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CHAPITRE DEUX

Ça faisait une éternité que Kate n’avait plus conduit aux petites heures du matin. À 4h50, elle était déjà sortie du labyrinthe des routes entourant la ville de Washington et elle roulait en direction du Delaware. Elle avait consulté ses emails la veille et elle n’avait rien vu de Duran. Mais juste après s’être réveillée, elle avait à nouveau regardé et elle ne fut pas surprise de voir que Duran lui avait envoyé une copie des dossiers de l’affaire un peu après minuit.

Les meurtres avaient eu lieu dans la ville d’Estes, une petite ville située sur le lac Fallows. En voyant le soleil se lever, elle repensa aux vacances qu’elle venait de passer avec Allen en bord de mer. Ils étaient allés sur la plage un matin, pour regarder le soleil se lever en mangeant des bagels et des fraises. Bien qu’une ville en bordure de lac n’eût rien à voir avec des vacances à la mer, les deux devaient sûrement avoir le même genre de charme… surtout à cette époque de l’année, entre les derniers jours de l’été et les premières journées fraîches d’automne.

C’était un souvenir très agréable, mais qui la fit également se sentir un peu coupable. Allen avait eu l’air presque trop compréhensif au sujet de cette enquête. Et elle se demanda s’il allait réitérer son ultimatum dans trois mois, quand il prendrait sa retraite. Quelque part, il avait un peu le droit de le faire. Et cela voulait dire qu’elle allait devoir y réfléchir sérieusement.

Mais d’abord, elle devait se concentrer sur cette affaire. Et si la dernière enquête lui avait appris quelque chose, c’était qu’elle devait absolument trouver le moyen de séparer sa vie privée de sa vie professionnelle. Quelque part, c’était plus difficile aujourd’hui qu’à l’époque où elle était mariée et qu’elle avait un enfant à élever.

Elle entra dans la ville d’Estes à 7h40, vingt minutes avant l’heure à laquelle elle devait retrouver DeMarco sur les lieux de la dernière scène de crime. Bien que la ville se trouve à plus d’un kilomètre du lac, Estes était construite de manière à faire penser qu’elle se trouvait directement en bord de mer. À un tel point que certains éléments de l’endroit donnaient l’impression que c’était l’océan qui se trouvait au bout de la rue, et non pas un lac. Les maisons ressemblaient toutes à des maisons côtières et il y avait plusieurs magasins de souvenirs le long de la grand-rue qui semblaient tout droit venus des plages du Delaware, qui se trouvaient à cent-vingt kilomètres plus à l’Est. Vu qu’elle était à l’avance, Kate s’arrêta pour prendre un café avant de se rendre sur les lieux de la dernière scène de crime.

Quand elle y arriva, elle vit que DeMarco l’attendait déjà. Elle était garée dans l’allée devant la maison et buvait un café, appuyée contre une voiture qui appartenait visiblement au FBI. Elle sourit et fit un signe de la main à Kate, au moment où elle se gara à côté d’elle.

« Salut, » dit Kate, en sortant de voiture. « Désolée de venir m’imposer sur ton affaire. »

« Pour être tout à fait franche, » dit DeMarco. « J’étais assez contente quand Duran m’a appelée pour me dire qu’il t’envoyait. »

« Est-ce que c’est l’enquête en elle-même qui te pose des problèmes ? » demanda Kate.

« Non, pas vraiment. Mais c’était ma première affaire en solo et pour l’instant, il n’y a aucune piste. » Elle leva les yeux au ciel et sourit. « Je sais que ce n’est qu’un simple lac, mais est-ce que tu as déjà remarqué comme le ciel est différent quand tu te rapproches d’une étendue d’eau ? »

« Non, je n’avais jamais remarqué, » dit Kate, en regardant le ciel. Elle savait que DeMarco cherchait à éviter de parler du fait que Duran avait fini par faire appel à Kate parce qu’elle n’avait pas réussi à faire avancer l’enquête toute seule. Kate se demanda combien de temps DeMarco serait capable de tenir sans le dire à haute voix.

« Est-ce que Duran t’a envoyé les dossiers de l’enquête ? » demanda DeMarco, en s’avançant vers la maison. La propriété ressemblait à une maison de plage, qui semblait tout droit venue de la côte du Delaware. Il y avait une pancarte À VENDRE accrochée devant l’allée, avec la photo souriante d’une jolie femme. Son nom – Tamara Bateman – et son numéro étaient indiqués en-dessous.

« Oui, mais je me suis dit que ce serait plus rapide si tu m’en faisais un résumé. »

« Il n’y a pas grand-chose à dire, » dit DeMarco. « Deux meurtres à Estes à une semaine d’intervalle. La dernière victime est cette jolie jeune femme. » Elle fit un signe de la tête en direction de la pancarte À VENDRE.

« Quand est-ce qu’elle a été assassinée ? »

« Il y a deux jours. On m’a assigné l’affaire hier et je suis arrivée un peu trop tard à mon goût. J’ai parlé aux employés de l’agence immobilière mais ça ne m’a pas beaucoup aidée. Certains étaient sincèrement affligés. D’autres ont peur de parler à un agent du FBI, en craignant que ça ait un impact sur les ventes. Mais ils m’ont quand même donné la clé de l’endroit. »

DeMarco sortit la clé de sa poche, au moment où elles gravirent les marches menant au porche. Elle tourna la clé dans la serrure et elles entrèrent. L’endroit était entièrement vide. Il n’y avait pas un seul meuble. Kate sentit une odeur fraîche de peinture et de vernis.

« Et c’était la deuxième victime ? » demanda Kate, en refermant la porte derrière elle.

« Oui. La première était également agent immobilier et elle a été tuée dans une maison pareille à celle-ci, mais plus neuve, construite il y a à peine deux ans. Tandis que cette maison-ci doit avoir près d’une quinzaine d’années. »

« Et qu’en est-il de leur vie privée ? »

« Rien à signaler pour l’instant. J’ai consulté leurs antécédents et la police locale m’a donné accès à leur casier judiciaire. Il n’y a rien… juste quelques contraventions pour excès de vitesse et une seule amende pour conduite en état d’ébriété. Les familles ne nous ont pas beaucoup aidé non plus. Ils ne nous ont rien appris. Selon eux, c’étaient toutes les deux des femmes supers, qui ne feraient pas de mal à une mouche. Ce genre de choses. »

Kate regarda autour d’elle. Il y avait des éclaboussures de sang sur le sol, à l’entrée. Un escalier se trouvait juste après le vestibule. Il y avait des taches de sang séché sur les marches en bois et sur le mur qui séparait l’escalier du plafond. Les escaliers étaient conçus pour être entièrement visibles jusqu’à l’étage, avec une seule balustrade séparant les marches de l’espace ouvert.

Kate observa les taches de sang et ne parvint pas tout de suite à y trouver un sens.

« Ça paraît bizarre, n’est-ce pas ? » dit DeMarco. « D’après ce que j’ai pu comprendre, Tamara Bateman a été attaquée alors qu’elle se trouvait sur les escaliers ou tout en bas des marches. Après ça, on l’a ramenée presque jusqu’en haut. Puis on l’a jetée de l’autre côté de la balustrade, avec un nœud coulant autour du cou. Si tu montes l’escalier et que tu jettes un coup d’œil à la troisième marche en partant du haut, tu pourras voir une flaque de sang et des restes de corde. »

« Elle a été pendue ? »

« Oui. Tout comme la première victime. Mais elle, on l’a pendue à une poutre du plafond dans le salon. »

« Est-ce que les deux victimes travaillaient pour la même agence immobilière ? » demanda Kate.

« Non. Des agences différentes. Mais les deux maisons venaient d’être mises en vente. Ça, et le fait que les deux victimes soient des femmes, ce sont les seuls liens entre les deux meurtres. Enfin… ça devrait être suffisant, mais vu qu’on t’a envoyée en renfort, ce n’est apparemment pas le cas. »

« Tu es déjà venue jeter un coup d’œil dans cette maison ? » demanda Kate.

« Oui, hier après-midi. Le corps y est resté pendant une douzaine d’heures avant d’être découvert. Le petit ami de Bateman a appelé la police pour signaler sa disparition. La police a appelé l’agence immobilière, ils ont appris quelles étaient les propriétés dont elle s’occupait, et voilà… ils l’ont retrouvée pendue à la balustrade. Je suis arrivée sur les lieux environ huit heures après que le corps ait été retiré. Mais vas-y, jette un coup d’œil. Je te promets de ne pas le prendre mal. Je te donnerai aussi une copie du rapport du médecin légiste mais il contient la même chose que ce que je viens de te dire. Quand une femme est frappée à l’arrière de la tête avant d’être pendue, il n’y a pas grand-chose à ajouter. »

« Est-ce qu’elle a été abusée sexuellement ? »

« Le rapport d’autopsie ne signale aucun abus sexuel. Franchement… il n’y a pas grand-chose, dans ce rapport. »

Kate lui sourit, bien qu’elle se sente un peu mal à l’aise. Elle avait l’impression de marcher sur les plates-bandes de DeMarco, de devoir mettre son grain de sel sans y avoir été invitée. C’était aussi la première affaire sur laquelle DeMarco avait débuté toute seule – et sur laquelle elle avait plus ou moins autorité.

Kate monta lentement l’escalier, en faisant attention de ne pas marcher sur les taches de sang. Elle arriva à la marche depuis laquelle l’assassin avait apparemment jeté le corps par-dessus la balustrade. Il y avait une légère éraflure dans le vernis du bois. Des barreaux décoratifs étaient placés tous les quinze centimètres et reliaient la balustrade aux escaliers. Il y avait quelques brins de toile accrochés au barreau qui se trouvait au niveau de cette marche. C’étaient probablement les morceaux de corde que DeMarco avait mentionnés.

Kate regarda par-dessus la balustrade, en direction du rez-de-chaussée. Ça devait faire trois mètres cinquante de haut. Ce qui veut dire que la corde devait être très courte. Et si c’était le cas, il était possible que l’assassin ait prévu une corde assez courte car il avait planifié son crime et savait déjà où il allait pendre Tamara Bateman.

« Tu sais combien mesurait la corde qui a été utilisée pour la pendre ? » demanda Kate. Ç

« La corde faisait deux mètres cinquante, » dit DeMarco. « Elle a apparemment été achetée à cette taille car il n’y a aucune marque indiquant qu’elle ait été coupée. »

Kate était impressionnée. La longueur de la corde n’était qu’un détail sans importance, mais une information néanmoins nécessaire pour rédiger un rapport complet et précis. Et comme elle s’y attendait, DeMarco était au courant des moindres détails, même les plus minimes.

Kate continua à monter l’escalier jusqu’au premier étage. DeMarco la suivit, mais en restant à une distance respectueuse. Cinq portes s’ouvraient sur le couloir à l’étage : deux de chaque côté et une au bout du couloir. Il n’y avait pas de moquette sur le sol du couloir mais par les portes ouvertes, Kate put voir qu’il y en avait dans les différentes pièces, excepté dans la petite salle de bains au bout du couloir. Kate entra dans la première pièce. La maison avait visiblement été nettoyée à fond après que les anciens propriétaires aient déménagé. Il n’y avait pas une seule égratignure aux murs et seules de très légères marques dans la moquette indiquaient que des meubles y avaient un jour été placés.

Cette pièce était visiblement l’une des chambres d’amis, vu qu’elle était de dimensions assez modestes. À part la pièce entièrement vide, le seul endroit où jeter un coup d’œil, c’était la penderie, qui était de très petite taille et ne contenait rien de plus qu’une moquette extrêmement propre. La pièce suivante était tout aussi impeccable, ainsi que la chambre à coucher principale. Cette dernière était également équipée d’une grande salle de bains, mais elle était tout aussi nickel que le reste de la maison.

La pièce suivante était du même style, mais le dressing était beaucoup plus grand et équipé d’étagères pour les vêtements et les chaussures. Le dressing était tout aussi vide que les autres pièces, mais Kate remarqua une porte dans le mur du fond. C’était une porte assez petite, qui se trouvait dans un coin du dressing.

« Un espace de rangement ? » demanda Kate, en se dirigeant vers la porte.

« Oui, je pense. Ça ressemble à un grenier inachevé. J’y ai jeté un coup d’œil hier. »

Kate ouvrit la porte et une bouffée d’air humide lui vint au visage. L’endroit était en effet inachevé. Il y avait des poutres visibles, ainsi que des éléments d’isolation, et une imposante unité d’air conditionné. Les propriétaires précédents avaient placé quelques planches en bois pour traverser l’espace en toute sécurité, mais c’était à peu près tout. Au fond de la pièce, le toit en pente réduisait l’espace. Plusieurs planches avaient été disposées pour soutenir le toit, créant une sorte de faux mur.

Kate s’avança sur les planches posées sur le sol. En traversant la pièce, elle se dit que c’était dommage que cet endroit soit inutilisé. Terminé, il pourrait faire office de bureau ou de salle de jeux pour une famille avec des enfants. Un escalier pourrait facilement y être installé pour rejoindre le rez-de-chaussée. Elle arriva jusqu’au faux mur qui se trouvait au fond de la pièce, au niveau de la pente du toit. Elle jeta un coup d’œil derrière les planches et pencha la tête, d’un air surpris.

« Est-ce que tu as jeté un coup d’œil ici quand tu es venue hier ? » demanda-t-elle.

DeMarco traversa la pièce, avec un air préoccupé. Elle jeta un coup d’œil derrière le faux mur et murmura : « Qu’est-ce que… ? »

Il y avait un plaid et une bouteille d’eau vide posés sur le sol.

« Kate, je ne vais pas te mentir. Je n’ai même pas pensé à jeter un coup d’œil là derrière. »

« Et il n’y avait pas de raison de le faire, » dit Kate. « Personne n’y aurait songé, en se retrouvant seule à devoir élucider cette affaire. »

« Il n’empêche que j’aurais quand même dû regarder. »

« C’est peut-être un squatteur, » dit Kate, en voulant éviter que DeMarco soit trop dure avec elle-même. « Ça arrive souvent dans les maisons en vente depuis un petit temps. »

« J’en doute. La police était là toute la journée, hier. Et ils sont restés très tard le soir. »

« C’est peut-être un squatteur qui gardait un œil sur la maison et qui a attendu que la police soit partie. Et si c’est le cas, il se pourrait également que ce squatteur soit notre assassin. Ce serait vraiment une coïncidence que ce plaid soit là aujourd’hui, en sachant qu’une personne a été tuée dans cette maison il y a à peine deux jours. »

« Alors ça voudrait dire que cette personne surveillait cette maison de très près. »

Kate et DeMarco regardèrent à nouveau le plaid et la bouteille d’eau vide. Et Kate ne put s’empêcher de penser que si ça appartenait effectivement à l’assassin, il se pourrait qu’elle reprenne la route pour Richmond avant la fin de la journée.

CHAPITRE TROIS

Le charme des petites villes n’avait jamais vraiment convaincu Kate, et c’était pareil pour Estes. Bien sûr, l’endroit était pittoresque et ça devait être agréable d’y passer quelques semaines pendant l’été, mais elle n’aurait jamais pu vivre dans un tel endroit. Elle avait presque pitié de cette petite ville – où tout été centré sur ce lac, qui était certes joli mais très peu connu. Sa renommée était éclipsée par les plages qui se trouvaient à moins d’une heure et demie de route. L’endroit était en pleine crise d’identité et ne semblait même pas en être conscient.

Pendant que DeMarco appelait le shérif du coin, Kate regarda la ville défiler devant ses yeux, en écoutant la conversation de sa coéquipière.

« Il faut envoyer une équipe à la maison de Hammermill Street, » disait DeMarco. « Si l’assassin a été assez courageux pour y dormir et y laisser son plaid, il y a des chances qu’il revienne. Et même si ce n’est pas lui l’assassin, il a peut-être vu ou entendu quelque chose. »

Kate prit un moment pour admirer la manière dont DeMarco abordait son travail. Lors d’affaires précédentes, Kate lui avait de temps en temps laissé un peu de responsabilité, mais elle ne l’avait jamais vue en position de leader. Et elle faisait ça de manière très naturelle, comme si elle avait déjà géré des centaines d’enquêtes avant celle-ci.

Kate entendit sa coéquipière faire de nombreuses suggestions et poser des questions judicieuses. Après un instant, DeMarco hocha légèrement la tête et murmura un rapide « Merci » avant de raccrocher.

« À quoi ressemblent les forces de police dans le coin ? » demanda Kate.

« Elles sont assez bien. Le shérif est une femme d’une cinquantaine d’années qui adore sa ville et qui se comporte de manière très maternelle à son égard. Les policiers que j’ai rencontrés semblent beaucoup l’apprécier. »

« Est-ce que beaucoup d’agents immobiliers ont été interrogés par la police ? »

« Oui, quelques-uns. Le type que nous allons voir maintenant est le seul au sujet duquel le shérif Armstrong avait quelques doutes. Mais elle ne le lui a pas montré, bien sûr. Mais elle m’a demandé d’aller lui parler aujourd’hui. »

« Est-ce qu’elle t’a dit pourquoi elle avait des doutes à son sujet ? »

« Apparemment, lorsqu’ils ont reçu l’appel hier matin concernant la disparition de Bateman, certains des autres agents ont dit qu’il avait l’air un peu trop pressé d’aller jeter un œil. J’ai vérifié ses antécédents et il a été inculpé pour violences conjugales il y a quelques années dans l’état de New York. »

« Ça tient la route que quelqu’un qui soit au courant des maisons en vente puisse être notre assassin, » dit Kate. « Quelqu’un qui sache où se rendaient les agents immobiliers et quand ils seraient seuls. »

Elles roulaient le long de la grand-rue d’Estes. À un moment donné, DeMarco tourna à gauche et elles passèrent devant toute une série de magasins de souvenirs et de restaurants. Au bout de la rue, se trouvait l’agence immobilière Lakeside. Elles se garèrent sur un parking délimité par des traverses et du sable. Kate devait admettre que la manière dont la ville était disposée donnait envie d’aller voir le lac. Bien entendu, elle aurait préféré la plage, mais c’était sûrement un sentiment que les habitants d’Estes devaient avoir de temps en temps.

Elles entrèrent dans un grand vestibule, qui était séparé d’un vaste espace ouvert par un guichet qui faisait toute la largeur de la pièce, avec une petite porte battante au milieu. La femme qui était assise derrière le guichet les accueillit d’un air aimable, en faisant de son mieux pour dissimuler le fait qu’elle venait de prendre une bouchée d’un donut qui était posé à côté d’elle.

« Bonjour, mesdames, » dit la femme. « Comment puis-je vous aider ? »

« Nous voudrions parler à Brett Towers, s’il vous plaît, » dit DeMarco.

« Vous le trouverez à l’arrière, » dit la femme. « À cette heure-ci, il n’y a que lui qui est arrivé. »

Elles se dirigèrent vers l’open space à l’arrière du guichet. Kate veilla à rester derrière DeMarco, pour lui faire comprendre qu’elle avait bien l’intention de lui laisser diriger l’enquête. Comme la réceptionniste le leur avait dit, il n’y avait qu’un seul agent à l’arrière. Cinq bureaux étaient installés dans l’open space, mais un seul était occupé. Un homme – sûrement Brett – y était assis et buvait une gorgée de café en consultant l’écran de son ordinateur. Quand il vit les agents s’approcher, il reposa sa tasse de café.

« Agent DeMarco, c’est bien ça ? » demanda Brett.

« Oui, c’est ça, » dit-elle. « On s’est brièvement parlé au téléphone hier. Voici ma coéquipière, l’agent Wise. »

Ils se serrèrent la main et Brett Towers les invita à s’asseoir sur les chaises qui se trouvaient en face de son bureau. « Dites-moi ce que je peux faire pour vous aider. J’étais très proche de Tamara. Ça faisait six ans qu’on travaillait ensemble dans cette agence, depuis le premier jour où elle a été ouverte. Pendant quelques mois, on était d’ailleurs les seuls agents. »

« Alors vous étiez les premiers agents à travailler pour Lakeside ? » demanda DeMarco.

« Oui, c’est ça. Bien que Tamara soit partie quelques temps chez l’un de nos concurrents, mais ça n’a pas duré longtemps. »

« Vous savez pourquoi elle avait décidé de changer d’agence ? » demanda Kate.

« Elle est partie dans l’agence Crest. Ils lui avaient offert un plus gros salaire, mais elle est revenue après quelques mois. Apparemment, l’ambiance là-bas était trop tendue. Le but était surtout de faire de l’argent, pas spécialement de trouver l’endroit qui correspondrait le mieux aux clients. »

« Est-ce qu’elle avait des critiques à formuler à l’encontre de qui que ce soit ? »

« Non. Et même si ça avait été le cas, elle n’en aurait rien dit. Tamara était une personne vraiment gentille. »

« Monsieur Towers, » dit Kate, « est-ce que vous avez été surpris d’apprendre que Tamara Bateman avait été assassinée ? Est-ce qu’elle a eu un quelconque problème au cours des jours ou des semaines qui ont précédé son meurtre ? »

« Aucun. La police m’a posé exactement la même question. »

Kate remarqua que Towers n’avait pas l’air bien du tout. Il faisait tout son possible pour dissimuler ses émotions et parvenir à répondre à leurs questions. Elle n’aimait pas employer une telle tactique, mais elle se dit que si elle parvenait à le faire craquer, elle pourrait se faire une meilleure idée à son sujet. Elle espérait également que, dans une ville de la taille d’Estes, il serait un petit peu plus facile de trouver un assassin si les réponses à leurs questions étaient motivées par les émotions. Elle savait que ce n’était pas une tactique géniale, mais ça avait tendance à marcher.

« Alors, si j’ai bien compris, vous étiez assez proche de Tamara ? » demanda Kate.

« Oui. »

Elle entendit un tremblement dans sa voix. Il faisait tout son possible pour ne pas craquer et se mettre à pleurer.

« Alors pourquoi êtes-vous venu travailler aujourd’hui ? » demanda DeMarco. « C’est bien vous qui avez découvert le corps, non ? »

« Oui, en effet, » dit-il. Les larmes se mirent enfin à couler sur ses joues. Il serra les dents en essayant de réprimer un sanglot. « Mais nous sommes une toute petite entreprise et nous venons d’avoir un été plutôt chargé. Maintenant qu’elle n’est plus là, il y a une tonne de trucs dont il faut que je m’occupe, sinon on risque de perdre des contrats. »

« Monsieur Towers, » dit DeMarco, « je ne suis pas psy, mais c’est vous qui avez découvert son corps. Ça peut être traumatisant. C’est normal de prendre un peu de temps pour soi… »

« Et j’ai bien l’intention de le faire. Je compte partir du bureau avant dix heures et prendre le reste de la journée libre. C’est pour ça que je suis venu aussi tôt. Ce n’est pas de gaieté de cœur que je fais ça mais avec sa mort, il y a de nombreuses choses dont il faut s’occuper le plus tôt possible. »

« Est-ce que vous pouvez encore répondre à quelques questions ? » demanda DeMarco.

« Bien sûr. La police m’a dit que c’était le deuxième agent assassiné en six jours. Si je peux vous aider à trouver le responsable… alors oui, posez-moi toutes les questions que vous voulez. »

« Que pouvez-vous nous dire au sujet de la maison en question ? » demanda Kate. « Est-ce que c’était une propriété connue pour une raison ou une autre ? »

« Pas que je sache. C’était juste une maison normale. »

« Est-ce que vous connaissiez les gens qui y vivaient ? » demanda DeMarco.

« Pas personnellement, non. C’était la propriété de Tamara et uniquement la sienne. Mais il est probable qu’elle ne les ait jamais rencontrés, car la maison a été vendue à un type qui s’occupe d’acheter et de revendre des propriétés. Je ne me rappelle plus son nom. »

« Ça fait combien de temps que la maison est en vente ? » demanda Kate.

« Elle a été mise en vente dès que le nouveau propriétaire a eu terminé de la remettre à neuf – ça doit faire environ deux semaines, je crois. C’est une maison magnifique – ce qui est plutôt dommage. »

« Dommage ? » demanda DeMarco. « Pourquoi ? »

« Parce que nous sommes obligés de le signaler. Même s’il arrivait qu’un acheteur potentiel ne soit pas au courant du meurtre horrible qui y a été commis, nous sommes obligés de l’en informer. Il sera dès lors beaucoup plus difficile de la vendre. Et actuellement, les maisons de cette taille ont tendance à rester longtemps sur le marché. »

« Monsieur Towers, est-ce que vous savez si Tamara avait un petit-ami ? Elle n’était pas mariée, n’est-ce pas ? »

« Non, en effet. Et je ne pense pas qu’elle sortait avec quelqu’un. Mais elle restait très discrète sur sa vie privée. Alors, si elle avait un petit-ami, je n’étais pas au courant. »

Kate avait vraiment pitié de lui. Il faisait tout son possible pour ne pas s’effondrer, malgré les larmes qui continuaient de couler sur ses joues. Elle ne pensait pas qu’elles obtiendraient beaucoup plus d’informations de lui. Les dossiers et la liste des clients de Tamara leur seraient certainement utiles, mais c’était quelque chose qu’elles pouvaient demander à la réceptionniste en sortant. À ses yeux, Brett Towers avait déjà assez souffert.

Mais Kate préféra ne rien dire. Elle voulait que ce soit DeMarco qui mette un point final à la conversation, vu que c’était son enquête et qu’elle lui avait déjà parlé.

Apparemment, elle pensait la même chose que Kate. DeMarco se leva de sa chaise et Kate suivit le mouvement.

« Merci pour le temps que vous nous avez consacré, monsieur Towers, » dit DeMarco. « Il se pourrait qu’on ait besoin de vous reparler, mais je pense que c’est tout pour l’instant. »

Il hocha la tête et une expression de soulagement lui envahit le visage. En partant, Kate demanda à la réceptionniste de leur envoyer tous les dossiers relatifs aux visites, aux ventes et aux clients de Tamara Bateman.

Quand elles se retrouvèrent à l’extérieur, Kate se dirigea instinctivement vers le côté conducteur. Elle rectifia à la dernière minute et bifurqua sur la droite, vers la portière côté passager.

DeMarco se mit à rire. « C’est OK, Wise. Tu peux conduire et tu peux poser des questions quand on interroge des gens. Je te promets… que je n’aurai pas l’impression que tu marches sur mes plates-bandes. On fait une équipe et ce n’est plus seulement mon enquête. De plus, comme je te le disais tout à l’heure, je suis contente que tu sois là. »

« Ça me fait très plaisir de l’entendre, » dit Kate, en entrant dans la voiture.

C’était la vérité. De tous les gens qui faisaient actuellement partie de sa vie, DeMarco était apparemment la plus facile à satisfaire. Et du coup, Kate en appréciait d’autant plus son travail. Elle avait déjà ressenti ce genre de choses pour des coéquipiers dans le passé et ça avait créé des tensions dans son couple et dans sa relation avec Mélissa. Par conséquent, elle avait toujours fait de son mieux pour garder une certaine distance. Mais depuis qu’elle avait repris le boulot et qu’elle se retrouvait à collaborer avec DeMarco, elle ressentait de nouveau cette proximité.

« Tu veux aller jeter un coup d’œil à l’endroit où la première victime a été assassinée ? » demanda DeMarco.

« J’ai l’impression que tu lis dans mes pensées. »

DeMarco hocha les épaules, d’un air espiègle. « Je me demande parfois si ce ne serait pas effrayant de savoir ce que tu penses. »

« Ça dépend des jours. »

C’était sensé être une boutade mais Kate fut un peu inquiète de se rendre compte qu’il y avait là une bonne part de vérité. Ces six dernières semaines où elle n’avait pas travaillé et où elle n’avait eu que les plaisirs de la vie quotidienne pour la distraire, elle avait eu de bons jours et de mauvais jours – des jours où elle était heureuse de ne pas travailler et d’autres où ça lui manquait terriblement.

Et maintenant qu’elle travaillait à nouveau, c’était presque trop agréable… et elle n’était pas sûre de savoir si c’était une bonne ou une mauvaise chose.

399 ₽
Возрастное ограничение:
0+
Дата выхода на Литрес:
15 апреля 2020
Объем:
231 стр. 3 иллюстрации
ISBN:
9781094305240
Правообладатель:
Lukeman Literary Management Ltd
Формат скачивания:
epub, fb2, fb3, ios.epub, mobi, pdf, txt, zip

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