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CHAPITRE V

Les Loix Civiles deffendent le mariage des Eunuques

COmme le mariage d'un Eunuque ne peut pas subsister, il a été de la prudence des Législateurs de ne point permettre qu'il fût contracté. L'honnêteté publique, ni la Justice, ne veulent pas qu'on laisse faire des choses qu'elles ne peuvent pas laisser subsister;214Dirimunt matrimonium contractum, impendiunt matrimonium contrahendum C'est une maxime que les Canonistes qui ont écrit sur le chapitre unique de Sponsalibus & Matrimoniis ont solidement établie.215Elle est conforme à la disposition du Droit Civil, il deffend de faire les fiançailles avec les personnes entre lesquelles il empêche de contracter mariage. Quamvis, dit-il, verbis orationis cautum sit, ne uxorem tutor pupillam suam ducat, tamen intelligendum est ne desponderi quidem posse; Nam cum quâ nuptiæ contrahi non possunt, hæc plerùmque ne quidem desponderi potest. Nam quæ duci potest, jure despondetur; l'argument est à peu près pareil, a Nuptiis permissis ad sponsalia permissa; ab iisdem prohibitis ad eadem sponsalia interdicta; à matrimonio valido ad matrimonium contrahendum; & ab eodem invalido ad idem interdicendum. Puis que le Contract de mariage & les solemnitez qui se font ensuite, ne sont & ne marquent autre chose qu'une promesse qui est faite entre deux personnes, de se rendre les devoirs de mari & de femme, il est manifeste que ceux qui ne peuvent pas se les rendre ne doivent pas se marier, & que les mêmes raisons qui dissoudroient le mariage s'il étoit contracté, doivent empêcher qu'on ne le laisse contracter en effet; L'Empereur Leon qui a décidé nettement le cas216, est allé bien plus loin; car non seulement il a deffendu aux Eunuques de se marier, mais même il a prononcé & donné une peine contre ceux qui se marieroient, & contre celui qui les épouseroit; c'est dans la Constitution 98. qui a pour tître, de pœna Eunuchorum si uxores ducant; Le motif de cette ordonnance est très beau, c'est, dit-elle, que ce mariage n'étant rien de réel, on ne peut sérieusement l'accompagner des Cérémonies Sacrées qui font une partie de l'essence du mariage. Elle mérite d'être lûë toute entiére, & je la rapporterois sans en rien obmettre, si elle n'étoit un peu trop longue par rapport à la bréveté de cet Ouvrage; mais voici à quoi elle aboutit, propterea sancimus, dit-elle, ut si quis Eunuchorum ad matrimonium procedere comperiatur, & ipse stupri pœnæ obnoxius sit, & qui sacerdos istiusmodi conjonctionem profanato sacrificio perficere ausus fuerit Sacerdotali dignitate denudetur.217L'Histoire dit qu'Auguste mit ordre à la confusion avec laquelle on avoit accoûtumé de voir les Jeux, il assigna à chacun la place qui lui étoit dûë, les hommes mariez entr'autres, ceux même de basse condition y avoient la leur.218Mais Martial nous apprend que les Eunuques n'osoient pas s'asseoir sur leurs bancs, ni se mêler parmi eux. Voici comme il parle à Dydime, qui d'un ton superbe parloit des Edits de Domitien concernant les Théatres, & de l'espérance qu'il avoit qu'ils seroient observez.

 
Spadone cùm sis eviratior fluxo
Et concubino mollior Celenæo,
Quem sectus vlulat matris Entheæ Gallus,
Theatra loqueris & gradus & Edicta
Trabeasque & Idus fibulasque censusque,
Et pumicata pauperes manu monstras.
Sedere in equitum liceat an tibi scamnis
Videbo, Didyme: non licet maritorum.
 

Ce Didyme avoit une femme, cependant on ne le considéroit pas comme un homme marié, parce qu'il étoit Eunuque. La Constitution de l'Empereur Leon n'étoit pas encore donnée, car on peut dire que depuis ce tems il n'y a point d'éxemple qu'aucun Eunuque ait eu la permission de se marier, excepté celui de Saxe Gotha dont je parlerai dans la suite. Toutes les Sociétez Ecclésiastiques ne se sont pas contentées d'improuver & de blâmer ces sortes de mariages, elles les ont même expressément deffendus.

CHAPITRE VI

La Religion Catholique Romaine ne permet pas le mariage des Eunuques

LA Religion Romaine qui considére le mariage comme un Sacrement, n'a garde de permettre qu'on prophane un de ses Mystéres. Quelques éxemples authentiques que je rapporterai serviront de preuves à cet égard.

Bernard Automne, Avocat célébre au Parlement de Bordeaux, rapporte dans la seconde partie de sa Conférence du Droit François avec le Droit Romain219, un cas qui s'est présenté de son tems au Parlement de Paris sur ce sujet. Il fait d'abord quelques réfléxions sur le paragraphe Spadonum de la Loi Pomponius, qui est la sixiéme ff. de Ædilitio Edicto, & il trouve étrange, avec raison, qu'Ulpien qui est Auteur de cette Loi, décide qu'un homme auquel on a coupé un doigt de la main, ou du pied, soit malade, ou comme il s'exprime, morbosus, & qu'un Eunuque auquel la partie du corps la plus nécessaire manque, ne le soit pas. Il dit que cela le surprend, qu'il n'en voit pas la raison. Que la cause de la génération qui donne même le nom d'homme à la personne qui la porte, étant retranchée ce n'est plus un homme; qu'il lui semble que qui de vingt parties en retranche une fait moins de tort à la personne, que quand de deux il lui en ôte une. Aussi ajoûte-t-il, le Parlement de Paris a jugé par Arrêt du 5. Janvier 1607. en faveur de Claudine Godefroy, qu'il y avoit juste sujet de ne point contracter mariage, & de ne point passer outre à la célébration avec un homme avec lequel elle étoit fiancée, parce que les Médecins & les Chirurgiens assuroient dans leur rapport qu'il n'avoit qu'un testicule, quoi que même ils ajoûtassent qu'il pouvoit pourtant engendrer. Le célébre Etienne Pasquier étant autrefois consulté sur un sujet à peu près pareil, répondit par cette Epigramme.

 
Esse virum tota conjunx te pernegat urbe,
Naturaque alio teste carere dolet.
Officiat ne thoro sociali res ea, certè
Nescio, at hoc scio quod te negat esse virum.
Contra probaturum jucundo tramite dicis
Gaudia conjugii mille peracta tibi,
Quid garris? Binos cùm saltem jura requirant
Uno te ne virum teste probare potes.
 

Il pouvoit y joindre l'Epigramme 99. du Livre septiéme de Martial, qui finit par ce Vers si expressif.

Vis dicam verum, Pontice, nullus homo es.

Les Dictionaires de Furetiére & de Trevoux disent au mot Eunuque, qu'il a été jugé par Arrêt de la Grand-Chambre du 8. Janvier 1665. qu'un Eunuque ne pouvoit pas se marier, du consentement même des Parties. Les Auteurs de ces deux excellens Ouvrages ont tiré cet Arrêt du Journal des Audiences220 & c'est encore ce même Arrêt qui est rapporté par Mr. Claude de Ferriére à qui le Public a l'obligation d'avoir mis en François la Jurisprudence Romaine, & de l'avoir conférée avec les Ordonnances Royaux, les Coûtumes de France, & les Décisions des Cours Souveraines.221Il dit dans le tome prémier de sa Jurisprudence du Digeste, qu'un Eunuque reconnu pour tel, ne peut pas contraindre un Curé à célébrer son mariage avec une fille qui y consent.

Le chapitre dixiéme du Livre quatriéme des Arrêts d'Anne Robert, qui ne traite que de la dissolution du mariage pour cause de frigidité & d'impuissance, montre que c'est une Jurisprudence constante, que les Eunuques ne peuvent pas se marier.

Sixte Cinquiéme fit autrefois une Bulle qu'il envoya en Espagne, par laquelle il déclaroit nuls les mariages des Eunuques.

Mais voici un fait historique qui est décisif sur ce sujet. Il est rapporté par le docte Mr. Strik, fils de l'illustre & célébre Mr. Strik, Professeur en Droit à Halle, le véritable Papinien de nôtre siécle.222 Il dit dans sa dispute inaugurale pour le Doctorat, dans laquelle il traite, de matrimonii nullitate, qu'étant en Italie il n'y a pas long tems, il a vû qu'un des principaux Musiciens du Duc de Mantouë nommé Cortona, ayant voulu épouser une fort jolie Musicienne qui étoit au service du même Prince nommée Barbaruccia, ils furent obligez d'en demander la permission au Pape qui la refusa absolument & sans retour.

CHAPITRE VII

La Religion Luthérienne, ou de la Confession d'Augsbourg, ne permet pas le mariage des Eunuques

LEs Théologiens & les Jurisconsultes de cette Communion sont fort scrupuleux sur cette matiére, & leurs motifs sont très judicieux & très conformes à la raison & à la Religion.

Gerhard, l'un de leurs plus grands Théologiens & qui a réduit presque tous les Ouvrages de Luther en lieux communs, dit précisément dans le lieu de conjugio223, qu'il ne doit pas être permis à une femme d'épouser un Eunuque. Le motif qui le porte à prononcer cette décision, est que le mariage ayant pour but principalement d'engendrer lignée & de se procurer une postérité, il ne faut pas le laisser contracter à des gens qui ne sont point capables de parvenir à ce but, & tels sont, dit-il, les Eunuques & les Spadons. Que quoi que quelqu'un d'eux ayant encore un chrémastere puisse connoître une femme ils ne sont point propres au mariage; parce que bien loin d'engendrer des enfants, ils ne sont pas même capables de satisfaire aux desirs d'une femme, ni d'éteindre l'ardeur que la nature a allumée dans leur tempéramment. Le second motif de ce grand homme est, qu'une femme ne trouvant pas dans la personne de son mari la satisfaction qu'elle souhaite, elle tombe aisément dans le crime. Le troisiéme motif est qu'une femme est trompée par un phantôme de mariage, comme est celui d'un Eunuque; car soit qu'elle ait ignoré l'état de cet homme avant que d'entrer dans aucun engagement avec lui, soit qu'elle en ait eu connoissance, & qu'elle ait eu pour lors meilleure opinion de ses forces qu'elle ne devoit, il est certain qu'elle se trouve toûjours trompée. Or les Loix doivent prévenir ces sortes de cas, & non seulement conseiller des femmes téméraires, mais même les empêcher de s'exposer à un danger évident.

La délicatesse de ces Théologiens va si loin qu'ils ne permettent pas à un Hermaphrodite de se marier, à moins qu'un séxe ne prévale si visiblement & si considérablement sur l'autre, qu'il n'y ait rien à craindre pour les suites de son engagement; & si cet Hermaphrodite fait difficulté de se laisser éxaminer par des Médecins, des Chirurgiens & des Matrônes, il se rend suspect dés là, & toute permission de se marier lui est refusée.

C'est une maxime générale & constante parmi eux, que l'impuissance quelle qu'elle soit, & de quelque cause qu'elle procéde, rend un mariage contracté, nul, le résout, & empêche, lors qu'elle est connuë auparavant, qu'on ne permette de le contracter. Il y a néanmoins une exception à cette régle générale, c'est que si cette impuissance est survenuë depuis qu'il est contracté, par quelque accident que ce soit, elle ne le dissout point. Cela est fondé en Droit Civil, & en droit Canon.224Nihil enim tàm humanum esse videtur quàm fortuitis casibus mulieris maritum, & contra uxorem viri, participem esse. Le Canon quod autem 27. quæst. 2. est positif & précis, impossibilitas coëundi, dit-il, si post carnalem copulam inventa fuerit in aliquo, non solvit conjugium;225si verò ante carnalem copulam deprehensa fuerit, liberum facit mulieri alium virum accipere. C'est aussi le sentiment de Luther dans son Traité de vita conjugali226.

La Jurisprudence Ecclésiastique, ou Consistoriale de cette Communion est conforme à celle de leurs Théologiens. Carpzovius qui en est l'oracle en rapporte des décisions dans la Jurisprudence Ecclésiastique, ou Consistoriale.227Le nombre deuxiéme de la définition seiziéme du tître premier porte précisément ces mots, non permittendum mulieri ut Eunucho nubat. J'avouë que j'ai lû avec quelqu'étonnement dans l'extrait que le sçavant Mr. de Beauval vient de nous donner d'un Livre de Mr. Brucknerus qui a pour tître, Décisions du Droit Matrimonial,228Que le cas s'étant présenté à la Cour de S. A. E. de Saxe, un Eunuque Italien son Chambellan ayant épousé une jeune fille qui étoit avertie de son état, & du consentement de son pére, quelques Théologiens entreprirent de troubler ce mariage comme nul & invalide, & que d'autres le prétendirent bon & valable; mais que le Souverain ayant vû les avis partagez, avoit confirmé le mariage sans tirer à conséquence pour l'avenir. On peut dire au sujet de cette discorde de sentimens entre les Théologiens de l'Electorat de Saxe, ce que ce même judicieux Auteur, Mr. de Beauval, dit ailleurs229 en parlant des divers Conciles qui s'assemblérent au sujet de la Secte des Valésiens; Divers Conciles, dit-il, s'assemblérent là-dessus & augmentérent le desordre par la contradiction de leurs Decrets. Tant il est vrai, ajoûte-t-il, à la honte de la raison humaine, que la dévotion la plus bizarre & la plus ridicule, trouve des Deffenseurs. Il est certain, à la honte de la raison humaine, que les sentimens les moins raisonnables trouvent des gens qui les soûtiennent. Mais le cas que je viens de rapporter, est un cas particulier qui ne l'emporte pas sur toutes les Décisions publiques & générales, d'autant moins que le Prince même qui l'a autorisé a déclaré que c'étoit sans tirer à conséquence pour l'avenir. D'ailleurs, quand il l'auroit autorisé purement & simplement il n'en seroit pas plus valide, & cette permission ne lui donnerait pas plus de force; car par la disposition du Droit, les mariages deffendus par les Loix ne sont pas moins injustes & illicites, quoi que le Prince ait permis par rescript, de les contracter, parce que ces mariages étans contraires aux Loix, le rescript qui a été obtenu portant permission de les contracter est censé être subreptice, & avoir été obtenu du Prince par surprise.230Voici les termes de la Loi. Precandi quoque imposterùm super tali conjugio (Imò potius contagio) cunctis licentiam denegamus ut unus quisque cognoscat impetrationem quoque rei cujus est denegata petitio, 231nec si per subreptionem post hanc diem obtinuerit, sibimet profuturam.

Au reste, il auroit été fort à souhaiter que Mr. de Beauval, qui nous rapporte ce cas, & qui raisonne avec tant de solidité & de justesse sur toutes les matiéres qu'il traite, eut bien voulu nous dire son sentiment sur cette célébre question du mariage des Eunuques; on a fait grace très souvent à sa modestie, j'en donnerai quelques preuves afin qu'on ne croye pas que je le charge mal à propos d'une obligation & d'une reconnoissance qu'il ne doit point. Après, par éxemple, qu'il a donné un extrait fort éxact & fort judicieux du Traité de la Nature & de la Grace, de Mr. Jurieu, il le finit par ces paroles humbles,[231]que, comme cet Ouvrage est plein de Réfléxions très métaphisiques, on lui pardonnera s'il a bronché quelque part. Parle-t-il de la Réponse d'un nouveau Converti à la lettre d'un Réfugié pour servir d'adition au Livre de Dom Denis de Ste. Marthe, intitulé, Réponse aux plaintes des Protestants; après avoir raisonné en habile Politique sur cette matiére, il finit par ces paroles modestes; mais rentrons dans les bornes de nôtre territoire dont nous avons tant résolu de ne point sortir, & ne faisons point de course dans la Politique sur laquelle d'autres travaillent avec tant de succès. Il s'excuse très souvent sous divers prétextes, comme on pourroit le voir par les renvois que je mets à la marge, & il s'excuse sous divers prétextes, & quoi qu'on sçache qu'il est très capable de manier adroitement les matiéres qu'il rejette par humilité, on a fait grace, je le répéte, on a fait grace très souvent à sa modestie. Mais ici il n'a point d'excuse, il s'agit d'une question qui est entiérement de son ressort, à moins qu'il n'ait crû que le sujet étant trop riche l'auroit engagé à sortir des bornes d'un extrait, & à faire un Traité complet. Peut-être qu'il a vû que c'étoit une matiére si rebattuë, qu'il n'étoit pas nécessaire de la présenter encore au Public dans cette occasion, dans laquelle il ne se propose que de faire l'extrait du Livre qui lui tombe entre les mains, & non pas de traiter à fond les sujets dont il s'y agit. En effet, il dit232 que, la question s'il est permis aux Eunuques de contracter mariage à été souvent agitée. Il a raison en cela à certain égard. Il est vrai que Melchior Inchoffer a fait un Ouvrage de Eunuchismo qui a été imprimé à Cologne in 8. en l'année 1653. Nous avons la dissertation de Eunuchis de Gaspar Loischerus imprimé à Leipsik in 4. en l'année 1665. On a vû un Sermon Anglois de Samuel Smith sur la conversion de l'Eunuque du chapitre huitiéme des Actes des Apôtres, imprimé à Londres in 8. en l'année 1632. Il y a un Traité de Franc. de Amoya, Baëtici, intitulé, Eunuchus, sur la Loi Eunuchis. V. c. qui testamenta facere possunt, & qui se trouve dans ses observations imprimées à Geneve in folio en l'année 1656. Il y a un Traité de Marcell. Francolinus de Matrimonio spadonis utroque testiculo carentis, imprimé à Venise in 4. en l'année 1605. Il y a un autre Traité de Eunuchis, de Théophile Raynauld, dont Mr. Bayle se sert souvent très à propos. La Lettre 112. de la Mothe le Vayer, qui se trouve dans le tome onziéme de ses œuvres, traite des Eunuques en général. Nous avons enfin la Dissertation de Saldenus de Eunuchis, qui est la sixiéme du Livre troisiéme de ses Otia Theologica. Et un Recueil de consultations & de décisions sur ce sujet, dont je parlerai dans la suite de cet Ouvrage. Mais je dirai pour ma justification, d'avoir entrepris de traiter de cette matiére après tant de grands hommes, & non pas pour réfuter ce que dit Mr. de Beauval, que la plûpart de ces Auteurs ne se trouvent plus que dans les Catalogues, ou dans les Bibliothéques, & que d'ailleurs, ils traitent des Eunuques en général, & descendent peu dans le détail. La question dont il s'agit ici y est entr'autres fort rarement & fort briévement traitée. On en voit quelque chose dans les Ouvrages des Jurisconsultes, des Médecins, & des Théologiens, on y trouve quelquefois des préjugez qu'ils ont rapportez; mais outre que tout ce qui y est ainsi répandu est fort succinct, on ne peut point dire qu'on puisse en induire une Jurisprudence, ou une Théologie Casuistique certaine & universelle sur le mariage des Eunuques.

CHAPITRE VIII

La Religion Réformée ne permet pas le mariage des Eunuques

IL n'est pas difficile de faire voir que la Religion Réformée ne permet pas le mariage des Eunuques. Il n'y a aucune autre Communion Chrétienne qui se soit déclarée aussi formellement qu'elle sur ce sujet, outre qu'il est tout à fait opposé à l'Esprit dont elle est animée, & à la Doctrine qu'elle professe, elle en a fait un Canon exprès de sa Discipline: Discipline que l'on sçait être le résultat, ou plûtôt la Quintessence de ses Synodes Nationaux. Cet article est le quatorziéme du chapitre treiziéme qui traite des mariages; voici quels en sont les termes.

Comme ainsi soit que la principale occasion du mariage soit d'avoir lignée & de fuir paillardise, le mariage d'un homme notoirement Eunuque, ne pourra être reçû ni solemnisé en l'Eglise Réformée.

Le célébre Mr. de Larroque qui a fait voir la conformité de cette Discipline avec celle des anciens Chrétiens, montre que telle étoit la Jurisprudence de l'Eglise primitive. J'avouë que cette Discipline ne faisoit loi qu'en France, mais depuis que l'Edit de Nantes y a été révoqué, que les Réformez ont été contraints d'en sortir, & que la plûpart d'eux se sont réfugiez dans le Brandebourg, Sa Majesté le Roi de Prusse l'a autorisée dans ses Etats pour ce qui concerne les François qui y sont établis233, & en a ordonné l'éxécution lors qu'on pourroit s'y conformer sans donner atteinte à ses Droits Episcopaux; de sorte que c'est une Loi en Brandebourg parmi ces nouveaux Sujets, aussi sacrée qu'elle l'étoit en France. C'en est une aussi parmi ses anciens Sujets, & parmi tous les Protestans d'Allemagne. C'est ce qu'on peut voir par un Livre imprimé à Halle en l'année 1685. & recueilli par Jérôme Delphinus, qui a pour tître, Eunuchi conjugium, Die Kapaunen heyrath. Hoc est scripta & judicia varia de conjugio inter Eunuchum & virginum Juvencelam anno 1666. contracto, à quibusdam supremis Theologorum Collegiis petita, posteà hinc inde collecta, ab Hieronimo Delphino C. P. Halæ apud Melchiorem Delschlagen 1685. Et par la Décision donnée sur le cas que j'ai rapporté dans le chapitre quatriéme de la seconde Partie.

La République de Geneve a reçû la même Jurisprudence, & divers cas qui s'y sont présentez font voir qu'elle y est observée. Paul Cypræus dit dans son excellent Traité de Connubiorum jure, «que cette sage République a une Loi qui deffend aux hommes de se marier avant l'âge de dix-huit ans, & aux filles avant quatorze, & qu'il ne suffit pas de compter les années, mais qu'il faut avoir égard principalement à la vigueur du corps & du tempéramment, en ces termes,234 Qu'avec l'âge on ait égard à ce que la corporence portera. Il est vrai que les Rélations du Levant nous apprennent, que les Banians Gentils de ce Païs, estiment tellement la conjonction matrimoniale, qu'ils se marient presque tous dès l'âge de sept ans; & elles ajoûtent, que s'ils meurent, comme il arrive quelquefois, avant que d'être mariez, la coûtume est de louer & de gager une fille qu'ils font coucher avec le mort pour lui donner cet avantage d'avoir été marié avant que son corps fut brûlé selon la coûtume du Païs. 235Mais Mr. le Vayer fait diverses réfléxions qui font voir que cette coûtume n'est pas tout à fait vaine, & que s'ils se marient à sept ans, ils sont capables du mariage autant que d'autres Peuples le sont dans un âge plus avancé. La diverse position des lieux, dit-il, rend nos tempérammens si différens en toutes choses, que Solin nous fera considérer des femmes qui deviennent grosses d'enfan à cinq ans. Beato Odorico le confirme dans son Itineraire; & l'on a vû depuis peu de tems dans le Royaume du Mogol une fille âgée de deux ans seulement qui avoit le sein gros comme une nourrice, & qui ayant eu ses purgations un an après, accoucha d'un garçon.

La même Jurisprudence Ecclésiastique est établie en Angleterre comme il paroît par le chapitre septiéme du titre de matrimonio236 dans la Réformation des Loix Ecclésiastiques, faite prémiérement de l'autorité de Henri VIII. & achevée & publiée ensuite par Edouard VI., ce chapitre traite, de his quæ matrimonium impediunt; & voici ses termes, Quorum natura perenni aliqua Clade sic extenuata est, ut prorsus veneris participes esse non possint, & conjugem lateat quamquam consensus mutuus extiterit & omni reliqua ceremonia matrimonium fuerit progressum, tamen verum in hujusmodi conjunctione matrimonium subesse non potest, destituitur enim altera persona beneficio suscipiendæ prolis & etiam usu conjugii caret.

Les Théologiens de Hollande & leurs Jurisconsultes distinguent, de même que tous les autres, les causes qui empêchent le mariage, en deux classes, alia, disent-ils,237 (impedimenta) à lege; Illa sunt ætas immatura, mentis impotentia, corporis ad cohabitationem incapacitas; Ista sunt a morbo incurabili, ut ex. gr. lepra; à Culpa, à diversitate Religionis, a propinquitate sanguinis. J'avouë pourtant que Voëtius qui est un des plus grands hommes qui ait été dans les Provinces Unies depuis plusieurs siécles, me paroît hésiter sur le parti qu'il doit prendre au sujet du mariage des Eunuques. Il ne se détermine point à la vérité, & renvoye l'éxamen de ces sortes de questions aux Jurisconsultes & aux Juges auxquels il dit que la connoissance en appartient plus légitimement qu'aux Théologiens.238 Ce sont donc eux qu'il faut consulter, & comme le Droit Civil & le Droit Canon sont observez dans ces Provinces, au moins dans les cas qui ne sont pas déterminez par leurs Loix & par leurs Coûtumes, il est aisé de conclurre que le mariage des Eunuques n'y est point permis. Voici en un mot les cas, qui selon les Jurisconsultes, empêchent de contracter mariage.

 
Lepra superveniens, furor, ordo, sanguis & absens,
Læsaque Virginitas, membri damnum, minor ætas,
Ac hæresis lapsus, fideique remissio, prorsus
Sponsos dissociant & vota futura retractans.
 
Fin de la seconde Partie
214.Sext. Decretal. lib. 4. tit. 1.
215.L. 60. ff.; P2: ff lib. 23. tit. 2. de ritu nupt. §. 5.
216.§. si advertus Institut. de Nuptiis.
217.Sueton. in August. cap. 44.
218.Liv. 5. Epigram. 42.
219.Pag. 513.
220.Liv. 6. ch. 2.
221.Voyez aussi l'Histoire des Ouvrages des Sçavans mois de Septembre 1690. art. 1. tom. 7. pag. 10. & suiv.
222.§. 28. pag. 20.
223.§. 235. pag. 358.
224.L. si dotem. 22. §. si maritus. 7. ff. solut. Matrimon.
225.Can. quod autem.
226.Tom. 2. Jenens. German. fol. 156. 6.
227.Lib. 2. tit. 1. de Matrimon. & Nupt. definit. 16. & Tit. 11. definit. 200.
228.Hist. des Ouvrages des Sçavans, mois de Février 1706. art. 7. pag. 89. & suiv.
229.Ibid. mois de Décembre 1691. art. 3. pag. 175.
230.Lib. 5. Tit. 8. Cod. si nuptiæ ex rescripto petantur l. 2.
231.[231] Hist. des Ouv. des Sçav. mois de Novembr. 1687. pag. 321. Ibid mois de Mai 1688. art. 4. pag. 35. Ibid. mois de Juillet 1688. art. 10. Ibid mois de Septembre 1688. pag. 38. Ibid. Octobre 1688. art. 13. Ibid. Janvier 1689. pag. 473. Ibid. Février 1689. art. 4. Ibid. Mars 1689. art. 1. pag. 13. 16. Ibid. Février 1692. pag. 280. Ibid. Août 1692. pag. 540. Ibid. Avril 1695. art. 5.
232.Mois de Février 1706. art. 7. pag. 89.
233.Voyez la Déclaration du Roi de Prusse sur ce sujet du 7. Decembre 1689.
234.Chap. 9. §. 2. num. 13.
235.B: Voyez les Oeuvres de Mr. le Vayer Homelie Académique, Homel. 2.
236.Impress. Londini in 4. ann. 1640. pag. 40. 41.
237.Voëtii Polit. Ecclesies pars prima lib. 3. Tractat. 1. de matrimonio lectio 2. cap. 1. quæst. 3.
238.Voyez de l'usage & de l'autorité du Droit Civil dans les Etats des Princes Chrétiens traduit du Latin d'Arthurus Duck Iuriscons. Angl. liv. 2. pag. 234.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
29 июня 2017
Объем:
170 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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