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Читать книгу: «Considérations inactuelles, deuxième série», страница 18

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Wagner, sous la contrainte d'une incroyable sexualité maladive, ne savait que trop bien ce que perd un artiste en perdant la liberté et l'estime de soi-même. Il est condamné a être comédien. Son art lui-même devient pour lui une perpétuelle tentation de fuite, un moyen de s'oublier, de se stupéfier. Ce moyen transforme et détermine, en fin de compte, le caractère de son art. Celui qui, à ce point, n'est «pas libre» a besoin d'un monde de haschich, de vapeurs étranges, lourdes et enveloppantes, de toute espèce d'exotisme et de symbolisme de l'idéal, ne fût-ce que pour se débarrasser une fois de sa réalité… Il a besoin de la musique wagnérienne… Une certaine catholicité de l'idéal est, avant tout, chez un artiste, presque la preuve certaine du mépris de soi, du «marécage»: le cas de Baudelaire en France, le cas d'Edgar Allan Poë en Amérique, le cas de Wagner en Allemagne. – Me faut-il encore dire que Wagner doit aussi son succès à sa sensualité? que la musique convertit à soi, à Wagner, les instincts les plus bas? que cette atmosphère d'idéal sacré, de catholicisme aux trois huitièmes, est un art de séduction de plus? (Il permet d'une façon ignorante, innocente, chrétienne de laisser agir «l'enchantement» sur soi…) Qui donc hasardera le terme, le terme véritable, pour les ardeurs5 de la musique de Tristan? Je mets des gants quand je lis la partition de Tristan… La wagnérie qui étend ses ravages est une légère épidémie de sensualité qui «s'ignore»; à l'égard de la musique de Wagner, toutes les précautions s'imposent.

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La femme hystérico-héroïque que Richard Wagner a inventée et mise en musique est une hybride d'un goût douteux. Que ce type n'ait pas complètement dégoûté, même en Allemagne, cela tient à ceci (et nullement à bon droit) qu'un poète infiniment plus grand que Wagner, le noble Henri de Kleist, a fait en sa faveur le plaidoyer du génie. Je suis bien éloigné de croire que Wagner s'est inspiré de Kleist. Elsa, Senta, Isolde, Brunehilde, Kundry sont, au contraire, les enfants du romantisme français.

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Les héros de Wagner sont les types tout à fait modernes de la dégénérescence: ses héroïnes sont des phénomènes hystéro-hypnotiques. Wagner peint ici sur le vif, il se conforme à la nature jusqu'à la minutie. La musique est avant tout l'analyse psycho-physiologique d'états morbides et, pour les psychologues de l'avenir, elle peut être plus intéressante au point de vue clinique qu'au point de vue musical. Que ces braves Allemands, en l'écoutant, se plaisent à divaguer sur les sentiments primitifs de la vertu et de la force germanique, c'est là un des indices les plus douloureux de l'état inférieur de la culture psychologique en Allemagne. Nous autres, quand nous entendons de la musique de Wagner, nous sommes à l'hôpital, et, pour le dire encore une fois, cela nous intéresse beaucoup.

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De cette musique, qui est la plus mauvaise de toutes les mauvaises musiques, avec son inquiétude et son chaos qui s'avance à l'aventure, de mesure en mesure, de cette musique qui veut signifier la passion et qui est en vérité au degré le plus bas de la dépravation esthétique, je n'ai nulle pitié. Ici il faut faire une fin.

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Entre musiciens. – «Nous sommes des musiciens tardifs. Un énorme passé nous est échu en héritage. Notre mémoire ne fait que citer perpétuellement. Entre nous, nous pouvons faire des allusions presque savantes: nous nous comprenons déjà. Nos auditeurs, eux aussi, aiment à nous entendre faire des allusions; ils sont flattés et ont l'impression d'être, eux aussi, des savants.»

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Le manque de caractère intellectuel. – Lorsque Richard Wagner se mit à me parler de la jouissance que lui procurait la communion chrétienne (la sainte Cène protestante), c'en fut fini de ma patience. Il était un grand comédien, mais sans aucun soutien, et son âme était la proie de tous les stupéfiants violents. Il a traversé toutes les évolutions par lesquelles ont passé ces bons Allemands, depuis les jours du Romantisme: Gorge aux Loups et Euryanthe, frisson à la Hoffmann, puis «émancipation de la chair» et soif de Paris; ensuite le goût du grand opéra, la musique de Meyerbeer et de Bellini, le tribun populaire, plus tard Feuerbach et Hegel (la musique devait sortir de l'«inconscient»), puis la Révolution, puis la déception et Schopenhauer, et le rapprochement avec les princes allemands; puis les hommages rendus à l'empereur, à l'empire et à l'armée et aussi au christianisme (lequel, depuis la dernière guerre et ses nombreux «sacrifices humains», fait de nouveau partie du bon goût en Allemagne), avec des malédictions proférées contre la «science».

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Vers la fin de sa vie, Wagner s'est effacé; involontairement il avoua qu'il désespérait et qu'il s'affaissait devant le christianisme.

C'est un vaincu, et il est heureux qu'il en soit ainsi, car autrement quelle confusion aurait encore engendré son idéal! Sa position vis-à-vis du christianisme me décida, en même temps que je me décidai au sujet du schopenhauérisme et du christianisme.

Wagner a tout à fait raison de plier le genou devant tous les chrétiens profonds, mais qu'il ne s'avise pas d'abaisser à ses attitudes les natures plus élevées qui lui sont supérieures.

Son intellect, sans sévérité et sans discipline, était lié servilement à Schopenhauer. Tant mieux!

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Pour ce qui est de Wagner, il y a un moment dans ma vie où je le repoussai avec violence. Eloigne-toi de moi! me suis-je mis à crier. Cette sorte d'artistes est peu sûre, précisément là où je n'admets pas la plaisanterie. Il essaya de «s'arranger» avec le christianisme existant, en étendant sa main gauche vers la Communion protestante ( – il m'a parlé des ravissements que lui a procurés ce repas – ) et la main droite vers l'Eglise catholique. Il offrit son Parsifal et se fit reconnaître, par tous ceux qui ont des oreilles pour entendre, comme un «romain» in partibus infidelium.

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Ce que les écrits des esprits obscurs, mal disciplinés et dépourvus de philologie ont de plus désagréable, ce n'est pas leur argumentation vicieuse et la marche incertaine et vacillante de leur logique, ainsi qu'on en trouve, par exemple, les traces chez Richard Wagner, chez Victor Hugo, ou chez George Sand. C'est le vague des idées mêmes qu'ils expriment par des mots. Cette sorte de gens n'a dans le cerveau que d'informes pâtés de notions confuses. – Le bon auteur se distingue non seulement par la force et la brièveté de sa phrase; on devine, on flaire encore chez lui, si l'on est doué de narines subtiles, qu'il se maîtrise et qu'il s'exerce sans cesse à fixer et à affermir ses idées de la manière la plus sévère (c'est-à-dire de rendre par ses expressions des idées claires et déterminées) et qu'avant qu'il ne l'ait fait il ne se résout pas à écrire. – Au reste, il y a maint charme aussi dans l'incertain, dans le crépusculaire, dans les demi-teintes. C'est ainsi que Hegel agissait peut-être surtout à l'étranger par son art de parler des choses les plus raisonnables et les plus froides à la façon d'un homme ivre. Dans le vaste royaume de la contemplation, ce fut là une des manières les plus étranges qui aient jamais été inventées; on peut la considérer comme l'affaire propre de la généralité allemande. Car, partout où ont pénétré les Allemands et les «vertus» allemandes, nous avons apporté aussi le goût des alcools subtils et grossiers. Peut-être faut-il trouver, là aussi, la cause de la puissance fascinatrice de notre musique allemande.

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Le style de Wagner a contaminé aussi ses disciples.

La langue allemande des wagnériens est l'absurdité la plus fleurie que l'on ait écrite depuis l'époque de Schelling. Wagner, en tant que styliste, appartient encore à cette école contre laquelle Schopenhauer a déversé sa colère, et l'humour arrive à son comble quand, «sauveur de la langue allemande», il s'élève contre les Juifs. – Pour caractériser le goût de ces jeunes gens, je prends la liberté de donner un seul exemple. Le roi de Bavière disait un jour à Wagner: «Donc, vous n'aimez pas non plus les femmes? – Elles sont si ennuyeuses!» Nohl (l'auteur d'une Vie de Wagner traduite en six langues) trouve dans cette opinion l'expression d'un «juvénile embarras».

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F. – A. Lange écrit: «La compréhensibilité des choses se trouve-t-elle peut-être en ceci que l'en ne fait de son intelligence qu'un emploi médiocre?» (Contre les gens de Bayreuth.)

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Si l'on enlève de la musique la musique dramatique il reste encore assez de choses pour la bonne musique.

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Il faut faire avant tout des coupures énergiques dans l'œuvre de Wagner, de sorte qu'il n'en reste plus que les trois quarts: d'abord son récitatif, qui met les plus patients au désespoir… Ce n'est chez Wagner qu'un effet de sa vanité s'il veut conserver jusque dans ses plus petits détails l'enseignement de son œuvre… Le contraire serait plus juste!.. Il lui manque la facilité de présenter ce qui est nécessaire, comment saurait-il nous imposer la nécessité?

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Qu'est-ce qui pourra seul nous rétablir? —L'aspect de la perfection!

NOTES

La troisième Considération inactuelle fut composée à Bâle de mars à juillet 1874, puis à Bergün (Grisons) de la mi-juillet au début d'août de la même année; elle fut achevée à Bâle en septembre et entièrement imprimée dans le même mois (chez C. G. Naumann, à Leipzig). La publication eut lieu en octobre, à Chemnitz, chez E. Schmeitzner, qui avait en même temps acquis de E. W. Fritsch l'édition des deux premières Inactuelles. A dater de 1886 la première édition des trois premières parties retourna chez E. W. Fritsch à Leipzig (sans date). La seconde édition parut en octobre 1892 chez C. G. Naumann à Leipzig (Unzeitgemüsse Betrachtungen, IIter Band, 1893).

La présente traduction de Schopenhauer éducateur a été faite sur le premier volume des Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, (p. 385-494), publié en 1895 par le Nietzsche-Archiv., chez C. G. Naumann à Leipzig.

La quatrième Considération inactuelle fut commencée à Bâle en février 1875 et la rédaction en fut continuée jusqu'en mai, reprise en septembre et poussée, en octobre, jusqu'au chapitre IX. En mai 1876 Nietzsche se décida à publier les huit premiers chapitres à l'occasion des fêtes de Bayreuth. Au cours de l'impression il écrivit encore trois chapitres, le 17 et le 18 juin, à Badenweiler (Bade) et les publia avec les huit premiers à la mi-juillet, immédiatement avant les représentations de l'Anneau du Niebelung, chez E. Schmeitzner, à Chemnitz. Une seconde édition parut en juillet 1886 (sans date) chez E. W. Fritsch, à Leipzig. L'œuvre fut réimprimée par C. G. Naumann et incorporée au tome II des Considérations inactuelles, publié en 1893.

La présente traduction de Richard Wagner à Bayreuth a été faite sur le premier volume des Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche (p. 495-589), publié en 1895 par le Nietzsche-Archiv, chez C. G. Naumann à Leipzig.

Les Réflexions sur Richard Wagner (janvier 1874) ont été traduites sur le dixième volume des Œuvres complètes (Œuvres posthumes, tome X) de Frédéric Nietzsche (p. 427-450), publié en deuxième édition en 1903 par le Nietzsche-Archiv., chez C. G. Naumann à Leipzig.

Les Notes pour le Cas Wagner (1885-1888) ont été traduites sur le quatorzième volume des Œuvres complètes (Œuvres posthumes, tome VI) de Frédéric Nietzsche (p. 149-171), publié en 1904 par le Nietzsche-Archiv, chez C. G. Naumann à Leipzig.

5.Ardeurs, en français dans le texte.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 октября 2017
Объем:
290 стр. 1 иллюстрация
Переводчик:
Правообладатель:
Public Domain

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