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Читать книгу: «Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome IV», страница 23

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CHAPITRE III.
UNION DES DEUX CANADAS.
1838-1840

Effet des troubles de 1837 en Angleterre, en France et dans les Etats-Unis. – Mesures du parlement impérial. – Débat, dans les deux chambres. – Suspension de la constitution. – Lord Durham nommé gouverneur. – Son arrivée à Québec; train royal qn'il mène. – Sa proclamation au peuple. – Il organise son conseil. – Les accusés politiques sont amnistiés ou éloignés temporairement. – M. Wakefield député secrètement vers M. Papineau, et quelques autres chefs. – Attitude des partis-Lord Durham dans le Haut-Canada. – Il y rallie la majorité à son plan d'union. – Réunion des gouverneurs des provinces du golfe à Québec-L'ordonnance d'amnistie qui exile quelques accusés à la Bermude, est désavouée en Angleterre-Lord Durham résigne son gouvernement. – Adresses qu'il reçoit et réponses. Il s'embarque pour l'Europe. – Sir John Colborne lui succède. – Une nouvelle insurrection s'organise dans la Rivière Chambly et est abandonnée. – Colborne y marche avec 7 à 8000 hommes. – Il incendie le pays. – Arrestations nombreuses. – Procès des accusés. -89 sont condamnés à mort et 13 exécutés. -47 sont exilés. – Rapport de lord Durham. – Le bill d'union introduit dans le parlement impérial. – Il est ajourné à l'année suivante. – M. Poulett Thomson gouverneur. – Il arrive à Québec-Il monte dans le Haut-Canada et y convoque les chambres. Il leur fait agréer les conditions du bill d'union, qui est enfin passé malgré les pétitions du Bas-Canada, et l'opposition du duc de Wellington et de lord Gosford. – L'union proclamée en Canada. – Remarques générales. – Population et autres renseignemens statistiques du Bas-Canada, au temps de l'union. – Conclusion.

MAINTENANT Qu'allait-il advenir de cette résistance inattendue et aussitôt vaincue qu'offerte? Ce que le gouvernement désirait depuis si longtemps, une occasion de réunir les deux Canadas. Quoiqu'il eût échoué en 1822, l'adresse de sa politique avait enfin amené les choses au point où il voulait pour assurer un succès complet. La précipitation de M. Papineau avança sans doute le terme; mais le bureau colonial y tendait sans cesse, et pour un oeil clairvoyant, cette tendance devait amener ses fruits, c'est-à-dire un choc plus au moins tardif; car il est dans la nature des choses d'offrir de la résistance avant de cesser d'exister ou de changer de nature. C'est une loi morale comme une loi physique. Le mensonge ne remplace pas la vérité sans combat, et la lutte constitue en morale ce que l'on appelle la conscience. Malgré leur beau langage, les ministres n'étaient pas encore assez simples pour croire que l'on prendrait au pied de la lettre ce qu'ils disaient, et ils savaient bien que les Canadiens s'opposeraient au mal réel qu'on voulait leur faire sous des prétextes spécieux et le prestige des maximes libérales les plus avancées.

Les troubles qui venaient d'avoir lieu dans un pays dont les annales avaient été jusque là pures de toute révolte, firent sensation non seulement en Angleterre, mais aux Etats-Unis et en France. En Angleterre aux premières nouvelles, on prit des mesures pour envoyer des renforts de troupes. Aux Etats-Unis, le gouvernement avait de la peine à retenir les citoyens qui se portaient par centaines sous les drapeaux de MacKenzie, et qui continuèrent tout l'hiver à inquiéter le Haut-Canada. En France où le Canada était si profondément oublié, on se demandait ce que c'était, et on se rappela en effet qu'on y avait eu des frères autrefois. On tourna les yeux vers nous, et un journal républicain parlait déjà de la formation d'une légion auxiliaire, pour venir à notre aide. La gazette de France plus grave, observait: «Là encore, nous retrouvons l'Irlande opprimée, soumise au joug arbitraire de la conquête, opprimée dans ses croyances, nominalement unie, mais séparée par une choquante inégalité politique… On a cru que la conquête pouvait faire des nationalités au gré d'une diplomatie sans entrailles, que la terre pouvait se diviser comme une pièce d'étoffe et les peuples se partager comme des troupeaux; parce que l'invasion et les combats ont livré un territoire et une population au vainqueur, celui-ci s'est cru en droit de se les approprier, de leur imposer ses lois, sa religion, ses usages, son langage; de refaire par la contrainte toute l'éducation, toute l'existence d'un peuple, et de le forcer jusque dans ce qu'il y a de plus sacré parmi les hommes, le sanctuaire inviolable de la conscience… De quoi s'agit-il en effet à Québec et à Montréal? Du vote de l'impôt, du droit commun, de la représentation de ces principes de nationalité que les émigrans français au nord de l'Amérique ont transportés avec eux, de même qu'Enée, selon la fable, emporta avec lui ses dieux, les moeurs d'Illion et ses pénates…

«Et comme pour donner au monde une marque visible de la nature de ce mouvement et de son accord avec le principe de vérité, les deux hommes que l'on voit à la tête sont un Français, Papineau, et un Irlandais, O'Callaghan, tous deux catholiques, tous deux réclamant la liberté religieuse, la liberté politique, les institutions et les lois sous lesquelles les sociétés auxquelles ils appartiennent se sont formées et développées.»

Si la révolte eût été sérieuse, le gouvernement des Etats-Unis eût été entraîné, et plus tard peut-être celui de France, ce qui aurait été plus que suffisant pour assurer l'indépendance des deux Canadas. Mais comme les troubles qui venaient d'éclater, était plutôt le fruit d'une lutte politique prolongée, qu'une détermination formelle de rompre avec l'Angleterre, les chefs du mouvement ne s'étaient laissés entraîner qu'à la fin, et encore dans l'adresse des six comtés, si on faisait des menaces on parlait aussi de redressement de griefs. Cela est si vrai, que nuls préparatifs n'avaient été faits pour une insurrection. On n'avait ramassé ni armes, ni munitions, ni argent, ni rien de ce qui est nécessaire à la guerre. A St. – Denis, comme à St. – Charles, les trois quarts des hommes n'avaient pas de fusils, et l'attaque vint des troupes chargées d'appuyer des officiers civils et non pas d'eux. Néanmoins comme cela était d'un dangereux exemple, il fallait sévir sur le champ, car en pareil cas une colonie qui se révolte devient comme une nation étrangère qui déclare la guerre. La métropole entière s'arme contre elle. Dès le jour de l'ouverture des chambres impériales 16, janvier, lord John Russell annonça les mesures qu'il entendait prendre au sujet du Canada, et fit passer une adresse pour assurer la reine que le parlement était prêt à l'appuyer dans la suppression des troubles qui venaient d'y éclater, et le lendemain il présenta un bill pour en suspendre la constitution.

Ce bill suscita des débats qui se renouvelèrent dans les deux chambres pendant plusieurs jours; mais une partie de l'opposition n'avait saisi l'occasion que pour faire la guerre au ministère, et non pour défendre les intérêts des Canadiens-français. C'étaient des récriminations entre les torys et les whigs, entre sir Robert Peel et lord John Russell, lord Howick, etc. M. Roebuck fut entendu devant les deux chambres, comme agent du Canada, et fit un discouru de quatre heures, devant celle des communes. Mais son influence y était alors en baisse; et d'ailleurs sa conduite n'était pas toujours prudente. Ainsi il avait assisté à une assemblée tenue à Londres, sous la présidence de M. Hume, où après avoir déclaré que la possession du Canada n'était d'aucun avantage pour l'Angleterre, attendu qu'elle donnait un prétexte pour maintenir le monopole commercial, on invitait le peuple à s'assembler dans tout le royaume, pour pétitionner le parlement et engager les ministres à renoncer à leurs mesures contre cette colonie. Agiter une pareille question pour un pareil motif à l'époque d'un mouvement insurrectionnel, c'était paraître l'encourager et augmenter les soupçons contre les Canadiens. Néanmoins lord Brougham, lord Cienelg, le due de Wellington dans la chambre des lords; lord John Russell, M. Warburton, M. Hume, M. Leader, M. Stanley, dans celle des communes, blâmèrent la conduits des ministres et leur attribuèrent les événemens qui étaient arrivés. Lord Brougham surtout fit un long et magnifique discours, dans lequel il recommanda la clémence envers les insurgés, et justifia le droit de révolte; «Lorsqu'on blâme les Canadiens avec tant de véhémence, dit-il, qui leur a appris à se révolter, je le demande? Où, dans que; pays, de quel peuple ont-il pris la leçon? Vous vous récriez contre leur révolte, quoique vous ayez pris leur argent contre leur consentement, et anéanti les droits que vous vous faisiez un mérite de leur avoir accordés. Vous énumérez leurs autres avantages; ils ne payent pas de taxes; ils reçoivent des secours considérables de ce pays; ils jouissent de précieux avantages commerciaux que nous payons cher, et vous dites: toute la dispute vient de ce que nous avons pris vingt mille louis sans le consentement de leurs représentans! Vingt mille louis sans leur consentement! Certes, ce fut pour vingt shellings qu'Hempden résista, et acquis par sa résistance, un nom immortel, pour lequel les Plantagenets et les Guelphes auraient donné tout le sang qui coulaient dans leurs veines! Si résister à l'oppression, si s'élever contre un pouvoir usurpé et défendre ses libertés attaquées, est un crime, qui sont les plus grands criminels? Qui sont-ils, si ce n'est nous-même peuple anglais? C'est nous qui avons donné l'exemple à nos frères américains. Prenons garde dr les blâmer trop durement pour l'avoir suivi!

«D'ailleurs vous punissez toute une province, parce qu'elle renferme quelques paroisses mécontentes; vous châtiez même ceux qui vous ont aidés à étouffer la révolte.»

La minorité contre le bill des ministres dans les communes ne fut que de 7 ou 8, la moitié des membres étant absens. Cette opposition cependant fit restreindre les pouvoirs temporaires qu'on voulait donner au gouverneur et au conseil spécial auxquels on allait abandonner l'administration du Canada pendant la suspension de la constitution et la nouvelle enquête qu'on allait faire sur les lieux. Lord Durham qu'on avait choisi pour cette double mission, en homme adroit, pour disposer favorablement les Canadiens en sa faveur, fit un discours dans la chambre des lords dans lequel après avoir annoncé qu'il ferait respecter la suprématie de l'Angleterre jusque dans la chaumière la plus reculée, il ajoutait qu'il ne reconnaîtrait aucun parti, français, anglais ou canadien; qu'il les regarderait tous du même oeil, et qu'il désirait assurer à tous une égale justice et une égale protection.

Dans ces débats les ministres cachèrent leur but secret avec le plus grand soin, et montrèrent jusqu'à la fin une adresse inconcevable, qui en imposa à beaucoup de gens. Lord John Russell déclara que la couronne userait de sa prérogative pour autoriser lord Durham à faire élire dix personnes dans le Bas-Canada, vu qu'il était presqu'impossible de réunir l'ancienne chambre, et un pareil nombre dans le Haut, s'il le jugeait à propos, pour lui servir de conseil sur les affaires de la colonie, afin que la nouvelle constitution qu'on pourrait adopter ne parût pas provenir uniquement de l'autorité des ministres et du gouverneur, mais de personnes versées dans les affaires de la colonie et qui y eussent des intérêts. Lord Howick fit un long discours surtout en réponse à sir Robert Peel, dans lequel il affecta fort d'insister sur la nécessité de rendre justice aux Canadiens. Ainsi il disait: «Si je pensais que la grande masse de ce peuple fût entièrement sans amour pour ce pays, je dirais que la seule question que nous aurions à considérer, serait de voir comment une séparation finale pourrait s'effectuer sans sacrifier les intérêts des Anglais. Mais je ne pense pas que la masse des Canadiens soit hostile à l'Angleterre, par ce que leur alliance avec elle leur est plus nécessaire à eux qu'à nous; que si c'est pour leurs lois et leurs usages particuliers qu'ils combattent, entourés qu'ils sont par une population de race différente, si la protection de l'Angleterre leur était retirée, ils auraient à subir un changement beaucoup plus violent, beaucoup plus subit, beaucoup plus général que celui qui aura lieu probablement.»

Il croyait que le nombre de ceux qui voulaient l'indépendance était peu considérable; que l'on avait été conduit pas à pas là où l'on en était, chacun espérant amener ses adversaires à ce qu'il voulait. Il ne désespérait point de satisfaire les deux partis; mais le système responsable était inconciliable avec les rapports qui devaient subsister entre une colonie et une métropole. Lord Howick répéta la même opinion et, comme tous les autres, évita avec soin de parler de l'union des deux Canadas.

Dans tous les débats qui eurent lieu, on observa la même réserve; on ne voulut rien dire de ce que l'on avait intention de faire; on se renfermait dans des termes généraux. Sir W. Molesworth désapprouvait la suspension de la constitution; mais approuvait le choix de lord Durham. «Si la violation partielle de la constitution, ajoutait M. Grote, a déterminé les Canadiens à s'armer pour la défense de leurs droits, si lord Gosford a provoqué une révolte en adoptant quelques résolutions, quelle ne devrait pas être la conséquence d'une mesure qui suspendra la constitution et confisquera les libertés populaires?» M. Warburton se déclarait pour l'émancipation; «L'Angleterre a aidé, disait-il, à préparer la liberté en Grèce, en Pologne, dans l'Amérique du sud, en Hanovre, pourquoi vouloir exclure de ce bienfait le peuplé canadien?»

Ces idées avancées ne faisaient pas sortir les ministres de leur silence. M. Ellice, qui n'était pas toujours dans leur secret, quoique leur ami, et qui n'avait pas, comme on sait, leur finesse, approuvait le choix de lord Durham, tout en recommandant de gouverner le Canada comme l'Irlande.

Les lords Brougham, Ellenborough et Mansfield protestèrent contre la suspension de la constitution, parce qu'elle était devenue inutile depuis la suppression de la révolte. Lord Ellenborough leur reprocha de vouloir unir les deux Canadas, et que c'était pour cela qu'ils insistaient sur cette suspension. Lord Glenelg, dévoilé par cette apostrophe subite, désavoua hautement une pareille intention, et déclara que le gouvernement voulait seulement modifier la constitution existante, parce que l'union ne pouvait se faire que du consentement des deux provinces. On croyait pouvoir en imposer d'autant plus facilement par ce langage que les ministres affectaient dans les débats de parler des Canadiens comme d'hommes ignorans et simples, faciles à tromper, malgré les troubles récens, qui prouvaient, cependant, qu'ils savaient du moins apprécier leurs droits.

Après beaucoup de petits désagrémens que l'opposition leur fit subir dans les deux chambres, et qui étaient dûs peut-être au langage mystérieux dans lequel ils s'enveloppaient en ne cessant point d'invoquer les noms de la liberté, de la justice, de la conciliation, et de s'appesantir sur les vices de la constitution canadienne, le parlement leur accorda enfin tous les pouvoirs essentiels qu'ils demandaient, et lord Durham fit ses préparatifs pour passer en Canada.

Lord Durham tout radical qu'il était en politique, aimait beaucoup le luxe et la pompe. Il avait représenté la cour de Londres avec splendeur pendant son ambassade à St. – Pétersbourg, en 1833. Il voulut éclipser en Canada par un faste royal tous les gouverneurs qui l'avaient précédé. Le vaisseau de guerre qui devait l'amener, fut meublé avec magnificence. Il s'y embarqua avec une suite nombreuse de confidens, de secrétaires, d'aides de camp. Une musique fut mise à bord pour dissiper les ennuis de la traversée. Déjà un grand nombre de personnes attachées à sa mission s'était mis en route. On embarqua deux régimens des gardes et quelques hussards pour Québec. Enfin tout annonçait une magnificence inconnue dans l'Amérique du nord. On s'empara du parlement pour loger le somptueux vice-roi; ce qui était d'un mauvais augure aux yeux des hommes superstitieux pour les libertés canadiennes; c'était comme un vainqueur qui marchait sur les dépouilles de son ennemi abattu. Aussitôt que la constitution avait été suspendue par le parlement impérial, l'ordre avait été envoyé à sir John Colborne de former un conseil spécial pour expédier les affaires les plus pressantes. Ce conseil composé de 22 membres, dont 11 Canadiens, s'assembla dans le mois d'avril. La tranquillité était déjà tellement rétablie que l'on renvoyait partout dans leurs foyers les volontaires armés pendant les troubles.

Quand lord Durham arriva à Québec le 27 mai, tout était dans une paix profonde. Il débarqua le 29, au bruit de l'artillerie et au milieu d'une double haie de soldats, pour se rendre au château St. – Louis, où il fit son installation et prêta les sermens ordinaires. Il voulut signaler son avènement au pouvoir par un acte de grâce en faveur des détenus politiques; mais lorsqu'il demanda les officiers de la couronne, aucun ne se trouva présent pour lui répondre. Contre l'usage les conseillers exécutifs ne furent point assermentés. Il adressa une proclamation au peuple en se servant du langage d'un homme qui se méprend complètement sur la manière avec laquelle on doit s'exprimer en Amérique, et qui veut en imposer par une affectation recherchée au peuple dont le sort est entre ses mains. «Ceux qui veulent sincèrement et consciencieusement la réforme et le perfectionnement d'institutions défectueuses, recevront de moi, disait-il, sans distinction de parti, de race ou de politique, l'appui et l'encouragement que leur patriotisme est en droit d'avoir; mais les perturbateurs du repos public, les violateurs des lois, les ennemis de la couronne et de l'empire britannique trouveront en moi un adversaire inflexible.» Et plus loin en parlant du rétablissement de la constitution, il observait: «C'est de vous peuple de l'Amérique britannique, c'est de votre conduite et de l'étendue de votre coopération avec moi qu'il dépendra principalement que cet événement soit retardé ou immédiat. J'appelle donc, de votre part, les communications les plus franches, les moins réservées. Je vous prie de me considérer comme un ami et comme un arbitre, toujours prêt à écouter vos voeux, vos plaintes et vos griefs, et bien décidé d'agir avec la plus stricte impartialité…»

Or ce langage, comme on le verra, ne pouvait faire qu'en imposer au loin, car dans le pays même, il ne devait avoir aucune signification puisque tous les pouvoirs politiques étaient éteints, excepté ceux que lord Durham réunissait en sa personne. Cela était si vrai, qu'il renvoya immédiatement le conseil spécial de sir John Colborne, qui avait déjà passé trop d'ordonnances plus ou moins entachées de l'esprit du jour; qu'il fit informer les membres du conseil exécutif, cette cause première de tous les troubles, qu'il n'aurait pas besoin de leurs services pour le présent; et qu'il se nomma, pour la forme, un conseil exécutif et un conseil spécial composés de son secrétaire, M. Buller, de l'amiral Paget qui arrivait dans le port, du général Clitherow, du major général MacDonell, du colonel Charles Grey, et de diverses autres personnes de sa suite, de cinq des juges, de M. Daly, secrétaire provincial et de M. Eouth, commissaire général, qu'il prit dans le pays, parce qu'il y fallait quelqu'un qui en connût quelque chose.

Il organisa ensuite diverses commissions, pour s'enquérir de l'administration des terres incultes, de l'émigration, des institutions municipales, de l'éducation. La seigneurie de Montréal, les bureaux d'hypothèques occupèrent aussi son attention. La seigneurie de Montréal lui fournit une occasion de neutraliser le clergé en lui prouvant qu'il ne lui en voulait pas à lui-même. Cette seigneurie appartenait au séminaire de St. – Sulpice, et le parti anglais cherchait depuis longtemps à la faire confisquer au profit de la couronne comme on avait déjà confisqué les biens des jésuites et des récollets. Lord Durham qui savait de quelle importance il était pour ses desseins de ne pas exciter les craintes de l'autel, saisit cette occasion pour lui prouver ses bonnes dispositions en accordant un titre inébranlable aux sulpiciens.

Cet acte était très sage et très politique. Il savait que depuis M. Plessis surtout, le clergé avait séparé la cause de la religion de celle de la politique, et que s'il rassurait l'autel, il pourrait faire ensuite tout ce qu'il voudrait sans que le clergé cessât de prêcher l'obéissance au pouvoir de la couronne quel qu'il fut. Lord Durham était trop éclairé pour négliger une pareille influence.

Une chose qui devait devenir extrêmement embarrassante pour son administration, extrêmement irritante pour le public, c'était le procès de ceux qui se trouvaient impliqués dans nos troubles récens. Les procès politiques sont toujours vus d'un mauvais oeil par le peuple, et les gouvernemens n'en sortent presque jamais sans y laisser une partie de leur popularité et quelque fois de leur force. Lord Durham pensant qu'il ne pourrait obtenir de jurés qui voulussent condamner les accusés, à moins de les choisir parmi leurs adversaires politiques, résolut d'adopter une grande mesure pour terminer cette question malheureuse d'un seul coup et sans discussion; cette mesure fut une amnistie générale, qu'il proclama le jour même fixé pour le couronnement de la reine Victoria. Il n'excepta que vingt-quatre prévenus, auxquels on laissa cependant la perspective de rentrer dans leurs foyers aussitôt que cela paraîtrait compatible avec la paix et la tranquillité publique, et les assassins d'un Canadien et d'un officier qui portait des dépêches dans le pays insurgé, qui avaient été tués au commencement des troubles. Ceux sur les vingt-quatre qui se trouvaient en prison, devaient être envoyés aux îles de la Bermude, et ceux qui se trouvaient à l'étranger devaient y rester jusqu'à ce qu'on pût permettre aux uns et aux autres de revenir dans le pays. Il ne pouvait adopter de moyen plus sage, ni plus humain pour sortir d'un grand embarras; mais malheureusement en en exilant quelques uns aux îles de la Bermude sans procès, il violait les lois, et aussitôt que cet acte fut connu en Angleterre, il excita un grand bruit parmi ceux qui tiennent non sans raison aux formalités de la justice, ainsi que parmi les ennemis de ses prétentions dans son pays.

En Canada cette amnistie fut bien reçue, et comme lord Durham se tenait toujours dans l'ombre vis-à-vis des Canadiens sur les mesures qu'il entendait recommander à leur égard, ils aimaient à en tirer un bon augure et à se bercer d'espérances qu'entretenaient avec art les émissaires du nouveau vice-roi. Ainsi le Canadien du 8 juin contenait un article d'un employé du gouverneur, M. Derbyshire, contre l'union des deux Canadas en réponse aux journaux anglais de Montréal. Dans toutes les occasions on parlait des abus crians des administrations précédentes, de l'ignorance et de la vénalité des fonctionnaires, de la modération des représentans du peuple d'avoir enduré si longtemps un pareil état de choses. Mais tout cela n'était que pour attirer la confiance, comme la proclamation dont nous avons parlé plus haut, dans laquelle lord Durham invitait tout le monde à venir épancher dans son sein ses griefs et ses douleurs.

M. Wakefield fut député secrètement vers quelques-uns des meneurs canadiens. Il vit M. LaFontaine plusieurs fois à Montréal; il chercha à le persuader des bonnes intentions du gouverneur, qui nonobstant les ordres contraires de lord Glenelg, scandalisé par un procès déshonorant intenté à ce serviteur zélé, avait persisté à le retenir à son service; il était parti, disait-il, pour aller voir M. Papineau aux Etats-Unis, non comme envoyé de l'administration, mais comme ami de sir William Molesworth et de M. Leader aux noms desquels il le priait de lui donner une lettre pour le chef canadien, espérant voir résulter beaucoup de bien de cette entrevue. Il dit encore à M. Cartier, en passant à Burlington, que lord Durham, M. Buller et M. Turton étaient tous amis de ses compatriotes. Cet émissaire ne put voir cependant M. Papineau. A son retour il se trouva à des entrevues entre M. Buller et M. LaFontaine où l'on parla de l'ordonnance touchant les exilés et de la constitution. Plus tard, après le désaveu de l'ordonnance par les ministres, d'autres affidés cherchèrent à engager plusieurs Canadiens à convoquer des assemblées publiques en sa faveur sans succès. 36

Tout cela se faisait autant que possible à l'insu du parti anglais, avec lequel on tenait un autre langage.

On trouve peu de faits plus honteux dans l'histoire, que la conduite de tous ces intrigans cherchant à tromper un peuple pour qu'il aille se précipiter de lui-même dans l'abîme. Après avoir cherché à surprendre la bonne foi des Canadiens sans succès, retournés en Angleterre, ils les calomnient pour appuyer le rapport que lord Durham faisait sur sa mission. Après avoir passé des heures et des jours entiers dans leur société, en se donnant pour leurs amis, ils déclarent publiquement 37 dans les journaux de Londres, qu'ils avaient été trompés et aveuglés; que les malheureux Canadiens ne méritent aucune sympathie, et qu'ils prennent cette voie pour les désabuser sur les sentimens de l'Angleterre à leur égard. Ceux qui les ont reçus avec bienveillance comme M. LaFontaine et quelques autres, sont dépréciés et peints comme des hommes d'une intelligence bornée, sans éducation, sans lumières, aveuglés par d'étroits préjugés. On rougit en exposant de pareilles bassesses.

Note 36:(retour) Lettre de M. LaFontaine au rédacteur de l'Aurore. Montréal, 17 janvier 1839.

Note 37:(retour) Lettre de E. G. Wakefield au London Spectator. Londres, 22 novembre 1838.

Dans le même temps, des rapports intimes s'établissaient entre les Anglais de Montréal, qui marchaient à la tête de tous ceux du pays, et lord Durham. Il y avait bien quelque méfiance chez quelques uns d'eux; mais les hommes les plus influens paraissaient saisis de la vraie pensée du chef du gouvernement, et l'appuyaient de tout leur pouvoir. Ils le reçurent avec les plus grands honneurs lorsqu'il passa par leur ville pour se rendre dans le Haut-Canada dans le mois de juillet. Dans cette tournée, lord Durham rallia la majorité du Haut-Canada à son plan d'union après les explications qu'il donna aux chefs; il fut reçu partout de manière à le satisfaire.

Mais il devait se hâter de jouir de ces honneurs, car bientôt des désagrémens plus sensibles pour lui que pour un autre, devaient appesantir dans ses mains le sceptre de sa vice royauté. Un mécontentement inexpliquable était resté dans le parlement contre sa mission. Le secret dont on l'entourait au sujet des Canadiens, semblait causer de l'inquiétude et comme de la honte. Tout était décidé d'avance dans le secret de la pensée, et cependant on feignait d'agir comme si on ignorait complètement ce qu'on allait faire. La chambre des lords surtout était blessée de ce système de déception qui entraînait après lui des actes illégaux de clémence et des actes légaux de tyrannie, comme l'étaient l'amnistie et la constitution des deux conseils composés de serviteurs stipendiés et dépendans de la couronne. Lorsque l'ordonnance du conseil spécial qui graciait les accusés politiques ou les exilait à la Bermude, fut connue en Angleterre, elle fut aussitôt déclarée illégale et contraire à l'esprit de la législation anglaise. Lord Lyndhurst dit que jamais mesure plus despotique n'avait déshonoré les fastes d'un pays civilisé. Les ministres essayèrent de défendre leur gouverneur, et déclarèrent que ce langage était imprudent au plus haut degré; que c'était trahir les intérêts du pays et les sacrifier aux intérêts de parti et à l'envie d'attaquer un individu. Lord Brougham, lord Ellenborough déclarèrent que le conseil formé par lord Durham n'était pas ce que la législature impériale avait eu en vue en autorisant la constitution d'un conseil spécial. On blâma encore l'emploi de M. Turton, qui avait subi une condamnation en Angleterre pour crime d'adultère. Lord Brougham introduisit un bill pour légaliser autant que possible i'ordonnance du conseil spécial, qui entraîna des débats dans lesquels le duc de Wellington se prononça contre la mesure de lord Durham. Les ministres se trouvaient dans le plus grand embarras. Lord Melbourne ne put s'empêcher d'avouer sa vive anxiété, vu les grands intérêts qui étaient en jeu et les conséquences qui pourraient résulter de ce qui allait être interprété d'une manière favorable pour les rebelles. Néanmoins l'ordonnance était illégale et il devait conseiller à sa Majesté de la désavouer.

La nouvelle de ce désaveu solennel arriva en Canada dans le moment même que lord Durham était entouré des gouverneurs et des députés de toutes les provinces anglaises de l'est, venus à Québec pour discuter avec lui les questions qui pouvaient concerner leurs peuples. Elle le blessa au coeur et l'humilia. Il résolut sur le champ de donner sa démission, et dés ce moment il prit moins de soin à cacher ce qu'il se proposait de recommander au sujet des Canadiens. Il parla avec plus d'abondance, et déclara aux députés qui l'entouraient, qu'il était sur le point de promulguer des lois propres à assurer protection à tous ces grands intérêts britanniques qu'on avait trop négligés jusque là. A Québec, à Toronto, les Anglais s'assemblèrent et passèrent des adresses pour exprimer leur regret des discussions prématurées du parlement impérial et du départ de lord Durham, et leur pleine confiance dans ses talens et dans les mesures qu'il allait proposer pour régler toutes les difficultés. Ceux de Montréal allant plus loin, le prièrent de recommander l'union des deux Canadas. Un M. Thom, l'un des plus violens ennemis des Canadiens, que lord Durham avait d'abord voulu nommer à deux différens emplois dans le pays, et qu'il avait été forcé par l'opinion publique de placer dans les contrées sauvages du Nord-Ouest, voulait une confédération de toutes les provinces, parce qu'il y avait trop de républicains dans le Haut-Canada. Mais sa suggestion fut repoussée. Le discours qu'il prononça réveilla les craintes du Canadien. Ce journal qui avait jusque là soutenu l'administration, fut surpris de voir l'orateur favorisé de lord Durham déclarer que ses mesures montraient qu'il était déterminé à faire du Bas-Canada une province vraiment britannique.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
27 сентября 2017
Объем:
470 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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