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Читать книгу: «Discours par Maximilien Robespierre — 17 Avril 1792-27 Juillet 1794», страница 2

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Hâtez-vous donc, vous et vos amis, d'éclairer la partie de la nation qu'il a abusée; déployez le caractère d'un véritable représentant; n'épargnez pas Narbonne plus que Lessart. Faites mouvoir horizontalement le glaive des lois pour frapper toutes les têtes des grands conspirateurs; si vous désirez de nouvelles preuves de leurs crimes, venez plus souvent dans nos séances, je m'engage à vous les fournir. Défendez la liberté individuelle, attaquée sans cesse par cette faction; protégez les citoyens les plus éprouvés contre ses attentats journaliers; ne les calomniez pas; ne les persécutez pas vous-même; le costume des prêtres a été supprimé; effacez toutes ces distinctions impolitiques et funestes par lesquelles Lafayette a voulu élever une barrière entre les gardes nationales et la généralité des citoyens; faites réformer cet état-major ouvertement voué à Lafayette, et auquel on impute tous les désordres, toutes les violences qui oppriment le patriotisme. Il est temps de montrer un caractère décidé de civisme et d'énergie véritable; il est temps de prendre les mesures nécessaires pour rendre la guerre utile à la liberté; déjà les troubles du Midi et de divers départements se réveillent; déjà on nous écrit de Metz que depuis cette époque tout s'incline dans cette ville devant le général; déjà le sang a coulé dans le département du Bas-Rhin. A Strasbourg, on vient d'emprisonner les meilleurs citoyens; Diétrich, l'ami de Lafayette, est dénoncé comme l'auteur de ces vexations; il faut que je vous le dise: vous êtes accusé de protéger ce Diétrich et sa faction; non par moi, mais par la Société des Amis de la Constitution de Strasbourg. Effacez tous ces soupçons, venez discuter avec nous les grands objets qui intéressent le salut de la patrie; prenez toutes les mesures que la prudence exige pour éteindre la guerre civile et terminer heureusement la guerre étrangère; c'est à la manière dont vous accueillerez cette proposition que les patriotes vous jugeront; mais, si vous la rejetez, rappelez-vous que nulle considération, que nulle puissance ne peut empêcher les amis de la patrie de remplir leurs devoirs.

Réponse de Maximilien Robespierre à l'accusation de J. — B. Louvet [imprimé par ordre de la Convention nationale] (5 novembre 1792)

Citoyens, délégués du peuple,

Une accusation, sinon très redoutable, au moins très grave et très solennelle, a été intentée contre moi, devant la Convention nationale; j'y répondrai, parce que je ne dois pas consulter ce qui me convient le mieux à moi-même, mais ce que tout mandataire du peuple doit à l'intérêt public. J'y répondrai, parce qu'il faut qu'en un moment disparaisse le monstrueux ouvrage de la calomnie, si laborieusement élevé pendant plusieurs années, peut-être; parce qu'il faut bannir du sanctuaire des lois la haine et la vengeance, pour y rappeler les principes de la concorde. Citoyens, vous avez entendu l'immense plaidoyer de mon adversaire; vous l'avez même rendu public par la voie de l'impression; vous trouverez sans doute équitable d'accorder à la défense la même attention que vous avez donnée à l'accusation.

De quoi suis-je accusé? D'avoir conspiré pour parvenir à la dictature, ou au triumvirat, ou au tribunat. L'opinion de mes adversaires ne paraît pas bien fixée sur ces points. Traduisons toutes ces idées romaines un peu disparates par le mot de pouvoir suprême, que mon accusateur a employé ailleurs.

Or, on conviendra d'abord que si un pareil projet était criminel, il était encore plus hardi; car, pour l'exécuter, il fallait non seulement renverser le trône, mais anéantir la législature, et surtout empêcher encore qu'elle ne fût remplacée par une Convention nationale; mais alors comment se fait-il que j'aie le premier, dans mes discours publics et dans mes écrits, appelé la Convention nationale, comme le seul remède des maux de la patrie? Il est vrai que cette proposition même fut dénoncée comme incendiaire, par mes adversaires actuels; mais bientôt la révolution du 10 fit plus que la légitimer, elle la réalisa. Dirai-je que, pour arriver à la dictature, il ne suffisait pas de maîtriser Paris; qu'il fallait asservir les 82 autres départements? Où étaient mes trésors, où étaient mes armées? Où étaient les grandes places dont j'étais pourvu? Toute la puissance résidait précisément dans les mains de mes adversaires. La moindre conséquence que je puisse tirer de tout ce que je viens de dire, c'est qu'avant que l'accusation pût acquérir un caractère de vraisemblance, il faudrait au moins qu'il fût préalablement démontré que j'étais complètement fou: encore ne vois-je pas ce que mes adversaires pourraient gagner à cette supposition; car alors il resterait à expliquer comment des hommes sensés auraient pu se donner la peine de composer tant de beaux discours, tant de belles affiches, de déployer tant de moyens, pour me présenter à la Convention nationale et à la France entière comme le plus redoutable de tous les conspirateurs.

Mais venons aux preuves positives. L'un des reproches les plus terribles que l'on m'ait faits, je ne le dissimule point, c'est le nom de Marat. Je vais donc commencer par vous dire quels ont été mes rapports avec lui. Je pourrai même faire ma profession de foi sur son compte, mais sans en dire ni plus de bien, ni plus de mal que j'en pense. Car je ne sais point trahir ma pensée, pour caresser l'opinion générale.

Au mois de janvier 1792, Marat vint me trouver; jusque-là, je n'avais eu avec lui aucune espèce de relations directes, ni indirectes. La conversation roula sur les affaires publiques, dont il me parla avec désespoir; je lui dis, moi, tout ce que les patriotes, même les plus ardents, pensaient de lui; à savoir qu'il avait mis lui-même un obstacle au bien que pouvaient produire les vérités utiles développées dans ses écrits, en s'obstinant à revenir éternellement sur certaines propositions absurdes et violentes, qui révoltaient les amis de la liberté autant que les partisans de l'aristocratie. Il défendit son opinion; je persistai dans la mienne, et je dois avouer qu'il trouva mes vues politiques tellement étroites, que, quelque temps après, lorsqu'il eut repris son journal, alors abandonné par lui depuis quelque temps, en rendant compte lui-même de la conversation dont je viens de parler, il écrivit en toutes lettres qu'il m'avait quitté parfaitement convaincu que je n'avais ni les vues ni l'audace d'un homme d'Etat; et, si les critiques de Marat pouvaient être des titres de faveur, je pourrais remettre encore sous vos yeux quelques-unes de ses feuilles publiées six semaines avant la dernière révolution, où il m'accusait de feuillantisme, parce que, dans un ouvrage périodique, je ne disais pas hautement qu'il fallait renverser la Constitution.

Depuis cette première et unique visite de Marat, je l'ai retrouvé à l'assemblée électorale; ici je retrouve aussi M. Louvet, qui m'accuse d'avoir désigné Marat pour député, d'avoir mal parlé de Priestley, enfin d'avoir dominé le corps électoral par l'intrigue et par l'effroi. Aux déclamations les plus absurdes et les plus atroces, comme aux suppositions les plus romanesques et les plus hautement démenties par la notoriété publique, je ne réponds que par les faits: les voici.

L'assemblée électorale avait arrêté unanimement que tous les choix qu'elle ferait seraient soumis à la ratification des assemblées primaires, et ils furent, en effet, examinés et ratifiés par les sections. A cette grande mesure, elle en avait ajouté une autre, non moins propre à tuer l'intrigue, non moins digne des principes d'un peuple libre, celle de statuer que les élections seraient faites à haute voix et précédées de la discussion publique des candidats. Chacun usa librement du droit de les proposer. Je n'en présentai aucun. Seulement, à l'exemple de quelques-uns de mes collègues, je crus faire une chose utile en proposant des observations générales sur les règles qui pouvaient guider les corps électoraux dans l'exercice de leurs fonctions. Je ne dis point de mal de Priestley; je ne pouvais en dire d'un homme qui ne m'était connu que par sa réputation de savant et par une disgrâce qui le rendait intéressant aux yeux des amis de la révolution française. Je ne désignai pas Marat plus particulièrement que les écrivains courageux qui avaient combattu ou souffert pour la cause de la révolution; tels que l'auteur des Crimes des rois, et quelques autres qui fixèrent les suffrages de l'assemblée. Voulez-vous savoir la véritable cause qui les a réunis en faveur de Marat en particulier? C'est que, dans celte crise, où la chaleur du patriotisme était montée au plus haut degré, et où Paris était menacé par l'armée des tyrans qui s'avançait, on était moins frappé de certaines idées exagérées ou extravagantes qu'on lui reprochait que des attentats de tous les perfides ennemis qu'il avait dénoncés et de la présence des maux qu'il avait prédits. Personne ne songeait alors que bientôt son nom seul servirait de prétexte pour calomnier et la députation de Paris et l'assemblée électorale et les assemblées primaires elles-mêmes. Pour moi, je laisserai à ceux qui me connaissent le soin d'apprécier ce beau projet formé par certaines gens, de m'identifier, à quelque prix que ce soit, avec un homme qui n'est pas moi. Et n'avais-je donc pas assez de torts personnels, et mon amour, mes combats pour la liberté, ne m'avaient-ils pas suscité assez d'ennemis depuis le commencement de la révolution, sans qu'il soit besoin de m'imputer encore un excès que j'ai évité, et des opinions que j'ai moi-même condamnées le premier?

M. Louvet a fait découler les autres preuves dont il appuie son système, de deux autres sources principales: de ma conduite dans la Société des Jacobins, et de ma conduite dans le conseil général de la commune.

Aux Jacobins, j'exerçais, si on l'en croit, un despotisme d'opinion, qui ne pouvait être regardé que comme l'avant-coureur de la dictature. D'abord, je ne sais pas ce que c'est que le despotisme de l'opinion, surtout dans une société d'hommes libres, composée, comme vous le dites vous-mêmes, de 1.500 citoyens, réputés les plus ardents patriotes, à moins que ce ne soit l'empire naturel des principes. Or, cet empire n'est point personnel à tel homme qui les énonce; il appartient à la raison universelle et à tous les hommes qui veulent écouter sa voix. Il appartenait à mes collègues de l'Assemblée constituante, aux patriotes de l'Assemblée législative, à tous les citoyens qui défendirent invariablement la cause de la liberté.

L'expérience a prouvé, en dépit de Louis XVI et de ses alliés, que l'opinion des Jacobins et des sociétés populaires était celle de la nation française; aucun citoyen ne l'a créée, ni dominée; et je n'ai fait que la partager. A quelle époque rapportez-vous les torts que vous me reprochez? Est-ce aux temps postérieurs à la journée du 10? Depuis cette époque, jusqu'au moment où je parle, je n'ai pas assisté plus de six fois peut-être à la Société. C'est depuis le mois de janvier, dites-vous, qu'elle a été entièrement dominée par une faction très peu nombreuse, mais chargée de crimes et d'immoralités dont j'étais le chef, tandis que tous les hommes sages et vertueux, tels que vous, gémissaient dans le silence et dans l'oppression, de manière, ajoutez-vous, avec le ton de la pitié, que cette société, célèbre par tant de services rendus à la patrie, est maintenant tout à fait méconnaissable.

Mais si, depuis le mois de janvier, les Jacobins n'ont pas perdu la confiance et l'estime de la nation, et n'ont pas cessé de servir la liberté; si c'est depuis cette époque qu'ils ont déployé un plus grand courage contre la cour et Lafayette; si c'est depuis cette époque que l'Autriche et la Prusse leur ont déclaré la guerre; si c'est depuis cette époque qu'ils ont recueilli dans leur sein les fédérés rassemblés pour combattre la tyrannie, et préparé avec eux la sainte insurrection du mois d'août 1792, que faut-il conclure de ce que vous venez de dire, sinon que c'est cette poignée de scélérats dont vous parlez qui ont abattu le despotisme, et que vous et les vôtres étiez trop sages et trop amis du bon ordre pour tremper dans de telles conspirations; et s'il était vrai que j'eusse, en effet, obtenu aux Jacobins cette influence que vous me supposez gratuitement, et que je suis loin d'avouer, que pourriez-vous en induire contre moi?

Vous avez adopté une méthode bien sûre et bien commode pour assurer votre domination, c'est de prodiguer les noms de scélérats et de monstres à vos adversaires, et de donner vos partisans pour les modèles du patriotisme; c'est de nous accabler à chaque instant du poids de nos vices et de celui de vos vertus; cependant à quoi se réduisent, au fond, tous vos griefs? La majorité des Jacobins rejetait vos opinions; elle avait tort sans doute. Le public ne vous était pas plus favorable; qu'en pouvez-vous conclure en votre faveur? Direz-vous que je lui prodiguais les trésors que je n'avais pas, pour faire triompher des principes gravés dans tous les coeurs? Je ne vous rappellerai pas qu'alors le seul objet de dissentiment qui nous divisait, c'était que vous défendiez indistinctement tous les actes des nouveaux ministres, et nous les principes; que vous paraissiez préférer le pouvoir, et nous l'égalité. Je me contenterai de vous observer qu'il résulte de vos plaintes mêmes que nous étions divisés d'opinion dès ce temps-là. Or, de quel droit voulez-vous faire servir la Convention nationale elle-même à venger les disgrâces de votre amour-propre ou de votre système? Je ne chercherai point à vous rappeler aux sentiments des âmes républicaines, mais soyez au moins aussi généreux qu'un roi: imitez Louis XII, et que le législateur oublie les injures de M. Louvet. Mais non, ce n'est point l'intérêt personnel qui vous guide, c'est l'intérêt de la liberté; c'est l'intérêt des moeurs qui vous arme contre cette Société qui n'est plus qu'un repaire de factieux et de brigands qui retiennent au milieu d'eux un petit nombre d'honnêtes gens trompés. Cette question est trop importante pour être traitée incidemment. J'attendrai le moment où votre zèle vous portera à demander à la Convention nationale un décret qui proscrive les Jacobins: nous verrons alors si vous serez plus persuasifs ou plus heureux que Lafayette. Avant de terminer cet article, dites-nous seulement ce que vous entendez par ces deux portions du peuple que vous distinguez dans tous vos discours, dans tous vos rapports, dont l'une est flagornée, adulée, égarée par nous, dont l'autre est paisible, mais intimidée; dont l'une vous chérit et l'autre semble incliner à nos principes? Votre intention serait-elle de désigner ici, et ceux que Lafayette appelait les honnêtes gens, et ceux qu'il nommait les sans-culottes et la canaille?

Il reste maintenant le plus fécond et le plus intéressant des trois chapitres qui composent votre plaidoyer diffamatoire, celui qui concerne ma conduite au conseil général de la commune.

On me demande d'abord pourquoi, après avoir abdiqué la place d'accusateur public, j'ai accepté le titre d'officier municipal?

Je réponds que j'ai abdiqué, au mois de janvier 1791, la place lucrative et nullement périlleuse, quoi qu'on dise, d'accusateur public, et que j'ai accepté les fonctions de membre du conseil de la commune, le 10 août 1792. On m'a fait un crime de la manière même dont je suis entré dans la salle où siégeait la nouvelle municipalité. Notre dénonciateur m'a reproché très sérieusement d'avoir dirigé mes pas vers le bureau. Dans ces conjectures, où d'autres soins nous occupaient, j'étais loin de prévoir que je serais obligé d'informer un jour la Convention nationale que je n'avais été au bureau que pour faire vérifier mes pouvoirs. M. Louvet n'en a pas moins conclu de tous ces faits, à ce qu'il assure, que ce conseil général, ou du moins plusieurs de ses membres, étaient réservés à de hautes destinées. Pouviez-vous en douter? N'était-ce pas une assez haute destinée que celle de se dévouer pour la patrie? Pour moi, je m'honore d'avoir ici à défendre et la cause de la commune et la mienne. Mais, non... je n'ai qu'à me réjouir de ce qu'un grand nombre de citoyens ont mieux servi la chose publique que moi. Je ne veux point prétendre à une gloire qui ne m'appartient pas. Je ne fus nommé que dans la journée du 10: mais ceux qui, plus tôt choisis, étaient déjà réunis à la maison commune dans la nuit redoutable, au moment où la conspiration de la cour était prés d'éclater, ceux-là sont véritablement les héros de la liberté; ce sont ceux-là qui, servant de point de ralliement aux patriotes, armant les citoyens, dirigeant les mouvements d'une insurrection tumultueuse d'où dépendait le salut public, déconcertèrent la trahison en faisant arrêter le commandant de la garde nationale vendu à la cour, après l'avoir convaincu, par un écrit de sa main, d'avoir donné aux commandants de bataillons des ordres de laisser passer le peuple insurgent, pour le foudroyer ensuite par derrière... Citoyens représentants, si la plupart de vous ignoraient ces faits, qui se sont passés loin de vos yeux, il vous importe de les connaître, ne fût-ce que pour ne pas souiller les mandataires du peuple français par une ingratitude fatale à la cause de la liberté; vous devez les entendre avec intérêt, du moins pour qu'il ne soit pas dit qu'ici les dénonciations seules ont droit d'être accueillies. Est-ce donc si difficile de comprendre que, dans de telles circonstances, celte municipalité tant calomniée dut renfermer les plus généreux citoyens? Là étaient ces hommes que la bassesse monarchique dédaigne, parce qu'ils n'ont que des âmes fortes et sublimes; là nous avons vu, et chez les citoyens, et chez les magistrats nouveaux, des traits d'héroïsme, que l'incivisme et l'imposture s'efforceront en vain de ravir à l'histoire.

Les intrigues disparaissent avec les passions qui les ont enfantées. Les grandes actions et les grands caractères restent seuls. Nous ignorons les noms des vils factieux qui assaillaient de pierres Caton dans la tribune du peuple romain, et les regards de la postérité ne se reposent que sur l'image sacrée de ce grand homme.

Voulez-vous juger le conseil général révolutionnaire de la commune de Paris? Placez-vous au sein de cette immortelle révolution qui l'a créé, et dont vous êtes vous-mêmes l'ouvrage.

On vous entretient sans cesse, depuis votre réunion, d'intrigants qui s'étaient introduits dans ce corps. Je sais qu'il en existait, en effet, quelques-uns; et qui, plus que moi, a le droit de s'en plaindre? Ils sont au nombre de mes ennemis; et d'ailleurs quel corps si pur et si peu nombreux fut absolument exempt de ce fléau?

On vous dénonce éternellement quelques actes répréhensibles imputés à des individus. J'ignore ces faits; je ne les nie, ni ne les crois; car j'ai entendu trop de calomnies pour croire aux dénonciations qui partent de la même source et qui toutes portent l'empreinte de l'affectation ou de la fureur.

Je ne vous observerai pas même que l'homme de ce conseil général, qu'on est le plus jaloux de compromettre, échappe nécessairement à ces traits; je ne m'abaisserai pas jusqu'à observer que je n'ai jamais été chargé d'aucune espèce de commission, ni ne me suis mêlé en aucune manière d'aucune opération particulière, que je n'ai jamais présidé un seul instant la commune, que jamais je n'ai eu la moindre relation avec le Comité de surveillance tant calomnié; car, tout compensé, je consentirais volontiers à me charger de tout le bien et de tout le mal attribué à ce corps, que l'on a si souvent attaqué dans la vue de m'inculper personnellement.

On lui reproche des arrestations qu'on appelle arbitraires, quoique aucune n'ait été faite sans un interrogatoire.

Quand le consul de Rome eut étouffé la conspiration de Catilina, Clodius l'accusa d'avoir violé les lois. Quand le consul rendit compte au peuple de son administration, il jura qu'il avait sauvé la patrie, et le peuple applaudit. J'ai vu à cette barre tels citoyens qui ne sont pas des Clodius, mais qui, quelque temps avant la révolution du 10 août, avaient eu la prudence de se réfugier à Rouen, dénoncer emphatiquement la conduite du conseil de la commune de Paris. Des arrestations illégales? Est-ce donc le code criminel à la main qu'il faut apprécier les précautions salutaires qu'exige le salut public, dans les temps de crise amenés par l'impuissance même des lois? Que ne nous reprochez-vous aussi d'avoir brisé illégalement les plumes mercenaires, dont le métier était de propager l'imposture et de blasphémer contre la liberté? Que n'instituez-vous une commission pour recueillir les plaintes des écrivains aristocratiques et royalistes? Que ne nous reprochez-vous d'avoir consigné tous les conspirateurs aux portes de cette grande cité? Que ne nous reprochez-vous d'avoir désarmé les citoyens suspects? d'avoir écarté de nos assemblées, où nous délibérions sur le salut public, les ennemis reconnus de la Révolution? Que ne faites-vous le procès à la fois, et à la municipalité, et à l'assemblée électorale, et aux sections de Paris, et aux assemblées primaires même des cantons, et à tous ceux qui nous ont imités? Car toutes ces choses-là étaient illégales, aussi illégales que la révolution, que la chute du trône et de la Bastille, aussi illégales que la liberté elle-même?

Mais que dis-je? Ce que je présentais comme une hypothèse absurde n'est qu'une réalité très certaine. On nous a accusés, en effet, de tout cela, et de bien d'autres choses encore. Ne nous a-t-on pas accusés d'avoir envoyé, de concert avec le conseil exécutif, des commissaires dans plusieurs départements, pour propager nos principes, et les déterminer à s'unir aux Parisiens contre l'ennemi commun?

Quelle idée s'est-on donc formée de la dernière révolution? La chute du trône paraissait-elle si facile avant le succès? Ne s'agissait-il que de faire un coup de main aux Tuileries? Ne fallait-il pas anéantir dans toute la France le parti des tyrans, et par conséquent communiquer à tous les départements la commotion salutaire qui venait d'électriser Paris? Et comment ce soin pouvait-il ne pas regarder ces mêmes magistrats qui avaient appelé le peuple à l'insurrection? Il s'agissait du salut public; il y allait de leurs tètes, et on leur a fait un crime d'avoir envoyé des commissaires aux autres communes, pour les engager à avouer, à consolider leur ouvrage! Que dis-je? La calomnie a poursuivi ces commissaires eux-mêmes! Quelques-uns ont été jetés dans les fers. Le feuillantisme et l'ignorance ont calculé le degré de chaleur de leur style; ils ont mesuré toutes leurs démarches avec le compas constitutionnel, pour trouver le prétexte de travestir les missionnaires de la révolution en incendiaires, en ennemis de l'ordre public. A peine les circonstances qui avaient enchaîné les ennemis du peuple ont-elles cessé, les mêmes corps administratifs, tous les hommes qui conspiraient contre lui, sont venus les calomnier devant la Convention nationale elle-même. Citoyens, vouliez-vous une révolution sans révolution? Quel est cet esprit de persécution qui est venu reviser, pour ainsi dire, celle qui a brisé nos fers? Mais comment peut-on soumettre à un jugement certain les effets que peuvent entraîner ces grandes commotions? Qui peut, après coup, marquer le point précis où devaient se briser les flots de l'insurrection populaire? A ce prix, quel peuple pourrait jamais secouer le joug du despotisme? Car s'il est vrai qu'une grande nation ne peut se lever par un mouvement simultané, et que la tyrannie ne peut être frappée que par la portion des citoyens qui est plus près d'elle, comment ceux-ci oseront-ils l'attaquer, si, après la victoire, les délégués, venant des parties éloignées de l'Etat, peuvent les rendre responsables de la durée ou de la violence de la tourmente politique qui a sauvé la patrie? Ils doivent être regardés comme fondés de procuration tacite pour la société tout entière. Les Français amis de la liberté, réunis à Paris au mois d'août dernier, ont agi à ce titre au nom de tous les départements; il faut les approuver ou les désavouer tout à fait. Leur faire un crime de quelques désordres apparents ou réels, inséparables d'une grande secousse, ce serait les punir de leur dévouement. Ils auraient droit de dire à leurs juges: Si vous désavouez les moyens que nous avons employés pour vaincre, laissez-nous les fruits de la victoire; reprenez votre constitution et toutes vos lois anciennes, mais restituez-nous le prix de nos sacrifices et de nos combats; rendez-nous nos concitoyens, nos frères, nos enfants qui sont morts pour la cause commune. Citoyens, le peuple qui vous a envoyés a tout ratifié. Votre présence ici en est la preuve; il ne vous a pas chargés de porter l'oeil sévère de l'inquisition sur les faits qui tiennent à l'insurrection, mais de cimenter par les lois justes la liberté qu'elle lui a rendue. L'univers, la postérité ne verra dans ces événements que leur cause sacrée et leur sublime résultat; vous devez les voir comme elle. Vous devez les juger, non en juges de paix, mais en hommes d'Etat et en législateurs du monde. Et ne pensez pas que j'aie invoqué ces principes éternels parce que nous avons besoin de couvrir d'un voile quelques actions répréhensibles. Non, nous n'avons point failli, j'en jure par le trône renversé, et par la république qui s'élève.

On vous a parlé bien souvent des événements du 2 septembre; c'est le sujet auquel j'étais le plus impatient d'arriver, et je le traiterai d'une manière absolument désintéressée.

J'ai observé qu'arrivé à cette partie de son discours, M. Louvet lui-même a généralisé d'une manière très vague l'accusation dirigée auparavant contre moi personnellement; il n'en est pas moins certain que la calomnie a travaillé dans l'ombre. Ceux qui ont dit que j'avais eu la moindre part aux événements dont je parle sont des hommes ou excessivement crédules, ou excessivement pervers. Quant à l'homme qui, comptant sur le succès de la diffamation dont il avait d'avance arrangé tout le plan, a cru pouvoir alors imprimer impunément que je les avais dirigés, je me contenterai de l'abandonner au remords, si le remords ne supposait une âme. Je dirai, pour ceux que l'imposture a pu égarer, qu'avant l'époque où ces événements sont arrivés, j'avais cessé de fréquenter le conseil général de la commune; l'assemblée électorale dont j'étais membre avait commencé ses séances; que je n'ai appris ce qui se passait dans les prisons que par le bruit public, et plus tard que la plus grande partie des citoyens, car j'étais habituellement chez moi ou dans les lieux où mes fonctions publiques m'appelaient. Quant au conseil général de la commune, il est certain, aux yeux de tout homme impartial, que, loin de provoquer les événements du 2 septembre, il a fait ce qui était en son pouvoir pour les empêcher. Si vous demandez pourquoi il ne les a point empêchés, je vais vous le dire. Pour se former une idée juste de ces faits, il faut chercher la vérité, non dans les écrits ou dans les discours calomnieux qui les ont dénaturés, mais dans l'histoire de la dernière révolution.

Si vous avez pensé que le mouvement imprimé aux esprits par l'insurrection du mois d'août était entièrement expiré au commencement de septembre, vous vous êtes trompés; et ceux qui ont cherché à vous persuader qu'il n'y avait aucune analogie entre l'une et l'autre de ces deux époques ont feint de ne connaître ni les faits, ni le coeur humain.

La journée du 10 août avait été signalée par un grand combat, dont beaucoup de patriotes et beaucoup de soldats suisses avaient été les victimes. Les plus grands conspirateurs furent dérobés à la colère du peuple victorieux, qui avait consenti à les remettre entre les mains d'un nouveau tribunal. Mais le peuple était déterminé à exiger leur punition. Cependant, après avoir condamné trois ou quatre coupables subalternes, le tribunal criminel se reposa. Montmorin avait été absous; Depoix, et plusieurs conspirateurs de cette importance, avaient été frauduleusement remis en liberté; de grandes prévarications, en ce genre, avaient transpiré; et de nouvelles preuves de la conspiration de la cour se développaient chaque jour; presque tous les patriotes qui avaient été blessés au château des Tuileries mouraient dans les bras de leurs frères parisiens; on déposa sur le bureau de la commune des balles mâchées, extraites du corps de plusieurs Marseillais et plusieurs autres fédérés; l'indignation était dans tous les coeurs.

Cependant une cause nouvelle, et beaucoup plus importante, acheva de porter la fermentation à son comble. Un grand nombre de citoyens avaient pensé que la journée du 10 rompait les fils des conspirations royales; ils regardaient la guerre comme terminée, quand tout à coup la nouvelle se répand dans Paris que Longwy a été livré, que Verdun a été livré, et qu'à la tête d'une armée de 100.000 hommes, Brunswick s'avance vers Paris: aucune place forte ne nous séparait des ennemis. Notre armée divisée, presque détruite par les trahisons de Lafayette, manquait de tout. Il fallait songer à la fois à trouver des armes, des effets de campement, des vivres et des hommes. Le danger était grand, il paraissait plus grand encore. Danton se présente à l'Assemblée législative, lui peint vivement les périls et les ressources, la porte à prendre quelques mesures vigoureuses, et donne une grande impulsion à l'opinion publique; il se rend à la maison commune, et invite la municipalité à faire sonner le tocsin; le conseil général de la commune sent que la patrie ne peut être sauvée que par les prodiges que l'enthousiasme de la liberté peut seul enfanter, et qu'il faut que Paris tout entier s'ébranle pour courir au-devant des Prussiens; il fait sonner le tocsin, pour avertir tous les citoyens de courir aux armes; il leur en procure par tous les moyens qui sont en son pouvoir; le canon d'alarme tonnait on même temps; en un instant 40.000 hommes sont armés, équipés, rassemblés, et marchent vers Châlons... Au milieu de ce mouvement universel, l'approche des ennemis étrangers réveille le sentiment d'indignation et de vengeance qui couvait dans les coeurs contre tes traîtres qui les avaient appelés. Avant d'abandonner leurs foyers, leurs femmes et leurs enfants, les citoyens, les vainqueurs des Tuileries veulent la punition des conspirateurs, qui leur avait été souvent promise; on court aux prisons... Les magistrats pouvaient-ils arrêter le peuple? Car c'était un mouvement populaire, et non, comme on l'a ridiculement supposé, la sédition partielle de quelques scélérats payés pour assassiner leurs semblables; et s'il n'en eût pas été ainsi, comment le peuple ne l'aurait-il pas empêché? Comment la garde nationale, comment les fédérés n'auraient-ils fait aucun mouvement pour s'y opposer? Les fédérés eux-mêmes étaient là en grand nombre. On connaît les vaines réquisitions du commandant de la garde nationale; on connaît les vains efforts des commissaires de l'Assemblée législative qui furent envoyés aux prisons.

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12+
Дата выхода на Литрес:
27 сентября 2017
Объем:
340 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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