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Читать книгу: «Émaux et Camées», страница 4

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LE MONDE EST MÉCHANT

 
Le monde est méchant, ma petite:
Avec son sourire moqueur
Il dit qu'à ton côté palpite
Une montre en place du cœur.
– Pourtant ton sein ému s'élève
Et s'abaisse comme la mer,
Aux bouillonnements de la sève,
Circulant sous ta jeune chair.
Le monde est méchant, ma petite:
Il dit que tes yeux vifs sont morts
Et se meuvent dans leur orbite
A temps égaux et par ressorts.
– Pourtant une larme irisée
Tremble à tes cils, mouvant rideau,
Comme une perle de rosée
Qui n'est pas prise au verre d'eau.
Le monde est méchant, ma petite:
Il dit que tu n'as pas d'esprit,
Et que les vers qu'on te récite
Sont pour toi comme du sanscrit.
– Pourtant, sur ta bouche vermeille,
Fleur s'ouvrant et se refermant,
Le rire, intelligente abeille,
Se pose à chaque trait charmant.
C'est que tu m'aimes, ma petite,
Et que tu hais tous ces gens-là.
Quitte-moi; – comme ils diront vite:
Quel cœur et quel esprit elle a!
 

INÈS DE LAS SIERRAS

A LA PETRA CAMARA
 
Nodier raconte qu'en Espagne
Trois officiers cherchant un soir,
Une venta dans la campagne,
Ne trouvèrent qu'un vieux manoir;
Un vrai château d'Anne Radcliffe,
Aux plafonds que le temps ploya,
Aux vitraux rayés par la griffe
Des chauves-souris de Goya,
Aux vastes salles délabrées,
Aux couloirs livrant leur secret,
Architectures effondrées
Où Piranèse se perdrait.
Pendant le souper, que regarde
Une collection d'aïeux
Dans leurs cadres montant la garde,
Un cri répond aux chants joyeux;
D'un long corridor en décombres,
Par la lune bizarrement
Entrecoupé de clairs et d'ombres,
Débusque un fantôme charmant;
Peigne au chignon, basquine aux hanches,
Une femme accourt en dansant,
Dans les bandes noires et blanches
Apparaissant, disparaissant.
Avec une volupté morte,
Cambrant les reins, penchant le cou,
Elle s'arrête sur la porte,
Sinistre et belle à rendre fou.
Sa robe, passée et fripée
Au froid humide des tombeaux,
Fait luire, d'un rayon frappée,
Quelques paillons sur ses lambeaux;
D'un pétale découronnée
A chaque soubresaut nerveux,
Sa rose, jaunie et fanée,
S'effeuille dans ses noirs cheveux.
Une cicatrice, pareille
A celle d'un coup de poignard,
Forme une couture vermeille
Sur sa gorge d'un ton blafard;
Et ses mains pâles et fluettes,
Au nez des soupeurs pleins d'effroi
Entre-choquent les castagnettes,
Comme des dents claquant de froid.
Elle danse, morne bacchante,
La cachucha sur un vieil air,
D'une grâce si provocante,
Qu'on la suivrait même en enfer.
Ses cils palpitent sur ses joues
Comme des ailes d'oiseau noir,
Et sa bouche arquée a des moues
A mettre un saint au désespoir.
Quand de sa jupe qui tournoie
Elle soulève le volant,
Sa jambe, sous le bas de soie,
Prend des lueurs de marbre blanc.
Elle se penche jusqu'à terre,
Et sa main, d'un geste coquet,
Comme on fait des fleurs d'un parterre
Groupe les désirs en bouquet.
Est-ce un fantôme? est-ce une femme?
Un rêve, une réalité,
Qui scintille comme une flamme
Dans un tourbillon de beauté?
Cette apparition fantasque,
C'est l'Espagne du temps passé,
Aux frissons du tambour de basque
S'élançant de son lit glacé,
Et, brusquement ressuscitée
Dans un suprême boléro,
Montrant sous sa jupe argentée
La divisa prise au taureau.
La cicatrice qu'elle porte,
C'est le coup de grâce donné
A la génération morte,
Par chaque siècle nouveau-né.
J'ai vu ce fantôme au Gymnase,
Où Paris entier l'admira,
Lorsque dans son linceul de gaze
Parut la Petra Camara,
Impassible et passionnée,
Fermant ses yeux morts de langueur,
Et comme Inès l'assassinée
Dansant, un poignard dans le cœur!
 

ODELETTE ANACRÉONTIQUE

 
Pour que je t'aime, ô mon poète,
Ne fais pas fuir par trop d'ardeur
Mon amour, colombe inquiète,
Au ciel rose de la pudeur.
L'oiseau qui marche dans l'allée
S'effraye et part au moindre bruit;
Ma passion est chose ailée
Et s'envole quand on la suit.
Muet comme l'Hermès de marbre,
Sous la charmille pose-toi;
Tu verras bientôt de son arbre
L'oiseau descendre sans effroi.
Tes tempes sentiront près d'elles,
Avec des souffles de fraîcheur,
Une palpitation d'ailes
Dans un tourbillon de blancheur,
Et la colombe apprivoisée
Sur ton épaule s'abattra,
Et son bec à pointe rosée
De ton baiser s'enivrera.
 

FUMÉE

 
Là-bas, sous les arbres s'abrite
Une chaumière au dos bossu;
Le toit penche, le mur s'effrite,
Le seuil de la porte est moussu.
La fenêtre, un volet la bouche;
Mais du taudis, comme au temps froid
La tiède haleine d'une bouche,
La respiration se voit.
Un tire-bouchon de fumée,
Tournant son mince filet bleu,
De l'âme en ce bouge enfermée
Porte des nouvelles à Dieu.
 

APOLLONIE

 
J'aime ton nom d'Apollonie,
Écho grec du sacré vallon,
Qui, dans sa robuste harmonie,
Te baptise sœur d'Apollon.
Sur la lyre au plectre d'ivoire,
Ce nom splendide et souverain,
Beau comme l'amour et la gloire
Prend des résonnances d'airain.
Classique, il fait plonger les Elfes
Au fond de leur lac allemand,
Et seule la Pythie à Delphes
Pourrait le porter dignement,
Quand relevant sa robe antique
Elle s'assoit au trépied d'or,
Et dans sa pose fatidique
Attend le dieu qui tarde encor.
 

L'AVEUGLE

 
Un aveugle au coin d'une borne,
Hagard comme au jour un hibou,
Sur son flageolet, d'un air morne,
Tâtonne en se trompant de trou,
Et joue un ancien vaudeville
Qu'il fausse imperturbablement;
Son chien le conduit par la ville,
Spectre diurne à l'œil dormant.
Les jours sur lui passent sans luire;
Sombre, il entend le monde obscur
Et la vie invisible bruire
Comme un torrent derrière un mur!
Dieu sait quelles chimères noires
Hantent cet opaque cerveau!
Et quels illisibles grimoires
L'idée écrit en ce caveau!
Ainsi dans les puits de Venise,
Un prisonnier à demi fou,
Pendant sa nuit qui s'éternise,
Grave des mots avec un clou.
Mais peut-être aux heures funèbres,
Quand la mort souffle le flambeau,
L'âme habituée aux ténèbres
Y verra clair dans le tombeau!
 

LIED

 
Au mois d'avril, la terre est rose
Comme la jeunesse et l'amour;
Pucelle encore, à peine elle ose
Payer le Printemps de retour.
Au mois de juin, déjà plus pâle
Et le cœur de désir troublé,
Avec l'Été tout brun de hâle
Elle se cache dans le blé.
Au mois d'août, bacchante enivrée,
Elle offre à l'Automne son sein,
Et, roulant sur la peau tigrée,
Fait jaillir le sang du raisin.
En décembre, petite vieille,
Par les frimas poudrée à blanc,
Dans ses rêves elle réveille
L'Hiver auprès d'elle ronflant.
 

FANTAISIES D'HIVER

I
 
Le nez rouge, la face blême,
Sur un pupitre de glaçons,
L'hiver exécute son thème
Dans le quatuor des saisons.
Il chante d'une voix peu sûre
Des airs vieillots et chevrotants;
Son pied glacé bat la mesure
Et la semelle en même temps;
Et comme Hændel, dont la perruque
Perdait sa farine en tremblant,
Il fait envoler de sa nuque
La neige qui la poudre à blanc.
 
II
 
Dans le bassin des Tuileries,
Le cygne s'est pris en nageant,
Et les arbres, comme aux féeries,
Sont en filigrane d'argent.
Les vases ont des fleurs de givre,
Sous la charmille aux blancs réseaux;
Et sur la neige on voit se suivre
Les pas étoilés des oiseaux.
Au piédestal où, court-vêtue,
Vénus coudoyait Phocion,
L'Hiver a posé pour statue
La frileuse de Clodion.
 
III
 
Les femmes passent sous les arbres
En martre, hermine et menu-vair,
Et les déesses, frileux marbres,
Ont pris aussi l'habit d'hiver.
La Vénus Anadyomène
Est en pelisse à capuchon,
Flore, que la brise malmène,
Plonge ses mains dans son manchon.
Et pour la saison, les bergères
De Coysevox et de Coustou,
Trouvant leurs écharpes légères,
Ont des boas autour du cou.
 
IV
 
Sur la mode parisienne
Le Nord pose ses manteaux lourds,
Comme sur une Athénienne
Un Scythe étendrait sa peau d'ours.
Partout se mélange aux parures
Dont Palmyre habille l'Hiver,
Le faste russe des fourrures
Que parfume le vétyver.
Et le Plaisir rit dans l'alcôve
Quand, au milieu des Amours nus,
Des poils roux d'une bête fauve
Sort le torse blanc de Vénus.
 
V
 
Sous le voile qui vous protège,
Défiant les regards jaloux,
Si vous sortez par cette neige,
Redoutez vos pieds andalous;
La neige saisit comme un moule
L'empreinte de ce pied mignon
Qui, sur le tapis blanc qu'il foule,
Signe, à chaque pas, votre nom.
Ainsi guidé, l'époux morose
Peut parvenir au nid caché
Où, de froid la joue encor rose,
A l'Amour s'enlace Psyché.
 

LA SOURCE

 
Tout près du lac filtre une source,
Entre deux pierres, dans un coin;
Allégrement l'eau prend sa course
Comme pour s'en aller bien loin.
Elle murmure: Oh! quelle joie!
Sous la terre il faisait si noir!
Maintenant ma rive verdoie,
Le ciel se mire à mon miroir.
Les myosotis aux fleurs bleues
Me disent: Ne m'oubliez pas!
Les libellules de leurs queues
M'égratignent dans leurs ébats;
A ma coupe l'oiseau s'abreuve,
Qui sait? – Après quelques détours
Peut-être deviendrai-je un fleuve
Baignant vallons, rochers et tours.
Je broderai de mon écume
Ponts de pierre, quais de granit,
Emportant le steamer qui fume
A l'Océan où tout finit.
Ainsi la jeune source jase,
Formant cent projets d'avenir;
Comme l'eau qui bout dans un vase,
Son flot ne peut se contenir;
Mais le berceau touche à la tombe;
Le géant futur meurt petit;
Née à peine, la source tombe
Dans le grand lac qui l'engloutit!
 

BUCHERS ET TOMBEAUX

 
Le squelette était invisible
Au temps heureux de l'Art païen;
L'homme, sous la forme sensible,
Content du beau, ne cherchait rien.
Pas de cadavre sous la tombe,
Spectre hideux de l'être cher,
Comme d'un vêtement qui tombe
Se déshabillant de sa chair,
Et, quand la pierre se lézarde,
Parmi les épouvantements,
Montrant à l'œil qui s'y hasarde
Une armature d'ossements;
Mais au feu du bûcher ravie
Une pincée entre les doigts,
Résidu léger de la vie,
Qu'enserrait l'urne aux flancs étroits;
Ce que le papillon de l'âme
Laisse de poussière après lui,
Et ce qui reste de la flamme
Sur le trépied, quand elle a lui!
Entre les fleurs et les acanthes,
Dans le marbre joyeusement,
Amours, œgipans et bacchantes
Dansaient autour du monument;
Tout au plus un petit génie
Du pied éteignait un flambeau;
Et l'art versait son harmonie
Sur la tristesse du tombeau.
Les tombes étaient attrayantes:
Comme on fait d'un enfant qui dort,
D'images douces et riantes
La vie enveloppait la mort;
La mort dissimulait sa face
Aux trous profonds, au nez camard,
Dont la hideur railleuse efface
Les chimères du cauchemar.
Le monstre, sous la chair splendide
Cachait son fantôme inconnu,
Et l'œil de la vierge candide
Allait au bel éphèbe nu.
Seulement pour pousser à boire,
Au banquet de Trimalcion,
Une larve, joujou d'ivoire,
Faisait son apparition;
Des dieux que l'art toujours révère
Trônaient au ciel marmoréen;
Mais l'Olympe cède au Calvaire,
Jupiter au Nazaréen;
Une voix dit: Pan est mort! – L'ombre
S'étend. – Comme sur un drap noir,
Sur la tristesse immense et sombre
Le blanc squelette se fait voir;
Il signe les pierres funèbres
De son paraphe de fémurs,
Pend son chapelet de vertèbres
Dans les charniers, le long des murs,
Des cercueils lève le couvercle
Avec ses bras aux os pointus:
Dessine ses côtes en cercle
Et rit de son large rictus;
Il pousse à la danse macabre
L'empereur, le pape et le roi,
Et de son cheval qui se cabre
Jette bas le preux plein d'effroi;
Il entre chez la courtisane
Et fait des mines au miroir,
Du malade il boit la tisane,
De l'avare ouvre le tiroir;
Piquant l'attelage qui rue
Avec un os pour aiguillon,
Du laboureur à la charrue
Termine en fosse le sillon;
Et, parmi la foule priée,
Hôte inattendu, sous le banc,
Vole à la pâle mariée
Sa jarretière de ruban.
A chaque pas grossit la bande;
Le jeune au vieux donne la main;
L'irrésistible sarabande
Met en branle le genre humain.
Le spectre en tête se déhanche,
Dansant et jouant du rebec,
Et sur fond noir, en couleur blanche,
Holbein l'esquisse d'un trait sec.
Quand le siècle devient frivole
Il suit la mode; en tonnelet
Retrousse son linceul et vole
Comme un Cupidon de ballet
Au tombeau-sofa des marquises
Qui reposent, lasses d'amour,
En des attitudes exquises,
Dans les chapelles Pompadour.
Mais voile-toi, masque sans joues,
Comédien que le ver mord,
Depuis assez longtemps tu joues
Le mélodrame de la Mort.
Reviens, reviens, bel art antique,
De ton paros étincelant
Couvrir ce squelette gothique;
Dévore-le, bûcher brûlant!
Si nous sommes une statue
Sculptée à l'image de Dieu,
Quand cette image est abattue,
Jetons-en les débris au feu.
Toi, forme immortelle, remonte
Dans la flamme aux sources du beau,
Sans que ton argile ait la honte
Et les misères du tombeau!
 
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 сентября 2017
Объем:
60 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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