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Читать книгу: «Le paravent de soie et d'or», страница 9

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– C'est toi qui as ri.

– Toi aussi, père, et tu ris même encore malgré tes efforts pour te retenir; et puis voudrais-tu faire mourir A-Tei de chagrin?

– C'est vrai que je mourrai s'il meurt! s'écria la servante en éclatant en sanglots.

– La loi s'inquiète bien d'A-Tei, dit le gouverneur.

– Mais, ici, à Canton, la loi c'est toi, dit Princesse Blanche. Je n'aurais jamais cru ton cœur aussi dur, ajouta-t-elle en faisant la moue, et je vais de ce pas me jeter dans le lac; je ne pourrai pas vivre avec l'idée que j'ai ri, d'un homme qu'on a tué à coups de bâton.

– Mais, vilaine enfant, tu sais bien que la grâce d'un criminel ne dépend pas de moi seul, dit le gouverneur.

– Bon! bon! nous savons bien que le Vice-Roi fait tout ce que tu veux.

– Eh bien, nous verrons, dit Tchin-Tchan en souriant.

Et il déchira le rouleau en fibres de bambous. Princesse-Blanche, très joyeuse, sauta au cou de son père et lui caressa doucement la barbe.

– Maîtresse! maîtresse! dit tout bas A-Tei, est-ce que vraiment j'épouserai le libraire?

– Il le faut absolument, dit Princesse-Blanche.

– Quel bonheur! murmura A-Tei dont le visage s'épanouit comme une pivoine au soleil levant.

La jeune servante est maintenant la plus riche marchande de Canton; elle vend à des prix vrais les livres de toute espèce, et Sang-Yong, assis le soir, auprès d'elle, dans l'appartement intérieur, en en face d'une image de Sho-Shé, qui lui a rendu sa faveur, ne regrette nullement sa liberté de garçon. Il a brûlé la robe jaune qui faillit lui être si fatale, mais il conserve ses cendres dans un vase de jade précieux, car c'est à elle qu'il doit la gracieuse femme qui embellit son intérieur.

LE JOAILLIER DE FOU-TCHEOU

Si vous étiez allé en Chine et si vous vous étiez reposé un jour sous un pêcher en fleur, au bord d'un lac ou d'une rivière, vous auriez pu voir subitement filer, avec un cri aigu, une vision éblouissante aussitôt disparue: était-ce une flamme, une étoile, une émeraude vivante? Elle secouait des frissons lumineux et multicolores. Votre œil étonné la cherche çà et là et croit n'avoir rien vu. C'était un oiseau! Le voyez-vous maintenant suspendu à ce long glaïeul qui se balance doucement au-dessus de l'eau? Regardez-le vite, car il songe déjà à repartir. Vous aviez bien vu, c'est un joyau, un feu vivant; dans ce rayon de soleil, il a des scintillements comme les pierreries; ses ailes sont des émeraudes et les plumes de son ventre son teintes dans le sang des rubis. Il a au cou une grosse perle blanche et la toque qui le coiffe est d'un azur incomparable, doux, brillant, métallique. Sa taille est celle d'une hirondelle. Le voici qui quitte brusquement le glaïeul et glisse sur l'eau qu'il égratigne du bout de ses ailes; puis il revient; mais il a une proie au bec; une proie lumineuse comme lui-même; c'est une petite crevette toute humide encore, transparente, qui s'agite en convulsions diamantées; maintenant il passe au-dessus de vous et une goutte d'eau tombe sur votre front levé.

Si, en revenant vers la ville, vous demandez à quelque batelier quel est l'adorable oiseau que vous venez de voir, il vous répondra qu'il se nomme Fei-tsoui, qu'il ne vit qu'aux bords de l'eau et se nourrit de poissons; mais si votre visage lui plaît, si, à votre air et à votre costume, il vous juge digne de son estime, le batelier vous racontera la légende du Fei-tsoui, touchante histoire bien connue sur les rives des fleuves de Chine et que les jeunes filles, en cueillant des bambous, chantent le long de l'eau d'une voix grêle et mélancolique:

«Il y avait dans la province de Fou-Tcheou un honnête joaillier qui vivait paisiblement avec sa femme et ses trois enfants; son commerce n'était pas très étendu, mais il vivait dans l'aisance et était célèbre à cause de la perfection de son travail. Un jour le malheur fondit sur lui; des voleurs s'introduisirent dans sa boutique et prirent tout ce qu'elle renfermait: les pierreries, l'or, l'argent, les perles, et ne laissèrent au malheureux que ses outils désormais inutiles. Le pauvre joaillier faillit devenir fou de douleur, car il se trouvait aussi dépourvu qu'un mendiant, et ses cheveux blanchirent en quelques nuits. Il tâcha de trouver de l'ouvrage, mais tous les emplois étaient remplis et il n'y avait pas de travail pour lui. Alors sa femme prit ses trois enfants et s'en alla mendier par les rues. Un jour le joaillier se promenait tristement au bord du fleuve, songeant à sa malheureuse destinée. – «Hélas! disait-il, je crois que je ferais sagement de m'aller pendre à un clou près de la porte de quelque magistrat, avec mes poches pleines de suppliques recommandant à la charité de ce mandarin ma femme et mes enfants.» – C'était l'hiver, le sentier était couvert de neige, les arbres décharnés et noirs avaient des liserés de givre, la glace immobilisait la rivière. De loin, le joaillier vit quelque chose sur la neige qui brillait au pâle soleil; comme il n'avait pas la vue très bonne, il cligna ses paupières et s'abrita les yeux avec la main. – «C'est un joyau qui sera tombé là, dit-il, je tâcherai de retrouver celui à qui il appartient, je le lui rendrai et, en récompensé, il me donnera peut-être quelques pièces de cuivre.» – Le joaillier pressa le pas, mais, lorsqu'il fut tout près de l'objet brillant, il s'aperçut que c'était un Fei-tsoui mort. – «Ah! dit-il, ce n'est qu'un oiseau mort de froid ou de faim, comme mourront bientôt mes enfants et ma chère femme. Pauvre petite bête! Ta destinée resemble à la mienne; tu mangeais copieusement et lu avais chaud dans ton nid; mais l'hiver est venu glacer la rivière qui te nourrissait et découvrir ton nid si tiède, et te voilà morte; mais du moins tu as gardé jusqu'à la fin ta magnifique parure, tandis que mes beaux vêtements et ceux de ma femme sont depuis longtemps chez le prêteur sur gages.» – Et le pauvre homme tenait l'oiseau mort dans sa-main et admirait ses plumes brillantes. Tout à coup il se frappa le front: « Quelle idée! s'écria-t-il; c'est le maître du ciel qui me l'envoie. » – Il se mit à marcher à grands pas vers sa demeure, en ramassant sur son chemin autant de bois mort qu'il en pût porter.

«Rentré chez lui, il alluma son fourneau depuis si longtemps éteint, puis il regarda autour de lui, comptant sur la Providence pour lui procurer un morceau de métal. Il avisa le marteau de la porte, qui était en cuivre massif. A l'aide d'un outil il l'arracha et le fit fondre au feu; il l'eut bientôt affiné et changé en minces lamelles qu'il tordit de mille façons; il fit un bracelet ramage de cloisons comme les émaux, mais au lieu de pierreries ou de couleurs métalliques, il garnit les intervalles des cloisons avec les plumes du merveilleux oiseau. Alors il alla porter l'étrange bracelet à un mandarin dont le goût était célèbre; le mandarin le regarda curieusement, l'admira beaucoup et l'acheta. Le joaillier exécuta d'autres bijoux semblables, qui se vendirent; il remplaça le cuivre par de l'argent et de l'or; bientôt la mode de ces charmants joyaux devint générale; l'impératrice en voulut avoir et fit venir à Pékin l'heureux joaillier, qui acquit une fortune immense et n'oublia jamais le petit oiseau mort sur la neige.» Il y a bien longtemps que le joaillier de Fou-Tcheou dort dans un beau cercueil de cèdre, et que ses trois fils, qui continuèrent sa charmante industrie, sont allés le rejoindre; mais la tradition a conservé, comme elle conserve tout en Chine, le procédé de fabrication de ces bijoux en plumes, et on les exécute aujourd'hui avec la même perfection que jadis.

Entre de fines cloisons d'or qui dessinent le contour d'une fleur, d'un papillon, d'une mouche, les plumes resplendissantes sont si artistiquement enchâssées qu'elles ont pour l'œil l'aspect du métal; mais il n'y a pas d'émaux métalliques, aussi parfaits qu'ils soient, qui approchent de cet éclat, de cette fraîcheur, de ce charme étrange; la turquoise semble un mince terme de comparaison pour ces bleus célestes, inimitables; l'émeraude est froide à côté des miroitements sombres et clairs de ces plumes vertes, et il n'est pas de coraux qui atteignent à la finesse de ces rouges. La particularité la plus extraordinaire et la plus inattendue de ces bijoux chinois, qui éveillent l'idée d'une fantaisie frêle et passagère, c'est qu'ils sont d'une solidité extrême.

L'IMPÉRATRICE ZIN-GOU

C'est le soir; le palais impérial s'endort: les gardes veillent; tout est tranquille.

Invisible, cependant, un homme a franchi les murailles, se glisse par les cours et les jardins, et voilà que, brusquement, il pénètre chez l'Impératrice, endormie déjà.

Dans la chambre, parfumée comme un temple, les lampes brûlent, voilées de soie. L'homme s'avance sans hésiter; sous son pas le parquet craque et l'Impératrice s'éveille, en sursaut, mais sans un cri.

Elle regarde l'homme, le reconnaît. C'est le beau général Také-Outsi-No-Soukouné. Il est en habit de bataille, tout souillé de poussière et de sang mal essuyé.

D'un geste fébrile, elle arrache la moustiquaire de gaze, bondit près de lui, belle, grande, gracieuse dans ses pales et longs vêtements nocturnes.

– Toi ici! s'écrie-t-elle, loin du combat! Qui est-il arrivé? La défaite?

Také-Outsi se prosterne.

– Non, princesse, dit-il, mais pis que cela.

– Quoi? Quoi donc?

– Le descendant des dieux, le sublime Empereur, ton époux est mort… Il combattait à la tête de ses guerriers, les conduisant à la victoire. Une flèche coréenne l'atteignit… Il est retourné dans le séjour céleste.

– Ah! mes pressentiments! s'écrie l'Impératrice, en crispant ses doigts dans sa longue chevelure éparse, l'avis surnaturel qui me fut donné que le maître du Japon ne devait pas marcher en personne contre ce peuple!.. Tsiou-Aï-Teno n'a pas voulu me croire et il n'est plus! il a quitté la terre, l'époux héroïque, le fils du Prince des Guerriers, celui qui, par piété filiale, rassembla plus de cent mille oiseaux blancs, l'âme de son père s'étant réfugiée dans le corps d'un sira-tori, le héron aux grandes ailes! Où est-elle, à son tour, l'âme du fils si tendre? Hélas! hélas! où est-elle?

Mais, subitement, l'Impératrice s'apaise, secoue sa tête fière et fait signe au général de se relever.

– Alors tout est perdu, dit-elle, la victoire nous échappe.

– Rien n'est perdu, ô ma souveraine, dit Také-Outsi, qui reste agenouillé, tout est suspendu seulement. J'ai emporté le corps du Mikado dans mes bras, je l'ai couché sous sa tente, disant qu'il était seulement blessé, qu'il guérirait: puis, le confiant à des gardiens, qui paieraient de leur vie la moindre indiscrétion, je suis parti en secret, et, semant ma route de chevaux morts, arrivé jusqu'à vos pieds.

Le beau guerrier lève les yeux vers la reine charmante, qui, la tête inclinée, le regarde aussi. Elle lit dans celte âme ardente, l'héroïsme, le génie, le dévouement, la tendresse peut-être! Et elle, à la fois toute-puissante et si faible, comprend qu'appuyée sur un cœur pareil, elle peut devenir redoutable, invincible. Un sentiment étrange et tout nouveau frémit en elle, fait d'ambition et de courage. Comme si l'âme de son époux était venue renforcer la sienne, elle se sent prête à affronter tous les dangers, elle, la coquette, la nonchalante, qui tremblait au moindre présage!

– Merci, chef illustre, dit-elle à Také-Outsi, tu as fait ce qu'il fallait faire. Le Mikado vit toujours, il n'est que blessé. Demain nous irons le rejoindre au camp. C'est moi qui le remplacerai. Nous marcherons à la victoire. Toi, Také-Outsi, sois le soutien de l'Empire, je te donne le titre de Nai-Daï-Tsin.

Depuis plusieurs jours, l'illustre Impératrice Zin-Gou est en route. Také-Outsi l'accompagne, et une troupe nouvelle, qu'elle emmène pour renforcer l'armée, la suit.

Les lanciers marchent d'abord, cuirassés, coiffés du casque à visière, évasé autour de la nuque et orné au-dessus du front d'une sorte de croissant de cuivre, la lance au poing, un petit drapeau planté derrière l'oreille gauche; les archers viennent ensuite, le front ceint d'un bandeau d'étoffe blanche, dont les bouts flottent en arrière, le dos hérissé de longues flèches, tenant à la main le grand arc laqué. Un nouveau corps d'archers est joint à ceux-ci et les soldats qui le composent portent un arc de forme singulière, à l'aide duquel on lance des pierres et qui est d'invention récente.

Les hommes de pied s'avancent après eux, armés de hallebardes, de glaives à deux mains, de haches: ils ont le visage couvert de masques noirs et grimaçants, hérissés de moustaches et de sourcils rouges, des casques ornés d'antennes de cuivre ou de grandes cornes de cerfs; d'autres se cachent sous un capuchon de mailles qui ne laisse voir que leurs yeux. Et au-dessus de ces troupes en marche, on voit osciller tout un fouillis de bannières et d'insignes des formes les plus variées.

L'Impératrice, sur un beau cheval, dont la crinière tressée forme comme une crête, les pieds dans de grands étriers ciselés, marche la première, et l'on arrive ainsi au bord d'une rivière appelée Matsoura-Gawa.

Alors la belle Zin-Gou ordonne une halte. Elle est femme toujours, et une idée singulière lui est venue: elle veut pécher à l'hameçon dans cette rivière.

Debout sur un petit tertre, elle jette la ligne et dit à voix haute:

– Si je dois réussir dans mon entreprise, l'amorce sera mordue, sinon elle restera intacte.

Un grand silence règne; tous les regards sont fixés sur la légère bouée flottant sur l'eau. La voici qui oscille et danse; la souveraine d'un geste vif enlève la ligne au bout de laquelle un éperlan s'agite et luit comme un poignard.

Des acclamations joyeuses éclatent.

– En route! s'écrie Zin-Gou, la flotte nous attend et la victoire est certaine!

On arrive à la rade de Kasifi-No-Oura. La flotte apparaît magnifique et formidable: les grandes jonques ressemblent à des monstres et les voiles sont comme des ailes! les marins acclament l'armée impériale qui répond par un long cri.

La souveraine a mis pied à terre; elle s'avance jusqu'aux bords des flots, et, enlevant sa coiffure d'or, dénoue ses longs cheveux. Pour en effacer les parfums, elle les baigne dans la mer, puis les tord, les relève, en forme un chignon unique, tel que les portent les hommes.

Elle saisit alors une hache d'armes et monte sur la plus belle des jonques.

De là, à tous, l'Impératrice guerrière apparaît comme sur un piédestal. Elle a revêtu l'armure de corne noire dont les lamelles, jointes par des points de soie pourpre, retombent plus bas que les genoux, sur l'ample pantalon de brocart blanc à dessins nuageux, serré à la cheville. Elle a des épaulières de velours noir et d'énormes manches, très majestueuses, qui, descendant jusqu'à terre, forment comme un manteau; elles sont faites d'une étoffe semée de fleurettes d'or disposées en losange et la doublure est de satin uni.

Un chrysanthème d'or ciselé brille sur le devant de l'armure; la haute, coiffure conique est retenue par une ganse de soie, nouée sous le menton, la hache d'arme est passée à la ceinture, à côté des deux sabres, et la guerrière s'appuie sur une canne d'ivoire et d'or, longue comme une pique.

Sous le vent, les voiles se tendent, les lames balancent les navires, tandis que Zin-Gou, les regards perdus dans l'espace, s'écrie:

– Voyez! Voyez! Le dieu marin! Foumi-Yori-Mio-Zin se fait notre guide et marche devant nous!

Elle est seule à apercevoir le Dieu de la mer; mais nul ne doute de sa parole.

Le roi de Corée tremble et pleure au fond de son palais. Ses États sont envahis, ses soldats sont défaits. Devant l'armée invincible des Japonais, aucune résistance n'était possible, et lui-même, avant de combattre, il se sent vaincu.

Déjà les conquérants ont pris la ville. L'Impératice guerrière est aux portes des palais. L'âme des héros l'anime vraiment. C'est elle qui, à travers les tempêtes et les obstacles, a conduit son armée à tant de victoires.

La première elle s'élance à l'assaut, franchit le fossé et heurte la porte royale en criant d'une voix éclatante:

– Le roi de Corée est le chien du Japon.

Les battants éclatent, s'écroulent et la conquérante passe sur les décombres.

Au dessus de l'entrée, elle fait suspendre sa pique d'ivoire et d'or, qui, durant des siècles, restera là.

C'est l'heure du carnage et du pillage; les soldats vont se payer enfin de leur sang versé; ils n'attendent plus que l'ordre de la souveraine.

Mais voici que, le front baissé, les mains liées derrière le dos, le roi de Corée s'avance dans la cour d'honneur, jonchée de morts et de blessés. Il s'est lui-même enchaîné comme un prisonnier, et il vient s'humilier, se soumettre, se rendre…

– Je suis ton esclave! s'écrie-t-il avec un sanglot, en tombant aux pieds de la belle guerrière.

Alors sous la rude cuirasse, le cœur de la femme se réveille et s'émeut… Zin-Gou relève le pauvre roi, détache ses liens.

– Tu n'es pas mon esclave, dit-elle; tu resteras roi de Corée, mais tu seras mon vassal.

Et elle défend de piller la ville. On s'emparera seulement des trésors du roi, réservant pour elle les peintures, les objets d'art, toutes ces choses délicieuses, créées par la Chine, et que le Japon ne sait pas faire encore.

Au désespoir la joie succède, on acclame la conquérante magnanime, qui, elle, cherche sa récompense dans les yeux du beau Také-Outsi, de plus en plus troublés d'admiration et de tendresse.

Il y a aujourd'hui plus de treize siècles que la glorieuse Zin-Gou-Gvo-Gou rentrée triomphalement dans sa capitale, donna le jour à un fils, et poursuivit le cours d'un règne long et heureux. Et ne dirait-on pas que, dans le Japon moderne, si avide de progrès, si différent de l'ancien, rien n'est changé, cependant?

Les soldats ne portent plus le casque noir, agrémenté de cornes brillantes; au lieu de l'arc «d'invention récente», qui lançait des pierres, ils ont les canons et les fusils les plus perfectionnés; mais ce sont toujours les mêmes héros intrépides, dédaigneux de la vie.

Le Mikado qui règne aujourd'hui, Mitsou-Hito, l'Homme Conciliant, de la dynastie divine qui, selon la formule officielle, règne sur le Japon «depuis le commencement des temps et à jamais», descend directement de l'illustre impératrice Zin-Gou. Le cycle inauguré par son avènement s'appelle Mé-Dgi, «règne lumineux», et il brille en effet d'une éclatante façon. Le souverain actuel, dont les victoires étonnent l'Europe, est certes digne de ses pères, et la déesse soleil: Tien-Sio-Daï-Tsin, sa radieuse aïeule, peut se reconnaître en lui, le fils de ses fils, et, du haut du ciel, lui sourire.

LA TISSEUSE CÉLESTE

LÉGENDE JAPONAISE

Il y avait dans la banlieue de Yeddo (aujourd'hui Tokio) un jeune paysan d'une conduite exemplaire, mais que le malheur semblait poursuivre. Sa mère était morte de chagrin en voyant les champs cultivés par son époux devenir de plus en plus stériles.

Il avait suivi en pleurant le cercueil de sa mère, puis s'était tué de travail pour soutenir son vieux père; mais le père est mort à son tour, laissant le fils dans un tel dénûment, qu'il n'avait pas l'argent nécessaire pour le faire enterrer; alors il s'est vendu lui-même comme esclave et a pu, avec le prix de sa liberté, rendre les devoirs à son père.

Maintenant, il se rend chez son maître, pour y remplir les conditions du contrat. Il marche tristement la tête basse, pleurant sur sa liberté perdue.

Tout à coup une femme d'une grande beauté apparaît sur le chemin. Elle s'approche du jeune homme et lui parle.

– Je veux te demander une grâce, dit-elle; je suis seule et abandonnée, accepte-moi pour ton épouse. Je te serai dévouée et fidèle.

– Hélas! dit le jeune homme. Je ne possède rien et mon corps même ne m'appartient pas. Je me suis vendu à un maître chez lequel je me rends.

– Je suis habile dans l'art de tisser la soie, dit l'inconnue; emmène-moi chez ton maître. Je saurai me rendre utile.

– J'y consens de tout mon cœur, dit le jeune homme; mais comment se fait-il qu'une femme, belle comme tu l'es, veuille prendre pour époux un pauvre homme comme moi?

– La beauté n'est rien auprès des qualités du cœur, dit la femme.

Ils arrivent bientôt chez le maître, et l'époux travaille avec zèle, il cultive les fleurs du jardin. Quand il rentre dans sa cabane pour se reposer un peu, il trouve toujours sa femme occupée à tisser une magnifique étoffe de soie et d'or, et de plus en plus émerveillé, il admire la belle travailleuse.

Un jour le maître, qui surveille lui-même les esclaves, entre dans la cabane et s'approche de la jeune femme. Il demeure stupéfait en voyant le superbe ouvrage qu'elle termine.

– Oh! la splendide étoffe, s'écrie-t-il, elle est certainement d'un prix inestimable!

– Elle est à toi si tu le veux, dit la femme. Je voulais te l'offrir en échange de notre liberté.

Le maître consent au marché et les laisse partir.

Alors l'époux se jette aux pieds de l'épouse et la remercie avec effusion de l'avoir délivré de l'esclavage.

Mais la femme tout à coup se transforme; elle devient tellement lumineuse que le jeune homme ébloui ne peut plus la regarder.

– Je suis la Tisseuse Céleste, dit-elle; ton courage au travail et ta piété filiale m'ont touchée, et te voyant malheureux, je suis descendue du Ciel pour te secourir; tout ce que tu entreprendras désormais réussira, si tu ne quittes jamais le chemin de la vertu.

Cela dit, la divine Tisseuse monte au Ciel et va reprendre sa place dans la Maison des Vers à Soie7.

7.La constellation du Scorpion.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
13 октября 2017
Объем:
180 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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