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Читать книгу: «Les aventures du capitaine Corcoran», страница 7

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– Bien,» répondit Quaterquem.

Le grand nègre parut.

«Acajou,» dit Quaterquem, prépare le ballon.

Le nègre fit un saut de joie.

«Moi voir Nini et Zozo! Bon maître, massa Quaterquem!

– Acajou, mon ami, nous irons voir Nini et Zozo à la fin de la semaine; aujourd'hui, nous avons d'autres affaires.»

XV. Une plaisanterie d'Acajou.

Les préparatifs du long voyage que Corcoran allait entreprendre avec son ami Quaterquem durèrent toute la journée. Il ne s'agissait pas, on se l'imagine de reste, d'emballer des vêtements ou des vivres, mais de cacher aux Mahrattes le départ du maharajah. Il fut donc résolu qu'on attendrait la nuit pour partir et que Sougriva seul en serait informé. Corcoran ne voulut pas même faire ses adieux à Sita, de peur de lui causer quelque inquiétude. Par bonheur, la nuit était fort sombre, et les deux amis, aidés du nègre Acajou, purent s'élever dans les airs sans être aperçus de personne.

Ici quelque lecteur, curieux de science, voudra connaître sans doute la forme et le moteur de ce ballon merveilleux.

Je suis forcé d'avouer (et, quelque question qu'on fasse, je ne pousserai pas l'indiscrétion plus loin) qu'il ne m'est pas permis de révéler le secret de cette admirable machine. Je puis dire seulement qu'après avoir longtemps étudié le secret du vol des oiseaux, l'inventeur reconnut, comme l'a fait plus tard le célèbre M. Nadar, la justesse du principe: Plus lourd que l'air, et qu'il abandonna complétement l'usage du gaz hydrogène et de ces immenses enveloppes qui offrent tant de prise au vent. En deux mots, la forme de son ballon (j'emploie ce mot impropre) n'est pas autre chose que celle de la frégate, le plus rapide de tous les oiseaux, qui franchit en quelques heures quinze cents lieues de mer. Quant au moteur, je dois à mon ami Quaterquem de garder le secret aussi longtemps qu'il jugera nécessaire de le garder lui-même4.

Au reste, un ciel sans nuages et une atmosphère transparente permettaient de voir et d'admirer jusqu'aux moindres détails du paysage. Quaterquem, assis au gouvernail à côté de son ami, se guidait au moyen des étoiles, aussi sûrement qu'un marin sur l'océan au moyen de la boussole, et désignait de la main les fleuves et les vallées.

«Tu entends le bruit de la rivière qui coule entre ces deux chaînes de montagnes? La reconnais-tu? C'est la Nerbuddah. La montagne de droite est l'une des Ghâtes. Celle de gauche, qui s'élève vers nous toute couverte de forêts sombres, appartient à la chaîne des monts Vindhya.... Entends-tu ce murmure, composé de vingt millions de voix d'hommes, de quadrupèdes, d'oiseaux et d'insectes? C'est l'harmonie du globe terrestre qui ravissait en extase le divin Pythagore. Le grondement sourd qui domine toutes les autres voix, c'est le rugissement rauque du tigre. Cette masse sombre que l'on distingue à peine, et qui paraît se remuer avec tant de lenteur, c'est un troupeau d'éléphants qui galopent dans une rizière, écrasant tout sous leurs pieds.

– Il s'agit bien d'éléphants, interrompit Corcoran; j'ai hâte d'arriver au camp.

– Rien de plus facile.»

Quaterquem fit mouvoir un léger ressort. Le gouvernail obéit à sa main comme un enfant docile à la voix de son maître. En cinq minutes, le ballon plana au-dessus d'un camp retranché, entouré de fortes palissades et garni de cent cinquante canons.

La Frégate s'abattit aussitôt. Quaterquem jeta l'ancre dans un palmier gigantesque, et Corcoran descendit avec une échelle de cordes jusqu'à terre.

«Attends-moi, dit le maharajah.... Je serai de retour dans une heure.»

En même temps il s'avança sans être remarqué des sentinelles (car il était descendu dans l'enceinte même du camp) et se dirigea vers la tente du général Bondocdar-Akbar, communément appelé Akbar, c'est-à-dire le Victorieux, à cause de ses anciennes défaites.

Akbar était assis sur un tapis. Autour de lui ses principaux officiers fumaient en silence.

«Seigneur Akbar, dit l'un d'eux, avez-vous reçu des nouvelles du maharajah?

– Non, dit Akbar.

– Il nous oublie dans son palais de Bhagavapour.

– Le maharajah n'oublie rien, dit Akbar.

– Cependant les Anglais s'avancent et vont nous attaquer avant trois jours. Le maharajah le sait-il?

– Le maharajah sait tout, dit encore Akbar.

– S'il le sait, pourquoi n'est-il pas avec nous?»

A ces mots Corcoran entra.

«Et qui te dit qu'il n'y est pas, Hayder?» demanda-t-il d'une voix forte.

Aussitôt tous les assistants se prosternèrent, la paume des mains élevée vers le ciel.

«Le maharajah est partout et voit tout, dit Corcoran. Il est l'oeil droit de Brahma sur la terre. Il punit la lâcheté. Il devine la trahison.

– Grâce! grâce! seigneur! s'écria Hayder, qui s'attendait à être empalé.

– Qui doute de moi a mérité de périr, dit Corcoran. Mais je te fais grâce, Hayder. Tu vas quitter l'armée. Je ne veux avec moi que des hommes qui sachent bien que Brahma m'a donné sa force et sa puissance.»

Hayder sortit tout tremblant et reprit dès le soir même la route de Bhagavapour.

Après cet exemple qu'il jugea nécessaire, Corcoran se fit rendre compte de la situation de l'armée et des approvisionnements; il se montra aux soldats pour les encourager. A la nouvelle qu'il était au camp, toute l'armée poussa de longs cris de joie et alluma des torches pour éclairer sa marche.

«Longue vie au maharajah! Longue vie au successeur d'Holkar, au dernier des Raghouides!

– C'est bien, dit Corcoran. Que tous les feux s'éteignent. Que tout le monde rentre sous les tentes!»

Il fut obéi sur-le-champ. Son apparition qui tenait du miracle, car aucune sentinelle ne l'avait vu pénétrer dans le camp, fortifia l'opinion déjà répandue qu'il était la dixième incarnation de Vichnou sur la terre.

Dès que le silence et l'obscurité eurent succédé de nouveau au tumulte et à l'éclat des torches, le maharajah alla rejoindre ses compagnons, et, grâce à l'échelle de cordes, remonta aisément dans le palmier d'abord, puis dans la Frégate.

«Je viens de faire une belle peur à un pauvre diable, dit le maharajah, et il raconta la scène qui s'était passée dans la tente.

– Quel singulier plaisir peux-tu trouver à gouverner des traîtres et des poltrons? demanda Quaterquem. Quelque jour ces gens-là te tireront des coups de fusil par derrière.

– Ah! mon cher ami, dit Corcoran, c'est un dur métier que de gouverner les hommes; mais je ne connais personne qui s'en soit dégoûté.

– Et Charles-Quint?

– Bah! un pauvre diable d'empereur qui mangeait trop, qui avait la goutte et des indigestions continuelles.

– Et Dioclétien?

– Il avait peur d'être étranglé ou empoisonné par son gendre Galérius,– un beau nom de coquin.... Mais c'est assez causé des anciens et des modernes. Allons voir nos amis les Anglais. Leur camp ne doit pas être éloigné d'ici. Au rapport de mon fidèle Akbar, ils sont à vingt-trois lieues au sud-est, sur une petite colline qui s'avance en forme de presqu'île dans la vallée du Kérar.»

Quaterquem obéissait, lorsqu'un grand éclat de rire, parti de l'arrière de la Frégate, attira leur attention.

Acajou riait de toutes ses forces en contemplant un objet caché dans l'ombre.

«Qu'est-ce donc? demanda sévèrement Quaterquem.

– Oh! massa Quaterquem, s'écria Acajou en continuant de rire, vous pas fâché; vous bien rire. Acajou bon nègre, joué bon tour.»

Et saisissant entre ses bras l'objet inconnu, il l'apporta, malgré tous ses efforts, sous les yeux de son maître. A la clarté de la lampe on reconnut Baber.

L'Indou avait la bouche bâillonnée et les mains liées derrière le dos. Quant aux jambes, qui avaient été serrées aussi par une forte corde, l'Indou, jongleur et funambule de son métier, était parvenu à les dégager.

«Quel vilain gibier as-tu apporté là? dit Quaterquem.

– Vous comprendre, massa Quaterquem. Si vilain gibier embarrasser bon maître, Acajou jeter vilain gibier par-dessus bord. Mais Baber, bon gibier, pas méchant du tout.

– Est-ce qu'il a voulu s'introduire encore dans la Frégate? demanda Corcoran. En ce cas, jette-le par-dessus le parapet. Je ne fais grâce qu'une fois.

– Non, non, massa, interrompit vivement Acajou. Moi l'avoir vu battre avec Doubleface. Baber étrangler Doubleface. Acajou bien rire. Acajou content de voir le bon tour de Baber. Acajou attendre Baber sur la route, demander la recette pour étrangler les Anglais. Baber impoli pas vouloir donner. Moi, bon nègre, pas méchant du tout, abattre Baber d'un coup de poing; Baber vouloir mordre et égratigner Acajou, arracher cheveux d'Acajou, miauler, rugir, pleurer. Acajou très-bon. Acajou retourner Baber, arracher la corde à Baber, attacher les mains de Baber, les pieds de Baber, ficeler Baber, mettre Baber dans un coin de la Frégate, vouloir apporter Baber à Nini pour amuser Zozo.

– Que le diable t'emporte avec ton Baber et ton Zozo, dit Quaterquem impatienté. Qu'allons-nous faire de ce mauvais drôle? On ne peut pas le jeter dans les airs, puisqu'il est venu dans ma Frégate malgré lui. Le garder n'est pas sûr. Le déposer nous retardera. Au diable le Baber!»

Ces réflexions étaient faites en français, langue inconnue à Baber, mais il voyait assez sur le visage de Quaterquem que sa présence gênait fort les voyageurs.

Quant à Corcoran, le coude appuyé sur son genou, le menton dans la main, les yeux fixés à l'horizon, il réfléchissait. Tout à coup il prit son parti.

«Délie-moi ce Baber,» dit-il.

Acajou hésita.

«Massa, dit-il, mauvais, délier Baber. Mauvais, très-mauvais. Chien galeux, Baber! Baber poignarder Acajou, quand Acajou aura dos tourné.

– Obéis, dit le maharajah. Cela t'apprendra à ne plus recueillir les chiens galeux dans ta Frégate et à ne plus chercher des joujoux pour monsieur Zozo.»

Acajou obéit. Baber, délié, se jeta aussitôt aux pieds de Corcoran. Le maharajah le regarda d'un air sévère.

«Ce qu'Acajou vient de dire est-il vrai?» demanda-t-il.

Baber, qui n'avait pas compris un mot du récit d'Acajou, raconta de la même façon que le nègre ce qui était arrivé.

«C'est bien, dit le maharajah. Si je te dépose à terre, quel métier vas-tu faire pour vivre?

– Seigneur, répliqua Baber sans s'émouvoir, quel métier pourrais-je faire, excepté celui que j'ai déjà fait?

– C'est-à-dire que tu vas encore attendre les voyageurs au coin des bois.»

Baber fit un signe affirmatif.

«Tu sais, continua Corcoran, que si je te reprends dans l'exercice de ta profession, je te ferai pendre.

– Seigneur, on ne change pas de profession à mon âge. J'ai cinquante-cinq ans passés. Mais je ne demeurerai pas dans vos États, j'irai à Bombay, où je suis encore peu connu.

– As-tu peur de la mort?

– Qui? moi! j'aurais peur de rentrer dans le sein de Brahma, père de toutes les créatures! C'est bien mal me connaître.»

Baber sourit d'un air superbe, et, saisissant un couteau que le nègre portait à la ceinture, il l'enfonça froidement dans sa propre cuisse. Le sang jaillit à flots.

«Malheureux! s'écria Corcoran en lui arrachant le couteau.

– Seigneur maharajah, dit Baber, ceci n'est rien. Vingt fois, à la foire de Bénarès, pour acquérir une réputation de piété et gagner une douzaine de roupies, je me suis fait enfoncer un crochet de fer dans le flanc. Voyez mon corps couvert de plus de cinquante cicatrices. Il n'y a peut-être pas six de ces blessures qui n'aient été volontaires5

Tout en parlant, il étanchait le sang et bandait sa blessure avec une serviette que le nègre épouvanté lui donna.

«Massa, dit Acajou, mettre à terre ce scélérat. Moi pas vouloir l'emmener dans notre île. Baber manger Nini et Zozo!

– Voyons, interrompit Corcoran, Baber, veux-tu gagner cent mille roupies et te venger des Anglais?»

A cette question, l'Indou sourit à la façon des tigres.

«Seigneur maharajah, dit-il, la vengeance suffirait. Les roupies sont de trop.

– Je te crois, dit Corcoran, car tu m'as l'air d'aimer la vengeance comme mon petit Rama aime les confitures. Mais pour plus de sûreté, je veux y joindre les roupies. Voici déjà une bourse qui en contient deux mille.

– Seigneur maharajah, dit Baber avec dignité, cette confiance m'honore; mais je ne veux rien recevoir de vous avant de vous avoir rendu service. Depuis que le monde est monde, depuis que Vichnou est sorti du lotus de Brahma, et Siva du lotus de Vichnou, jamais homme plus généreux que vous n'a paru sur la terre. Vous pouvez faire justice et vous pardonnez. Oui, j'ai menti, j'ai volé, j'ai tué, j'ai fait plus de faux serments qu'il n'en faudrait faire pour que la voûte du ciel se brisât en éclats et m'écrasât sous ses débris; mais je suis à vous désormais tout entier et pour votre vie entière. Baber n'a jamais eu de maître. Il en aura un désormais.

– D'où lui vient cet enthousiasme subit? demanda Quaterquem, qui n'entendait pas l'hindoustani, mais qui regardait avec étonnement les gestes passionnés de Baber.

– De ce qu'il a reconnu son maître, dit Corcoran en français, pour n'être pas compris de l'Indou. Ce tigre a senti sa faiblesse devant moi. Désormais il me sera dévoué; je m'y connais.

– A peu près comme ta Louison.

– Oh! répliqua Corcoran, peux-tu comparer ma charmante Louison au terrible et féroce babouin que voilà? C'est une véritable impiété.... Mais voici le camp anglais. Je reconnais la colline et la rivière dont Akbar m'a parlé. Jette l'ancre, mon cher ami, dans ce bois de palmiers, à six cents pas des sentinelles.»

Puis, se tournant vers Baber:

«Tu te donnes à moi, dit-il. C'est bien, je t'accepte.»

Et il lui tendit la main. Baber la baisa, et, debout devant le maharajah, il attendit ses ordres.

XVI. Comment Baber se rendit utile, n'ayant pu se rendre agréable.

Le camp anglais couvrait presque toute la colline.

Dix-huit mille Européens faisaient la principale force de cette armée. Six mille sikhs et quatre mille gourkhas du Népaul, soldats robustes, patients, courageux et redoutables lorsqu'ils sont bien commandés, occupaient la droite et la gauche du camp. Les Anglais étaient au centre. On n'avait pas voulu employer contre Corcoran les régiments cipayes, dont on soupçonnait la fidélité.

Outre les soldats, le camp renfermait une foule nombreuse de marchands de toute espèce au service de l'armée. Ces marchands emmenaient avec eux leurs femmes, leurs enfants, et quelquefois étaient eux-mêmes suivis de serviteurs. Une innombrable quantité de voitures, groupées dans un désordre apparent, encombraient les avenues. Quoiqu'on fût très-loin de l'ennemi, et que la guerre ne fût même pas encore déclarée, le major Barclay connaissait trop bien Corcoran pour ne pas se tenir sur ses gardes.

Car c'était notre ancien ami le colonel Barclay, devenu major général à la suite de la révolte des cipayes, qui commandait de nouveau l'armée dirigée contre Corcoran.

Barclay avait mérité cet honneur dangereux par d'éclatants exploits. Personne, après le général Havelock et sir Colin Campbell, n'avait plus contribué à la défaite des cipayes. Personne aussi, il faut l'avouer, n'avait plus durement traité les vaincus. Il les pend aussi vite qu'il le peut, écrivait à lord Henri Braddock son chef d'état-major, et les arbres sur sa route ont moins de fruits que de pendus. En somme, c'était un brave, honnête et solide gentleman, très-persuadé que le monde est fait pour les gentlemen, et que le reste de l'espèce humaine est fait pour cirer les bottes des gentlemen.

Minuit venait de sonner. Barclay, resté seul dans sa tente, allait se coucher sur son lit de camp. Il était fort content de lui-même. Il venait d'écrire de son plus beau style hindoustani une proclamation destinée à voir le jour cinq jours plus tard et à prévenir les Mahrattes que le gouvernement anglais, dans sa haute sagesse, avait résolu de les délivrer du joug d'un scélérat du nom de Corcoran, qui s'était emparé par vol, fraude et meurtre du royaume d'Holkar. Ayant écrit ce morceau d'éloquence, il s'assoupit.

Quoiqu'il ne dormît pas encore, il rêvait déjà.

Il rêvait à la Chambre des lords et à l'abbaye de Westminster. Rêves délicieux!

Ses précautions étaient prises. Il avait sous ses ordres l'armée la plus redoutable qui eût jamais fait campagne dans l'Hindoustan. Corcoran, tout défiant qu'il fût, devait être surpris, car on allait envahir son royaume sans déclaration de guerre. Peut-être même,– car Barclay n'ignorait pas la conspiration de Doubleface, bien qu'il n'en fût pas complice,– peut-être serait-il mort avant que Barclay eût passé la frontière, et alors quel adversaire rencontrerait-on?

Donc, la victoire n'était pas douteuse.

Donc, Barclay entrerait sans peine dans Bhagavapour.

Donc, il donnerait à l'Angleterre un royaume de plus, comme Clive, Hastings et Wellesley.

Donc, sa part de butin ne pouvait guère être évaluée à moins de trois millions de roupies.

Or, avec douze millions de francs et le titre de vainqueur de Bhagavapour, le major général devait nécessairement obtenir un siège à la Chambre des lords et le titre de marquis. Pour plus de sûreté, le marquisat serait acheté en Angleterre, dans le comté de Kent.

Justement à cinq lieues de Douvres, sur le bord de la mer, est un château tout neuf, Oak-Castle, construit par un marchand de la Cité, qui s'est ruiné au moment de se retirer à l'ombre des chênes et des hêtres. Oak-Castle est à vendre. Tout autour, trois mille hectares de bois, de terre et de prairies.

John Barclay, lord Andover, ne sera pas en peine de meubler Oak-Castle. Grâce au ciel, lady Andover (récemment mistress Barclay) a reçu du ciel en partage une admirable fécondité,– quatre fils et six filles.

L'aîné des fils, James, sera lord Andover. Il est enseigne dans les horse-guards, et donne de grandes espérances à sa mère, car il a déjà fait deux mille livres sterling de dettes. Les trois autres....

Au moment où Barclay allait rêver à l'avenir de ses autres fils, il fut tiré de son rêve par un grand bruit qui se faisait entendre à quelques pas de sa tente.

«Seigneur, disait en hindoustani une voix suppliante, je veux parler au général.

– Que lui veux-tu? demanda l'aide de camp d'une voix brutale.

– Seigneur, je ne puis m'expliquer qu'en présence du général.

– Tu reviendras demain.

– Demain! dit l'Indou. Il sera trop tard.»

Il essaya de nouveau d'entrer; mais Barclay entendit le bruit d'une lutte nouvelle et d'un poing qui s'abattait sur une tête. Puis l'aide de camp cria:

«Holà! Deux hommes! Qu'on emmène ce drôle, et qu'on le tienne sous bonne garde jusqu'à demain.

– Demain! s'écria le malheureux Indou. Demain, vous serez tous morts.»

A ces mots, Barclay sauta à bas de son lit, chaussa précipitamment ses pantoufles et frappa sur un gong.

Aussitôt le valet de chambre indou parut.

«Dyce, dit le général, d'où vient ce bruit?

– Seigneur, répondit Dyce, il s'agit d'un malheureux qui a voulu interrompre le sommeil de Votre Honneur, sous prétexte de faire à Votre Honneur une communication très-importante, disait-il. Mais le major Richardson n'a pas voulu qu'on éveillât Votre Honneur, et a jeté l'Indou à terre d'un tel coup de poing, qu'on vient de le relever presque évanoui.

– Appelez Richardson.»

L'aide de camp entra.

«Où est l'homme que j'entendais tout à l'heure? demanda Barclay.

– Général, dit Richardson, il est sous bonne garde.

– Pourquoi ne m'avez-vous pas averti de sa présence?

– Général, j'ai cru qu'on devait respecter votre sommeil.

– Vous avez eu tort de croire, dit sèchement Barclay. Amenez-moi cet homme.»

Richardson sortit de fort mauvaise humeur.

Cinq minutes après, l'Indou paraissait devant le général. C'était un homme de cinquante ans environ, long, maigre, mal vêtu, et dont la joue toute meurtrie attestait la vigueur du poing de Richardson. De plus, une serviette ensanglantée couvrait mal une blessure assez grave à la cuisse.

En deux mots, c'était notre ami Baber.

A la vue du général, il se prosterna dans une attitude suppliante, et attendit, les yeux baissés, que Barclay voulût bien l'interroger.

«Qui es-tu? demanda le général.

– Un pauvre marchand parsi, général, qui suit le camp et qui vend aux soldats du riz, du sel, du beurre et des oignons.

– Ton nom?

– Baber.

– Que me veux-tu?

– Général, dit l'Indou, je venais vous sauver; mais on m'a repoussé à coups de poing et de crosse de fusil. Le major que voici m'a cassé deux dents.»

Effectivement, il montra sa mâchoire ensanglantée, et tira de sa poche un mouchoir au fond duquel les dents se faisaient vis-à-vis.

«C'est bien. On te payera, dit Barclay.... Tu venais nous sauver?… Que veux-tu dire?

– Seigneur, dit l'Indou, vous êtes trahi.

– Par qui?

– Par vos régiments sikhs.

– En vérité! et comment le sais-tu?

– J'ai entendu les soldats sikhs causer à voix basse dans le camp. Tous les sous-officiers sont gagnés.

– Par qui?

– Par le maharajah Corcoran.»

Ce nom fit réfléchir Barclay.

«Où est le maharajah?

– Seigneur, je l'ignore. Mais j'entendais, il n'y a qu'un instant, deux soubadards sikhs dire qu'il doit être à présent sur la route de Bombay, à trois lieues d'ici, avec sa cavalerie.»

Cette nouvelle devenait inquiétante. Barclay regarda l'Indou. Sa figure rusée, mais impassible, ne laissait rien deviner.

«Nomme-moi les traîtres, dit Barclay.

– Seigneur, s'écria Baber, je suis prêt à le faire. Mais vous n'avez que le temps de vous mettre sur vos gardes. Dans un instant la révolte éclatera.

– Richardson, faites garder cet homme et éveiller sans bruit tous les régiments anglais. S'il y a trahison, nous surprendrons les traîtres et nous leur donnerons une leçon qui laissera dans l'Inde un souvenir ineffaçable.»

On emmena Baber; mais, au moment où Richardson allait exécuter l'ordre qu'il avait reçu, on entendit tout à coup un grand bruit, et les cris:

«Au feu! au feu!»

Au même instant, le camp parut tout en flammes. Le feu avait été mis, sans qu'on s'en aperçût, à quatre ou cinq places différentes.

Aussitôt les tambours retentirent, les trompettes sonnèrent, appelant tous les soldats aux armes. Cavaliers, fantassins, artilleurs, éveillés tout à coup, couraient demi-nus à leur poste, ne sachant quel ennemi ils avaient à combattre.

Le feu avait envahi d'abord le quartier des marchands et des vivandières qui suivaient l'armée. En un moment, tout fut consumé. Puis, la flamme s'étendant toujours, gagna bientôt les caissons de cartouches, qui commencèrent à éclater en l'air. Déjà tous les hommes attachés au service des équipages de l'armée se répandaient au bas de la colline, fuyant les détonations de toute espèce; les femmes et les enfants les avaient précédés et couraient au hasard en criant:

«Trahison! trahison!»

Barclay, intrépide et calme au milieu du désordre, ne s'inquiétait que de rallier ses régiments anglais, et, malgré le bruit et les cris, il y réussit; mais l'artillerie était déjà hors de service. Les caissons prenaient feu l'un après l'autre, la moitié du camp était déjà brûlée, et l'on n'espérait plus sauver le reste.

Pour comble de malheur, les sikhs et les gourkhas, éveillés par le bruit et par les détonations, atteints par les boulets, les balles et la mitraille, crurent que Barclay avait résolu de les exterminer, et firent feu à leur tour sur les régiments anglais, qui ripostèrent par une fusillade bien nourrie. En cinq minutes, plus de trois cents cadavres jonchèrent le sol. Barclay, persuadé qu'il avait affaire à des traîtres, ordonna d'en finir par une charge à la baïonnette.

A cet ordre, les malheureux sikhs, épouvantés, prirent la fuite et se répandirent dans la campagne. La cavalerie anglaise les poursuivit et les sabra sans pitié.

Au point du jour, tout était fini. Quinze cents soldats de l'armée de Barclay étaient étendus sur la colline et dans les prairies environnantes; les sikhs et les gourkhas cherchaient un asile dans les bois; les Anglais avaient perdu leurs bagages, leurs vivres et leurs munitions; enfin, Barclay reprenait, la tête basse, le chemin de Bombay, où il avait espéré revenir millionnaire, vainqueur, lord Andover et marquis.

Il avait en même temps la douleur de ne pas même pouvoir deviner la cause de son désastre, car les sikhs et les gourkhas, il le voyait maintenant, étaient victimes d'une erreur, et personne n'avait trahi, excepta le maudit Baber. Pour celui-là, si Barclay avait su où le prendre, son compte eût été réglé bien vite. Mais Baber, qui s'en doutait, avait pris la clef des champs pendant l'incendie, et s'en allait d'un pied léger à Bhagavapour toucher les cent mille roupies que lui devait le trésorier du maharajah.

4.Le Mémoire adressé par Quaterquem à l'illustre Académie des sciences subsiste encore à l'Institut dans les cartons de l'Académie. Il porte le numéro 719, et le rapporteur, le savant et célèbre M. Bernardet, a daigné écrire de sa main l'apostille suivante: «L'auteur devrait être envoyé à Charenton.»
5.Tout le monde sait que ces exemples de courage et de patience sont assez communs parmi les fakirs de l'Inde.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
30 августа 2016
Объем:
190 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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