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Читать книгу: «La vie et la mort du roi Richard II», страница 5

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SCÈNE II

Les côtes du pays de Galles. – On aperçoit un château
Fanfares, tambours et trompettes.-Entrent LE ROI RICHARD, L'ÉVÊQUE DE CARLISLE, AUMERLE, des soldats

RICHARD. – N'est-ce pas Barkloughby que vous appelez ce château près duquel nous sommes?

AUMERLE. – Oui, mon prince. – Comment Votre Majesté se trouve-t-elle de respirer l'air, après avoir été secouée dernièrement sur les flots agités?

RICHARD. – Il doit nécessairement me plaire. Je pleure de joie de me retrouver encore une fois sur le sol de mon royaume. – Terre chérie, je te salue de ma main, quoique les rebelles te déchirent des fers de leurs chevaux. Comme une mère depuis longtemps séparée de son enfant se joue tendrement de ses larmes et sourit en le retrouvant, c'est ainsi que pleurant et souriant je te salue, ô mon pays, et te caresse de mes mains royales. Ma bonne terre, ne nourris pas l'ennemi de ton souverain! Ne répare pas, par tes douces productions, ses sens affamés! mais que tes araignées nourries de ton venin, tes crapauds à la marche lourde, se placent sur son chemin et blessent les pieds perfides qui te foulent de leurs pas usurpateurs. Ne cède à mes ennemis que des orties piquantes, et s'ils veulent cueillir une fleur sur ton sein, défends-la, je te prie, par un serpent caché, dont le double dard, par sa mortelle piqûre, lance le trépas sur les ennemis de ton souverain. – Ne riez point, milords, de me voir conjurer des êtres insensibles: cette terre prendra du sentiment, ces pierres se changeront en soldats armés, avant que celui qui naquit leur roi succombe sous les armes d'une odieuse rébellion.

L'ÉVÊQUE DE CARLISLE. – Ne craignez rien, seigneur. Le pouvoir qui vous a fait roi est assez fort pour vous maintenir roi en dépit de tous. Il faut embrasser les moyens que le ciel présente, et ne pas les négliger: autrement, si ce que le ciel veut, nous refusons de le vouloir, c'est refuser les offres du ciel et les moyens qu'il nous présente pour nous secourir et pour nous sauver.

AUMERLE. – Il veut dire, mon seigneur, que nous demeurons trop inactifs, tandis que Bolingbroke, par notre sécurité, s'agrandit et se fortifie en puissance et en amis.

RICHARD. – Sinistre cousin, ne sais-tu pas que lorsque l'oeil vigilant des cieux se cache derrière le globe et descend éclairer le monde qui est sous nos pieds, alors les voleurs et les brigands errent ici invisibles et sanglants, semant le meurtre et l'outrage? Mais dès que, ressortant de dessous le globe terrestre, il enflamme à l'orient la cime orgueilleuse des pins et lance sa lumière jusque dans les plus criminelles cavités, alors les meurtres, les trahisons, tous les forfaits détestés, dépouillés du manteau de la nuit, restent nus et découverts, et épouvantés d'eux-mêmes. Ainsi, dès que ce brigand, ce traître Bolingbroke, qui, pendant tout ce temps, s'est donné carrière dans la nuit, tandis que nous étions errants aux antipodes, nous verra remonter à l'orient notre trône, ses trahisons feront rougir son visage; et, hors d'état de soutenir la vue du jour, effrayé de lui-même, il tremblera de son crime. Toutes les eaux de la mer orageuse ne peuvent enlever du front d'un roi le baume dont il a reçu l'onction; le souffle d'une voix mortelle ne saurait déposer le député élu par le Seigneur. Contre chacun des hommes que Bolingbroke a rassemblés pour lever un fer menaçant contre notre couronne d'or, le Dieu des armées paye au ciel pour son Richard un ange resplendissant; et où combattent les anges, il faut que les faibles mortels succombent, car le ciel défend toujours le droit. (Entre Salisbury.) – Soyez le bienvenu, comte. A quelle distance sont vos troupes?

SALISBURY. – Ni plus près ni plus loin, mon gracieux souverain, que n'est ce faible bras. Le découragement maîtrise ma voix, et ne me permet que des paroles désespérantes. Un jour de trop, mon noble seigneur, a, je le crains bien, obscurci tous les jours heureux sur la terre. Oh! rappelle le jour d'hier, ordonne au temps de revenir, et tu auras encore douze mille combattants, mais ce jour, ce jour, ce malheureux jour, ce jour de trop a fait disparaître ton bonheur, tes amis, ta fortune et ta grandeur: tous les Gallois, sur le bruit de ta mort, sont allés joindre Bolingbroke, ou se sont dispersés et enfuis.

AUMERLE. – Prenez courage, mon souverain. Pourquoi Votre Seigneurie pâlit-elle ainsi?

RICHARD. – Il n'y a qu'un moment que le sang de vingt mille hommes triomphait dans mon visage, et ils ont tous fui! jusqu'à ce qu'il me soit revenu autant de sang, n'ai-je pas des raisons d'être pâle et d'avoir l'air mort? Tous ceux qui cherchent leur sûreté abandonnent mon parti: le temps a fait une tache à mon éclat.

AUMERLE. – Prenez courage, mon souverain, rappelez-vous qui vous êtes.

RICHARD. – Je m'oubliais moi-même. Ne suis-je pas roi? Réveille-toi, indolente majesté. Tu dors! Le nom de roi ne vaut-il pas quarante mille noms? Arme-toi, arme-toi, mon nom! un vil sujet s'attaque à ta grande gloire! – Ne baissez point les yeux, vous, favoris d'un roi. Ne sommes-nous pas grands? Que nos pensées soient grandes! Je sais que mon oncle York a des forces suffisantes pour suffire à nos besoins-Mais qui vois-je s'avancer vers nous?

(Entre Scroop.)

SCROOP. – Puisse-t-il advenir à mon souverain plus de santé et de bonheur que ma voix, montée à la tristesse, ne saurait lui en annoncer!

RICHARD. – Mon oreille est ouverte et mon coeur est préparé. Le pis que tu puisses m'apprendre est une perte temporelle. Dis, mon royaume est-il perdu? Eh bien! il faisait tout mon souci; et que perd-on à être délivré de soucis? Bolingbroke aspire-t-il à être aussi grand que nous? il ne sera jamais plus grand. S'il sert Dieu, nous le servirons aussi, et par là nous serons son égal. Nos sujets se révoltent-ils! Nous ne pouvons y remédier: ils violent leur foi envers Dieu comme envers nous. Crie-moi malheur, destruction, ruine, perte, décadence: le pis est la mort, et la mort aura son jour.

SCROOP. – Je suis bien aise de voir Votre Majesté si bien armée pour supporter les nouvelles de l'adversité. Telle qu'un jour de tempête hors de saison qui amène les rivières argentées à submerger leurs rivages, comme si l'univers se fondait en pleurs, telle s'enfle au delà de toute limite la fureur de Bolingbroke, couvrant vos États consternés d'un acier dur et brillant, et de coeurs plus durs que l'acier. Les barbes blanches ont armé de casques leurs crânes minces et chauves contre ta majesté; les enfants s'efforcent de grossir leur voix féminine, et renferment, par haine de ta couronne, leurs membres de femme sous des armes roides et pesantes; ceux même qui sont chargés de prier pour toi apprennent à bander leurs arcs d'if doublement fatal 19 pour s'en servir contre ta puissance. Même, les femmes, quittant leur quenouille, brandissent contre ton trône des serpes rouillées. Les jeunes et les vieux se révoltent; tout va plus mal que je ne puis vous le dire.

RICHARD. – Tu ne m'as que trop bien, trop bien fait un si triste récit. – Où est le comte de Wiltshire? Où est Bagot? Qu'est devenu Bushy? Où est Green? Pourquoi ont-ils laissé ce dangereux ennemi mesurer ainsi nos frontières d'un pas tranquille?.. Si nous l'emportons, ils le payeront de leurs têtes. – Je vous garantis qu'ils ont fait leur paix avec Bolingbroke.

SCROOP. – Il est vrai, seigneur, ils ont fait leur paix avec lui.

RICHARD. – Traîtres! ah! vipères! damnés sans rédemption! chiens aisément amenés à ramper devant le premier venu! serpents réchauffés dans le sang de mon coeur, et qui me percent le coeur! trois Judas, chacun trois fois pire que Judas! Devaient-ils faire leur paix? Que pour ce crime le terrible enfer déclare la guerre à leurs âmes souillées!

SCROOP. – La tendre amitié, je le vois, lorsqu'elle change de nature, produit la plus amère et la plus mortelle haine. – Révoquez vos malédictions sur leurs âmes: ils ont fait leur paix en donnant leurs têtes, et non leurs mains; ceux que vous maudissez ont reçu le coup le plus cruel que puisse frapper la mort, et gisent assez bas ensevelis dans le sein de la terre.

AUMERLE. – Quoi! Bushy, Green et le comte de Wiltshire sont morts?

SCROOP. – Oui, ils ont tous perdu la tête à Bristol.

AUMERLE. – Où est le duc mon père avec ses troupes?

RICHARD. – N'importe où il est… Que personne ne me parle de consolation. Entretenons-nous de tombeaux, de vers, d'épitaphes; que la poussière soit notre papier, et que la pluie qui coule de nos yeux écrive notre douleur sur le sein de la terre; choisissons nos exécuteurs testamentaires, et parlons de testaments. Et cependant non; car que pourrions-nous léguer sinon nos corps dépouillés à la terre? Nos possessions, notre vie, tout appartient à Bolingbroke, et il n'est plus rien que nous puissions dire à nous que la mort, et ce petit moule, fait d'une terre stérile, qui couvre nos os, comme une pâte. Au nom du ciel, asseyons-nous par terre, et racontons les tristes histoires de la mort des rois; comment quelques-uns ont été déposés, quelques-uns tués à la guerre, d'autres hantés par les fantômes de ceux qu'ils avaient dépossédés, d'autres empoisonnés par leurs femmes, d'autres égorgés en dormant; tous assassinés! La Mort tient sa cour dans le creux de la couronne qui ceint le front mortel d'un roi: c'est là que siége sa grotesque figure se riant de la grandeur du souverain, insultant à sa pompe: elle lui accorde un souffle de vie, une courte scène pour jouer le monarque, être craint et tuer de ses regards, l'enivrant d'une vaine opinion de lui-même, comme si cette chair qui sert de rempart à notre vie était d'un bronze impénétrable! Et après s'être amusée un moment, elle en vient au dernier acte, et d'une petite épingle elle perce le mur du château… et adieu le roi. – Couvrez vos têtes, et n'insultez pas par ces profonds hommages la chair et le sang; rejetez loin de vous le respect, les traditions, l'étiquette, les devoirs cérémonieux. Vous m'avez méconnu jusqu'à présent: je vis de pain, comme vous, je sens comme vous le besoin, je suis atteint par le chagrin; j'ai besoin d'amis. Ainsi assujetti, comment pouvez-vous me dire que suis un roi?

L'ÉVÊQUE DE CARLISLE. – Seigneur, les hommes sages ne déplorent jamais les maux présents: ils emploient le présent à éviter d'en avoir d'autres à déplorer. Craindre votre ennemi, puisque la crainte accable la force, c'est donner par votre faiblesse des forces à votre ennemi; et par là votre folie combat contre vous-même. – Craignez et soyez tué!.. Il ne peut rien vous arriver de pis en combattant. Combattre et mourir, c'est la mort détruisant la mort; mourir en tremblant, c'est rendre lâchement à la mort le tribut de sa vie.

AUMERLE. – Mon père a des troupes: informez-vous où il est; et d'un seul membre apprenez à faire un corps.

RICHARD. – Tes reproches sont justes. – Superbe Bolingbroke, je viens pour échanger avec toi des coups dans ce jour qui doit nous juger. Cet accès de fièvre de terreur est tout à fait dissipé. – C'est une tâche aisée que de reprendre son bien. – Dis-moi, Scroop, où est notre oncle avec ses troupes? Homme, réponds-moi avec douceur, quoique tes regards soient sinistres.

SCROOP. – On juge par la couleur du ciel de l'état et des dispositions de la journée: ainsi pouvez-vous juger, par mon air sombre et abattu, que ma langue n'a à vous faire qu'un rapport plus triste encore. Je joue ici le rôle d'un bourreau, en allongeant ainsi peu à peu ce qu'il y a de pis et qu'il faut bien dire. – Votre oncle York s'est joint à Bolingbroke; tous vos châteaux du nord se sont rendus, et toute votre noblesse du midi est en armes pour sa cause.

RICHARD. – Tu en as dit assez. (A Aumerle.) – Malédiction sur toi, cousin, qui m'as éloigné de la bonne voie où j'étais pour trouver le désespoir! Que dites-vous à présent? quelle ressource nous reste-t-il à présent? Par le ciel, je haïrai éternellement quiconque m'exhortera davantage à prendre courage. Allons au château de Flint; j'y veux mourir de ma douleur. Un roi vaincu par le malheur doit obéir au malheur, son roi. Congédiez les troupes qui me restent, et qu'elles aillent labourer la terre qui leur offre encore quelques espérances: pour moi, je n'en ai point. – Que personne ne me parle de changer mon dessein: tout conseil serait vain.

AUMERLE. – Mon souverain, un mot.

RICHARD. – Celui dont la langue me blesse par ses flatteries me fait un double mal. – Licenciez ma suite, qu'ils s'en aillent. Qu'ils fuient de la nuit de Richard vers le jour brillant de Bolingbroke.

(Ils sortent.)

SCÈNE III

La scène est dans le pays de Galles, devant le château de Flint
Entrent avec des tambours et des étendards BOLINGBROKE et ses troupes, YORK, NORTHUMBERLAND et plusieurs autres

BOLINGBROKE. – Ainsi nous apprenons par cet avis que les Gallois sont dispersés, et que Salisbury est allé rejoindre le roi, qui vient de débarquer sur cette côte avec quelques-uns de ses amis particuliers.

NORTHUMBERLAND. – Voilà une bonne et agréable nouvelle, seigneur. Richard est venu cacher sa tête assez près d'ici.

YORK. – Il serait convenable que lord Northumberland voulût bien dire le roi Richard. – Hélas! quel triste jour que celui où le souverain sacré est obligé de cacher sa tête!

NORTHUMBERLAND. – Votre Grâce se méprend sur mes intentions: c'était pour abréger que j'avais omis le titre.

YORK. – Il fut un temps où, si vous aviez abrégé ainsi à son égard, il eût aussi abrégé avec vous en vous raccourcissant, pour tant de licence, de toute la longueur de votre tête.

BOLINGBROKE. – Mon oncle, ne prenez pas les choses plus mal que vous ne le devez.

YORK. – Et vous, mon cher neveu, ne prenez pas plus qu'il ne vous appartient, de peur de vous méprendre: le ciel est au-dessus de votre tête.

BOLINGBROKE. – Je le sais, mon oncle, et ne m'oppose point à ses volontés. – Mais qui s'avance vers nous? (Entre Percy.) – C'est vous, Henri! Eh bien, est-ce que ce château ne se rendra point?

PERCY. – Une force royale, milord, t'en défend l'entrée.

BOLINGBROKE. – Comment, royale? Il ne renferme point de roi?

PERCY. – Oui, milord, il renferme un roi: Le roi Richard est enfermé dans cette enceinte de ciment et de pierres; et avec lui sont lord Aumerle, lord Salisbury, sir Étienne Scroop, et de plus un ecclésiastique de sainte renommée: qui c'est, je n'ai pu le savoir.

NORTHUMBERLAND. – Il y apparence que c'est l'évêque de Carlisle.

BOLINGBROKE, à Northumberland.-Noble seigneur, approchez-vous des rudes flancs de cet antique château; que l'airain de la trompette transmette à ses oreilles ruinées la demande d'une conférence, et portez au roi ce message: «Henri de Bolingbroke, à deux genoux, baise la main du roi Richard, et envoie à sa personne royale l'hommage de son allégeance et de la fidélité loyale de son coeur. Je viens ici mettre à ses pieds mes armes et mes forces, pourvu que mon bannissement soit annulé, et que mes domaines me soient restitués libres de toutes charges: sinon, j'userai de l'avantage de ma puissance, et j'abattrai la poussière de l'été par une pluie de sang versée par les blessures des Anglais égorgés. Mais il est bien loin du coeur de Bolingbroke de vouloir que cette tempête pourpre vienne arroser le sein frais et verdoyant du beau royaume du roi Richard, et c'est ce que lui prouvera assez mon humble soumission.» – Allez, faites-lui entendre ceci, tandis que nous, nous avancerons sur le tapis de gazon de cette plaine. (Northumberland s'avance vers le château avec un trompette.) – Marchons sans faire entendre le bruit menaçant des tambours, afin que du haut des murs en ruine de ce château on puisse bien entendre nos honorables offres. – Il me semble que le roi Richard et moi nous devons nous rencontrer d'une manière aussi terrible que les éléments du feu et de l'eau, lorsque leurs tonnerres se rencontrant déchirent de leur choc le front nébuleux du firmament. Qu'il soit le feu, je serai l'eau docile; que la rage soit de son côté, tandis que je répandrai la pluie de mes eaux sur la terre, sur la terre, non sur lui. Marchons en avant, et observons quelle sera la contenance du roi Richard.

(La trompette sonne pour demander un pourparler, une autre trompette répond de l'intérieur de la forteresse. – Fanfare. – Richard paraît sur les remparts, suivi de l'évêque de Carlisle, d'Aumerle, de Scroop et de Salisbury.)

YORK. – Voyez, voyez: le roi Richard paraît lui-même, semblable au soleil rougissant et mécontent, lorsque, sortant du portail enflammé de l'orient, il voit les nuages jaloux s'avancer pour ternir sa gloire et obscurcir le cours de son brillant passage vers l'occident. Il a pourtant encore l'air d'un roi. Voyez: son oeil, aussi brillant que celui de l'aigle, lance les éclairs de la majesté souveraine. Hélas! hélas! malheur à nous si quelque mal venait à ternir un si noble aspect!

RICHARD, à Northumberland.-Nous sommes surpris, et nous nous sommes si longtemps arrêté pour attendre que ton genou respectueux fléchît devant nous parce que nous croyons être ton légitime souverain. Si nous le sommes, comment tes articulations osent-elles oublier de nous rendre l'hommage solennel que tu dois à notre présence? Si nous ne le sommes pas, montre-nous comment la main de Dieu nous a dépossédé des fonctions dont il nous avait revêtu; car nous savons que nulle main d'os et de sang ne peut saisir la poignée sacrée de notre sceptre, sans le profaner, le voler, ou l'usurper; et dussiez-vous penser que tous mes sujets ont comme vous violemment séparé leurs coeurs de notre cause, et que nous sommes abandonné et dénué d'amis, sachez que mon maître, le Dieu tout-puissant, assemble dans ses nuages en notre faveur des armées de pestes qui frapperont vos enfants encore à naître, encore non engendrés, parce que vous avez levé vos mains vassales contre ma tête, et menacé la gloire de ma précieuse couronne. Dis à Bolingbroke (car je crois le voir là-bas) que chaque pas qu'il fait dans mes États est une dangereuse trahison. Il vient ouvrir le rouge testament de la guerre sanglante: mais avant que la couronne où visent ses regards repose en paix sur sa tête, les couronnes ensanglantées des crânes de dix mille fils de bonnes mères dépareront dans sa fleur la face de l'Angleterre, changeront la blancheur du teint virginal de sa Paix en une rougeur d'indignation, et humecteront l'herbe de ses pâturages du sang des fidèles Anglais.

NORTHUMBERLAND. – Le roi des cieux nous préserve de voir le roi notre maître ainsi assailli par des armes à la fois concitoyennes et ennemies 20! Ton trois fois noble cousin Henri Bolingbroke te baise humblement la main; et il jure par la tombe honorable qui recouvre les os de ton royal aïeul, par la royale noblesse de votre sang à tous deux, ruisseaux sortis d'une seule source très-précieuse, par le bras enseveli du belliqueux Gaunt, par sa propre valeur et son honneur personnel, serment qui comprend toutes les paroles et tous les serments, que son retour dans ce royaume n'a d'autre but que de réclamer son illustre héritage, et de te demander à genoux l'annulation immédiate de son arrêt d'exil. Dès qu'une fois Votre Majesté aura souscrit à sa demande, il abandonnera à la rouille ses armes brillantes, rendra ses chevaux armés en guerre à leurs écuries, et son coeur au fidèle service de Votre Majesté. Voilà ce qu'il jure, et, sur sa foi de prince, il promet de l'observer: et moi, j'en réponds comme gentilhomme.

RICHARD. – Northumberland, dis-lui: «Voici la réponse du roi: Son noble cousin est le bienvenu ici, et toutes ses justes demandes seront satisfaites sans contradiction;» et dans les termes les plus gracieux que tu possèdes, parle à son affection de mes tendres sentiments. (A Aumerle.) – Nous nous abaissons, cousin, n'est-il pas vrai, en montrant tant de faiblesse et en parlant avec tant de douceur? Rappellerons-nous Northumberland, et enverrons-nous un défi au traître, pour mourir ainsi?

AUMERLE. – Non, mon bon maître; combattons avec de bonnes paroles jusqu'à ce que le temps nous prête des amis, et ces amis le secours de leurs épées.

RICHARD. – O Dieu, ô Dieu! que ma bouche, qui a prononcé le terrible arrêt du bannissement contre cet homme hautain, le révoque aujourd'hui par des paroles si douces! Oh! que ne suis-je aussi grand que ma douleur, ou moins grand que mon nom! Que ne puis-je oublier ce que j'ai été, ou cesser de me rappeler ce que je suis à présent! Tu te gonfles, coeur superbe? Je te mettrai en liberté de battre, puisque mes ennemis ont la liberté de battre toi et moi.

AUMERLE. – Voilà Northumberland que Bolingbroke renvoie.

RICHARD. – Que doit faire le roi maintenant? Faut-il qu'il se soumette? le roi se soumettra. Faut-il qu'il soit déposé? le roi y consentira. Lui faut-il perdre le titre de roi? Au nom de Dieu, qu'on me l'ôte! Je changerai mes joyaux contre un chapelet, mes palais somptueux contre un ermitage, mes brillants vêtements contre la robe du mendiant, mes coupes ciselées pour un plat de bois, mon sceptre pour un bâton de pèlerin, tous mes sujets pour une couple de saints sculptés, et mon vaste royaume pour un petit tombeau, un petit, petit tombeau, un tombeau obscur! Ou peut-être serai-je enseveli sur quelque route royale, sur quelque chemin fréquenté où les pieds de mes sujets pourront à toute heure fouler la tête de leur souverain; car c'est mon coeur qu'ils foulent aux pieds, moi encore vivant; une fois enseveli, pourquoi ne fouleraient-ils pas ma tête? – Aumerle, tu pleures, mon cousin au coeur tendre! De nos larmes méprisées nous susciterons une tempête; elles et nos soupirs détruiront la moisson de l'été, et amèneront la famine dans cette terre révoltée; ou bien nous ferons-nous un jeu de nos maux, et prendrons-nous nos larmes pour le sujet de quelque joli pari, comme de les faire tomber sur un seul endroit jusqu'à ce qu'elles nous aient creusé deux tombeaux dans la terre, et que là, couchés tous deux, on y puisse graver: Là gisent deux parents qui se sont creusé leur tombeau des larmes de leurs yeux? Ce malheur n'aurait-il pas bonne grâce? – Allons, allons, je vois que je parle follement, et que tu te moques de moi-Très-puissant prince, milord Northumberland, que dit le roi Bolingbroke? Sa Majesté veut-elle permettre à Richard de vivre jusqu'à ce que Richard meure? – Vous saluez; c'est-à-dire que Bolingbroke dit oui.

NORTHUMBERLAND. – Seigneur, il vous attend dans la cour basse pour conférer avec vous. Vous plaît-il de descendre?

RICHARD. – Je descends! je descends comme le brillant Phaéton hors d'état de gouverner des coursiers indociles! (Northumberland se retire vers Bolingbroke.) Dans la cour basse? c'est une cour basse que celle où les rois s'abaissent jusqu'à obéir à l'appel des traîtres, et à leur faire grâce! Dans la cour basse? Descendons! A bas, cour! à bas, roi! car les hiboux de la nuit font entendre leurs cris là où l'alouette devrait s'élever en chantant.

(Le roi et les lords se retirent des remparts.)

BOLINGBROKE, à Northumberland.-Que dit Sa Majesté?

NORTHUMBERLAND. – La tristesse et le chagrin de son coeur lui font dire des choses insensées comme un homme égaré. Cependant il vient.

(Entrent Richard et sa suite.)

BOLINGBROKE. – Tenez-vous tous à l'écart, et montrez un grand respect à Sa Majesté. (Fléchissant un genou en terre.) – Mon gracieux souverain…

RICHARD. – Beau cousin, vous abaissez votre genou de prince, en permettant à la vile terre l'orgueil de le baiser. J'aimerais mieux éprouver dans mon coeur l'effet de votre amitié que de sentir mes yeux blessés par vos respects. Levez-vous, cousin, levez-vous: votre coeur s'élève, je le sais, au moins à cette hauteur (portant la main à sa tête), bien que vos genoux s'abaissent.

BOLINGBROKE. – Mon gracieux souverain, je ne viens que pour réclamer mes biens.

RICHARD. – Vos biens sont à vous, et je suis à vous, et tout est à vous!

BOLINGBROKE. – Soyez à moi, mon très-redouté souverain, autant que mes fidèles services mériteront votre affection.

RICHARD. – Vous avez bien mérité. – Ils méritent de posséder ceux qui connaissent le moyen le plus sûr et le plus énergique d'obtenir. – Mon oncle, donnez-moi votre main: allons, séchez vos larmes. Les larmes prouvent l'amitié qui les excite, mais elles manquent du remède. (A Bolingbroke.) – Cousin, je suis trop jeune pour être votre père, quoique vous soyez assez vieux pour être mon héritier. Ce que vous voulez avoir, je vous le donnerai, et même volontairement; car il faut faire de soi-même ce que la force nous contraint de faire. – Marchons vers Londres. – Le voulez-vous, cousin?

BOLINGBROKE. – Oui, mon bon seigneur.

RICHARD. – Alors je ne dois pas dire non.

(Fanfares. – Ils sortent.)
19.… Double-fatal yew.
  Doublement fatal par son bois propre à faire des arcs, et par les propriétés nuisibles de son feuillage.
20.Should so with civil and uncivil arms
  Be rush'd upon.
  Le jeu de mots entre civil et uncivil était impossible à reproduire dans le français, qui n'a pas conservé à incivil son sens propre.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
27 сентября 2017
Объем:
120 стр. 1 иллюстрация
Переводчик:
Правообладатель:
Public Domain

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