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Читать книгу: «Teverino», страница 10

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– Expliquez cela.

– Comment et pourquoi n'aimez-vous point Léonce, cet homme excellent et charmant, qui vous aime avec passion?

– Il ne m'aime pas du tout, et voilà le secret de mon indifférence. Or, faut-il haïr et dédaigner un homme aussi accompli, parce qu'il n'est pas amoureux de moi? Ne dois-je pas dépouiller ici ma vanité de femme et rendre justice à son noble caractère et à son grand esprit, en lui vouant une affection plus tranquile et plus durable que l'amour?

– A la manière dont vous parlez de l'amour, on dirait que vous ne l'avez jamais connu, Signora. Une Italienne n'aurait pas tant de délicatesse et de générosité; elle mépriserait tout simplement, et tiendrait pour son ennemi l'homme capable de vivre avec elle dans cette espèce d'intimité grossière et offensante, que vous nommez amitié. Eh! tenez, Signora, de quelque race qu'elle soit, une femme est toujours femme avant tout. L'instinct de la vérité est plus puissant sur elle que les lois de la convenance et du bon goût. Votre amitié, c'est-à-dire votre dédain pour mon noble ami, ne repose que sur une erreur. Vous ne vous apercevez pas de son amour, et vous le punissez de son silence par votre estime. Si vous lisiez dans son coeur, vous répondriez à ce qu'il éprouve.

– Marquis, je vous trouve fort étrange de vous charger ainsi des déclarations de Léonce.

– Je vous jure sur l'honneur, Signora, que je n'en suis point chargé, et qu'il est aussi méfiant avec moi que vous-même.

– Ainsi, vous me faites la cour pour lui de votre propre mouvement, et vous vous chargez gratuitement de sa cause? c'est très-noble et très-généreux à vous, marquis, et cela rappelle la fraternité des anciens chevaliers. Laissez-moi vous dire que rien n'est plus digne d'estime, et que, dès ce jour, mon amitié vous est acquise à juste titre.

Ayant ainsi parlé avec un amer dépit, Sabina se leva, souhaita le bonsoir au marquis, et se retira dans sa chambre.

Nous avons dit déjà que toutes les chambres de nos personnages étaient situées sur cette galerie planchéiée qu'abritait un large auvent, à la manière des constructions alpestres, et qui longeait la face de la maison tournée vers la place. Léonce et Teverino occupaient la même chambre, et lorsque ce dernier y entra, il trouva son ami encore habillé et marchant avec agitation.

– Jeune homme, dit Léonce en venant à sa rencontre, la main ouverte, tu as de nobles sentiments et tu étais digne d'un noble sort. Je t'ai grossièrement offensé au passage du torrent, veux-tu l'oublier?

– Je vous le pardonnerai de grand coeur, Léonce, si vous m'avouez que la jalousie, c'est-à-dire l'amour, vous a causé cet emportement involontaire?

– Et autrement tu ne l'oublieras point?

– Autrement, je persisterai à vous en demander raison. Plus ma condition vous semble abjecte, plus vous me deviez d'égards, m'ayant attiré dans votre compagnie; et si la différence de nos fortunes vous faisait hésiter à me donner satisfaction, je vous dirais, pour vous stimuler, que je suis de première force à toutes les armes, et que je n'en suis pas à mon premier duel avec des gens de qualité.

– Je n'ai point de lâche préjugé qui me fasse hésiter sur ce point; je suis de mon siècle, et je sais qu'un homme en vaut un autre. Je ne suis pas maladroit non plus, et j'aurais quelque plaisir à me mesurer avec toi, si ma cause était bonne; mais je la sens mauvaise, et je souffre d'autant plus de t'avoir outragé, que je vois en toi cette fierté d'honnête homme.

– Vos excuses sont d'un honnête homme aussi, et je les accepte, dit Teverino en lui serrant la main avec une mâle dignité; mais, pour mettre ma susceptibilité en repos, vous auriez dû avouer que l'amour et la jalousie étaient seuls coupables.

– Vous voulez des confidences, Teverino? Eh bien! vous en aurez. La jalousie, oui, j'en conviens, mais l'amour, non!

– Voilà encore des subtilités françaises! Une femme nous plaît ou ne nous plaît pas. Là où il n'y a point d'amour, il n'y a point de jalousie.

– C'est le langage de la droiture et de la naïveté; mais admettons, j'y consens, que la civilisation des moeurs françaises et le raffinement de nos idées produisent cette étrange contradiction: ne pouvez-vous comprendre que ce que vous pouvez éprouver? Vous qui avez vu tant de choses, étudié tant de natures diverses, ne savez-vous pas que l'amour-propre est une cause de dépit et de jalousie aussi bien que la passion véritable?»

Teverino s'assit sur le bord de son lit, garda un silence méditatif pendant quelques instants, puis reprit en se levant: «Oui! ce sont des maladies de l'âme, produites par la satiété. Pour ne point les connaître il faut être, comme moi, visité par la misère, c'est-à-dire par l'impossibilité fréquente de satisfaire toutes ses fantaisies. Chère pauvreté! tu es une bonne institutrice des coeurs. Tu nous ramènes à la simplicité primitive des sentiments et des idées, quand l'abus des jouissances menace de nous corrompre. Tu nous donnes tant de naïves leçons, qu'il faut bien que nous restions naïfs sous ta loi austère!

– Quel rapport établissez-vous donc entre votre misère et la droiture de votre coeur?

– La misère, Monsieur, est toute une philosophie. C'est le stoïcisme, et l'âme stoïque est faite toute d'une pièce. Que ma maîtresse me soit enlevée par un homme puissant (la puissance de ce siècle c'est la richesse), je courbe la tête, et mon orgueil n'en souffre pas. Ce coeur, auquel mon coeur n'a pas suffi, ne me semble digne ni de regret ni de colère. Si je pouvais soutenir la lutte et donner à mon infidèle les jouissances de la vie, je pourrais alors connaître la jalousie et m'indigner de ma défaite. Mais là où mon rival dispose de séductions que la fortune me dénie, je ne puis m'en prendre qu'à la destinée… et les personnes ne me paraissent plus coupables.

– Tu es très-philosophe, en effet, et je t'en fais mon compliment. Mais ceci ne peut s'appliquer au mouvement de jalousie que tu m'as inspiré. Tu n'as rien, et l'on te préfère à moi qui suis riche. J'ai donc sujet d'être doublement humilié.

– Oui, d'être furieux, si vous êtes amoureux. Sinon, ce n'est qu'un délire de la vanité, et je ne comprends pas qu'un homme dont l'esprit est aussi éclairé que le vôtre, se laisse émouvoir par une telle vétille. Si vous aviez pris l'habitude d'être supplanté à toute heure par la loi fatale du destin, vous seriez aguerri contre ces petits revers. Vous sauriez que la femme est l'être le plus impressionnable de la création, et par conséquent celui qui peut nous donner le plus de jouissance et le moins de droits, le plus d'ivresse et le moins de sécurité.

– C'est une philosophie de bohémien, s'écria Léonce, et je me sens incapable d'aimer ainsi. Tu es tout tendresse et tout tolérance, Teverino; mais tu ne portes pas dans l'amour l'instinct de dignité que tu possèdes à l'endroit de l'honneur.

– Je ne place pas l'honneur où il n'est pas, et ne cherche dans l'amour que l'amour.

– Aussi tu es aimé souvent et tu n'aimes jamais; tu ne connais que le plaisir.

– Et pourtant je sacrifie souvent le plaisir à des idées d'honneur. Ne vous hâtez pas de me juger, Léonce; vous ne savez pas ce qui se passe en moi à cette heure.

– Je le sais, ami, s'écria Léonce avec feu. Tu combats des désirs que tu pourrais satisfaire à l'heure même. Il n'y a pas loin de cette chambre à celle d'une certaine et vous le punissez de son silence par votre estime. Si vous lisiez dans son coeur, vous répondriez à ce qu'il éprouve.

– Marquis, je vous trouve fort étrange de vous charger ainsi des déclarations de Léonce.

– Je vous jure sur l'honneur, Signora, que je n'en suis point chargé, et qu'il est aussi méfiant avec moi que vous-même.

– Ainsi, vous me faites la cour pour lui de votre propre mouvement, et vous vous chargez gratuitement de sa cause? c'est très-noble et très-généreux à vous, marquis, et cela rappelle la fraternité des anciens chevaliers. Laissez-moi vous dire que rien n'est plus digne d'estime, et que, dès ce jour, mon amitié vous est acquise à juste titre.

Ayant ainsi parlé avec un amer dépit, Sabina se leva, souhaita le bonsoir au marquis, et se retira dans sa chambre.

Nous avons dit déjà que toutes les chambres de nos personnages étaient situées sur cette galerie planchétée qu'abritait un large auvent, à la manière des constructions alpestres, et qui longeait la face de la maison tournée vers la place. Léonce et Teverino occupaient la même chambre, et lorsque ce dernier y entra, il trouva son ami encore habillé et marchant avec agitation.

– Jeune homme, dit Léonce en venant à sa rencontre, la main ouverte, tu as de nobles sentiments et tu étais digne d'un noble sort. Je t'ai grossièrement offensé au passage du torrent, veux-tu l'oublier?

– Je vous le pardonnerai de grand coeur, Léonce, si vous m'avouez que la jalousie, c'est-à-dire l'amour, vous a causé cet emportement involontaire?

– Et autrement tu ne l'oublieras point?

– Autrement, je persisterai à vous en demander raison. Plus ma condition vous semble abjecte, plus vous me deviez d'égards, m'ayant attiré dans votre compagnie; et si la différence de nos fortunes vous faisait hésiter à me donner satisfaction, je vous dirais, pour vous stimuler, que je suis de première force à toutes les armes, et que je n'en suis pas à mon premier duel avec des gens de qualité.

– Je n'ai point de lâche préjugé qui me fasse hésiter sur ce point; je suis de mon siècle, et je sais qu'un homme en vaut un autre. Je ne suis pas maladroit non plus, et j'aurais quelque plaisir à me mesurer avec toi, si ma cause était bonne; mais je la sens mauvaise, et je souffre d'autant plus de t'avoir outragé, que je vois en toi cette fierté d'honnête homme.

– Vos excuses sont d'un honnête homme aussi, et je les accepte, dit Teverino en lui serrant la main avec une mâle dignité; mais, pour mettre ma susceptibilité en repos, vous auriez dû avouer que l'amour et la jalousie étaient seuls coupables.

– Vous voulez des confidences, Teverino? Eh bien! vous en aurez. La jalousie, oui, j'en conviens, mais l'amour, non!

– Voilà encore des subtilités françaises! Une femme nous plaît ou ne nous plaît pas. Là où il n'y a point d'amour, il n'y a point de jalousie.

– C'est le langage de la droiture et de la naïveté; mais admettons, j'y consens, que la civilisation des moeurs françaises et le raffinement de nos idées produisent cette étrange contradiction: ne pouvez-vous comprendre que ce que vous pouvez éprouver? Vous qui avez vu tant de choses, étudié tant de natures diverses, ne savez-vous pas que l'amour-propre est une cause de dépit et de jalousie aussi bien que la passion véritable?»

Teverino s'assit sur le bord de son lit, garda un silence méditatif pendant quelques instants, puis reprit en se levant: «Oui! ce sont des maladies de l'âme, produites par la satiété. Pour ne point les connaître il faut être, comme moi, visité par la misère, c'est-à-dire par l'impossibilité fréquente de satisfaire toutes ses fantaisies. Chère pauvreté! tu es une bonne institutrice des coeurs. Tu nous ramènes à la simplicité primitive des sentiments et des idées, quand l'abus des jouissances menace de nous corrompre. Tu nous donnes tant de naïves leçons, qu'il faut bien que nous restions naïfs sous ta loi austère!

– Quel rapport établissez-vous donc entre votre misère et la droiture de votre coeur?

– La misère, Monsieur, est toute une philosophie. C'est le stoïcisme, et l'âme stoïque est faite toute d'une pièce. Que ma maîtresse me soit enlevée par un homme puissant (la puissance de ce siècle c'est la richesse), je courbe la tête, et mon orgueil n'en souffre pas. Ce coeur, auquel mon coeur n'a pas suffi, ne me semble digne ni de regret ni de colère. Si je pouvais soutenir la lutte et donner à mon infidèle les jouissances de la vie, je pourrais alors connaître la jalousie et m'indigner de ma défaite. Mais là où mon rival dispose de séductions que la fortune me dénie, je ne puis m'en prendre qu'à la destinée… et les personnes ne me paraissent plus coupables.

– Tu es très-philosophe, en effet, et je t'en fais mon compliment. Mais ceci ne peut s'appliquer au mouvement de jalousie que tu m'as inspiré. Tu n'as rien, et l'on te préfère à moi qui suis riche. J'ai donc sujet d'être doublement humilié.

– Oui, d'être furieux, si vous êtes amoureux. Sinon, ce n'est qu'un délire de la vanité, et je ne comprends pas qu'un homme dont l'esprit est aussi éclairé que le vôtre, se laisse émouvoir par une telle vétille. Si vous aviez pris l'habitude d'être supplanté à toute heure par la loi fatale du destin, vous seriez aguerri contre ces petits revers. Vous sauriez que la femme est l'être le plus impressionnable de la création, et par conséquent celui qui peut nous donner le plus de jouissance et le moins de droits, le plus d'ivresse et le moins de sécurité.

– C'est une philosophie de bohémien, s'écria Léonce, et je me sens incapable d'aimer ainsi. Tu es tout tendresse et tout tolérance, Teverino; mais tu ne portes pas dans l'amour l'instinct de dignité que tu possèdes à l'endroit de l'honneur.

– Je ne place pas l'honneur où il n'est pas, et ne cherche dans l'amour que l'amour.

– Aussi tu es aimé souvent et tu n'aimes jamais; tu ne connais que le plaisir.

– Et pourtant je sacrifie souvent le plaisir à des idées d'honneur. Ne vous hâtez pas de me juger, Léonce; vous ne savez pas ce qui se passe en moi à cette heure.

– Je le sais, ami, s'écria Léonce avec feu. Tu combats des désirs que tu pourrais satisfaire à l'heure même. Il n'y a pas loin de cette chambre à celle d'une certaine grande dame, orgueilleuse et faible entre toutes celles de sa race, et je sais fort bien qu'il te suffirait de chanter une romance sous sa fenêtre et de lui tourner un compliment d'irrésistible flatterie pour animer ce prétendu marbre de Carrare et embraser ces lèvres dédaigneuses…

– Halte-là, Léonce, je n'ai pas cette confiance, et ne m'attribue pas ce pouvoir!

– Est-ce dissimulation, modestie ou loyauté? Sois dégagé de tout scrupule. J'ai tout vu, tout entendu; je sais comment tu as été curieux, et puis tenté, et puis vainqueur de toi-même par générosité envers moi. Je t'en sais gré; mais l'estime que tu m'inspires augmente le mépris que j'ai conçu pour cette femme, et je veux qu'elle porte la peine de son hypocrite froideur. Je veux que tu te livres à l'emportement de ta jeunesse, et que tu lui donnes ces plaisirs que son oeil humide implore depuis ce matin. Va, enfant du hasard, et roi de l'occasion! l'heure est propice, et tu as déjà cueilli le premier baiser, ce baiser d'amour après lequel une femme ne peut rien refuser. Tu me rendras un grand service, tu me délivreras d'une agonie mortelle et d'un attrait fatal, trop longtemps combattu en vain. La seule chose que j'exige de toi c'est la discrétion, et d'ailleurs ta vie me répond de ton silence. Sois heureux cette nuit, tu mourras demain… si tu parles!

– Un duel à mort serait un stimulant céleste si j'étais véritablement tenté, répondit Teverino avec calme; mais je ne le suis pas, parce que je vois que tu es éperdument épris, pauvre Léonce! ta fureur et ton injustice révèlent, malgré toi, le fond de ton âme. Allons, calme-toi, cette belle créature n'est ni fausse ni coupable. Elle n'est que méfiante et irrésolue, et si elle ne t'a pas encore aimé, Léonce, c'est ta faute!

– Non, non, c'est la sienne. Peut-elle ignorer que je l'aime, et que ma respectueuse amitié n'est qu'un jeu timide?

– Tu en conviens, à la fin!

– Je conviens que je l'aime depuis longtemps, et que ce matin encore… j'étais prêt à me déclarer; eh quoi! ne l'ai-je pas fait cent fois depuis ce matin, insensé que je suis! Mes emportements, mes railleries amères, ma tristesse, mon inquiétude, mes soins jaloux, mes efforts pour être amoureux de Madeleine, ne sont-ce pas là autant d'aveux par trop naïfs pour un homme du monde?

– Léonce! Léonce! vous avez été compris!

– Oui, et c'est ce qu'il y a de plus odieux de sa part, de plus humiliant pour moi. Elle a feint de ne rien voir; elle s'est obstinée dans sa superbe impudence, elle a cherché tous les moyens de me décourager; et quand elle a vu que je souffrais bien, elle s'est jetée dans les bras d'un inconnu avec une sorte de cynisme.

– Tais-toi, blasphémateur! tu me scandalises, s'écria Teverino. Tu es aveugle et grossier dans la passion. Quoi! tu ne vois pas que cette femme t'aime, et c'est à moi de t'enseigner les délicatesses de son coeur! Tu ne vois pas que c'est par dépit qu'elle m'écoute, et que son âme, agitée par la passion, cherche un refuge dans l'ivresse de quelque fatale catastrophe? Tu choisis pour arriver à elle des chemins remplis d'épines, et les douceurs que tu lui prépares sont mêlées de fiel: tu l'irrites par d'orageux désirs, et aussitôt tu t'éloignes, hautain et plein d'épigrammes, offensé de ce qu'elle ne te fait pas des avances contraires à la pudeur de son sexe! tu veux qu'elle t'exprime sa passion, qu'elle te rassure contre tout hasard, qu'elle te promette des jours filés d'or et de soie; qu'elle s'excuse et se justifie d'avoir été jusqu'à ce jour insensible à tes séductions; qu'elle te demande en quelque sorte pardon de sa lenteur à se soumettre; enfin, qu'elle te verse, en échange de l'amer breuvage de vérités que tu lui présentes, les flots d'ambroisie de l'amoureuse adulation! Vous êtes absurde, Léonce, et vous ne savez pas ce que c'est qu'une telle femme. Vous croiriez déroger en vous courbant sous ses pieds, en vous traînant dans la poussière, en vous confessant indigne de sa tendresse, et vous ne voyez pas que c'est là tout bonnement l'expression naturelle d'un amour vrai, la gratitude naïve d'un bonheur exalté?

– Italien! Italien! fleuve débordé qui roule au hasard, tu n'attends pas que l'enthousiasme te pénètre pour l'exprimer, et tes transports peuvent devancer le bonheur qui les fait naître! Tu connais toutes les ruses de la séduction, et tu parles de naïveté!

– Oui, je suis naïf en travaillant à la victoire; le désir et l'espoir me rendent éloquent, et je n'ai pas besoin de certitude pour être audacieux. Qu'a donc d'humiliant un échec de ce genre?

– Ah! tu l'ignores? Un refus de femme est pire que le soufflet d'un homme.

– Sot préjugé!

– Non! La femme qui refuse se dit outragée par la prière.

– Fausse vertu! Tout cela est embrouillé et cauteleux chez vous, je le vois bien. O vive la brûlante Italie!

– Tu méprisais pourtant tes anciennes idoles quand tu disais tantôt, sur le rempart: «Nos femmes aiment sans discernement, et vos sentiments, à vous, sont des idées!»

– Je croyais marcher à la découverte de la perfection; mais je vois avec chagrin que l'esprit étouffe le coeur. Je reviens tout repentant et tout contrit à mes souvenirs.

– Au fond, tu as peut-être raison! dit Léonce en sortant d'une profonde rêverie. Celle absence de délicatesse vient de la richesse de votre organisation; et je ne suis pas étonné que lady G… ait été entraînée par cet abandon d'une âme féconde après avoir vécu de subtilités glacées. Nous n'entendons peut-être rien à l'amour, et je reconnais que ce qui m'arrive est mérité. Mais il est trop tard pour en profiter: le charme est détruit, et tu as tout gâté, Teverino, en croyant me servir et m'éclairer.

– Ne dites pas cela, Léonce, vous n'en savez rien. La nuit porte conseil, et demain vous serez calme. Demain, à deux heures après midi, une grande révolution doit s'opérer entre nous tous. Attendez jusque-là pour juger de vous-même.

– Que veux-tu dire?

– Rien, je veux dormir! dit Teverino en éteignant la lumière; chargez-vous de m'éveiller demain, car je suis paresseux au lit comme un cardinal.

Il parut bientôt profondément endormi, et Léonce, réduit à disputer avec lui-même, s'efforça en vain de l'imiter. Mais outre que son lit était fort mauvais, et que ces grabats d'auberge lui semblaient aussi fâcheux qu'ils paraissaient délectables à son compagnon, il demeura attentif, malgré lui, à tous les bruits extérieurs. Une vague inquiétude le dévorait. Il s'attendait toujours à voir passer sur le rideau de sa fenêtre, éclairé par la lune, l'ombre de Sabina, cherchant sur la galerie l'occasion de se réconcilier avec Teverino.

Il commençait enfin à s'assoupir, lorsque des pas furtifs firent craquer légèrement le plancher de la galerie; et se perdirent peu à peu. Léonce resta immobile, l'oreille au guet, l'oeil fixé sur Teverino, dont le lit faisait face au sien; alors il vit distinctement le bohémien se lever, entr'ouvrir doucement la porte, s'assurer qu'une personne avait passé là, et s'approcher de son lit pour voir s'il dormait. Léonce feignit de dormir profondément, et de ne pas sentir la main que Teverino agitait devant ses yeux. Alors celui-ci s'habilla sans bruit et sortit avec précaution.

– Misérable! tu m'as trompé, se dit Léonce. Eh bien! je découvrirai ta ruse malgré toi, et je couvrirai de honte cette femme impudique.

Il se releva, s'habilla avec précaution et suivit les traces de l'imprudent marquis. La lune se couchait et la ville, était silencieuse.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
27 сентября 2017
Объем:
200 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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