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Читать книгу: «L'autre Tartuffe, ou La mère coupable», страница 2

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SCÈNE VI
LE COMTE, BÉGEARSS
LE COMTE

J'AI tranché sur le point qui paraissait l'inquiéter.

BÉGEARSS

Il en est un, Monsieur, qui m'inquiète beaucoup plus; je vous trouve un air accablé…

LE COMTE

Te le dirai-je, Ami! la perte de mon fils me semblait le plus grand malheur. Un chagrin plus poignant fait saigner ma blessure, et rend ma vie insupportable.

BÉGEARSS

Si vous ne m'aviez pas interdit de vous contrarier là-dessus, je vous dirais que votre second fils…

LE COMTE, vivement

Mon second fils! je n'en ai point!

BÉGEARSS

Calmez-vous, Monsieur; raisonnons. La perte d'un enfant chéri peut vous rendre injuste envers l'autre; envers votre épouse, envers vous. Est-ce donc sur des conjectures qu'il faut juger de pareils faits?

LE COMTE

Des conjectures? Ah! j'en suis trop certain! Mon grand chagrin est de manquer de preuves. – Tant que mon pauvre fils vécut, j'y mettais fort peu d'importance. Héritier de mon nom, de mes places, de ma fortune… que me fesait cet autre individu? Mon froid dédain, un nom de terre, une croix de Malthe, une pension, m'auraient vengé de sa mère et de lui! Mais, conçois-tu mon désespoir, en perdant un fils adoré, de voir un étranger succéder à ce rang, à ces titres; et, pour irriter ma douleur, venir tous les jours me donner le nom odieux de son père?

BÉGEARSS

Monsieur, je crains de vous aigrir, en cherchant à vous appaiser; mais la vertu de votre épouse…

LE COMTE, avec colère

Ah! ce n'est qu'un crime de plus. Couvrir d'une vie exemplaire un affront tel que celui-là! Commander vingt ans par ses mœurs et la piété la plus sévère, l'estime et le respect du monde; et verser sur moi seul, par cette conduire affectée, tous les torts qu'entraîne après soi ma prétendue bisarrerie!.. Ma haine pour eux s'en augmente.

BÉGEARSS

Que vouliez-vous donc qu'elle fît; même en la supposant coupable? Est-il au monde quelque faute qu'un repentir de vingt années ne doive effacer à la fin? Fûtes vous sans reproche vous-même? Et cette jeune Florestine, que vous nommez votre pupille, et qui vous touche de plus près…

LE COMTE

Qu'elle assure donc ma vengeance! Je dénaturerai mes biens, et les lui ferai tous passer. Déjà trois millions d'or, arrivés de la Vera Crux, vont lui servir de dot; et c'est à toi que je les donne. Aide-moi seulement à jeter sur ce don un voile impénétrable. En acceptant mon porte-feuille, et te présentant comme époux, suppose un héritage, un legs de quelque parent éloigné…

BÉGEARSS, montrant le crêpe de son bras

Voyez que, pour vous obéir, je me suis déjà mis en deuil.

LE COMTE

Quand j'aurai l'agrément du Roi pour l'échange entammé de toutes mes terres d'Espagne contre des biens dans ce pays, je trouverai moyen de vous en assurer la possession à tous deux.

BÉGEARSS, vivement

Et moi, je n'en veux point. Croyez-vous que, sur des soupçons… peut-être encor très peu fondés, j'irai me rendre le complice de la spoliation entière de l'héritier de votre nom? d'un jeune homme plein de mérite; car il faut avouer qu'il en a…

LE COMTE, impatienté

Plus que mon fils, voulez-vous dire? Chacun le pense comme vous; cela m'irrite contre lui!..

BÉGEARSS

Si votre pupille m'accepte; et si, sur vos grands biens, vous prélevez, pour la doter, ces trois millions d'or, du Mexique, je ne supporte point l'idée d'en devenir propriétaire, et ne les recevrai qu'autant que le contrat en contiendra la donation que mon amour sera censé lui faire.

LE COMTE le serre dans ses bras

Loyal et franc ami! quel époux je donne à ma fille!..

SCÈNE VII
SUSANNE, LE COMTE, BÉGEARSS
SUSANNE

MONSIEUR, voilà le coffre aux diamans; ne le gardés pas trop long-temps; que je puisse le remettre en place avant qu'il soit jour chez madame!

LE COMTE

Susanne, en t'en allant, défends qu'on entre, à moins que je ne sonne.

SUSANNE, à part

Avertissons Figaro de ceci. (Elle sort.)

SCÈNE VIII
LE COMTE, BÉGEARSS
BÉGEARSS

QUEL est votre projet sur l'examen de cet écrin?

LE COMTE tire de sa poche un bracelet entouré de brillans

Je ne veux plus te déguiser tous les détails de mon affront; écoute. Un certain Léon d'Astorga, qui fut jadis mon page, et que l'on nommait Chérubin

BÉGEARSS

Je l'ai connu; nous servions dans le régiment dont je vous dois d'être major. Mais il y a vingt ans qu'il n'est plus.

LE COMTE

C'est ce qui fonde mon soupçon. Il eut l'audace de l'aimer. Je la crus éprise de lui; je l'éloignai d'Andalousie, par un emploi dans ma légion. – Un an après la naissance du fils… qu'un combat détesté m'enlève. (Il met la main à ses yeux.) Lorsque je m'embarquai vice-roi du Mexique; au lieu de rester à Madrid, ou dans mon palais à Séville, ou d'habiter Aguas frescas, qui est un superbe séjour; quelle retraite, Ami, crois-tu que ma femme choisit? Le vilain château d'Astorga, chef-lieu d'une méchante terre, que j'avais achetée des parens de ce page. C'est-là qu'elle a voulu passer les trois années de mon absence; qu'elle y a mis au monde… (après neuf ou dix mois, que sais-je?) ce misérable enfant, qui porte les traits d'un perfide! Jadis, lorsqu'on m'avait peint pour le bracelet de la Comtesse, le peintre ayant trouvé ce page fort joli, desira d'en faire une étude; c'est un des beaux tableaux de mon cabinet…

BÉGEARSS

Oui… (Il baisse les yeux.) à telles enseignes que votre épouse…

LE COMTE, vivement

Ne veut jamais le regarder? Eh bien! sur ce portrait, j'ai fait faire celui-ci, dans ce bracelet, pareil en tout au sien, fait par le même jouaillier qui monta tous ses diamans; je vais le substituer à la place du mien. Si elle en garde le silence; vous sentez que ma preuve est faite. Sous quelque forme qu'elle en parle, une explication sévère éclaircit ma honte à l'instant.

BÉGEARSS

Si vous demandez mon avis, Monsieur, je blâme un tel projet.

LE COMTE

Pourquoi?

BÉGEARSS

L'honneur répugne à de pareils moyens. Si quelque hasard, heureux ou malheureux, vous eût présenté certains faits, je vous excuserais de les approfondir. Mais tendre un piége! des surprises! Eh! quel homme, un peu délicat, voudrait prendre un tel avantage sur son plus mortel ennemi?

LE COMTE

Il est trop tard pour reculer; le bracelet est fait, le portrait du page est dedans…

BÉGEARSS prend l'écrin

Monsieur, au nom du véritable honneur…

LE COMTE a enlevé le bracelet de l'écrin

Ah! mon cher portrait, je te tiens! J'aurai du moins la joie d'en orner le bras de ma fille, cent fois plus digne de le porter!.. (Il y substitue l'autre.)

BÉGEARSS feint de s'y opposer. Ils tirent chacun l'écrin de leur côté; Bégearss fait ouvrir adroitement le double fond, et dit avec colère:

Ah! voilà la boîte brisée!

LE COMTE regarde

Non; ce n'est qu'un secret que le débat a fait ouvrir. Ce double fond renferme des papiers!

BÉGEARSS, s'y opposant

Je me flatte, Monsieur, que vous n'abuserez point…

LE COMTE, impatient

«Si quelque heureux hasard vous eût présenté certains faits, me disais-tu dans le moment, je vous excuserais de les approfondir»… Le hasard me les offre, et je vais suivre ton conseil. (Il arrache les papiers.)

BÉGEARSS, avec chaleur

Pour l'espoir de ma vie entière, je ne voudrais pas devenir complice d'un tel attentat! Remettez ces papiers, Monsieur, ou souffrez que je me retire. (Il s'éloigne.)

LE COMTE tient des papiers et lit
BÉGEARSS le regarde en dessous, et s'applaudit secrètement
LE COMTE, avec fureur

Je n'en veux pas apprendre davantage; renferme tous les autres, et moi je garde celui-ci.

BÉGEARSS

Non; quel qu'il soit, vous avez trop d'honneur pour commettre une…

LE COMTE, fièrement

Une?.. Achevez; tranchez le mot, je puis l'entendre.

BÉGEARSS, se courbant

Pardon, Monsieur, mon bienfaiteur! et n'imputez qu'à ma douleur l'indécence de mon reproche.

LE COMTE

Loin de t'en savoir mauvais gré, je t'en estime davantage. (Il se jette sur un fauteuil.) Ah perfide Rosine!.. Car, malgré mes légèretés, elle est la seule pour qui j'aye éprouvé… J'ai subjugué les autres femmes! Ah! je sens à ma rage combien cette indigne passion!.. Je me déteste de l'aimer!

BÉGEARSS

Au nom de Dieu, Monsieur, remettez ce fatal papier.

SCÈNE IX
FIGARO, LE COMTE, BÉGEARSS
LE COMTE se lève

HOMME importun! que voulez-vous?

FIGARO

J'entre, parce qu'on a sonné.

LE COMTE, en colère

J'ai sonné? Valet curieux!..

FIGARO

Interrogez le joaillier, qui l'a entendu comme moi?

LE COMTE

Mon joaillier? que me veut-il?

FIGARO

Il dit qu'il a un rendez-vous, pour un bracelet qu'il a fait.

BÉGEARSS, s'appercevant qu'il cherche à voir l'écrin qui est sur la table, fait ce qu'il peut pour le masquer
LE COMTE

Ah!.. qu'il revienne un autre jour.

FIGARO, avec malice

Mais pendant que Monsieur a l'écrin de Madame ouvert, il serait peut-être à propos…

LE COMTE, en colère

Monsieur l'inquisiteur! partez; et s'il vous échappe un seul mot…

FIGARO

Un seul mot? J'aurais trop à dire; je ne veux rien faire à demi. (Il examine l'écrin, le papier que tient le Comte, lance un fier coup-d'œil à Bégearss et sort.)

SCÈNE X
LE COMTE, BÉGEARSS
LE COMTE

RREFERMONS ce perfide écrin. J'ai la preuve que je cherchais. Je la tiens, j'en suis désolé; pourquoi l'ai-je trouvée? Ah Dieu! lisez, lisez, M. Bégearss.

BÉGEARSS, repoussant le papier

Entrer dans de pareils secrets! Dieu préserve qu'on m'en accuse!

LE COMTE

Quelle est donc la sèche amitié qui repousse mes confidences? Je vois qu'on n'est compatissant que pour les maux qu'on éprouva soi-même.

BÉGEARSS

Quoi? pour refuser ce papier!.. (Vivement.) Serrez-le donc; voici Susanne. (Il referme vîte le secret de l'écrin.)

Le Comte met la lettre dans sa veste, sur sa poitrine.

SCÈNE XI
SUSANNE, LE COMTE, BÉGEARSS
LE COMTE est accablé
SUSANNE accourt

L'ÉCRIN, l'écrin: Madame sonne.

BÉGEARSS le lui donne

Susanne, vous voyez que tout y est en bon état.

SUSANNE

Qu'a donc Monsieur? il est troublé!

BÉGEARSS

Ce n'est rien qu'un peu de colère contre votre indiscret mari, qui est entré malgré ses ordres.

SUSANNE, finement

Je l'avais dit pourtant, de manière à être entendue.

(Elle sort.)

SCÈNE XII
LÉON, LE COMTE, BÉGEARSS
LE COMTE veut sortir, il voit entrer Léon

VOICI l'autre!

LÉON, timidement veut embrasser le Comte

Mon père, agréez mon respect; avez-vous bien passé la nuit?

LE COMTE, sèchement le repousse

Où fûtes-vous, Monsieur, hier au soir?

LÉON

Mon père, on me mena dans une assemblée estimable…

LE COMTE

Où vous fîtes une lecture?

LÉON

On m'invita d'y lire un essai que j'ai fait sur l'abus des vœux monastiques, et le droit de s'en relever.

LE COMTE, amèrement

Les vœux des chevaliers en sont?

BÉGEARSS

Qui fut, dit-on très-applaudi?

LÉON

Monsieur, on a montré quelqu'indulgence pour mon âge.

LE COMTE

Donc, au lieu de vous préparer à partir pour vos caravannes; à bien mériter de votre Ordre; vous vous faites des ennemis? Vous allez composant, écrivant sur le ton du jour?.. Bientôt on ne distinguera plus un gentilhomme d'un savant!

LÉON, timidement

Mon père, on en distinguera mieux un ignorant d'un homme instruit; et l'homme libre, de l'esclave.

LE COMTE

Discours d'enthousiaste! On voit où vous en voulez venir. (Il veut sortir.)

LÉON

Mon père!..

LE COMTE, dédaigneux

Laissez à l'artisan des villes, ces locutions triviales. Les gens de notre état ont un langage plus élevé. Qui est-ce qui dit mon père, à la cour? Monsieur? appellez-moi monsieur! vous sentez l'homme du commun! Son père!.. (Il sort; Léon le suit en regardant Bégearss qui lui fait un geste de compassion.) Allons, monsieur Bégearss, allons!

FIN DU PREMIER ACTE

ACTE II

Le Théâtre représente la bibliothèque du Comte
SCÈNE PREMIÈRE
LE COMTE

PUISQU'ENFIN je suis seul, lisons cet étonnant écrit, qu'un hasard presque inconcevable a fait tomber entre mes mains. (Il tire de son sein la lettre de l'écrin, et la lit en pesant sur tous les mots). «Malheureux insensé! notre sort est rempli. La surprise nocturne que vous avez osé me faire, dans un château où vous fûtes élevé, dont vous connaissiez les détours; la violence qui s'en est suivie; enfin votre crime, – le mien… (Il s'arrête). le mien reçoit sa juste punition. Aujourd'hui, jour de Saint-Léon, patron de ce lieu et le vôtre, je viens de mettre au monde un fils, mon opprobre et mon désespoir. Grace à de tristes précautions, l'honneur est sauf; mais la vertu n'est plus. – Condamnée désormais à des larmes intarissables, je sens qu'elles n'effaceront point un crime… dont l'effet reste subsistant. Ne me voyez jamais: c'est l'ordre irrévocable de la misérable Rosine… qui n'ose plus signer un autre nom. (Il porte ses mains avec la lettre à son front, et se promène)… Qui n'ose plus signer un autre nom!.. Ah! Rosine! où est le temps?.. Mais tu t'es avilie!.. (Il s'agite.) Ce n'est point là l'écrit d'une méchante femme! Un misérable corrupteur… Mais voyons la réponse écrite sur la même lettre (Il lit). «Puisque je ne dois plus vous voir, la vie m'est odieuse, et je vais la perdre avec joie dans la vive attaque d'un fort, où je ne suis point commandé.

»Je vous renvoie tous vos reproches; le portrait que j'ai fait de vous, et la boucle de cheveux que je vous dérobai. L'ami qui vous rendra ceci quand je ne serai plus, est sûr. Il a vu tout mon désespoir. Si la mort d'un infortuné vous inspirait un reste de pitié; parmi les noms qu'on va donner à l'héritier… d'un autre plus heureux!.. puis-je espérer que le nom de Léon vous rappellera quelquefois le souvenir du malheureux… qui expire en vous adorant, et signe pour la dernière fois, CHÉRUBIN LÉON, d'Astorga.

… Puis, en caractères sanglans!.. «Blessé à mort, je rouvre cette lettre, et vous écris avec mon sang, ce douloureux, cet éternel adieu. Souvenez-vous…»

Le reste est effacé par des larmes… (Il s'agite)… Ce n'est point là non plus l'écrit d'un méchant homme! Un malheureux égarement… (Il s'assied et reste absorbé). Je me sens déchiré!

SCÈNE II
BÉGEARSS, LE COMTE
BÉGEARSS, en entrant s'arrête, le regarde et se mord le doigt avec mystère
LE COMTE

AH! mon cher ami, venez donc!.. vous me voyez dans un accablement…

BÉGEARSS

Très-effrayant, Monsieur; je n'osais avancer.

LE COMTE

Je viens de lire cet écrit. Non! ce n'étaient point là des ingrats ni des monstres; mais de malheureux insensés, comme ils se le disent eux-mêmes…

BÉGEARSS

Je l'ai présumé comme vous.

LE COMTE se lève et se promène

Les misérables femmes! en se laissant séduire ne savent guères les maux qu'elles apprêtent… Elles vont, elles vont… les affronts s'accumulent… et le monde injuste et léger accuse un père qui se tait, qui devore en secret ses peines!.. On le taxe de dureté, pour les sentimens qu'il refuse au fruit d'un coupable adultère!.. Nos désordres à nous, ne leur enlèvent presque rien; ne peuvent du moins leur ravir la certitude d'être mères, ce bien inestimable de la maternité! tandis que leur moindre caprice, un goût, une étourderie légère, détruit dans l'homme le bonheur… le bonheur de toute sa vie, la sécurité d'être père. – Ah! ce n'est point légèrement qu'on a donné tant d'importance à la fidélité des femmes! Le bien, le mal de la société, sont attachés à leur conduite, le paradis ou l'enfer des familles dépend à-tout-jamais de l'opinion qu'elles ont donné d'elles.

BÉGEARSS

Calmez-vous; voici votre fille.

SCÈNE III
FLORESTINE, LE COMTE, BÉGEARSS
FLORESTINE, un bouquet au côté

ON vous disait, Monsieur, si occupé, que je n'ai pas osé vous fatiguer de mon respect.

LE COMTE

Occupé de toi, mon enfant! ma fille! Ah! je me plais à te donner ce nom; car j'ai pris soin de ton enfance. Le mari de ta mère était fort dérangé: en mourant il ne laissa rien. Elle-même, en quittant la vie, t'a recommandée à mes soins. Je lui engageai ma parole; je la tiendrai, ma fille, en te donnant un noble époux. Je te parle avec liberté devant cet ami qui nous aime. Regarde autour de toi; choisis! ne trouves-tu personne ici, digne de posséder ton cœur?

FLORESTINE, lui baisant la main

Vous l'avez tout entier, Monsieur, et si je me vois consultée, je répondrai que mon bonheur est de ne point changer d'état. – M.r votre fils en se mariant… (car, sans doute, il ne restera plus dans l'ordre de Malthe aujourd'hui); M.r votre fils, en se mariant, peut se séparer de son père. Ah! permettez que ce soit moi qui prenne soin de vos vieux jours! c'est un devoir, Monsieur, que je remplirai avec joie.

LE COMTE

Laisse, laisse Monsieur réservé pour l'indifférence; on ne sera point étonné qu'une enfant si reconnaissante me donne un nom plus doux! appelle-moi ton père.

BÉGEARSS

Elle est digne, en honneur, de votre confidence entière… Mademoiselle, embrassez ce bon, ce tendre protecteur. Vous lui devez plus que vous ne pensez. Sa tutelle n'est qu'un devoir. Il fut l'ami… l'ami secret de votre mère… et, pour tout dire en un seul mot…

SCÈNE IV
FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE, FLORESTINE, BÉGEARSS. (La Comtesse est en robe à peigner.)
FIGARO, annonçant

MADAME la Comtesse.

BÉGEARSS jette un regard furieux sur Figaro

(A part). Au diable le faquin!

LA COMTESSE, au Comte

Figaro m'avait dit que vous vous trouviez mal; effrayée, j'accours, et je vois…

LE COMTE

…Que cet homme officieux vous a fait encore un mensonge.

FIGARO

Monsieur, quand vous êtes passé, vous aviez un air si défait… heureusement il n'en est rien. (Bégearss l'examine).

LA COMTESSE

Bonjour, monsieur Bégearss… Te voilà, Florestine; je te trouve radieuse… Mais voyez donc comme elle est fraîche et belle! Si le ciel m'eût donné une fille, je l'aurais voulue comme toi, de figure et de caractère. Il faudra bien que tu m'en tiennes lieu. Le veux-tu, Florestine?

FLORESTINE, lui baisant la main

Ah! Madame!

LA COMTESSE

Qui t'a donc fleurie si matin?

FLORESTINE, avec joie

Madame, on ne m'a point fleurie; c'est moi qui ai fait des bouquets. N'est-ce pas aujourd'hui Saint-Léon?

LA COMTESSE

Charmante enfant, qui n'oublie rien! (Elle la baise au front.)

LE COMTE fait un geste terrible. Bégearss le retient
LA COMTESSE, à Figaro

Puisque nous voilà rassemblés, avertissez mon fils que nous prendrons ici le chocolat.

FLORESTINE

Pendant qu'ils vont le préparer, Mon parrain, faites-nous donc voir ce beau buste de Washington, que vous avez, dit-on, chez vous.

LE COMTE

J'ignore qui me l'envoie; je ne l'ai demandé à personne; et, sans doute, il est pour Léon. Il est beau; je l'ai là dans mon cabinet: venez tous.

(Bégearss, en sortant le dernier, se retourne deux fois pour examiner Figaro qui le regarde de même. Ils ont l'air de se menacer sans parler).

SCÈNE V
FIGARO seul, rangeant la table et les tâsses pour le déjeûné

SERPENT, ou basilic! tu peux me mesurer, me lancer des regards affreux! Ce sont les miens qui te tueront!.. Mais, où reçoit-il ses paquets? Il ne vient rien pour lui, de la poste à l'hôtel! Est il monté seul de l'enfer?.. Quelqu'autre diable correspond!.. et moi, je ne puis découvrir…

SCÈNE VI
FIGARO, SUSANNE
SUSANNE accourt, regarde, et dit très-vivement à l'oreille de Figaro:

C'EST lui que la pupille épouse. – Il a la promesse du Comte. – Il guérira Léon de son amour. – Il détachera Florestine. – Il fera consentir madame. – Il te chasse de la maison. – Il cloître ma maîtresse en attendant que l'on divorce. – Fait déshériter le jeune homme, et me rend maîtresse de tout. Voilà les nouvelles du jour.

(Elle s'enfuit).

SCÈNE VII
FIGARO, seul

NON, s'il vous plaît, Monsieur le Major! nous compterons ensemble auparavant. Vous apprendrez de moi, qu'il n'y a que les sots qui triomphent. Grace à l'Arianne-Suson, je tiens le fil du labyrinthe, et le Minotaure est cerné…Je t'envelopperai dans tes piéges, et te démasquerai si bien!.. Mais quel intérêt assez pressant lui fait faire une telle école, dessère les dents d'un tel homme? S'en croirait-il assez sûr pour… La sottise et la vanité sont compagnes inséparables! Mon Politique babille et se confie! Il a perdu le coup. Y a faute!

SCÈNE VIII
GUILLAUME, FIGARO
GUILLAUME, (avec une lettre)

MEISSIEIR Bégearss! Ché vois qu'il est pas pour ici?

FIGARO, rangeant le déjeûné

Tu peux l'attendre, il va rentrer.

GUILLAUME, reculant

Meingoth! ch'attendrai pas Meissieïr en gombagnie té vous! Mon maître il voudrait point, jé chure.

FIGARO

Il te le défend? eh bien! donne la lettre; je vais la lui remettre en rentrant.

GUILLAUME, reculant

Pas plis à vous té lettres! O tiable! il voudra pientôt me jasser.

FIGARO, à part

Il faut pomper le sot. – Tu… viens de la poste, je crois?

GUILLAUME

Tiable! non, ché viens pas.

FIGARO

C'est sans doute quelque missive du Gentlemen… du parent irlandais dont il vient d'hériter? Tu sais cela, toi, bon Guillaume?

GUILLAUME, riant niaisement

Lettre d'un qu'il est mort, Meissieïr! non, ché vous prie! celui-là, ché crois pas, partié! ce sera pien plitôt d'un autre. Peut-être il viendrait d'un qu'ils sont là… pas contens, dehors.

FIGARO

D'un de nos mécontens, dis-tu?

GUILLAUME

Oui, mais ch'assure pas…

FIGARO, à part

Cela se peut; il est fourré dans tout. (A Guillaume.) On pourrait voir au timbre, et s'assurer…

GUILLAUME

Ch'assure pas; pourquoi? les lettres il vient chez M. O-Connor; et puis, je sais pas quoi c'est timpré, moi.

FIGARO, vivement

O-Connor! banquier irlandais?

GUILLAUME

Mon foi!

FIGARO revient à lui, froidement

Ici près, derrière l'hôtel?

GUILLAUME

Ein fort choli maison, partié! tes chens très… beaucoup grâcieux, si j'osse dire. (Il se retire à l'écart).

FIGARO, à lui-même

O fortune! O bonheur!

GUILLAUME, revenant

Parle pas, fous, de s'té banquier, pour personne; entende-fous? ch'aurais pas du… Tertaïfle! (Il frappe du pied).

FIGARO

Vas! je n'ai garde; ne crains rien.

GUILLAUME

Mon maître, il dit, Meissieïr, vous âfre tout l'esprit, et moi pas… Alors c'est chuste… Mais, peut-être ché suis mécontent d'avoir dit à fous…

FIGARO

Et pourquoi?

GUILLAUME

Ché sais pas. – La valet trahir, voye-fous… L'être un péché qu'il est parpare, vil, et même… puéril.

FIGARO

Il est vrai; mais tu n'as rien dit.

GUILLAUME, désolé

Mon Thié! Mon Thié! ché sais pas, là… quoi tire… ou non… (Il se retire en soupirant.). Ah! (Il regarde niaisement les livres de la bibliothèque).

FIGARO, à part

Quelle découverte! Hasard! je te salue! (Il cherche ses tablettes). Il faut pourtant que je démêle comment un homme si caverneux s'arrange d'un tel imbécille!.. De même que les brigands redoutent les réverbères… Oui, mais un sot est un fallot; la lumière passe à travers. (Il dit en écrivant sur ses tablettes): O-Connor, banquier irlandais. C'est là qu'il faut que j'établisse mon noir comité des recherches. Ce moyen là n'est pas trop constitutionnel; ma! perdio! l'utilité! Et puis, j'ai mes exemples! (Il écrit). Quatre ou cinq louis d'or au valet chargé du détail de la poste, pour ouvrir dans un cabaret chaque lettre de l'écriture d'Honoré-Tartuffe Bégearss… Monsieur le tartuffe honoré! vous cesserez enfin de l'être! Un dieu m'a mis sur votre piste. (Il serre ses tablettes). Hasard! Dieu méconnu! les Anciens t'appelaient Destin! nos gens te donnent un autre nom…

SCÈNE IX
LA COMTESSE, LE COMTE, FLORESTINE, BÉGEARSS, FIGARO, GUILLAUME
BÉGEARSS apperçoit Guillaume, et dit avec humeur en lui prenant la lettre:

NE peux-tu pas me les garder chez moi?

GUILLAUME

Ché crois, celui-ci, c'est tout comme. (Il sort.)

LA COMTESSE, au Comte

Monsieur, ce buste est un très-beau morceau: votre fils l'a-t-il vu?

BÉGEARSS, la lettre ouverte

Ah! Lettre de Madrid! du secrétaire du Ministre! Il y a un mot qui vous regarde. (Il lit). «Dites au Comte Almaviva, que le courrier qui part demain, lui porte l'agrément du Roi pour l'échange de toutes ses terres».

FIGARO écoute, et se fait, sans parler, un signe d'intelligence
LA COMTESSE

Figaro? dis donc à mon fils que nous déjeûnons tous ici.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
25 июня 2017
Объем:
80 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain