Читать книгу: «Si Seulement C’était Pour Toujours», страница 2

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CHAPITRE DEUX

Emily se réveilla le matin suivant Thanksgiving avec une sensation d’allégresse. Elle ne s'était jamais sentie aussi heureuse. Le beau soleil d'hiver se déversait à travers les rideaux de dentelle, ajoutant à son état déjà émerveillé et excité. Après une brève seconde de doute, Emily conclut qu'elle ne rêvait pas ; Daniel lui avait effectivement fait sa demande, et ils allaient vraiment se marier.

Tout à coup consciente de toutes les choses qu'elle devait faire, elle sortit du lit. Elle avait des gens à appeler ! Comment avait-elle pu oublier d'appeler Jayne et Amy pour leur apprendre la nouvelle ? Et sa mère ? Elle avait tellement été accaparée par le moment, par sa propre joie et les réjouissances de ses amis, que cela ne lui avait même pas traversé l’esprit.

Elle se doucha et s'habilla rapidement, puis descendit en courant jusqu’à la véranda avec son téléphone portable. L'eau de ses cheveux encore mouillés gouttait sur son haut tandis qu'elle faisait défiler ses contacts. Son pouce hésita sur le numéro de sa mère et commença à trembler. Elle ne pouvait tout simplement pas trouver le courage de le composer. Elle savait que sa mère ne lui donnerait pas le genre de réponse qu'elle voulait ; elle avait été suspicieuse envers Chantelle et supposait que Daniel ne voulait épouser Emily que pour la transformer en mère de son enfant. Elle décida donc de tâter le terrain avec Jayne. Sa meilleure amie lui parlait toujours sans détour, mais il n’y avait jamais le même air de déception que sa mère exsudait.

Elle composa le numéro de Jayne et écouta la sonnerie. Ensuite, on décrocha.

« Em ! » cria Jayne. « Tu es sur haut-parleur. »

Emily s'arrêta. « Pourquoi est-ce que je suis sur haut-parleur ? »

« Nous sommes dans la salle de conférence. Moi et Ames. »

« Salut, Emily ! » s’écria jovialement Amy. « Est-ce que c’est pour l'offre d'emploi ? »

Il fallut un moment à Emily pour déterminer de quoi elles parlaient. L'entreprise de bougies qu’Amy avait lancée depuis sa chambre à l’université était, plus d'une décennie plus tard, soudainement florissante. Elle avait embauché Jayne et avait tant essayé d’attirer Emily. Ni l'une ni l'autre ne pouvait vraiment comprendre pourquoi Emily voulait vivre dans une petite ville plutôt qu’à New York, pourquoi elle voulait diriger un hôtel au lieu de travailler dans un bureau élégant avec ses deux meilleures amies, et elles ne pouvaient certainement pas comprendre pourquoi elle voudrait prendre l'enfant d'un autre homme (un homme avec une barbe, pas moins !) sans aucune assurance qu'il lui donnerait ses propres enfants un jour.

« En fait non », dit Emily. « C’est à propos de… » Elle bafouilla, perdant tout à coup sa résolution. Puis elle se maîtrisa. Elle n'avait pas à avoir honte de quoi que ce soit. Même si sa vie prenait une trajectoire différente de celle de ses meilleures amies, elle était tout de même valable ; ses choix étaient toujours les siens et ils devraient être respectés. « Daniel et moi allons nous marier. »

Il y eut un moment de silence, suivi de cris aigus. Emily grimaça. Elle pouvait imaginer ses amis avec leurs ongles parfaitement manucurés, leur peau hydratée qui sentait la rose et le camélia, leurs cheveux brillants s’agitant alors qu’elles bondissaient de leurs sièges.

À travers le bruit, Emily distingua Jayne qui criait : « Oh mon dieu » et Amy « Félicitations ! »

Elle lâcha un soupir de soulagement. Ses amies étaient d’accord. Un autre obstacle avait été surmonté.

Finalement, les cris incompréhensibles se turent.

« "Il ne t’a pas mise en cloque, n'est-ce pas ? » demanda Jayne, aussi déplacée que d’habitude.

« Non ! » cria Emily en riant.

« Jayne, tais-toi » la gronda Amy. « Dis-nous tout. Comment l’a-t-il fait ? À quoi ressemble la bague ? »

Emily raconta l'histoire de la plage, des déclarations d'amour dans la neige, de la superbe bague aux perles. Ses amies roucoulèrent à tous les bons moments. Emily pouvait dire qu'elles étaient aux anges pour elle.

« Est-ce que tu vas prendre son nom » l’interrogea Jayne pour aller plus loin. « Ou les deux ? Mitchell Morey est un nom à coucher dehors. Ou ce serait Morey Mitchell ? Emily Jane Morey Mitchell. Hmm. Je ne sais pas si j’aime ça. Peut-être que tu devrais garder ton propre nom, tu sais ? C'est le truc fort, valorisant et féministe à faire, après tout. »

L'esprit d'Emily tourbillonnait tandis que Jayne parlait de sa manière typiquement rapide, s'arrêtant à peine pour lui donner le temps de répondre à toutes ses questions.

« Nous allons être tes demoiselles d'honneur, n'est-ce pas ? » termina Jayne caractéristiquement, abrupte et directe.

« Je n'y ai pas réfléchi », admit Emily. Jayne et Amy étaient en effet peut-être ses plus vieilles amies, mais elle s’en était fait beaucoup plus depuis son emménagement à Sunset Harbor ; Serena, Yvonne, Suzanna, Karen, Cynthia. Et qu’en était-il de Chantelle? Il était important pour Emily qu’elle joue un rôle central dans l'ensemble.

« Eh bien, où se trouve le lieu, alors ? » demanda Jayne, l’air un peu grincheux qu'Emily envisage même d'autres personnes pour être ses demoiselles d'honneur.

« Je ne le sais pas non plus », dit Emily.

Elle fut soudainement frappée par l’immensité de la tâche qui l’attendait. Il y avait tant à organiser. Tant de choses à payer. Elle se sentit tout à coup submergée par tout cela.

« Tu penses que vous organiserez un grand mariage ou un petit ? » demanda Amy. Ses questions étaient moins pièges que celles de Jayne, mais il y avait toujours un air de jugement. Emily se demanda si Amy était encore contrariée par son mariage raté avec Fraser. Peut-être qu'elle éprouvait du ressentiment envers Emily pour avoir une bague et un fiancé quand elle-même avait perdu les deux.

« Nous n'avons pas encore réglé les détails » dit Emily. « C'est tout neuf. »

« Mais tu en rêves depuis des années » ajouta Amy.

Emily fronça les sourcils. De mariage, oui. Il s’agissait de quelque chose qu'elle avait voulu depuis longtemps. Mais elle n'avait jamais imaginé la façon dont sa vie allait se dérouler. L'amour qu'elle avait avec Daniel était unique et inattendu. Leur mariage devrait être pareil. Elle devait tout repenser pour le rendre parfait pour eux, pour cette relation en particulier, cette vie.

« Est-ce que tu peux au moins nous dire la date ? » demanda Jayne. « Notre agenda est plein à craquer. »

Emily balbutia. « Je ne sais pas. »

« Juste le mois fera l’affaire pour l'instant », insista Jayne.

« Je ne le sais pas non plus. »

Jayne soupira, exaspérée. « Et pour l’année ? »

Emily s’agaça. « Je ne sais pas ! » s’écria-t-elle. « Je ne me suis pas encore occupée de ça ! »

Le silence tomba. Emily pouvait imaginer la scène : ses amies échangeant un coup d'œil, assises sur des chaises de bureau en cuir à une immense table en verre, le bruit de son accès de colère émanant du téléphone entre elles résonnant dans la vaste salle de conférence. Elle ne savait plus où se mettre, embarrassée.

Jayne brisa le silence. « Eh bien, assure-toi juste que cela ne se transforme pas en une de ces fiançailles qui traînent éternellement », dit-elle de manière détachée. « Tu sais comment sont certains hommes, c'est comme s’ils ne se rendaient pas compte qu'une fois qu'ils ont fait leur demande, on s’attend à ce qu’il y ait un véritable mariage. Ils font toute une affaire des fiançailles puis, une fois qu'ils t’ont attiré avec une bague chic, ils pensent qu'ils peuvent se reposer sur leurs lauriers et ne jamais signer sur la ligne en pointillés. »

« Ce n'est pas comme ça » dit laconiquement Emily.

« Bien sûr », dit Jayne avec désinvolture. « Mais pour être certaine, tu devrais l’astreindre à une date réelle. S’il donne l’impression qu'il va faire traîner les fiançailles, cours. »

Emily serra les poings. Elle savait qu'elle ne devrait pas laisser Jayne – une phobique de l’engagement qui n'avait jamais connu une relation à long terme convenable – lui dicter la manière dont elle devrait se sentir dans cette situation, mais son amie avait un talent pour insinuer le doute dans son esprit. Aussi ridicules qu'ils soient, Emily pouvait déjà dire qu'elle allait ruminer les mots de Jayne pour les jours à venir.

« J'ai une idée » dit Amy en jouant la diplomate. « Pourquoi est-ce que nous ne viendrions pas pour boire à ta santé ? Te rendre visite? Pour t’aider à organiser quelques choses ? »

Malgré son irritation envers Jayne, Emily aimait l'idée que ses amies viennent séjourner et s'impliquent dans les préparatifs du mariage. Une fois qu’elles seraient là, sur son terrain et dans son domaine, elles pourraient voir de leurs propres yeux l'amour qu'elle et Daniel partageaient. Elles verraient combien elle était heureuse et commenceraient à être un peu plus encourageantes.

« Ce serait vraiment génial en fait » dit Emily.

Elles trouvèrent une date qui convenait à toutes et Emily mit fin à l'appel. Mais grâce à Jayne, sa tête lui tournait et la flamme de l'excitation en elle diminua juste un peu. Ses sentiments étaient aggravés par le fait qu'elle devait encore passer l’appel redouté à sa mère, ce qui se déroulerait certainement moins bien. Elle avait essayé d'inviter sa mère pour Thanksgiving, mais la femme avait agi comme si cela avait été une insulte. Rien de ce qu’Emily faisait n’avait jamais été assez bon pour Patricia Mitchell. Si elle s'était sentie cuisinée par Amy et Jayne, elle se sentirait complètement attaquée par sa mère.

Et ce n'était que sa famille ! Quand elle ajouta celle de Daniel à l’équation, ses craintes insignifiantes s’intensifièrent. Pourquoi le reste du monde devait-il exister ? Tout à Sunset Harbor était parfait pour Emily. Mais à l'extérieur, il y avait des amis désapprobateurs et des mères problématiques. Il y avait des pères absents.

Pour la première fois depuis la demande, Emily pensa à son père, porté disparu depuis vingt ans. Elle avait récemment découvert une pile de lettres dans la maison qui prouvait qu'il était toujours en vie. Ensuite, Trevor Mann, son voisin, avait confirmé avoir vu Roy à la maison seulement quelques années auparavant. Son père était vivant, mais même en sachant cela, rien n'avait changé. Emily n'avait toujours aucun moyen de le contacter. Les chances qu’il soit là pour la conduire à l’autel étaient pratiquement inexistantes.

Emily sentit ses émotions affluer en elle, menaçant d'éteindre la joie qu'elle éprouvait. Elle regarda l'écran de son téléphone portable, où elle avait sélectionné le numéro de sa mère, mais n'avait pas encore trouvé le courage de le composer.

Avant qu’Emily n'ait eu la chance de sauter le pas et d’appeler sa mère, elle entendit des bruits de pas venant des escaliers derrière elle. Elle pivota et vit Daniel et Chantelle trottiner vers elle. Daniel avait habillé la petite fille dans une de ses magnifiques tenues vintage : une robe chasuble en velours côtelé de couleur rouille avec un cardigan à l’imprimé floral noir et blanc et des collants assortis. Elle avait l’air adorable. Lui-même était vêtu de ses habituels t-shirt et jean dépenaillés, ses cheveux noirs en bataille, sa barbe de trois jours encadrant sa mâchoire carrée.

« Nous voulions sortir pour prendre le petit-déjeuner » dit Daniel. « Faire quelque chose de spécial. Un petit-déjeuner de fête. »

Emily enfonça son téléphone portable dans sa poche. « Bonne idée. »

Sauvée par le gong. L'appel à sa mère devrait attendre. Mais Emily savait qu'elle ne serait pas capable de le repousser pour toujours. Tôt ou tard, elle ferait les frais de la langue acérée de Patricia Mitchell.

*

L'odeur du sirop imprégnait l'air chaud du Joe's Diner. La famille a glissé dans l'un des box en plastique rouge, en remarquant les regards et les murmures.

« Tout le monde le sait déjà », dit Emily avec une voix étouffée à Daniel.

Il leva les yeux au ciel. « Bien sûr qu'ils le savent. » Il ajouta sarcastiquement : « En fait, je suis surpris qu'il ait fallu si longtemps. Nous avons annoncé la nouvelle il y a une demi-journée, et je suis sûr qu’il ne faut à Cynthia Jones qu’une heure ou deux pour parcourir la ville en vélo et diffuser son dernier potin. »

Chantelle gloussa.

Au moins, les murmures et les regards étaient-ils joyeux, pensa Emily. Tout le monde semblait ravi pour eux. Mais Emily se sentait un peu embarrassée d'être au centre de l’attention. Ce n'était pas tous les jours que vous rentriez dans un restaurant de gaufres et que toutes les têtes se tournaient vers vous. Son propre esprit continuait à être inondé de questions suite à son appel avec Amy et Jayne, et elle se demandait si maintenant serait le moment approprié pour aborder certaines d'entre elles avec Daniel.

Un Joe aux cheveux gris vint à la table, tenant son carnet dans ses mains noueuses.

« J’ai entendu que les félicitations sont de mise », dit-il en souriant, puis il donna un claque dans le dos de Daniel. « Quand sera le grand jour ? »

Emily regarda Daniel hésiter. Il semblait tout aussi perplexe qu'elle. Tout le monde voulait des réponses à des questions qu'ils ne s'étaient pas eux-mêmes posées.

« Pas encore sûr », balbutia Daniel. « Nous n'avons pas encore mis à plat les détails. »

Ils commandèrent leurs gaufres et leurs pancakes et, une fois Joe parti pour préparer leurs petits-déjeuners, Emily réussit trouver le courage de poser quelques questions à Daniel.

« Quand penses-tu que nous devrions fixer une date ?’ demanda Emily.

Daniel la regarda avec de grands yeux. « Oh. Je ne sais pas. Tu veux déjà faire ça ? »

L'avertissement de Jayne résonna dans l'esprit d'Emily. « Nous n'avons pas besoin de fixer une date précise mais est-ce qu’on pense en mois ou à l'année prochaine ? Tu veux un mariage d'été ? Ou à l’automne, puisque nous sommes dans le Maine ? »

Elle sourit mais se sentait tendue. D’après le regard sur le visage de Daniel, elle pouvait dire qu'il n'avait même pas réfléchi aussi loin.

« Je dois y réfléchir », dit-il, évasif.

« Je veux un mariage d'été », dit Chantelle. « Près du port. Avec le bateau de papa. »

« Penser à quoi ? » dit Emily, ignorant Chantelle et se concentrant sur Daniel. « Il n'y a que quatre options. Soleil, rafales de vent, neige, ou brise chaude. Laquelle tu préfères ? »

Daniel semblait un peu déconcerté par le ton quelque peu incisif d'Emily. Chantelle, elle aussi, semblait confuse.

« Je ne sais pas », bégaya Daniel. « Il y a des avantages et des inconvénients à tous. »

Emily sentit ses émotions tourbillonner en d'elle. Jayne avait-elle raison ? Daniel avait-il fait sa demande sans même penser au fait qu'il devait y avoir un mariage à la fin ?

« Tu l’as dit à quelqu'un ? » le questionna Emily plus avant.

Des rides de frustration apparurent sur le front de Daniel. « Cela fait moins de vingt-quatre heures » déclara-t-il sobrement, cachant l'irritation qu’Emily savait avoir avivée en lui. Entre ses dents, il ajouta : « Est-ce que nous ne pouvons pas simplement profiter du moment présent ? »

Chantelle regardait d'Emily à Daniel avec de l’inquiétude dans les yeux. Ce n'était pas souvent qu'ils se disputaient, et la vue l’alarmait manifestement.

Voir la petite fille avec l'air inquiet toucha une corde sensible chez Emily. Quelles que soient ses préoccupations, il était injuste de laisser Chantelle être prise au piège par elles. Cette affaire devait être résolue par elle et Daniel.

« Tu as raison », dit Emily en soufflant.

Elle tendit la main et prit celle de Chantelle pour la rassurer. À ce moment-là, Joe arriva avec des piles de pancakes. Tout le monde commença à manger en silence.

Emily se sentait contrariée envers elle-même pour avoir laissé les mots de Jayne et Amy gâcher sa joie. Ce n'était pas juste. La veille à peine, elle était au septième ciel.

« Est-ce que vous laisserez Bailey être la fleuriste ? » demanda Chantelle. « Et moi une demoiselle d'honneur ? »

« Nous ne savons pas encore » expliqua Emily, en contenant ses émotions.

« Mais je veux marcher jusqu’à l’autel avec toi », ajouta Chantelle. « Il y aura un autel, n'est-ce pas? Vous allez vous marier dans une église ? » La petite fille fouilla dans son sac à dos et sortit un bloc-notes rose ainsi qu’un stylo à paillettes. « Écrivons une liste », dit-elle.

Malgré ses angoisses sous-jacentes, Emily ne put s'empêcher de se sentir encouragée à la vue de Chantelle en organisatrice. Elle avait toujours l'air si sérieux, tellement adulte et au-delà de son âge.

« La première chose que vous devez prévoir est le lieu » dit Chantelle d'une voix très efficace, ce qui poussa Emily à l’imaginer gérant l’hôtel un jour.

« Tu as raison », dit Emily en regardant Daniel. « Pensons d'abord au lieu, puis travaillons à partir de là. » Elle se sentait déterminée à ne pas la laisser sa joie être gâchée. « Ne précipitons aucune décision. »

Pour la première fois depuis qu'elle l'avait harcelé pour obtenir des réponses, Daniel parut se détendre. Les rides sur son front disparurent. Emily se sentit soulagée.

Par la fenêtre du restaurant, Emily pouvait voir qu'un arbre était en train d’être élevé au centre de la ville. Avec toute cette excitation, elle avait complètement oublié l'arbre de Noël de la ville ; il a était levé chaque année le jour après Thanksgiving. Elle était allée le voir étant enfant chaque fois que la famille se trouvait à Sunset Harbor pour les vacances d'hiver. Elle se rappelait qu'il y avait également l’éclairage annuel de l'arbre qui avait eu lieu dans la soirée.

« Nous devrions aller voir l'arbre être allumé ce soir », dit Emily.

Chantelle leva les yeux de son bloc-notes, qui était maintenant rempli d'une longue liste de points écrits dans son écriture griffonnée. « On peut ? » Elle avait l'air excitée.

« Bien sûr » dit Emily. « Mais d'abord, nous devrions aller chercher notre propre arbre. Si la ville en a un, l’hôtel devrait en avoir un aussi. Qu'en penses-tu, Chantelle ? »

Emily sentit son propre enthousiasme grandir quand elle réalisa que l’hôtel allait accueillir un énorme arbre de Noël. Enfant, leur père n’en avait toujours pris qu’un petit pour le salon, puisqu’ils ne faisaient que passer les vacances dans la maison. Mais maintenant que c'était son foyer, elle pouvait mettre un énorme arbre de trois mètres dans le vestibule. Peut-être que même quatre mètres et demi ! Elle et Chantelle pourraient le décorer ensemble, en utilisant un escabeau pour atteindre les branches du sommet. L’idée la remplissait d’une impatience enfantine.

« On peut, papa ? » demanda Chantelle à Daniel, qui était assis plutôt tranquillement, dévorant ses pancakes. « On peut aller chercher un arbre de Noël ? »

Daniel hocha de la tête. « Bien sûr. »

« Et puis aller à l'éclairage de l’arbre en ville ? »

« Ah-hah. »

Emily fronça les sourcils, se demandant ce à quoi Daniel pensait, pourquoi l’idée d'une excursion familiale si agréable ne le remplissait pas de joie comme c’était le cas pour elle et Chantelle. Daniel était plus que jamais un mystère pour elle, même si elle avait maintenant une bague à son doigt et était plus que prête à s'engager pour toujours. Elle se demandait si elle savait vraiment ce qu’il se passait dans sa tête ou même, quand elle deviendrait madame Daniel Morey, si elle continuerait à rester dans le questionnement.

CHAPITRE TROIS

La ferme d’arbres de Noël de Dory était à une courte distance en voiture en périphérie de Sunset Harbor. La famille roula ensemble dans la camionnette rouge rouillée de Daniel. Il y avait encore des plaques de neige du jour de Thanksgiving sur les rives, et pendant qu’ils les dépassaient Emily toucha l'anneau à son doigt, en se rappelant la neige qui tombait autour d’elle quand Daniel lui avait fait sa demande.

Ils se garèrent sur le parking provisoire et sautèrent tous du véhicule. Il y avait là beaucoup de familles ; de toute évidence tout le monde avait eu la même idée. Des parents s’affairaient tandis que leurs enfants couraient partout avec enthousiasme, se frayaient un chemin à travers les arbres.

Au lieu de Dory, ce fut une jeune fille à l’aube de l'adolescence qui les accueillit. Elle se présenta comme étant Grace, la fille de Dory, et elle avait les mêmes cheveux fins et blonds que Chantelle. Elle portait une banane remplie de billets de dollars et un bloc note pour écrire les reçus.

« Ce sont les arbres prêts à être récoltés », dit-elle en souriant avec assurance, et elle fit un geste vers le champ de pins. « Ils grandissent tous depuis sept à neuf ans. » Elle sourit à Chantelle. « Donc ils ont à peu près ton âge, j’ai raison ? »

Chantelle hocha timidement de la tête.

« Une fois que vous aurez trouvé l'arbre que vous aimez », poursuivit Grace, « coupez-le et amenez-le dans la zone de chargement. Mon père vous prendra, vous et l'arbre, dans le chariot jusqu'à la lieuse, emballera le tout, puis vous pourrez me payer. Nous vendons également du chocolat chaud et des châtaignes grillées si vous voulez que quelque chose vous garde au chaud pendant que vous marchez. »

Emily acheta à chacun un chocolat chaud dans une tasse en polystyrène et un sac de châtaignes à partager, puis ils se dirigèrent vers les champs. Chantelle se précipita en avant, plus excitée qu’Emily ne l'avait jamais vue.

L'odeur du pin était puissante, réveillant cette impression de Noël à l'intérieur d'Emily. Elle était excitée à la perspective de son premier Noël avec Daniel et Chantelle, avec sa famille à côté du foyer de la cheminée. Ce serait le premier de beaucoup d’autres.

Elle et Daniel marchaient main dans la main, traînant silencieusement derrière Chantelle. Alors Emily se pencha vers Daniel.

« Tu penses que Grace a quel âge ? » demanda-t-elle.

« Onze, douze ans » supposa Daniel. « Pourquoi ? »

« Sans raison » répondit Emily. « Elle me rappelle juste Chantelle. Ça m'a fait penser à ce à quoi elle ressemblera quand elle sera plus âgée. »

Devant, Chantelle courait le long des chemins entre les arbres, s'arrêtant pour évaluer leur hauteur, la densité de leurs branches et la luxuriance de leur couleur avant de passer au suivant. Emily pourrait facilement l'imaginer plus âgée, un bloc-notes à la main, travaillant pour son premier travail dans le but de gagner de l'argent de poche.

Mais tandis qu’elle s’interrogeait sur l’avenir, Emily sentit son esprit être ramené dans le passé. Chantelle, qui lui rappelait tant Charlotte, lui rappelait également sa perte, le fait que sa sœur n'ait jamais grandi, qu'elle n'ait jamais eu de travail pendant les vacances d'hiver. Elle avait traversé cette ferme il y avait de cela toutes ces années, pleine de promesses et de potentiel, et sans prévenir sa vie avait été éteinte en un clin d'œil.

Emily regarda Chantelle droit devant, et ce faisant l'enfant se transforma en Charlotte. Alors Emily se sentit rétrécir, jusqu'à habiter un corps de taille enfant. Ses mains furent soudain emmitouflées dans des mitaines. La neige commença à tomber autour d'elle, s'accrochant aux branches des pins. Emily tendit la main avec une petite main gantée et secoua l'une des branches. Un nuage de neige se souleva dans l'air, et la fine poudre blanche se dispersa. Devant, Charlotte était en train de rire, insouciante et heureuse, son souffle chaud s’élevant en volutes dans les airs. Elle portait des mitaines elle aussi, et ses brillantes bottes rouges préférées se détachaient sur le fond du blanc.

Emily regarda Charlotte s'arrêter sous le plus grand arbre de toute la ferme et le contempler avec émerveillement.

« Je veux celui-là ! » s’écria la petite fille.

Emily se précipita vers elle, soulevant de la neige dans sa hâte. Quand elle atteignit Charlotte, elle aussi leva les yeux vers l'énorme arbre. Il était formidable, tellement grand qu'elle pouvait à peine voir le sommet.

Le crissement des pas dans la neige poussa Emily à arracher son regard de l'arbre et à se retourner pour regarder par-dessus son épaule. Là, marchant d’un pas lourd dans la neige avec de grandes enjambées, se trouvait son père.

« Les filles, vous devez ralentir », dit-il en pantelant tandis qu’il parvenait à leur hauteur. « Je vous ai presque perdues. »

« Nous avons trouvé l'arbre », cria Emily avec excitation.

Charlotte se joignit à elle, sautillant et pointant du doigt vers le haut.

« C'est un peu gros », déclara Roy.

Il avait l'air fatigué aujourd'hui. Déprimé. Il avait des cernes sombres sous ses yeux.

« Ce n'est pas trop gros », dit Emily. « Les plafonds sont très hauts. »

Charlotte, comme toujours, suivait dans le sillage de sa sœur. « Il n'est pas trop grand ! S’il te plaît est-ce qu’on peut le prendre, papa ? »

Roy Mitchell frotta son visage d’une main avec exaspération. « Ne teste pas ma patience, Charlotte », dit-il. « Choisissez quelque chose de plus petit. »

Emily vit Charlotte avoir un mouvement de recul. Aucune d’elles n’aimait mettre leur père en colère, et aucune ne pouvait comprendre comment elles l’avaient fait. Il semblait que les plus petites choses l'agaçaient ces jours-ci. Il était toujours distrait par quelque chose, regardait toujours par-dessus son épaule des ombres que lui seul pouvait voir.

Mais la préoccupation principale d'Emily était Charlotte. Toujours Charlotte. La petite fille avait l'air d'être au bord des larmes. Emily glissa sa main gantée dans les siennes.

« Par là » s'écria-t-elle vivement. « Il y a des arbres plus petits par ici ! »

Et juste ainsi, Charlotte retrouva le sourire, réconforté par sa sœur aînée. Elles partirent ensemble en courant à travers la neige, laissant leur père, sourcils froncés et distrait, courir après elles.

À ce moment-là, Emily retourna brusquement dans le présent. La neige du passé ne tombait plus, les arbres de Noël vieux de plusieurs décennies avaient été abattus et remplacés par ces nouveaux arbres jeunes. Elle était de retour, là et maintenant, mais il lui fallut un moment pour se réorienter dans son environnement, pour voir Chantelle debout devant elle plutôt que Charlotte.

Pendant le blackout d'Emily, ils étaient parvenus à s’enfoncer loin dans le champ. Ici, les arbres étaient si grands qu'ils projetaient des ombres sur tout, bloquant la lumière du jour. Emily frissonna, elle avait plus froid maintenant que le soleil d'hiver était caché.

Droit devant, Chantelle contemplait le plus grand arbre de toute la ferme. Il mesurait au moins quatre mètres et demi de haut.

« C’est celui-là ! »s'écria-t-elle, en souriant d'une oreille à l’autre.

Emily sourit. Elle n'allait pas être comme son père, anéantissant le bonheur d'un enfant. Si Chantelle voulait l'arbre le plus grand de la ferme, elle allait l'obtenir.

Elle se rapprocha à côté d'elle et se tordit le cou pour voir la cime de l'arbre. Tout comme quand elle était enfant, l'arbre lui semblait majestueux.

« C'est le bon », agréa Emily.

Chantelle applaudit, ravie. Daniel semblait désapprouver ce choix compliqué, pensa Emily, mais il ne les remit pas en question. Il se pencha et aida Chantelle à faire la première entaille avec la hache. Emily les regarda, père et fille souriant et riant ensemble, et sentit une joie chaleureuse se répandre à travers elle.

Daniel passa la hache à Emily afin qu'elle puisse elle aussi couper, puis ils tournèrent en cercles, tour à tour, en coopérant. Quand l'arbre tomba, ils applaudirent tous.

Le père de Grace arriva avec le chariot.

« Wouah, c'est un sacré monstre que tu as choisi », plaisanta-t-il avec Chantelle alors qu'elle tentait d'aider à soulever l'énorme arbre dans le chariot.

« C'était le plus grand que j'ai pu trouver », dit Chantelle avec un grand sourire.

La famille a grimpé à l’arrière et se blottit ensemble. Les roues du chariot tournèrent et ils commencèrent le lent voyage jusqu’à l'entrée de la ferme.

« Je t'ai perdu un moment là-bas », dit Daniel à Emily pendant le trajet. « Tu as eu un autre flashback ? »

Emily acquiesça. Le souvenir l'avait secouée. Voir l'expression déçue de Charlotte en entendant la sévérité du ton de son père. Même alors, il était un homme avec beaucoup de choses à l'esprit. Elle se demandait si cela avait quelque chose à voir avec Antonia, la femme avec laquelle il avait eu une liaison, ou leur mère, qui était à la maison à New York, ou complètement autre chose. Bien qu'Emily soit à présent convaincue que son père était encore vivant là dehors, Roy était plus que jamais un mystère pour elle.

« Je me souviens de plus en plus de choses sur mon père », confessa Emily. « Depuis que j'ai trouvé ces lettres. J'aimerais savoir ce qui l'a fait fuir. J'ai toujours pensé que quelque chose de soudain avait dû se produire arrivé quand j'étais adolescente, mais je pense qu'il était troublé par quelque chose bien avant ça. Depuis aussi longtemps que mes souvenirs remontent, pour être honnête. À chaque fois que j’ai des flashbacks et que je le vois, je peux voir l’inquiétude dans ses yeux. »

Daniel le serra près de lui. Cela faisait du bien bien d'être réconfortée par lui, d'être de nouveau proche. Il lui avait paru si éloigné chez Joe's.

« Désolé si j'étais un peu silencieux là-bas » dit Daniel, comme s'il avait lu son esprit. « Les vacances me rappellent aussi des souvenirs. »

« C’est vrai ? », demanda doucement Emily. « Quel genre de souvenirs ? »

Il était tellement rare que Daniel se confie qu'elle saisissait toutes les occasions pour l'encourager.

« Ça va peut-être te surprendre, mais je suis en fait juif » dit Daniel. « Mon père ne l’était pas, par contre. Il était chrétien. Nous fêtions Noël et Hanoukka quand il était encore à la maison, mais quand il est parti, il a emmené Noël avec lui. Maman ne fêtait que Hanoukka. Une fois que mon père et moi avons repris contact, il ne fêtait que Noël chez lui. C'était étrange. Une manière assez bizarre de grandir, comme je suis sûr que tu peux l'imaginer. »

299 ₽
Возрастное ограничение:
16+
Дата выхода на Литрес:
10 октября 2019
Объем:
271 стр. 2 иллюстрации
ISBN:
9781640291744
Правообладатель:
Lukeman Literary Management Ltd
Формат скачивания:
epub, fb2, fb3, ios.epub, mobi, pdf, txt, zip

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