promo_banner

Реклама

Читайте только на ЛитРес

Книгу нельзя скачать файлом, но можно читать в нашем приложении или онлайн на сайте.

Читать книгу: «Tableau du climat et du sol des États-Unis d'Amérique», страница 2

Шрифт:

CHAPITRE II. Aspect du pays

POUR un voyageur européen, et surtout pour un voyageur habitué, comme moi, aux contrées nues de l’Égypte, de l’Asie et des bords de la Méditerranée, le trait saillant du sol américain est un aspect sauvage de forêt presque universelle qui se présente dès le rivage de l’Océan et qui se continue de plus en plus épaisse dans l’intérieur des terres. Pendant le long voyage que je fis en 1796, depuis l’embouchure de la Delaware par la Pensylvanie, le Maryland, la Virginie et le Kentucky, jusqu’à la rivière Wabash; de là au nord, à travers le North-west-territory, jusqu’au Fort-Détroit; puis par le lac Érié à Niagâra, à Albany, et l’année suivante, de Boston jusqu’à Richmond en Virginie, à peine ai-je marché trois milles de suite en terrain nu et déboisé:15 sans cesse j’ai trouvé les chemins, ou plutôt les sentiers bordés et ombragés de bois-taillis ou de futaies, dont le silence, la monotonie, le sol tantôt aride, tantôt marécageux; et surtout dont les arbres renversés par vétusté ou par tempête, gisants et pourrissants, sur la terre; dont enfin les essaims persécuteurs de taons, de mosquites et de gnats,16 n’ont pas les effets charmants que rêvent au sein de nos cités d’Europe, des écrivains romanciers. Il est vrai que sur la côte atlantique, cette forêt continentale offre déja d’assez grands vides, à raison des marais saumâtres et des champs cultivés qui s’étendent chaque jour davantage autour du foyer absorbant des villes: elle a également des lacunes considérables dans le pays d’Ouest, surtout depuis la Wabash jusqu’au Mississipi, et vers les bords du lac Erié, du Saint-Laurent, dans le Kentucky et le Tennesse, où la nature du sol, et plus encore les incendies anciens et annuels des Sauvages ont occasioné de vastes déserts, appelés Savanas par les Espagnols, et Prairies par les Canadiens et par les Américains qui adoptent ce mot; je ne compare point ces déserts à ceux que j’ai vus en Syrie et en Arabie, mais plutôt à ce que l’on nous dit des steps ou déserts de la Tartarie, les prairies étant comme les steps couvertes de plantes ligneuses, épaisses et hautes de trois et quatre pieds, et formant pendant l’été et l’automne, un brillant tapis de fleurs et de verdure que l’on trouve bien rarement dans les déserts chauves et pelés de l’Arabie. Dans le reste des États-Unis, et surtout dans la partie montueuse de l’intérieur, d’où les fleuves se versent en sens opposés à l’Océan atlantique et au Mississipi, l’empire des arbres n’a reçu que de faibles atteintes, et l’on peut dire, par comparaison à notre France, que le pays n’est qu’une vaste forêt.

Si l’on pouvait rassembler sous un seul coup d’œil l’ensemble de ce pays, l’on verrait que cette forêt est divisée en trois grands cantons distincts, à raison des genres, des espèces, et de l’aspect des arbres qui la composent: les espèces de ces arbres, selon la remarque des Américains, sont indicatives de la nature et des qualités du sol qui les produit.

Le premier de ces cantons, que j’appelle forêt du sud, embrasse la partie maritime de la Virginie, des deux Carolines, de la Géorgie, des Florides, et s’étend généralement depuis la baie de Chesapeak jusqu’à la rivière de Sainte-Marie, sur un terrain de gravier et de sable, large depuis 30 jusqu’à 50 lieues: tout cet espace, peuplé de pins, de sapins, de mélèses, de cèdres, de cyprès et autres arbres résineux, offre à l’œil une verdure constante, mais qui n’en serait pas moins stérile, si les banquettes des fleuves et les terres d’alluvion et de marécages n’y traçaient des veines que l’agriculture rend très-productives.

Le second canton, ou forêt du milieu, comprend la partie montueuse des Carolines et de la Virginie, toute la Pensylvanie, le sud du New-York, tout le Kentucky et le nord de l’Ohio, jusqu’à la rivière Wabash. Toute cette étendue est peuplée de diverses espèces de chênes, de hêtres, d’érables, de noyers, sycomores, acacias, mûriers, pruniers, frênes, bouleaux, sassafras et de peupliers, sur la côte atlantique; et, en outre, dans le pays d’ouest, de cerisiers, de marroniers d’Inde, de papâs, d’arbres concombres, de sumacs, etc., toutes espèces qui indiquent un sol productif, base véritable de la richesse présente et future de cette partie des États-Unis: cependant ces espèces forestières n’excluent jamais entièrement les résineux qui se montrent épars dans toutes les campagnes, et par massifs sur les montagnes, même d’un ordre inférieur, tel que le chaînon de Virginie appelé Sud-ouest, où par un cas singulier ils dérogent à leur signe habituel de stérilité; car le sol rouge foncé et gras de ce chaînon est très-fertile.

Le troisième canton ou forêt du nord, encore composé de pins, sapins, mélèses, cèdres, cyprès, etc., part des confins du précédent, couvre le nord du New-York, l’intérieur du Connecticut et de Massachusets, donne son nom à l’état de Vermont17, et ne laissant aux arbres forestiers que les rives des fleuves et leurs alluvions, il s’avance par le Canada vers le nord, où il fait bientôt place au genévrier, et aux maigres arbustes clair-semés dans les déserts du cercle polaire.

Telle est en résumé la physionomie générale du territoire des États-Unis: une forêt continentale presque universelle; cinq grands lacs au nord; à l’ouest, de vastes prairies; dans le centre, une chaîne de montagnes dont les sillons courent parallèlement au rivage de la mer, à une distance de 20 à 50 lieues, versant à l’est et à l’ouest des fleuves d’un cours plus long, d’un lit plus large, d’un volume d’eau plus considérable que dans notre Europe; la plupart de ces fleuves ayant des cascades ou chutes depuis 20 jusqu’à 140 pieds de hauteur; des embouchures spacieuses comme des golfes; dans les plages du sud, des marécages continus pendant plus de 100 lieues; dans les parties du nord, des neiges pendant 4 et 5 mois de l’année; sur une côte de 300 lieues, 10 à 12 villes toutes construites en briques ou en planches peintes de diverses couleurs, contenant depuis 10 jusqu’à 60,000 ames; autour de ces villes, des fermes bâties de troncs d’arbres (log houses), environnées de quelques champs de blé, de tabac ou de maïs, couverts encore la plupart des troncs d’arbres debout brûlés ou écorcés: ces champs debout, c’est-à-dire non gisants, séparés par des barrières de branches d’arbres (fences), au lieu de haies; ces maisons et ces champs encaissés, pour ainsi dire, dans les massifs de la forêt, qui les englobe; diminuant de nombre et d’étendue à mesure qu’ils s’y avancent, et finissant par n’y paraître du haut de quelques sommets que de petits carrés d’échiquier bruns ou jaunâtres, inscrits dans un fond de verdure: ajoutez un ciel capricieux et bourru, un air tour-à-tour très-humide ou très-sec, très-brumeux ou très-serein, très-chaud ou très-froid, si variable, qu’un même jour offrira les frimas de Norwége, le soleil d’Afrique, les quatre saisons de l’année, et vous aurez le tableau physique et sommaire des États-Unis.

CHAPITRE III. Configuration générale

POUR bien concevoir la construction générale de ce vaste pays, il faut prendre une connaissance plus détaillée de la chaîne des montagnes qui en est le trait dominant. Cette chaîne part du Canada inférieur et de l’embouchure du Saint-Laurent sur sa rive méridionale, où ses caps sont appelés par les marins monts de Notre-Dame et de la Magdeleine: en remontant le fleuve, elle s’en écarte peu à peu, et séparant les eaux de son bassin vers nord-ouest, d’avec les eaux du Nouveau-Brunswick, de Nova-Scotia et du district de Maine18 vers sud-est, elle tracé de ce côté la frontière des États-Unis, jusqu’au Newhampshire: là elle pénètre par une ligne presque sud dans l’intérieur du Vermont, sous le nom de Green-mountains, divisant le bassin de la rivière Connecticut d’avec celui des lacs Champlain et Georges; et après avoir jeté de ce côté des rameaux qui repoussent à l’ouest et au nord-ouest les sources de l’Hudson, elle vient traverser ce fleuve à West-point, par un chaînon très scabreux, qui a mérité le nom de High-lands (Terres-hautes): ici l’on peut dire que la chaîne subit une double interruption, soit parce qu’elle est coupée par des eaux, soit parce qu’ayant jusque-là été de granit, son prolongement ultérieur va être de grès. La tête de ce prolongement remonte plus haut sur la rive ouest de l’Hudson, au groupe de Cats-Kill, et dans une masse de montagnes qui donnent les sources de la Delaware. De ce local part un faisceau de sillons montueux qui, après s’être incorporé la chaîne précédente, s’avance du nord-est au sud-ouest, à travers les États de New-York, de Pensylvanie, de Maryland et de Virginie, s’écartant de la mer à mesure qu’il marche au midi: par un cas singulier en géographie, plusieurs de ces sillons coupent à l’angle droit le cours des plus grands fleuves de ces états sur la côte atlantique, et ils ne leur laissent de passage que par des brèches, qui attestent que la violence seule des eaux a pu rompre l’obstacle de leur digue: arrivés à la frontière de la Virginie et de la Caroline-nord, ces sillons, jusqu’alors parallèles, se réunissent en un nœud que j’appelle l’arc de l’Alleghany, parce que ce chaînon principal y enveloppe par une courbe tous ses collatéraux de l’est: un peu plus loin au sud, encore dans la Caroline-nord, un second nœud réunit à l’Alleghany tous ses collatéraux de l’ouest19, et forme un point culminant de têtes de fleuves, d’où partent, vers le nord, le grand Kanhawa; vers l’ouest, le Holstein, branche nord de la Tennessee; et vers l’est, les rivières Pédee et Santee, et toutes les autres des deux Carolines. De ce nœud part encore vers l’ouest une branche de montagnes qui, par une première bifurcation au nord-ouest, fournit les nombreux rameaux de Kentucky, et par une seconde, droit à l’ouest, s’avance sous le nom de montagnes Cumberland, à travers l’état de Tennessee, où elle divise nord et sud, le bassin des rivières Cumberland et Tennessee, jusqu’à leur embouchure dans l’Ohio; tandis que la chaîne propre d’Alleghany, restée presque seule, continue sa route au sud-ouest, et achève de limiter les deux Carolines et la Géorgie, où elle reçoit les noms divers de montagne du Chêne-Blanc20, du Grand-Fer, de montagne Chauve, et même de montagne Bleue. Parvenue à l’angle de la Géorgie, elle change de direction et encore de noms, et sous ceux d’Apalaches et de Cherokees, se portant droit à l’ouest jusqu’au Mississipi, elle devient la ligne de partage entre le bassin de la Tennessee au nord, et les nombreuses rivières qui versent au sud dans le golfe du Mexique, par les Florides. La longue continuité de cette chaîne l’avait fait appeler par les sauvages du nord montagne sans fin: les Espagnols et les Français, qui la connurent d’abord par la Floride, appliquèrent à toute son étendue le nom d’Apalache, qui était celui d’une tribu sauvage conservé encore dans une rivière considérable du pays21; mais les géographes anglais et anglo-américains, qui l’ont connue par le nord, l’ont constamment désignée sous celui d’Alleghany, que je crois être sa dénomination sauvage, traduite dans le mot Endless, ou sans fin, par le géographe Évans, qui semble mettre ces deux mots en comparaison synonyme. Quoique moins sonore qu’Apalache, le nom d’Alleghany a obtenu dans l’usage une préférence que je ne lui disputerai point; mais, pour plus de clarté, j’appellerai Apalache le rameau qui, comme je l’ai dit, se détourne à l’angle de la Géorgie, et qui, moins élevé et moins rapide, se divise en une foule de monticules et de sillons dont est couvert le pays jusqu’au Mississipi: là ils se terminent brusquement en escarpements scabreux, appelés Cliffs, régnant depuis le coteau de Natchez jusque vers l’embouchure de l’Ohio: ils ne traversent point le Mississipi, dont l’autre rive, basse et plate, est un marécage de 20 lieues de largeur moyenne, depuis son embouchure jusqu’à celle d’Ohio, distante de 7 degrés (140 lieues); là finit la forêt continentale, et commencent les immenses steps ou savanes qui se prolongent vers l’ouest, jusqu’aux montagnes nord du Mexique et aux Stony-mountains, que j’appellerai dans le cours de cet ouvrage chaîne Chipéwane, du nom générique de la race des sauvages qui l’habitent.

Il résulte de cette disposition de terrain que je viens de décrire une sorte de partage physique des États-Unis en 3 longues contrées parallèles, prises dans le sens de la côte, c’est-à-dire du nord-est au sud-ouest, savoir:

Une 1re contrée orientale située entre l’Océan et les montagnes (vulgairement côte atlantique).

Une 2e contrée occidentale située entre le Mississipi et les montagnes (pays d’ouest ou Back-country).

Une 3e enfin, celle de ces montagnes elles-mêmes, qui est intermédiaire aux deux autres: et parce que chacune de ces contrées a des caractères particuliers de climat, de sol, de configuration et de structure intérieure, il me paraît convenable d’entrer dans quelques détails relatifs à chacune.

§ I

Côte Atlantique

La côte atlantique, ainsi nommée de l’Océan qui la baigne, et où elle verse toutes ses eaux, s’étend depuis le Canada jusqu’à la Floride, sur une largeur croissante du nord au sud, qui varie depuis 20 jusqu’à 70 lieues. Elle est le siége originel et principal des États de l’Union, qui y sont rangés dans l’ordre suivant.

Georgie, Caroline-sud, Caroline-nord, Virginie, Maryland, Delaware, Pensylvanie, New-Jersey, New-York, Connecticut, Rhode-island, Massachusets, Newhampshire, Vermont et Maine.

Dans toute sa longueur, le pays est d’un niveau peu élevé, plus plat dans les États du sud jusqu’au Maryland, même jusqu’en New-Jersey: plus inégal et presque montueux dans les États du nord, surtout en Connecticut, Massachusets et Rhode-island. L’on peut considérer Long-island (Ile longue) comme un point de partage assez précis entre ces deux caractères de terrain: car de cette île allant au nord jusqu’à la rivière Sainte-Croix22, et même jusqu’à l’embouchure du Saint-Laurent, le rivage est élevé, rocailleux, parsemé de récifs qui tiennent au noyau du continent adjacent: au contraire, allant de Long-island vers le sud, la côte est continuellement une plage basse presque à fleur d’eau et de pur sable: ce sable, qui s’annonce pour un délaissement de la mer, se retrouve fort avant dans les terres. Il y sert de lit à la forêt de pins, sapins, et autres résineux dont j’ai parlé: à l’approche des montagnes, il se mêle avec une portion d’argile ou de gravier que les eaux ont amenée des hauteurs voisines: il en résulte un terrain jaunâtre, maigre, et meuble, qui domine dans la lisière moyenne des États du sud, dans le Maryland, la Pensylvanie, et le haut New-Jersey, à tel point que l’on peut considérer ces trois derniers États comme de grandes alluvions des fleuves Potômac, Susquehannah, Delaware et Hudson. Plus au nord, spécialement en Connecticut, Rhode-island et Massachusets, le pays est sillonné de monticules et de chaînons qui rendent âpre et raboteuse toute la Nouvelle-Angleterre proprement dite: l’on serait même tenté de croire cette contrée un prolongement de la lisière montueuse, si la nature granitique de ses pierres et la confusion de ses sillons ne la distinguaient des Alleghanys, essentiellement formés de grès, et qui concourent sur une ligne plus intérieure et plus occidentale.

§ II

Pays d’Ouest, on bassin de Mississipi

La seconde contrée qui est située à l’est des Alleghanys, mérite le nom de Bassin de Mississipi, en ce que la presque totalité des rivières qui l’arrosent, versent médiatement ou immédiatement dans ce fleuve. Ce bassin a pour limites, à l’est, les Alleghanys; à l’ouest, le Mississipi; au nord, les lacs Michigan, Érié et Ontario; au sud enfin les Florides: l’on remarquera que vers le sud, dans la Géorgie occidentale, la majeure partie des eaux se rend au golfe du Mexique, et semble former une contrée distincte; mais le peu d’étendue qu’aurait cette contrée, relativement aux autres, et l’analogie de son climat, de ses productions, même de ses relations futures, m’engagent à comprendre dans le pays d’ouest ou de Mississipi, tout ce qui est situé au couchant de la rivière Apalache, que je regarde comme la limite naturelle de la côte atlantique, dans l’intérieur et vers sud-ouest.

Les États contenus dans le bassin de Mississipi sont, la Géorgie occidentale, le Tennessee, le Kentucki, le grand district Nord-d’Ohio, appelé Northwest-territory, et quelques portions occidentales des États de Virginie, de Pensylvanie et de New-York. Les habitants de la côte atlantique donnent à toute cette partie le nom de Back-Country (Pays de derrière), indiquant par-là leur attitude morale, constamment tournée vers l’Europe, berceau et foyer de leurs intérêts et de leurs pensées: par un cas singulier et cependant naturel, à peine eus-je traversé les Alleghanys, que j’entendis les riverains du grand Kanhawa23 et de l’Ohio, appeler aussi la côte atlantique Back-Country (Pays de derrière); ce qui prouve que déja leur situation géographique a donné à leurs regards et à leurs intérêts une direction nouvelle, conforme à celle des eaux qui leur servent de routes et de portes vers le golfe mexicain, foyer principal de l’ambition spéculative de tous les Américains.

Si l’on examine avec plus de détail cette grande contrée, l’on trouvera que la nature du sol et certaines limites naturelles de fleuves et de montagnes y forment une subdivision de 3 grands districts bien distincts.

Le premier est le pays situé au sud de la rivière Tennessee et du chaînon de l’Apalache qui l’enveloppe, d’où les rivières se versent au golfe du Mexique et au bas du Mississipi. Dans sa partie maritime, qui est la Floride, le sol est absolument plat, sablonneux et stérile au bord de la mer; marécageux, formant des prairies naturelles, quand on avance dans les terres, et alors gras et fécond principalement sur les banquettes des fleuves, où le riz et le maïs croissent de la plus grande taille. A peine trouverait-on une pierre de 2 ou 3 livres à la distance de 12 à 15 lieues du rivage. A mesure que l’on remonte vers l’intérieur, le pays devient plus collineux, le sol plus rocailleux, et aussi moins fertile, comme l’attestent les arbres de sa forêt, l’ilex, le pin, le sapin, les chênes rouge et noir, le magnolia, les cèdres rouge et blanc, le cyprès, et une foule d’arbustes indigènes des pays chauds. Un voyageur botaniste anglais24 en a fait un vrai paradis terrestre; mais en renvoyant ses descriptions poétiques aux romans sentimentaux, ce sera traiter raisonnablement ce pays, que de le comparer au Portugal ou à la côte de Barbarie, et assurément ce lot est beau.

Le second district a pour limites, au sud, la rivière de Tennessee; au nord, celle d’Ohio; à l’est, les Alleghanys; et à l’ouest, le Mississipi. Il comprend l’État de Kentucki et celui de Tennessee, que j’ai vu se constituer en 1796. Tout cet espace est prodigieusement brisé de monticules et de sillons rapides, et cependant la plupart boisé. Il est surtout traversé de l’est à l’ouest par le chaînon dit Cumberland qui a jusqu’à 30 milles de largeur, et qui court entre la rivière du même nom et celle de Tennessee. Dans les vallons et dans ce qu’il y a de plaines, le sol est généralement d’une qualité excellente, étant une espèce de terreau noir, gras, meuble, et profond depuis 3 jusqu’à 15 pieds, par conséquent d’une extrême fertilité. Les arbres forestiers qu’il produit, bien supérieurs par leur diamètre et leur grandeur aux arbres effilés et maigres de la côte atlantique, sont: les chênes rouge, noir, blanc, les noyers hickorys, de 4 ou 5 espèces, les peupliers-tulipiers, les vignes sauvages, grimpant à 20 et 30 pieds, les frênes, les érables à sucre, les acacias, les sycomores, marronniers d’Inde, arbres-à-gomme, pins, cèdres, sumacs, pruniers sauvages, pruniers-persimons, et cerisiers sauvages, dont quelques-uns ont jusqu’à un mètre 2 tiers de diamètre.

Cette nature meuble et perméable du terrain y occasione aux ruisseaux et aux rivières une particularité que j’ai vue en quelques lieux de la Syrie, même de la France, mais nulle part dans une proportion aussi étendue; car, dans tout le Kentucky et le Tennessee, l’on ne cesse de rencontrer des entonnoirs du diamètre depuis 50 jusqu’à 500 pas sur une profondeur de 15 à 50, ayant dans leur fond un ou plusieurs trous ou crevasses dans lesquels s’engouffrent, non-seulement les eaux pluviales voisines, mais encore des ruisseaux et des rivières déja considérables. Ils disparaissent tout à coup au sein des broussailles, devant le voyageur stupéfait, et achèvent leur cours dans des lits souterrains. En général, les ruisseaux et les rivières, dans leur cours visible, y déchirent et y creusent la terre perpendiculairement jusqu’à un lit de pierres calcaires qui lui sert de noyau, ou plutôt de plancher presque horizontal. De ce mécanisme il résulte,

1º Que presque tous les ruisseaux et rivières du Kentucky et du Tennessee sont encaissés comme dans des fossés, entre deux rives à pic, hautes depuis 50 pieds, comme celle de l’Ohio, jusqu’à 400 pieds, comme l’écore de la rivière Kentucki à Dixon’s-point;

2º Que le pays se trouve raboteux et sillonné de ravines profondes; d’ailleurs, traversé des chaînons latéraux des Alleghanys, aussi brusques dans leur pente, qu’ils sont étroits sur leurs sommets25;

3º Que le terrain ne pouvant être arrosé par irrigation, les habitants de Kentucky et un peu ceux du Tennessee se plaignent déja d’une aridité qui s’accroît à mesure que le pays se déboise, et qui dissipe, d’une manière fâcheuse, les illusions des spéculateurs de terre et les promesses des voyageurs romanciers.

Je dois citer ici un fait physique singulier, bien constaté en Kentucky, savoir, que beaucoup de sources y sont devenues plus abondantes depuis que les bois des environs ont été coupés; j’ai discuté sur les lieux avec des témoins dignes de foi, les causes de ce phénomène: il nous a paru que jadis les feuilles de la forêt accumulées sur la terre, y formaient un lit épais et compacte, comme on le voit encore là où cette forêt subsiste; et que ce lit retenant les eaux pluviales à sa surface, leur donnait, surtout en été, le temps de s’évaporer avant qu’elles pussent pénétrer dans l’intérieur: aujourd’hui que ce lit de feuilles n’existe plus, et que le sein de la terre est ouvert par la culture, les pluies qui ont la faculté de l’imbiber y établissent des réservoirs plus durables et plus abondants; mais ce cas particulier ne détruit point la doctrine plus générale et plus importante que la coupe des forêts, particulièrement sur les hauteurs, diminue généralement la masse des pluies et des fontaines qui en résultent, en empêchant que les nuages ne se fixent et ne se distillent sur les forêts: le Kentucky lui-même en offre la preuve ainsi que tous les autres États de l’Amérique, puisque l’on y cite déja une multitude de ruisseaux qui ne tarissaient pas il y a 15 ans, et qui maintenant manquent d’eau chaque été. D’autres ont totalement disparu; et plusieurs moulins, dans le New-Jersey, ont été abandonnés par cette cause26.

Un autre phénomène remarqué en Amérique, trouve peut-être son explication dans le fait que je viens de citer. L’on ne traverse point de forêt dans ce continent sans rencontrer des arbres renversés; et l’on observe que la racine n’est qu’un chevelu superficiel, en forme de champignon, à peine de 18 pouces de profondeur pour des arbres de 70 pieds. Si ces racines ne pivotent point, n’est-ce pas afin de profiter de l’humidité superficielle qui les couvre et du terreau gras résultant des feuilles pourries dans lequel elles trouvent une substance bien préférable aux couches de l’intérieur restées sèches, et par suite, plus dures à pénétrer? Et maintenant, que par le laps des siècles ces végétaux ont contracté cette habitude, il faudra des siècles pour la changer.

Le troisième district a pour limites, au sud, le cours de l’Ohio; au nord, les lacs du Saint-Laurent, et toujours à l’est et à l’ouest l’Alleghany et le Mississipi. Cet espace, appelé par les Américains North-west-territory, ne compte encore aucun État constitué, faute de population suffisante:27 sa surface est presque plane ou commodément ondulée: à peine y citerait-on une montagne ou un sillon de 100 toises d’élévation, et dans tout son ouest, depuis la rivière Wabash jusqu’au Mississipi, ce ne sont que vastes et plates prairies. Néanmoins c’est d’un tel local que coulent en sens opposés une foule de rivières considérables qui, les unes vont au golfe du Mexique par le Mississipi, les autres à la mer du Nord par le Saint-Laurent, et d’autres encore à l’Atlantique par le Mohawk, l’Hudson et la Susquehannah: d’où il résulte que les monts Alleghanys, de qui ces derniers fleuves tirent leurs sources, ne sont en quelque sorte que la rampe de ce plateau qui les égale presque en niveau. Sur ce vaste espace les pentes opposées sont si douces, que les rivières, hésitant dans leurs cours, s’y égarent en sinuosités et en marécages; et que dans les crues de l’hiver il y a jonction d’eaux navigables en canot, entre les sources de la Wabash qui va à l’Ohio, du Miami, qui va au lac Erié, de la rivière Huron, qui tombe à l’entrée de ce même lac, de la grande-rivière qui tombe dans le lac Michigan, et ainsi de plusieurs autres.

Par contraste avec le Kentucky, les rivières de North-west-territory, coulent à fleur de terre, à raison non-seulement de ce niveau plat, mais encore de la qualité argileuse du sol, qui empêche l’eau d’y pénétrer: circonstance heureuse pour le commerce et l’agriculture de cette contrée: aussi l’opinion commence-t-elle à préférer ce pays au Kentucky; je présume qu’un jour il sera la Flandre des États-Unis pour le blé et les pâturages: j’ai vu, en 1798, au bord du grand Sioto, un champ de maïs, à la vérité en première année de culture, où cette plante avait généralement 4 mètres de hauteur, et des épis en proportion: à cette même époque, à l’exception de quelques habitations éparses, ce n’était au-dessus du Moskingom qu’un désert de forêts, de marais, et de fièvres: j’ai traversé 40 lieues de cette forêt depuis Louisville, près des rapides de l’Ohio, jusqu’au poste Vincennes sur la Wabash, sans rencontrer une cabane, et, ce qui m’a étonné, sans entendre le chant d’un oiseau (quoiqu’en juillet). Elle finit un peu avant la Wabash; et de là au Mississipi, pendant 80 milles, l’on ne trouve que les prairies, dont j’ai déja parlé comme de steps tartares; et là réellement commence une Tartarie américaine, qui a tous les caractères de la Tartarie asiatique; d’abord chaude dans sa partie méridionale, elle devient de plus en plus froide et stérile vers le nord: dès le 48e de latitude, elle est glacée dix mois de l’année, dépourvue de hauts bois, noyée de marécages, traversée de fleuves qui, dans une espace de 1000 lieues, n’ont pas 15 lieues d’interruptions ou de portages: elle offre à tous ces titres les caractères de la Tartarie; il ne manquait que d’en voir les indigènes devenir cavaliers; et cette circonstance vient d’avoir lieu, depuis 25 à 30 ans, par les vols que les sauvages Nihiçaoué ou Nadouessis28, jusqu’alors piétons, ont fait des chevaux espagnols errants dans les savanes du nord du Mexique. Avant 50 ans ces nouveaux Tartares pourront devenir des voisins incommodes à la frontière des États-Unis: et le système colonial des bords du Missouri et du Mississipi éprouvera des difficultés que n’ont pas connues les pays de l’intérieur de la confédération.

15.J’emploierai ce mot pour répondre au mot anglais cleared, éclairci, c’est-à-dire, nettoyé de tous bois.
16.Petit moucheron noir, pire que les cousins.
17.Altération du mot français Vert-Mont, que les habitants ont adopté par penchant pour les Français de Canada, et qui est la traduction de l’appellation anglaise, Green-Mountain.
18.Maine n’est encore qu’un district de Massachusets; mais il ne peut tarder d’être constitué en état.
19.Les sillons du Kentucky.
20.White-oak, Great-iron, Bald-mountain, Blue-mountain.
21.Apalachi-cola, mot double dans lequel cola signifie rivière chez les sauvages Creeks.
22.Frontière des États-Unis vers les possessions anglaises du Canada.
23.Rivière considérable de la Virginie occidentale qui verse dans l’Ohio.
24.Bartram.
25.C’est néanmoins sur ces sommets que les sauvages, imités en cela par les Américains, avaient établi leurs sentiers ou routes: l’exemple le plus pittoresque que j’en aie trouvé, est la route tracée sur la crête du Gauley (Gauley-ridge) dans les montagnes du Kanhawa; cette crête n’a pas 15 pieds de large en plusieurs endroits de sa longueur, qui est de plus d’un quart de lieue; et l’on a à droite et à gauche une pente rapide de plus de 6 à 700 pas de profondeur.
26.Il faut aussi remarquer que jadis les lits encombrés d’arbres renversés, et de roseaux, gardaient mieux les eaux, et qu’aujourd’hui nettoyés, ils les laissent écouler trop vite.
27.Il faut 60,000 ames.
28.Ces Nihiçaoué forment 10 à 12 tribus établies entre le lac du Cèdre et le Missouri, d’où ils paraissent venir originairement.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
30 июня 2018
Объем:
424 стр. 24 иллюстрации
Правообладатель:
Public Domain