Читайте только на ЛитРес

Книгу нельзя скачать файлом, но можно читать в нашем приложении или онлайн на сайте.

Читать книгу: «Robert Burns», страница 8

Шрифт:
 
Chante, également, Muse, comment les gars en robe bleue,
Comme des épouvantails détachés des arbres,
Viennent ici quitter leurs habits en haillons,
Et recevoir leur paie.
Où est le magistrat qui est plus fier qu'eux
Le jour de naissance du Roi?204
 

La garde civique s'est mise en grand uniforme; les pétards partent, sifflant de tous côtés, brûlant de temps en temps une perruque; la populace fait de grosses farces. Ou bien ce sont les amusements et les plaisirs des Jours fous205, c'est-à-dire des quelques jours qui avoisinent le jour de l'an; l'Ouverture et la Clôture de la Session206; l'Élection du Magistrat207. Dans Auld Reekie, il chante la vie d'Édimbourg, depuis le moment où les servantes se frottant les yeux commencent de bonne heure leurs mensonges et leur clabaudage, jusqu'à celui où, le soir, on trouve, dans les flaques et les ruisseaux, «les macaroni» c'est-à-dire les élégants, ivres-morts, souillés et empuantis par l'heure dangereuse de la ville. Les deux plus jolis morceaux de Fergusson sont, dans ce genre, Les Courses de Leith et surtout La Foire de la Toussaint.

Celle-ci commence par une description du matin:

 
À la Toussaint, quand les nuits se font longues,
Et que les étoiles luisent bien claires,
Quand les gens, pour repousser le froid piquant,
Portent leurs habits d'hiver;
Près d'Édimbourg se tient une foire;
Je crois qu'il n'y en a guère dont le nom soit,
Pour les filles bien droites et les gars solides,
Pour les verres et les pintes, plus fameuse
Que celle de ce jour-là.
 
 
Sur le haut des cheminées
Le soleil a commencé à luire,
Et a dit aux filles, en beaux habits, d'aller
Chercher un beau bon-ami,
À la foire de la Toussaint, où les fins brasseurs
Vendent de la bonne ale sur des tréteaux,
Et ne vous refusent pas un morceau
De fromage de leur cuisine,
Très salé ce jour-là208.
 

Sur le champ de foire, les colporteurs étalent et prônent leurs marchandises; il y a des rétameurs, des chaudronniers, des maquignons, des diseuses de bonne aventure, un marchand de bas d'Aberdeen. Là-bas est l'inévitable sergent de recrutement qui apparaît dans toutes les foules de ce temps.

 
Un roulement de tambours alarme nos oreilles;
Le sergent piaille à haute voix:
«Vous tous, gentlemen et volontaires,
Qui souhaitez le bien de votre pays,
Venez ici, et je vous donnerai
Deux guinées plus une couronne,
Un bol de punch où, comme sur la mer,
Flotterait un long dragon,
Aisément ce jour-ci209
 

Plus loin, les chevaux piaffent et hennissent. Sous les tentes, les vieillards vident des verres. Il y a un tel tapage de cris, de bavardages de femmes et d'enfants, un tel boucan, qu'on se croirait revenu à la Tour de Babel. Le soleil se couche, et on rentre en ville s'entasser dans les tavernes. Mais il ne fait pas bon y trop rire. Les vieux butors de la garde civique sont là, qui brutalisent et molestent les bons ivrognes. Et il ne faut pas faire d'observations. Jock Bell s'en aperçoit. Il reçoit un coup de hache de Lochaber, et il a la mauvaise idée de protester.

 
«Aïe! (dit-il) j'aimerais mieux être
Piqué par une épée ou une bayonnette,
Que mon corps ou mon crâne reçoivent
Une entaille d'une si terrible arme».
Là-dessus, il reçut un autre coup
Plus lourd que le premier,
Qui secoua son maigre corps,
Et lui fit cracher le sang,
Tout rouge, ce jour-là.
 
 
Il gisait sur la chaussée, reprenant son souffle,
Tout meurtri de coups de pied et de poing;
Le sergent lâcha un juron des Hautes-Terres:
«Mettez l' main sur chet hôme»
Et le brave caporal s'écria:
«Abortez c't imb'cile d'ifrogne».
Ils le traînèrent au poste, et, sur mon âme,
Il eut à payer l'amende d'ivresse,
Pour ça le jour suivant.
 
 
Braves gens! en revenant de la foire,
Écartez-vous de cette bande noire;
Il n'y a pas ailleurs de pareils sauvages
Qui aient le droit de porter une cocarde.
Plus que de la mâchoire puissante du lion affamé,
Ou de la défense de l'ours Russe,
De leur patte cruelle et brutale,
Vous avez raison de redouter
Votre mort ce jour-là210.
 

Fergusson n'aimait pas le bataillon des vieux gaëls. Il avait sans doute eu maille à partir avec eux.

Les Courses de Leith sont un poème du même genre, avec cette différence que, au début, Fergusson introduit une figure imaginaire et abstraite, la Gaîté, qu'il rencontre et avec laquelle il fait route. C'est une idée assez malheureusement ingénieuse, qui n'ajoute rien à la pièce et a le défaut d'introduire dans un tableau réaliste une allégorie fade dans le goût du XVIIIe siècle211. Burns a repris cet artifice au commencement de sa Sainte-Foire, en y mettant plus de vie et en l'adaptant mieux à l'ensemble du morceau.

Toutes ces pièces sont dans la veine ancienne. La Sainte-Foire et Les Courses de Leith sont écrites dans la vieille strophe de neuf vers. Les Jours fous, Le Jour de naissance du Roi sont écrits dans la strophe plus courte de cinq vers. Fergusson, on l'a vu plus haut, s'est rattaché au filon des élégies comiques par son Élégie sur la mort de M. David Gregory, professeur de mathématiques, et par celle Sur John Hogg, ex-portier de l'Université de Saint-Andrews.

Un dernier poème de Fergusson, Le Foyer du Fermier, tient, pour la forme et le ton, une place à part dans son œuvre. Au lieu d'être écrit en vers courts et en strophes légères, il est écrit en vers héroïques de cinq pieds, le vers de Spenser et de Milton, et en strophes de neuf vers, qui se rapprochent de la strophe spenserienne. Celle de Fergusson est seulement moins savante et moins solide. La strophe de Spenser forme réellement un tout, grâce aux rimes du milieu qui entrent dans le premier et le troisième tercets et les accrochent ensemble; on a en effet des rimes disposées ainsi: a b a b b c b c c. Dans la strophe de Fergusson, au lieu de trois rimes, on en a quatre, qui se suivent de la sorte: a b a b c d c d d; en sorte que la strophe se casse, en réalité, après le second b, et que les deux parties ne tiennent ensemble que par juxtaposition typographique et non par interpénétration de sonorités. Voici du reste, un exemple de chacune des deux. Le premier est tiré de l'ouverture du chant XII du livre VI de La Reine des Fées.

 
Comme un vaisseau qui va sur les flots incertains,
Se dirigeant devers une certaine côte,
S'il rencontre des vents et des courants soudains,
Sa marche est traversée, et lui-même tressaute
Surpris et ballotté sur mainte houle haute;
Mais s'arrêtant souvent, virant souvent de bord,
Il poursuit son chemin, il arrive sans faute:
Ainsi va-t-il de moi dans ce si long effort,
Je m'arrête souvent, mais je gagne le port212.
 

Voici, en regard de celle-là, la strophe du Foyer du Fermier:

 
Quand le gris crépuscule avance dans les cieux,
Quand Batie reconduit ses bœufs à leur étable,
Que John ferme la grange, après un jour peineux,
Que les filles nettoient le blé près de la table,
Ce qui tient au dehors les froids soirs engourdis,
Ce qui rend vain l'Hiver sous sa blanche poussière,
Ce qui rend les mortels confiants et hardis,
Oublieux de la plaine où s'étend la misère,
Célèbre-le, ma Muse, en langue familière213.
 

C'est cependant une strophe d'allure noble et grave. Le ton aussi a perdu toute ironie, et, si la peinture reste humble et réelle, elle est sérieuse. Elle a pour épigraphe deux vers des Georgiques de Virgile. Dans la lignée écossaise, cette pièce, bien qu'elle soit purement descriptive, relèverait plutôt du Noble Berger, par le mélange d'embellissement et de vérité. Mais l'embellissement ici ne porte que sur le côté moral. Elle est écrite en pur dialecte écossais. À cause de l'influence qu'il a eu sur Burns, il est utile de voir d'un peu plus près ce morceau. C'est le tableau d'une soirée, autour de la cheminée d'une petite ferme, et un tableau charmant de justesse et de naturel. Après avoir, dans la strophe citée plus haut, mis la tristesse du dehors comme un cadre sombre à ce coin chaud et heureux, le poète montre les apprêts du repas du soir:

 
De la grosse meule, bien éventée sur la colline,
Que des plaques de gazon abritent de la pluie et de la neige,
De grosses mottes, des tourbes, du turf de bruyères emplissent la cheminée,
Et envoient leur fumée épaissie saluer le ciel.
Le fermier, qui vient de rentrer, est heureux de voir,
Quand il jette un regard par dessus le bas mur,
Que tout est arrangé à son idée,
Que sa chaumière a l'air net et propre,
Car il aime une maison propre, si humble soit-elle.
 
 
La fermière sait bien que la charrue exige
Un repas cordial et un coup rafraîchissant
De bonne ale, auprès d'un feu flambant;
Dur travail et pauvreté ne vont pas bien ensemble.
Des bannocks bien beurrés fument dans la poêle,
Dans un coin obscur le baril de bière écume,
Le kail est tout prêt dans un coin de la cheminée,
Et réchauffe le plafond d'une vapeur bienvenue,
Qui semble plus délicieuse que la plus exquise cuisine…
 
 
C'est avec cette nourriture, que maint rude exploit
A été accompli par les ancêtres calédoniens;
Avec elle que maint gars a saigné en combattant
Dans des rencontres, de l'aurore au coucher du soleil;
C'est elle qui tendait leurs bras rudes et robustes,
Qui pliait les redoutables arcs d'if au temps jadis,
Qui étendait sur le sol les hardis fils du Danemarck;
Par elle, les chardons écossais repoussèrent les lauriers romains,
Car ils n'osèrent pas dresser leur tête près de nos côtes214.
 

Le souper terminé, la causerie se met en train. À côté des préoccupations communes à tous les fermiers, on y retrouve les traces de bien des choses que nous avons vues dans la vie de Burns. La peinture de ce foyer pourrait presque servir à reconstituer celui où notre poète a été élevé. On y trouve corroborés maints détails de sa vie ou de ses souvenirs, l'escabeau du repentir, les contes merveilleux de la vieille commère, la superstition religieuse, l'intervention des esprits diaboliques.

 
Le bavardage amical commence quand le souper est fini;
Le gobelet qui réjouit les fait parler aisément
Des rayons et des averses d'été, des duretés de l'hiver,
Dont le déluge a gâché autrefois le produit de la ferme.
À propos de l'église, du marché, leurs histoires continuent:
Comment, ici, Jock a courtisé Jenny, comme sa promise,
Et, comment, là, Marion, à cause de son bâtard,
A été forcée de monter sur l'escabeau de pénitence,
Et de subir la dure réprimande de notre Révérend John.
 
 
Il n'y a plus un murmure parmi la marmaille,
Car leur mauvaiseté est partie avec leur faim.
Il faut bien que les enfants dont la bouche crie famine
Grognent et pleurent et fassent du tapage.
Les voici en cercle autour de la flamme du foyer;
Là, grand'mère leur raconte des histoires du vieux temps,
De sorciers dansant autour d'un fantôme,
De fantômes qui habitent dans les glens et les cimetières redoutables;
Cela leur brouille toute la tête et les fait frissonner de peur.
 
 
Car elle sait bien que les démons et les fées
Sont envoyés par les démons pour nous attirer à notre perte;
Que des vaches ont perdu leur lait par le mauvais œil,
Et que le blé a été brûlé sur le four allumé.
Ne vous moquez pas, mes amis, ayez plutôt pitié,
Vous qui êtes au gai printemps de la vie, où la raison est claire;
Avec la vieillesse nos vaines imaginations reviennent,
Et obscurcissent nos jours décrépits de terreurs enfantines;
L'esprit revient au berceau quand la tombe est proche215.
 

Vers la fin de la soirée, le fermier va s'asseoir sur le long banc de bois qui, dans les vieilles fermes, était collé au mur. Le chat et le chien viennent près de lui; il leur jette quelques miettes de fromage. Les gars arrivent lui demander les ordres pour le travail du lendemain. Enfin toute la maison, maîtres et serviteurs, s'en vont dormir jusqu'à ce qu'ils soient réveillés par «l'éclat rouge de l'aurore».

 
Paix au laboureur et à sa race,
Dont le travail vainc nos besoins d'année en année!
Puissent longtemps son soc et son coutre retourner la terre,
Et les rangs de blé se pencher sous de lourds épis!
Puissent les étés de l'Écosse être toujours gais et verts,
Et ses jaunes récoltes être protégées des maigres rafales!
Puissent tous ses tenanciers s'asseoir à l'abri, dans le bien-être,
Délivrés de la dure serre de la maladie et de la pauvreté!
Puissent, en un long et durable cortège, les heures paisibles se succéder!216
 

C'est assurément la plus belle promesse de Fergusson. Outre ses qualités d'observation, de simplicité et d'élévation, cette pièce témoigne d'un précieux instinct pour trouver dans la vie des sujets de poésie. C'est un grand don d'être capable de découvrir des thèmes nouveaux, ou tout au moins de rajeunir des thèmes éternels. Fergusson l'avait dans les limites où le sort l'avait confiné. «Le poète, dit quelqu'un qui a excellemment écrit sur lui, a ici rencontré un vrai thème de poésie. C'est de beaucoup le plus heureux de ses efforts, et si son goût l'avait toujours conduit à choisir de pareils sujets, il aurait pu disputer à Burns, la première place dans la renommée écossaise. En dehors de toutes considérations relatives, c'est un noble poème, une peinture reposante et fidèle des mœurs simples et vertueuses d'une intéressante classe de la société. Il montre combien Fergusson avait reçu de la nature les qualités pour accomplir l'œuvre nationale si admirablement exécutée par son grand successeur. Il respire la véritable inspiration de la poésie et du patriotisme»217. Il y avait autre chose entre Fergusson et Burns, qu'un choix de sujets. Mais cet éloge n'en est pas moins juste; ce n'est pas un petit honneur, pour un jeune homme de vingt-trois ans, d'avoir laissé un morceau où vit une parcelle de l'âme de son pays, et qui a pris son rang parmi ces tableaux qu'une race conserve, parce qu'elle est fière de s'y reconnaître.

Fergusson a exercé une assez grande influence sur Burns, pour des raisons diverses et qui n'étaient pas toutes littéraires. Burns eut toujours pour lui une sympathie particulière. Dans sa jeunesse, il voyait, dans cette vie malheureuse, une destinée qui n'était pas sans ressemblance avec la sienne. Il put penser plus d'une fois que sa fin, sauf la folie, ne serait pas très différente. Il n'était pas jusqu'au prénom commun qui ne lui semblât les marquer tous deux comme de la même famille; nos esprits ont de ces superstitions. C'est sincèrement qu'il l'appelait son frère.

 
Ô toi mon frère aîné en infortune,
Et de beaucoup mon frère aîné en poésie218.
 

Il avait, en outre, envers lui une sorte de reconnaissance. On se souvient que lorsqu'il était revenu d'Irvine, découragé, ayant renoncé à la poésie, c'étaient les poèmes écossais de Fergusson qui l'avaient ranimé. Il avait «tendu de nouveau les cordes de sa lyre rustique aux sons sauvages, avec la vigueur de l'émulation»219. Fergusson lui avait rendu ce service que d'humbles artistes rendent parfois à un plus grand maître: ils lui donnent confiance et l'aident à oser, parce que la distance n'est pas très grande entre ce qu'ils ont fait et ce qu'il croit pouvoir. D'ailleurs il convenait aux générosités et aux rancunes de son caractère de prendre parti pour un génie méconnu, contre les riches qui l'avaient laissé périr misérable.

 
Maudit soit l'homme ingrat qui peut prendre du plaisir
Et laisser mourir de faim l'auteur de ce plaisir220.
 

Et ailleurs il disait encore:

 
Ô Fergusson, tes beaux talents
Allaient mal avec le savoir sec et moisi de la Loi!
Ma malédiction sur vos cœurs de pierre,
Vous bourgeois d'Édimbourg;
La dixième partie de ce que vous gaspillez aux cartes
Aurait garni son garde-manger221.
 

Cette prédilection pour Fergusson s'est manifestée en maintes circonstances. On n'a pas oublié l'hommage touchant qu'il lui rendit et la tombe du cimetière de Greyfriars. Ce nom revient à plusieurs reprises dans sa correspondance, et dans ses vers chaque fois qu'il a à parler de poésie écossaise. Il semble le préférer à Ramsay:

 
Ramsay et le fameux Fergusson222.
 

Et ailleurs:

 
Ô si j'avais une étincelle de la gaîté d'Allan,
Ou de Fergusson le hardi et le malin223.
 

Et dans la strophe citée plus haut sur Allan Ramsay et sur Gilbertfield, c'est encore à Fergusson qu'il réserve le vers le plus éclatant. C'est une préférence qui nous semble exagérée. Fergusson est inférieur à Ramsay; disons, pour être juste et tenir compte de sa mort précoce, que son œuvre est inférieure à celle de Ramsay.

Quoi qu'il en soit, l'influence de Fergusson sur Burns est très sensible. De tous les poètes écossais, c'est lui que Burns a le plus imité. Les Doléances Mutuelles du Trottoir et de la Chaussée lui ont fourni l'idée de la conversation des Deux ponts d'Ayr; Les Courses de Leith, le commencement de la Sainte-Foire; L'Eau fraîche lui a inspiré, par opposition, son Breuvage Écossais, c'est-à-dire l'éloge du whiskey; et surtout Le Foyer du Fermier a été, sans conteste, l'inspirateur de sa belle pièce sur Le Samedi soir du Villageois. Mais il faut ramener cette imitation à ses vraies limites. L'influence de Fergusson sur Burns a été tout extérieure, celui-ci n'a pas imité la manière de Fergusson, il lui a emprunté des sujets, moins encore, des idées de sujets. Maniés par les mains vigoureuses de Burns, les mêmes motifs, minces et délicats chez Fergusson, deviennent riches, s'animent, se chargent de vie, et prennent aussitôt, au lieu d'être des sujets locaux, un intérêt général de sujets humains. La distance qui sépare le plus haut effort de Fergusson, de ce qui n'est pas le chef-d'œuvre de Burns, c'est-à-dire Le Foyer du Fermier, du Samedi soir, est, on le verra, incommensurable. Les deux pièces n'appartiennent pas aux mêmes régions. Celle de Fergusson est de petite description exacte. Elle n'a ni la grande poésie, ni le noble enthousiasme, ni la portée sociale de celle de Burns. Elle n'a en rien cette plénitude de vie, cette large sonorité de vase puissant, qui résonne quand on touche du doigt l'œuvre de Burns. C'est l'effort d'un enfant heureusement doué et délicat, à côté de celui d'un homme exceptionnel. Il n'y avait d'ailleurs aucun rapport de nature entre le pauvre écrivain d'Édimbourg et le vigoureux paysan d'Ayrshire. Celui-ci se rapproche bien plus des ancêtres; il en a la sève et le mouvement, mais il a de plus une passion et une force intellectuelle dont les vieux ne se doutaient pas.

Tels sont l'origine et le développement de ce genre indigène auquel se rattache, on peut dire, la moitié la plus significative et la plus probante de la production de Burns: ses petits poèmes des mœurs populaires, presque toutes ses Épîtres, ses Élégies comiques. Dans quelques morceaux, il a employé l'ancienne strophe de neuf vers, telle qu'elle lui a été transmise modifiée par Fergusson. Presque partout ailleurs, il s'est servi de la petite strophe de cinq vers, la strophe de Robert Semple, qu'il manie avec une étonnante dextérité, et à laquelle il donne toutes les allures, de l'espièglerie à la plus haute gravité. Tam de Shanter et les Joyeux Mendiants, quoiqu'ils aient une forme différente, relèvent aussi de la même inspiration. Toute cette partie de son œuvre sort de ce vieux rameau de poésie écossaise; elle en est la fleur ou, pour employer un mot de botanique qui en indique mieux les proportions par rapport à la tige qui la porte, le riche et touffu corymbe terminal.

IV

On voit donc que l'œuvre de Burns est une continuation et comme le prolongement de la poésie populaire de l'Écosse. On voit aussi le choix qu'il a fait dans les modèles qu'elle lui présentait. Il a négligé les ballades, en dépit de l'engoûment que son époque avait pour elles, parce qu'elles sont l'expression d'une vie toute différente de celle qu'il connaissait. Au contraire, il s'est emparé des chansons et des petits poèmes populaires, parce qu'ils s'accordaient avec sa façon de percevoir le monde. Dans chacun de ces deux domaines de poésie, il a pris de beaucoup la première place. Par cette double maîtrise, il est unique parmi les poètes écossais. Les auteurs de chansons n'ont guère produit autre chose. Allan Ramsay et Fergusson, remarquables par leurs poèmes, sont très secondaires par leurs chansons, surtout Fergusson. Burns seul a cueilli les deux lauriers.

Il serait facile de découvrir dans Burns des traces d'autres influences: des souvenirs de Shakspeare, des réminiscences de Thomson, de Shenstone, de Beattie, de Gray, de Grahame, de Young, d'Ossian, d'autres encore. Ce sont des parcelles accidentelles qu'il faut chercher à la loupe, et presque toujours dans ses pièces à prétentions littéraires. Elles n'ont aucune importance, ne font pas partie de son génie. C'est une poussière de lecture tombée çà et là sur quelques-uns de ses vers. Les noter est un amusement de curieux méticuleux. Des écrivains des Notes and Queries ont relevé des ressemblances entre des passages de Burns et de Gower, de Burns et d'Horace, de Burns et de Properce. Il y a quelque intérêt à examiner les traces de terre restées attachées aux souliers d'un voyageur; cela peut indiquer par où il a passé. Mais s'il a marché les yeux fixés sur des pics lointains ou sur les étoiles plus lointaines, cela ne nous aide guère à connaître ce qu'il a vu et ce qu'il a ressenti. On sait de plus que Burns avait reçu ses premières impressions littéraires de la lecture d'Addison et de Pope. Il se peut qu'il y ait eu dans ces fréquentations une influence impalpable, cette sorte de manière d'être qui se dégage d'un auteur et peut gagner ceux qui ont avec lui un commerce familier. C'est là une influence plus générale, plus profonde et plus subtile, qui souvent ne se trahit par aucune imitation extérieure; cela ressemble à l'autorité d'un caractère. Ce sont là des choses insaisissables, inaccessibles, qui appartiennent au mystère de la formation des esprits.

Il est entendu que ce tableau des formes littéraires que Burns a reçues de ses prédécesseurs n'entend, en aucune façon et à aucun degré, être une explication de son œuvre. C'est simplement l'exposé des moules littéraires qu'il avait à sa disposition, et comme le dessin des vaisseaux qu'il trouva sous la main. Il y a versé son vin à lui, qui est à proprement parler son génie; pas plus que le vase n'explique l'arôme du vin, la forme littéraire n'explique l'âme qu'elle contient. Prendre des transmissions et des emprunts de pures enveloppes pour des influences ou des causes morales est une erreur trop fréquente pour qu'il ne soit pas inutile de s'en défendre. Il ne faut, en effet, pas oublier que, de toutes les influences qui contribuent à former un génie littéraire, les influences littéraires sont peut-être les moindres ou les moins profondes. Elles fournissent, ou des modèles techniques, ou, à leur accorder toute leur importance, des aliments intellectuels, et en même temps des points de départ et des buts d'ambition. Elles sont ce qu'un musée de tableaux peut être pour une jeune intelligence en qui remuent des aspirations vers la peinture, une collection de procédés, d'exemples et de motifs. Elles peuvent même déterminer le mode dans lequel s'exerceront ou commenceront à s'exercer les efforts. Mais ce ne sont pas elles qui donneront ni la violence, ni la vivacité de sentiment, qui sont le fond et l'essence du génie, ni même les sensations dans lesquelles ces dons s'exercent et se fortifient. Le spectacle de la vie, ses propres passions ont plus fourni à Burns que les lectures, et aussi les mille aspects de la nature mourante ou renouvelée. Parmi ses maîtres, il en est qui lui ont enseigné plus que tous les autres et pour lesquels il a proclamé sa reconnaissance.

 
Le poète simple et rude, attaché à sa charrue rustique,
Chaque branche lui enseigne son métier mélodieux:
Le linot chanteur et la grive moelleuse,
Qui, dans leur buisson d'épine verte, doucement, saluent le soleil couchant;
L'alouette montante, le rouge-gorge aigu qui aime à être perché,
Ou les plouviers gris, au cri profond, qui sifflent sauvagement en passant au-dessus de la colline224.
 
204.The King's Birth-Day in Edinburgh.
205.The Daft Days.
206.The Sitting of the Session; the Rising of the Session.
207.The Election.
208.Hallowfair.
209.Hallowfair.
210.Hallowfair.
211.Voir les cinq premières strophes des Leith Races.
212
Like as a ship, that through the Ocean wydeDirects her course unto one certaine cost,Is met of many a counter winde and tyde,With which her winged speed is let and crost,And she her selfe in stormie surges tost;Yet, making many a borde and many a bay,Still winneth way, ne hath her compasse lost:Right so it fares with me in this long way,Whose course is often stayed, yet never is astray. The Faerie Queene, Book VI, Canto XXI, Stanza I.

[Закрыть]
213
When gloamin' grey out-owre the welkin keeks;When Batie ca's his owsen to the byre;When Thrasher John, sair dung, his barn-door steeks,An' lusty lasses at the dightin tire:What bangs fu' leal the e'enin's coming cauld,An' gars snaw-tappit Winter freeze in vain,Gars dowie mortals look baith blithe an' bauld,Nor fley'd wi' a' the poortith o' the plain;Begin, my Muse! and chaunt in hamely strain. The Farmer's Ingle, Stanza I.

[Закрыть]
214.The Farmer's Ingle.
215.The Farmer's Ingle.
216.The Farmer's Ingle.
217.Gray. Remarks on the Writings of Fergusson, p. xxii.
218.Lines written under the portrait of Fergusson.
219.Autobiographical Letter to Dr Moore.
220.Lines written under the portrait of Fergusson.
221.Epistle to William Simpson.
222.Epistle to William Simpson.
223.Epistle to John Lapraik.
224.The Brigs of Ayr.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 сентября 2017
Объем:
720 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

С этой книгой читают