vous en arriver, monsieur?.. Je ne comprends pas le métier que vous faites!

Icolm-Kill fut encore obligé cette fois de dévorer sa colère et de baisser le front. – N’ayant aucune certitude acquise de ce qu’il soupçonnoit, il n’osa point éclater. Pour condamner sur une simple apparence, il manqua de courage, il ne fut pas un juge assez terrible.

Quelquefois Déborah s’accusoit tout d’un coup de la mort prématurée de Vengeance. Dans sa douleur elle vouloit assumer sur elle cette perte. – Pourquoi, pensoit-elle, développai-je dans ce jeune esprit les qualités si dangereuses de l’audace et de l’honneur! Hélas! si j’en avois fait une brebis, il seroit encore à mes côtés, il seroit encore là sous mes caresses!.. Le sens de ma vie est maintenant à jamais effacé! C’est moi, moi insensée, qui lui ai mis le couteau à la main… moi qui l’envoyai à la boucherie!!! Oh! pourquoi, cœur foible et imbécile, cédai-je à des prières qui auroient dû seulement me remplir d’épouvante!.. – Puis, revenant aussitôt à la vérité de son caractère et à sa mâle vertu: – Non! non! s’écrioit-elle, tu as bien fait, Vengeance. La fortune a trahi ton courage: la fortune a eu tort, mais non pas toi! Va! je suis tranquille, tu as dû mourir comme un brave! Va! je suis sans regret, parce que tu es mort assez tôt pour mourir sans souillure, sans avoir trempé dans la boue de ce monde! Ta mort m’a perdue; ta mort m’emporte la vie! Je succomberai sous ma peine, mais ma peine est glorieuse, n’importe!.. Il ne sera pas dit du moins que de mon flanc est sortie une race de lâches.

XXXI

Dans la double solitude de sa retraite et de son cœur, non moins clos et non moins désert l’un que l’autre, Déborah demeura inébranlablement confinée depuis le meurtre de Vengeance. Elle attendoit impatiemment la fin de son supplice. Elle étoit dans l’état cruel d’une âme qui voudroit en avoir fini avec la terre, et qu’une juste crainte de Dieu empêche de se porter à un attentat. Ses habitudes mélancoliques, le chagrin, le désespoir, avoient répandu sur sa personne le même ravage que dans son esprit. Ce n’est pas qu’elle eût enlaidi; mais elle avoit perdu cette beauté absolue qui l’avoit fait autrefois distinguer d’entre toutes et de touts. Ce n’étoit plus la fière amazone! ce n’étoit plus une Penthésilée! – Pâle, lente et pensive, inclinée, elle avoit la joue creuse et l’air tout-à-fait abattu. Sa voix, devenue sourde et confuse, sembloit sortir d’entre les pierres d’une voûte. Comme une malade ou un phantôme, elle n’avoit plus que l’éclat blafard d’une statue de marbre ou d’un vase d’agathe.

Pour Icolm-Kill, conservant encore quelques restes de ses goûts séditieux qui l’avoient autrefois entraîné dans tant d’aventures et de malheurs, il ne vivoit pas, lui, dans un recueillement aussi austère que Déborah. De loin en loin il s’occupoit du monde et de ses contentions. A la querelle des Parlements il avoit pris un plaisir assez vif; cependant il faut penser toutefois qu’il n’étoit pas entré fort avant dans le mouvement public de l’époque, et n’y apportoit pas une grande sollicitude; car il y avoit bien près d’un mois que la Bastille étoit tombée entre les mains du peuple qu’on l’ignoroit encore au ménil d’Évêquemont.

Enfin, un matin cependant, d’un air de satisfaction étrange et sauvage, Icolm-Kill vint trouver brusquement Déborah, qui prioit au pied du sépulchre de la pelouse, et là, agitant une Gazette qu’il tenoit à la main: – O madame, s’écria-t-il, tandis que nous vivons ici dans un calme si grand, la France se débat dans le plus grand trouble! Nous sommes, à ce qu’il paroîtroit, sur le seuil d’une révolution qui promet d’être horrible et sanglante! Un affreux désordre règne à cette heure dans Paris. Le peuple, insurgé au nom de la vengeance, y promène la mort. – Tenez! voyez! Voici quelque chose qui, je crois, nous regarde! – «Dans la précipitation de notre rédaction, lisoit-il, nous avons omis, au milieu de tant de faits glorieux qui ont signalé chaque instant de cette immortelle semaine, qui d’âge en âge fera jusques au dernier jour du monde l’étonnement et l’admiration de nos neveux, quelques épisodes trop importants pour que nous puissions les passer plus long-temps sous silence. – Dans la journée, dans la grande et mémorable journée du 14, entre autres, comme il sortoit de Paris, dans une espèce de carrosse de voyage, travesti en laquais, ayant à ses côtés sa femme, travestie en ravaudeuse, portant la figure pâle et blême du lâche qui a peur, un contempteur du peuple, un vil aristocrate, M. le marquis de Gave de Villepastour, ci-devant capitaine-colonel des mousquetaires du feu Roi, et si connu pour son insolence envers la classe la plus honorable des citoyens, ce qu’il appeloit la canaille, fut arrêté, et, comme il étoit porteur de papiers qui sembloient le compromettre, amené par quelques braves et quelques soldats de la patrie à l’Hôtel-de-Ville. Là, au moment où il débouchoit du quai sur la grève, la foule, guidée par cette intelligence qui jamais ne lui défaillit, se précipita sur le carrosse de ce privilégié du despotisme, le renversa et le brûla sur la place. Quant à M. le marquis, comme on le pense bien, son compte fut court et bon; en un clin d’œil il fut arraché de sa chaise, pendu à cette potence de lanterne devenue depuis si célèbre, dépendu et livré enfin à la fureur de ces hommes de courage (qu’on s’efforce en vain de flétrir du nom de Cannibales), qui l’éventrèrent, lui tirèrent le cœur de la poitrine, lui tranchèrent la tête et la portèrent au bout d’une pique, afin que ce grand exemple allât répandre de toutes parts un effroi salutaire dans le cœur endurci de nos tyrans et des traîtres!..

– O mon Dieu! s’écria là-dessus Déborah, se cachant le visage dans les mains, et frissonnant d’étonnement et d’horreur, – ô mon Dieu! que la justice du peuple est terrible!!!

XXXII

Mais voici une chose qui nous touche plus vivement encore, madame, et que je ne sais comment vous dire! J’ai peur de faire éclater dans votre cœur tout à la fois des sentiments trop violents et trop divers…

Dans la même journée qui vit périr si cruellement M. le marquis de Gave de Villepastour, on trouva, le fait est positif, à ce qu’il paroîtroit au fond d’un cachot, dans la Bastille, après que les insurgés s’en furent emparés et eurent passé par les armes les traîtres qui y tenoient garnison, un prisonnier, horrible chose! couvert d’une longue chevelure et d’une longue barbe, avec des ongles comme un lion, et réduit par la souffrance à l’état d’un squelette. – Le peuple dans l’ivresse de son triomphe, a promené pendant plusieurs jours cet infortuné par toute la ville; l’a montré dans touts les lieux publics comme l’irrécusable victime d’un ordre de choses qui doit à jamais cesser d’être!.. Eh bien! cet homme, madame!.. oh! je n’ose vous le dire!.. eh bien! ce doit être quelqu’un qui vous est cher et que vous croyez descendu dans la tombe, un homme, madame, que nous avons bien cherché, mais en vain; la tyrannie a des gouffres si sombres! – Comprenez-vous, hélas! madame, qui ce peut-être que cet infortuné?.. Oh! aidez-moi, je ne puis seul vous enfoncer en même temps un tel poignard et une telle joie dans le cœur!

Mais Déborah, sous le coup d’une émotion trop forte, demeuroit là regardant fixement, et sans pouvoir trouver une parole.

– Eh bien, madame, cet homme, cet infortuné, c’est lui! c’est votre malheureux époux! nous n’en pouvons douter!..

– Patrick!.. reprit Déborah, tombée tout-à-fait dans la surprise la plus tragique.

– Oui! madame, Patrick!.. Tenez! voyez! – Cet homme déclare se nommer Whyte, ou Fitz-Whyte, ou quelquefois Phadruig. On ignore absolument qui il est, et depuis combien de temps il étoit détenu dans cet abyme. Il a été impossible de rien apprendre de lui-même. Seulement, comme il parle fort bien l’anglois et une autre langue inconnue, tout porte, dit-on, à croire qu’il doit être né en Irlande.

Déborah n’y tenoit plus! Dans le trouble qui la tuoit, se jetant à genoux, les bras étendus vers le ciel, à travers des sanglots et des rires de joie: – Merci, ô mon Dieu! s’écria-t-elle, merci, toi qui veux bien enfin me le rendre!!! – Patrick! Patrick, ô mon Patrick!!! Qui eût dit que je dusse te revoir!..

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
05 июля 2017
Объем:
501 стр. 3 иллюстрации
Правообладатель:
Public Domain

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