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Читать книгу: «Histoire Anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Second», страница 17

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Ce compliment disposa les spectateurs à un accueil favorable pour le sieur Carlin; et cet acteur outrepassa les espérances qu'on avait de ses talents dans le genre qu'il avait adopté. Il continua de jouer toujours avec le même succès; de sorte qu'il fut reçu dans la troupe au mois d'août 1742.

 
La vérité n'est point flattée:
Oui, Carlin paraît à nos yeux
Ce que Momus est dans les cieux,
Ce que chez Neptune est Protée.
 

Après la suppression de l'Opéra-Comique, en 1744, la Comédie-Italienne, qui jouait vis-à-vis les Français le rôle dont l'Odéon semble avoir hérité de nos jours, donna plus d'extension sur son théâtre aux pièces à ariettes. Plusieurs des acteurs de Favart furent reçus dans la troupe, et l'on peut dire que cette scène s'achemina graduellement vers sa fusion avec l'Opéra-Comique; fusion dont il commença à être fortement question dans les derniers jours de l'année 1761. Mais alors cette affaire prit les proportions d'une véritable affaire d'État. L'archevêque de Paris intervint, sollicitant vivement la conservation d'un théâtre qui procurait à ses pauvres d'abondantes ressources. En effet, le spectacle de la foire était fort suivi, et versait dans la caisse, au profit des malheureux, le quart de ses recettes. Toutefois, le crédit du respectable prélat ne fut pas assez fort pour empêcher la réunion décidée en grand conseil. En vain le public fut de l'avis de l'archevêque par un motif beaucoup moins sacré; en vain, les habitants de Paris réclamèrent disant: Que cette réunion ferait un effet déplorable, et contribuerait à la chute des deux spectacles qui charmaient tout le monde par des pièces appropriées au goût de la nation. Il fut décidé le 31 janvier 1762, que l'Opéra-Comique serait supprimé, que le fond des pièces jouées sur ce théâtre appartiendrait à la Comédie-Italienne; que la Comédie-Italienne serait soumise comme les Français et l'Opéra à l'inspection des gentilshommes de la Chambre.

Afin, sans doute, d'atténuer le mauvais effet que produisait dans les classes populeuses de Paris, la suppression d'un théâtre très à la mode, on affirma d'abord que la réunion de l'Opéra-Comique avec les Italiens n'avait lieu qu'à titre d'essai; mais le 3 février, les comédiens italiens donnèrent une représentation qui semblait être et était en effet une véritable prise de possession. Ils commencèrent par une pièce dont le titre était de circonstance: la Nouvelle troupe de Favart, à la fin de laquelle on ajouta une scène d'actualité sur la fusion, puis une harangue au parterre en lui demandant ses bontés. On joua ensuite Blaise le savetier, bluette de Sédaine, dont la musique est de Monsigny, et enfin: On ne s'avise jamais de tout. Le public s'était porté en foule au théâtre; depuis plusieurs jours tout était loué jusqu'au paradis; mais il ne sortit pas très-satisfait. Il comprit que pour les opéras-comiques, il fallait un local, un orchestre, des acteurs spéciaux; et tout cela n'existait pas encore à la Comédie-Italienne. On augura donc mal de la mesure qui avait été prise, et dont le but était probablement d'être agréable à l'Opéra et aux Français, en réunissant dans une seule salle les deux théâtres qui faisaient tort à leurs représentations et leur enlevaient une grande partie de leur public. Toutefois, les justes appréciations des Parisiens semblèrent faire réfléchir. On déclara que la réunion ne serait que provisoire, et cesserait à Pâques, si le suffrage se prononçait contre. On n'admit que cinq sujets, dont deux femmes de la troupe supprimée, et alors il se fit une métamorphose qui n'échappa pas à la causticité du peuple le plus caustique du monde. Les comédiens italiens cherchèrent à se parer de la gaieté naïve des acteurs de l'Opéra-Comique; les acteurs de l'Opéra-Comique cherchèrent, enflés qu'ils étaient de leur nouvelle dignité de Comédiens du Roi, à se donner une importance qui gâta tout le naturel de leur jeu. On se moqua des uns et des autres.

Le 20 mars de cette même année 1762, il s'éleva une difficulté à laquelle on n'avait pas songé. Au moment de la semaine-sainte, les théâtres royaux fermaient leurs portes; la Comédie-Italienne, se disant héritière de l'Opéra-Comique, prétendit pouvoir continuer à représenter. L'archevêque le lui interdit; mais la police l'autorisa à passer outre, sous la condition expresse qu'elle ne donnerait que des opéras comiques, et que le profit des représentations de la semaine serait réparti, sur-le-champ, entre les différents acteurs.

Le 8 mars, et sans attendre Pâques, ainsi qu'on l'avait d'abord promis, le sort de l'Opéra-Comique avait été fixé, et ce théâtre définitivement fusionné avec celui de la Comédie-Italienne. Il fut décidé que ce spectacle aurait lieu toute l'année. Un nouveau réglement intervint ensuite, et l'on connut bientôt les véritables motifs qui avaient hâté la détermination irrévocable qui venait d'être prise. D'une part, la Cour ne voulait pas se priver d'un amusement qui faisait fureur, et d'une autre, on pensa qu'il ne serait pas convenable de faire jouer, devant la famille royale, des histrions non revêtus du titre de Comédiens du Roi. Il paraît qu'on n'eut pas l'idée, beaucoup plus simple, de nommer l'Opéra-Comique théâtre royal, en le retirant de la Foire et en lui donnant une salle de spectacle pour ses représentations.

A partir de l'année 1762, la Comédie-Italienne entre donc dans une nouvelle phase et y reste jusqu'à la révolution de 1793, époque à laquelle les acteurs de ce théâtre se dispersèrent et quittèrent la France.

Quatre auteurs ont principalement travaillé pour l'ancien Théâtre-Italien, et par ancien Théâtre-Italien nous entendons celui qui exista jusqu'à la suppression de 1697, ces auteurs sont: Fatouville, Regnard, Dufresny et Barante.

Ainsi que nous l'avons dit plus haut, les pièces composées par Fatouville de 1680 à 1696, ont presque toutes pour principaux personnages Arlequin et Colombine, et en cela cet auteur fut imité par tous ceux qui, pendant cette période, travaillèrent pour le même théâtre. Dans le répertoire de cet auteur, nous trouvons Arlequin sous toutes les formes. Une de ses premières comédies à Arlequin (1683), Arlequin Protée, fut aussi une des premières parodies jouées en France, la parodie de la Bérénice de Racine. Une autre de ses pièces, Arlequin empereur dans la lune (1684), eut un succès immense; mais lorsqu'au retour de la troupe italienne sur le nouveau théâtre en 1716, on voulut la reprendre même avec des changements, le goût s'était épuré, et la pièce ne fut nullement applaudie. En 1712, on y avait ajouté quelques couplets, et elle avait attiré le public à la foire. Après les Arlequins, dont le fameux Dominique était le représentant fidèle, et à la mort de cet excellent acteur comique, vinrent les pièces à Colombine. Colombine femme vengée (1689), Colombine avocat, etc. Toutes les élucubrations de Fatouville ont leur indispensable Arlequin ou Colombine, et dans beaucoup les deux personnages figurent à la fois. Bref, Arlequin et Colombine restèrent pendant très-longtemps la personnification du Théâtre-Italien, auquel les théâtres forains ne tardèrent pas à les emprunter.

Un auteur comique ayant acquis en France une des plus grandes réputations, Regnard qui, sur la scène française, marche immédiatement après Molière, se voua dans le commencement de sa carrière au Théâtre-Italien. De 1688 à 1696, il fit représenter neuf pièces sur cette scène, dont quatre en collaboration avec Dufresny. Comme son prédécesseur, il dut sacrifier au goût de l'époque et produire des Arlequins. Il fit donc Arlequin homme à bonnes fortunes (1690); Mézétin (autre espèce d'Arlequin) descendant aux enfers (1689). Une de ses comédies, celle des Chinois (1692), en quatre actes avec prologue, faite avec Dufresny, a l'avantage, si elle ne peut plus être représentée de nos jours parce qu'elle a trop vieilli, de nous apprendre qu'à cette époque (fin du dix-septième siècle) les places au parterre ne coûtaient encore que quinze sous. Alors le parterre occupait tout le rez-de-chaussée intérieur des salles de spectacle. Aujourd'hui, les choses se sont modifiées, le parterre n'existe pour ainsi dire plus dans aucun de nos théâtres; il est remplacé tout entier, à peu de chose près, par des places dites d'orchestre, de fauteuils d'orchestre, de stalles d'orchestre, etc., etc., places pour lesquelles on demande une forte rétribution. C'est depuis une vingtaine d'années que l'on a trouvé le moyen de pousser petit à petit le public venant au théâtre, en payant un droit raisonnable, hors de l'enceinte qu'il avait toujours occupée; et le public a laissé faire, sans même protester. Il fallait bien inventer une manière honnête de gagner de l'argent, pour payer des prix fous des artistes médiocres et exigeants; pour fournir la rente à ceux qui font les avances ou les fonds; pour solder les décorateurs, les machinistes, les costumiers, puisque c'est dans les accessoires brillants que gît, de nos jours, le succès d'une pièce, féerie, revue, comédie, vaudeville, drame, opéra ou opéra-comique. Peu d'esprit, mais beaucoup de clinquant, de la toile à illusion, de la lumière électrique et du gaz à l'intérieur et même à l'extérieur, des noms connus du public sur l'affiche, et le public est satisfait. Heureux directeurs!

Les Chinois de Regnard et de Dufresny nous font connaître aussi que le populaire de cette époque était déjà admis à jouir des représentations gratis, quand venait à se produire pour la France quelque événement heureux, ou du moins réputé tel. En effet, c'est en 1682, à la naissance du duc de Bourgogne, qu'on vit s'établir cet usage qui s'est perpétué jusqu'à nos jours.

Une des plus jolies comédies de Dufresny et Regnard, à l'ancien Théâtre-Italien, fut la Baguette de Vulcain (1693). Elle eut un succès prodigieux. Le sujet avait été inspiré aux auteurs par le bruit que faisait alors à Paris un homme, Jacques Aymar, qui prétendait, à l'aide d'une baguette, découvrir une foule de choses extraordinaires. C'était le charlatanisme de la fin du dix-septième siècle, comme nous avons encore le nôtre: les tables tournantes, les esprits frappeurs, les spirites, et, comme chaque siècle, comme chaque année a le sien en France et dans les autres pays dits civilisés. Une scène surtout faisait fureur dans la comédie de la Baguette de Vulcain, celle dans laquelle Arlequin (car alors la batte d'Arlequin était de rigueur à la Comédie-Italienne) débitait l'histoire du cabaretier qui, pour perpétuer un muid de vin vieux, le remplissait au fur et à mesure de vin nouveau. Au moyen de sa baguette il faisait croire à la perpétuité de la bienfaisante liqueur.

Le collaborateur de Regnard, Dufresny, pillé à plusieurs reprises par lui, s'en étant séparé, donna quelques jolies pièces à la Comédie-Italienne, entre autres l'Union des deux opéras (1692), puis il travailla pour le Théâtre-Français.

Barante, pendant trois ou quatre années, s'exerça aussi dans l'arlequinade. Arlequin, défenseur du beau sexe (1694), Arlequin misanthrope (1695), etc. Le Tombeau de maître André (1695), pièce dans laquelle on trouve la parodie de quelques scènes du Cid et de divers opéras, eut un certain succès. C'est à peu près la meilleure comédie de son répertoire.

Nous ne parlerons pas de quelques autres auteurs comiques, fournisseurs d'Arlequinades pour la Comédie-Italienne. Nous allons voir la troupe de Lélio jouer, dix-neuf ans plus tard, des pièces de meilleur aloi, et le Théâtre-Italien devenir, peu à peu, le théâtre le plus en vogue de Paris, après avoir toutefois passé par bien des vicissitudes.

XXII
THÉATRE-ITALIEN

(DEPUIS 1716)

Les acteurs italiens reviennent en France (1716). – Riccoboni ou Lélio et la Baletti. – Pièces qu'ils composent. —Le Naufrage.– Le fils de Dominique. —La Femme fidèle et Œdipe travesti. – Chute des pièces burlesques. —La Désolation des deux comédies.Agnès de Chaillot.– Les Italiens à la Foire (1724). —Le Mauvais ménage, parodie (1725). —L'Ile des Fées (1735). – Première pièce du genre de celles appelées Revues. – Réflexions. —Les Enfants trouvés (1732). – Vers. – Principaux auteurs qui ont travaillé pour le Théâtre-Italien. – Autreau. – Il introduit la langue française aux Italiens. – Son genre de mérite. —Le Port à l'Anglais (1718). —Démocrite prétendu fou, refusé aux Français. – Alençon. – Anecdote. – Beauchamp. —Le Jaloux (1723). – Couplet. – Bon mot. – Fuzelier. —La Rupture du Carnaval et de la Folie (1719). – Jolie critique. —Amadis le cadet (1724). – Couplet. —Momus exilé ou les Terreurs paniques (1725). – Vers. – Bon mot. – Sainte-Foix. —Les Métamorphoses (1748). – Couplets relatifs aux feux d'artifice introduits au théâtre. – Couplet de Riccoboni fils. —Le Derviche (1755). – Ce qui occasionna cette pièce. – Marivaux. – Son genre de talent. —Arlequin poli par l'amour (1720). —Le Prince travesti (1724). – Changement de la toile au Théâtre-Italien. —L'Amour et la Vérité (1720). – Anecdote. —La Surprise de l'amour (1722). – Début de Riccoboni fils. – Vers. – Succès de scandale. – Boissy. —Le Temple de l'Intérêt (1730). —Les Étrennes (1733). – Couplet de circonstance. – Vers à Mlle Sallé. —La *** (1737). – Vers. – La Grange. —L'Accommodement imprévu (1737). – Anecdote. – Panard. – Son genre de talent. – Son caractère. – Ses principaux collaborateurs. —L'Impromptu des acteurs (1745). —Le Triomphe de Plutus (1728). —Zéphire et Fleurette (1754). – Anecdote sur cette parodie. – Le portrait de Panard, par lui-même. —Les Tableaux.– Madrigal. – Favart. – Son théâtre. – Anecdote la veille de la bataille de Rocroy. – Mme Favart. – Ses belles qualités. – Ses talents. – Vers au bas de ses portraits. – Anecdote sur elle. —La Rosière de Salenci.– Anecdotes. —Les Sultanes, comédie attribuée à l'abbé Voisenon, fait époque pour les costumes. – Vers sur les deux Favart. —Isabelle et Gertrude ou les Sylphes supposés (1765). – Favart la dédie à l'abbé Voisenon. – Réponse de l'abbé. —Les Moissonneurs (1762). – Bon mot. —Les Fêtes de la Paix (1763). – Pièce à tiroir. —Les Fêtes publiques (1747). – Anecdote. – Anseaume. – Ses pièces plutôt des opéras comiques que des comédies. – Reconnaissance des comédiens italiens pour Favart et Duni. – Avisse. – Deux de ses pièces. – Laujon. – Anecdotes plaisantes sur la parodie de Thésée. – Conclusion.

Le grand Roi était à peine depuis quelques mois dans la tombe, que tout changeait en France, sous l'administration du régent. Le plaisir succédait aux mœurs austères et quasi monastiques de la fin du règne précédent. Le duc d'Orléans, qui aimait le théâtre et qui avait gardé bon souvenir des arlequinades de la troupe italienne, engagea un directeur dont le vrai nom était Riccoboni, mais qui prenait celui de Lélio, à recruter pour Paris une troupe nouvelle, bien composée, lui promettant une protection efficace. Riccoboni, à la tête de comédiens depuis vingt-deux ans, avait épousé une demoiselle Baletti. Tous deux étaient de fort bons acteurs et s'étaient efforcés de faire perdre à l'Italie le goût de ces pièces ridicules ou farces pour lesquelles les habitants de la Péninsule avaient une prédilection si prononcée. Dans ce but Riccoboni se mit à traduire les comédies de Molière; mais il ne réussit pas, et le champ de bataille resta à la comédie grotesque. C'est à cette époque que les deux époux reçurent les offres du Régent (1716). Non-seulement ils se hâtèrent de se rendre aux désirs du duc d'Orléans, mais ils se mirent l'un et l'autre à composer quelques pièces afin de commencer un répertoire pour leur nouveau théâtre. La Baletti écrivit une comédie intitulée le Naufrage, imitation de Plaute, mais qui fit un vrai naufrage. Lélio composa cinq à six pièces médiocres qui n'eurent pas plus de succès que celle de sa femme. Il s'associa alors Dominique, fils du fameux acteur de l'ancien Théâtre-Italien, qui, après avoir joué sur diverses scènes de province, en France et dans les principales villes de l'Italie, s'était joint à la troupe de Marseille, plus tard à celle de Lyon, et enfin avait été engagé à l'Opéra-Comique de Paris en 1710. Dominique, fort goûté du public parisien dans toutes les farces, était retourné cependant en province en 1713, trouvant sans doute plus d'avantages pécuniaires à courir les grandes cités. Revenu dans la capitale, il fut engagé par Lélio en 1717, après la Foire Saint-Laurent, et non-seulement il prit les rôles d'Arlequin, mais il essaya de composer pour la troupe des pièces qu'il crut propres à attirer la vogue à la nouvelle Comédie-Italienne. Quelques-unes, en effet, furent applaudies. Déjà, l'année qui avait précédé son engagement, il avait fait jouer la Femme fidèle et Œdipe travesti, remarquables toutes les deux en ce qu'elles font en quelque sorte époque: la première, parce que c'est une pièce italienne, traduite et jouée en français sur un théâtre où jusqu'alors on n'avait représenté qu'en italien; la seconde, parce qu'elle est une parodie de la tragédie d'Œdipe, et que, depuis les pièces de l'ancien Théâtre-Italien, ce genre avait été abandonné.

Cette tentative ayant été bien accueillie, Dominique se mit, pour ainsi dire, à l'affût de toutes les nouveautés des grands théâtres pour les parodier. Il donna ainsi successivement plus de trente petites pièces ou parodies dont quelques-unes, il faut le dire, tombèrent à plat.

Ce genre burlesque, pour lequel il faut beaucoup de verve et d'esprit, soutint pendant quelque temps la nouvelle scène italienne; mais bientôt le public, qui avait oublié les pasquinades et les arlequinades de l'ancien spectacle où trônait Dominique le père, s'éloigna de Dominique le fils, qui lui parut ennuyeux, et dont les comédies n'étaient plus de son goût.

Lélio et son Arlequin eurent alors l'idée de composer une pièce intitulée, la Désolation des deux Comédies, dont le sujet leur était inspiré par la nature même des choses et par la position fâcheuse dans laquelle ils se trouvaient. L'idée était bonne, elle fit rire, et l'on reprit peu à peu le chemin de leur théâtre. Ce ne fut malheureusement pas pour longtemps, et les spectacles forains firent si bien rafle du public que la salle des Italiens se trouva de nouveau déserte, ce que voyant, les malheureux compagnons de Lélio, désespérés, l'engagèrent à demander l'autorisation de représenter à la Foire. Ils obtinrent cette permission, et en 1724 ils s'y établirent et donnèrent une nouvelle pièce de Dominique, Agnès de Chaillot, parodie de l'Inès de Castro de La Motte. On y applaudit beaucoup les couplets suivants:

 
Qu'un amant, perdant sa maîtresse,
Au sort d'un rival s'intéresse,
Je n'en dis mot;
Mais lorsque sa bouche jalouse
Prononce ce mot: qu'il l'épouse,
J'en dis du mirlitot.
 
 
Qu'en proie à sa juste colère,
Un fils soit condamné d'un père,
Je n'en dis mot;
Mais qu'un vieux conseiller barbare
Contre son ami se déclare,
J'en dis du mirlitot.
 

Outre cette parodie, on en fit une autre sur l'air du Mirliton qui eut une très-grande vogue, qui donna des crispations à l'auteur d'Inès, et qui prouve que les Mirlitons n'ont pas paru pour la première fois au théâtre en l'an de grâce 1861. Piron, à propos du Jugement de Pâris, fit aussi la chanson du Mirliton. Elle est trop décolletée pour que nous en donnions même un couplet.

Voltaire redoutait par dessus tout les parodies; maintes fois il s'était adressé aux plus hautes influences pour obtenir qu'on ne parodiât pas ses pièces. On savait si bien cela qu'en 1725, Dominique, associé à Legrand, donna au Théâtre-Italien le Mauvais ménage, parodie de Marianne, sans la faire annoncer. Cette charmante critique eut du succès. A la même époque, tant on sacrifiait au goût du public pour ces sortes d'élucubrations peu dignes des grandes scènes, les Français répétaient une seconde parodie de la même tragédie de Voltaire; mais, en voyant la vogue de celle des Italiens, ils y renoncèrent.

Une autre des parodies de Dominique et de Lélio, l'Ile des Fées, ou le Conte de Fée, représentée à la Foire Saint-Laurent en 1735, fait époque en ce sens que c'est peut-être la première pièce Revue, genre qui a pris de nos jours une extension déplorable et telle que pas un de nos petits théâtres ne se croit en droit d'échapper, à la fin de chaque année, à une rapsodie de ce genre. Encore était-ce tolérable lorsqu'une liberté résultant d'un autre système politique était laissée aux auteurs qui pouvaient ainsi jeter quelques couplets critiques sur les événements du jour. Mais quand il est interdit de toucher aux actualités, quand il est convenu qu'on ne parlera des événements et des hommes que pour les louer à outrance, tout le sel de ce genre de pièce disparaît pour faire place à des éloges presque toujours ridicules. Quand donc les théâtres et les auteurs comprendront-ils qu'il est des pièces qu'il faut savoir abandonner, parce que les temps ayant changé, les mœurs n'étant plus les mêmes, les usages s'étant modifiés, ce qui était agréable à une époque est devenu inadmissible et ennuyeux à une autre?

Une des dernières parodies de Dominique et de Lélio, celle de la tragédie de Zaïre, les Enfants trouvés, jouée en 1732, contient, entre autres critiques pleines d'esprit, ce portrait du sultan qui fut chaleureusement accueilli du public:

 
Au sein des voluptés, bien loin que je m'endorme,
Si je tiens un sérail, ce n'est que pour la forme;
Les lois que, dès longtemps, suivent les Mahomet,
Nous défendent le vin: moi je me le permet.
Tout usage ancien cède à ma politique,
Et je suis un sultan de nouvelle fabrique.
 

Le répertoire de Dominique contient encore deux parodies, celle de l'opéra d'Hésione, dans laquelle on trouve ce couplet:

 
L'oracle est donc satisfait,
C'en est fait,
Par un seul coup de sifflet
Je suis venu sans monture.
Des auteurs
C'est aujourd'hui la voiture.
 

et la parodie du Brutus de Voltaire, Bolus (1731). L'auteur eut l'idée plaisante de faire, pour ainsi dire, coup double en remplaçant la haine des Romains contre les Tarquins par la haine des médecins contre les chirurgiens.

A partir de la vogue du nouveau Théâtre-Italien, le nombre des auteurs qui se vouent à ce genre plus facile que celui des comédies sérieuses des Français devient de plus en plus considérable, et nous voyons successivement, de 1716 à 1774: Autreau, Alençon, Fuzelier, Beauchamp, Sainte-Foix, Marivaux, Boissy, La Grange, Avisse, Lanjeon, Panard, Dorneval, Moissy, Rochon de Chabannes, Baurans, Voisenon, Favart et sa FEMME faire représenter, sur la scène où l'on abandonnait peu à peu Arlequin et Colombine, une foule de comédies, vaudevilles, opéras comiques, pièces d'une plus ou moins grande valeur littéraire et dramatique, mais dont le nombre tend à s'accroître chaque jour pendant la majeure partie du dix-huitième siècle.

Il nous serait difficile de rapporter toutes les anecdotes relatives à ces pièces oubliées pour la plupart depuis longtemps, mais dont un petit nombre cependant est arrivé jusqu'à nous; nous ne parlerons donc ici que de celles dont le souvenir n'est point complétement éteint.

Un des premiers auteurs qui se voua à la Comédie-Italienne et à la troupe de Lelio fut Autreau, poëte par goût et peintre par besoin, qui mourut dans la pauvreté, à l'hôpital des Incurables, en 1745, après avoir donné au théâtre une vingtaine de pièces et après avoir peint plusieurs tableaux, dont deux sont estimés. Le premier représente Fontenelle, La Motte et Danchet discutant sur un ouvrage dont ils viennent d'entendre la lecture. Le second représente Diogène cherchant un homme et le trouvant dans la personne du cardinal de Fleury. Il montre le portrait dans un médaillon, au bas duquel est une inscription latine dont voici la traduction: Celui que le Cynique chercha vainement autrefois, le voici retrouvé aujourd'hui. Il est probable que le philosophe des temps anciens eût passé longtemps avec sa lanterne tout allumée, sans s'arrêter auprès de l'homme découvert si ingénieusement par Autreau.

Cet auteur introduisit la langue française sur la scène italienne; de plus, il ramena sur la scène française un genre de comique presque oublié. Son nom doit donc faire en quelque sorte époque pour les deux théâtres. Esprit fin, délicat, critique, Autreau saisissait promptement et facilement le côté ridicule des hommes et des choses; malheureusement la gêne dans laquelle il vécut toujours, en l'éloignant du grand monde, ne lui permit pas de prendre ses portraits dans la classe élevée de la société. Ayant au cœur un fond de tristesse causé par sa mauvaise fortune, on ne comprend pas qu'il ait pu surmonter ses chagrins pour jeter dans ses ouvrages la gaîté de bon aloi qui y règne.

La première pièce d'Autreau aux Italiens fut une bonne œuvre, car elle sauva la troupe du désespoir, en lui ramenant le public et en empêchant Lélio et les siens de quitter Paris. Cette jolie comédie, le Port à l'Anglais (1718), en trois actes, avec divertissement, prologue, dont la musique est de Mouret, est une sorte d'opéra-comique qui eut un succès immense. C'est la première comédie jouée en français sur ce théâtre.

Cet auteur donna une douzaine de pièces aux Italiens, trois ou quatre aux Français, et plusieurs ballets. Une de ses meilleures, Démocrite prétendu fou, avait été refusée par les Français; il la porta à la Comédie-Italienne. A cette époque, Messieurs de la Comédie-Française étaient peu gracieux pour certains auteurs, et quand un nom ne leur était pas bien connu, ils refusaient impitoyablement les ouvrages, tandis qu'ils acceptaient toutes les rapsodies émanant d'une plume qui leur était sympathique.

Alençon, un des auteurs qui le premier composèrent pour le Théâtre-Italien de la Régence, mais dont toutes les pièces sont complétement oubliées à l'exception de la Vengeance comique et du Mariage par lettre de change, était bossu. Il avait une incroyable prétention à l'esprit, et n'en avait qu'une médiocre dose, ce qui rendait furieux un autre bossu beaucoup plus spirituel, l'abbé de Pons, lequel allait partout, disant en parlant d'Alençon: «Cet animal-là déshonore le corps des bossus.»

Un des bons auteurs du Théâtre-Italien de la Régence et des premières années du règne de Louis XV fut Beauchamp, qui donna à la troupe de Lélio une douzaine de pièces plus ou moins spirituelles. L'une d'elles, le Jaloux, jouée en 1723, contient un assez joli couplet qu'on dirait avoir été fait bien plutôt pour l'époque actuelle que pour le commencement du dix-huitième siècle; le voici:

 
Autrefois on ne payait pas,
Mais il fallait aimer pour plaire;
Il en coûtait trop d'embarras,
Trop de façon et de mystère;
Nous avons changé cet abus,
Nous payons et nous n'aimons plus.
 

Les deux premiers actes du Jaloux furent bien reçus du public; mais le troisième n'ayant paru qu'une répétition fatigante des situations déjà exposées, un plaisant cria du parterre, au moment où la toile tomba: – Je demande le dénoûment!

Fuzelier, contemporain de Beauchamp, mort à l'âge de quatre-vingts ans, avait obtenu le privilége du Mercure de France avec La Bruère, comme récompense de ses travaux et de ses succès dramatiques. Il composa pour tous les théâtres, et notamment pour la Comédie-Italienne qui reçut de lui une vingtaine de pièces.

L'une de ses parodies, celle de l'opéra d'Alcyone, est intitulée La rupture du carnaval et de la folie (1759). On y trouve une spirituelle critique de l'action de Pélée qui, voyant sa maîtresse prête à expirer, au lieu de la secourir, chante à tue-tête. Dans la comédie de Fuzelier, Momus dit, en parlant de Psyché:

 
Que vois-je! de ses sens
Elle a perdu l'usage.
 

L'Amour lui répond:

– Fort bien! allez-vous, à l'exemple de Pélée, psalmodier deux heures aux oreilles d'une femme évanouie? Ces héros d'opéra prennent, je crois, leurs chansons pour de l'eau de la reine de Hongrie.

Un peu plus loin, parlant des auteurs qui ont la prétention de mettre du bon sens dans les opéras, il dit:

– «Un opéra raisonnable, c'est un corbeau blanc, un bel-esprit silencieux, un Normand sincère, un garçon modeste, un procureur désintéressé, enfin un petit-maître constant et un musicien sobre.»

La parodie d'Amadis de Grèce, de La Motte et Destouches, Amadis le cadet (1724), amusa beaucoup le public, surtout le couplet où l'auteur plaisante sur le départ précipité d'Amadis, le sans-gêne avec lequel il abandonne Mélisse et le prince de Thrace:

 
Partons, m'y voilà résolu,
Sans que Mélisse m'embarrasse,
Ni même ce qu'est devenu
Mon ami le prince de Thrace;
Le drôle me rattrapera
A la dînée… ou ne pourra.
 

Une des jolies parodies de Fuzelier fut celle du Ballet des Éléments, Momus exilé ou les Terreurs paniques (1725). Il régnait beaucoup de confusion dans le fameux Ballet des Éléments; voici comment l'auteur critique cette espèce de désordre; un musicien chante:

 
Va, triste raison, va régner loin de la treille,
Et vive le désordre où nous jettent les pots!
Ainsi que l'Opéra, le dieu de la bouteille,
Au lieu des éléments, nous fait voir le chaos.
 

Un autre personnage arrive et chante:

 
Paraissez, éléments;
Point de dispute vaine:
Ainsi sur la scène
N'observez point vos rangs.
Paraissez, éléments.
 

Enfin un troisième s'écrie:

 
En vain, décorant cet ouvrage,
Le pinceau, par des coups divers,
Du chaos nous trace l'image,
Il est bien mieux peint dans les vers.
 

Afin de mieux peindre encore la confusion comique qui règne dans le ballet, Fuzelier imagina de faire paraître les éléments en costume de caractère. Des jardiniers et des ouvriers sont chargés de représenter la terre; des souffleurs d'orgue, l'air; des porteurs d'eau, l'eau; des boulangers habillés en glace, le feu (le réchaud de Vesta, dit l'auteur, ne valant pas le four d'un boulanger). Un des plus jolis mots de cette parodie est celui-ci: Dans l'opéra, un amant de cinquante ans marque une impatience invincible auprès d'une vestale de quarante printemps qu'il doit épouser le lendemain, à moins qu'on ne les surprenne, que la vestale ne soit enterrée vive, et l'amant condamné au fouet selon la loi. Dans la pièce de Fuzelier, on prétend que cette vivacité de l'amant méritait le fouet indépendamment de la loi.

Sainte-Foix, auteur de plusieurs opéras, fit jouer une douzaine de pièces aux Italiens, de 1725 à 1755.

Une des jolies comédies de Sainte-Foix, les Métamorphoses (1748), fut le principe d'un usage qui se conserva quelque temps et qui fut remplacé depuis par le couplet final dans les vaudevilles. Cet usage était celui de jeter des couplets au public du haut du cintre après chaque pièce, pour demander son indulgence pour les auteurs. On exécuta à cette époque, au Théâtre-Italien, un feu d'artifice pendant lequel on vit tomber, en bouquet, de l'ouverture ovale au-dessus du parterre, des couplets imprimés et qui pouvaient être chantés sur des airs connus. Ces couplets avaient été composés par Panard et Galet; en voici deux des meilleurs:

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 сентября 2017
Объем:
350 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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