Читать книгу: «Raison de Redouter », страница 2

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« Vous n’avez certainement pas besoin de moi pour m’occuper de ça », dit Avery. « Rose est une femme adulte et elle peut supporter de se faire rappeler à l’ordre par son propriétaire. »

« Eh bien, ce n’est pas seulement ça. J’ai reçu des appels de sa voisine qui se plaignait des bruits de pleurs bruyants la nuit. Cette même voisine prétend être assez bonne amie avec Rose. Elle dit que Rose n’a pas semblé être elle-même ces derniers temps. Elle dit qu’elle ne cesse de dire que tout est nul et combien la vie est dépourvue de sens. Elle a dit qu’elle s’inquiétait pour Rose. »

« Et qui est cet amie ? », demanda Avery. Il était dur de le repousser, mais elle pouvait se sentir rapidement glisser en mode inspectrice.

« Désolé, mais je ne peux pas dire. Légalement et tout. »

Avery était à peu près certaine que monsieur King avait raison, aussi n’insista-t-elle pas. « Je comprends. Merci de votre appel, monsieur King. Je vais prendre de ses nouvelles tout de suite. Et je veillerai à ce que vous obteniez votre loyer. »

« C’est bon et je vous remercie…mais honnêtement, je suis plus inquiet de ce qui pourrait se passer avec Rose. C’est une bonne fille. »

« Ouais, elle l’est », dit Avery et elle raccrocha.

À ce moment-là, elle était à moins d’un kilomètre de sa nouvelle maison. Elle sélectionna le numéro de Rose et passa un appel tandis qu’elle appuyait un peu plus sur l’accélérateur. Elle était sûre de savoir comment les deux minutes suivantes allaient se dérouler, mais elle éprouvait toujours un espoir cinglant chaque fois que le téléphone sonnait dans son oreille.

Comme elle s’y attendait, elle tomba directement sur la messagerie vocale. Rose n’avait répondu qu’à un de ses appels depuis que son père avait été assassiné et c’était quand elle avait été particulièrement ivre. Avery choisit de ne pas laisser de message, sachant que Rose ne l’écouterait pas, et rappellerait encore moins.

Elle se gara dans son allée, laissa le moteur tourner, et courut à l’intérieur assez longtemps pour se vêtir de quelque chose d’un peu plus présentable. Elle fut de retour dans la voiture trois minutes plus tard, et se dirigea vers Boston. Elle était sûre que Rose serait furieuse que sa mère arrive en ville pour prendre de ses nouvelles, mais Avery ne voyait pas où elle avait le choix, étant donné l’appel de Gary King.

Quand la route devint plus régulière et moins sinueuse, Avery augmenta sa vitesse. Elle ignorait où se situait son avenir vis-à-vis de son ancien emploi, mais elle savait qu’une chose lui manquait dans son travail pour les forces de l’ordre : la possibilité de dépasser la limite de vitesse à chaque fois qu’elle le voulait.

Rose avait des ennuis.

Elle le sentait.

CHAPITRE DEUX

Il était un peu plus d’une heure quand Avery se présenta à la porte de Rose. Elle vivait dans un appartement au rez-de-chaussée dans une partie convenable de la ville. Elle pouvait se le permettre grâce aux pourboires qu’elle recevait en tant que barman dans un bar huppé – un travail qu’elle avait réussi à obtenir avant qu’Avery ne déménage dans son chalet. Son travail avant celui-là avait été un peu moins glamour, serveuse dans un restaurant appartenant à une chaîne tout en faisant du travail d’édition bon marché pour les agences de publicité à côté de son appartement. Avery aurait aimé que Rose se contente de s’atteler à ses études et de les terminer, mais elle savait aussi que plus elle insisterait, moins Rose serait encline à choisir cette voie.

Avery frappa à la porte. Elle savait que Rose était chez elle car sa voiture était garée à un pâté de maisons de là, sur le côté de la rue. Même si cet indice n’avait pas informé Avery, depuis qu’elle avait emménagé toute seule, Rose avait opté pour des emplois aux horaires tardifs pour pouvoir dormir tard et paresser chez elle toute la journée. Elle frappa plus fort quand Rose ne répondit pas et faillit appeler son nom. Elle décida de ne pas le faire, pensant que sa voix serait encore moins bienvenue que celle du propriétaire qu’elle essayait d’esquiver.

Elle pense probablement que c’est moi parce que j’ai essayé d’appeler avant, pensa-t-elle.

Étant donné cela, elle conclut en décidant de faire ce pour quoi elle était la meilleure : négocier.

« Rose », dit-elle en frappant à nouveau. « Ouvre. C’est ta mère. Et il fait froid là dehors. »

Elle attendit un moment et il n’y eut toujours pas de réponse. Au lieu de frapper à nouveau, elle s’approcha calmement de la porte, s’en tenant le plus près possible. Quand elle parla à nouveau, elle éleva la voix juste assez pour être entendue à l’intérieur mais pas assez pour provoquer une scène dans la rue.

« Tu peux continuer à m’ignorer si tu veux mais je continuerai d’appeler, Rose. Et si je veux vraiment m’obséder, souviens-toi de ce que je faisais avant dans la vie. Si je veux savoir où tu es à un moment donné, je le peux. Ou tu peux nous rendre la vie plus facile à toutes les deux et ouvrir la porte. »

Ceci dit, elle frappa à nouveau. Cette fois, on lui répondit en quelques secondes. Rose ouvrit la porte lentement depuis l’autre côté. Elle jeta un regard dehors comme une femme qui ne ferait pas confiance à la personne qui se tenait sur le seuil.

« Qu’est-ce que tu veux, maman ? »

« Entrer une minute ou deux. »

Rose y réfléchit pendant un moment et ouvrit complètement la porte. Avery fit de son mieux pour ne pas prêter trop d’attention au fait que Rose avait perdu du poids. Beaucoup, en fait. Elle avait également teint ses cheveux en noir et les avait lissés.

Avery entra et trouva l’appartement méticuleusement nettoyé. Il y avait un ukulélé sur le canapé, chose qui ne semblait vraiment pas être à sa place. Avery le pointa du doigt et lança un regard interrogateur.

« Je voulais apprendre à jouer de quelque chose », dit Rose. « La guitare prend trop de temps et les pianos sont trop chers. »

« Tu es bonne ? », demanda Avery.

« Je peux jouer cinq accords. Je peux presque jouer toute une chanson. »

Avery hocha de la tête, impressionnée. Elle demanda presque à entendre la chanson, mais pensa que ce serait peut-être trop insister. Elle pensa ensuite à s’asseoir sur le canapé, mais ne voulait pas donner l’impression de prendre ses aises. Elle était presque sûre que Rose ne prolongerait pas cette invitation de toute façon.

« Je vais bien, maman », dit Rose. « Si c’est pour ça que tu es là… »

« Ça l’est », dit Avery. « Et je voulais te parler depuis un moment. Je sais que tu me détestes et me tient pour responsable pour tout ce qui s’est passé. Et ça craint, mais je peux y faire face. Mais aujourd’hui, j’ai reçu un appel de ton propriétaire. »

« Oh mon dieu », dit Rose. « Cet abruti cupide ne me laisse pas tranquille et― »

« Il veut juste son loyer, Rose. Tu l’as ? Tu as besoin d’argent ? »

Rose pouffa à la question. « J’ai gagné trois cents dollars en pourboires la nuit dernière », dit-elle. « Et je fais presque le double en pourboires un samedi soir. Donc non…je n’ai pas besoin d’argent. »

« Bien. Mais…eh bien, il dit aussi qu’il s’inquiète pour toi. Qu’il a entendu parler de certaines choses que tu avais dites. Maintenant ne me raconte pas d’histoires, Rose. Comment vas-tu, vraiment ? »

« Vraiment ? », demanda Rose. « Comment je vais vraiment ? Eh bien, mon père me manque. Et j’ai presque été tuée par le même connard qui l’a tué. Et même si tu me manques aussi, je ne peux même pas penser à toi sans me souvenir de la manière dont il est mort. Je sais que c’est tordu, mais chaque fois que je pense à papa et à sa mort, ça me fait te détester. Et ça me fait réaliser que depuis que tu t’es vraiment plongée dans le métier d’inspectrice, ma vie en a souffert pour une raison ou pour une autre. »

C’était difficile à entendre pour Avery, mais elle savait aussi que cela aurait pu être bien pire.

« Comment dors-tu ? », demanda-t-elle. « Et comment manges-tu ? Rose…combien de poids as-tu perdu ? »

Rose secoua la tête et commença à marcher vers la porte. « Tu as demandé comment j’allais et je t’ai répondu. Suis-je heureuse ? Bon sang non. Mais je ne suis pas du genre à faire quelque chose de stupide, maman. Quand ça passera, tout ira bien. Et ça va passer. Je sais que ce sera le cas. Mais si ça doit passer, je ne peux pas t’avoir dans les parages. »

« Rose, c’est— »

« Non. Maman…tu es toxique pour moi. Je sais que tu as vraiment essayé d’arranger les choses entre nous – tu essayes depuis plusieurs années maintenant. Mais ça ne fonctionne pas et je ne pense pas que ça fonctionnera compte tenu des événements récents. Alors…s’il te plaît pars. Pars et arrête d’appeler. »

« Mais Rose, c’est— »

Rose éclata alors en sanglots, ouvrit la porte et cria. « Maman, pourrais-tu s’il te plaît juste partir, putain ? »

Rose regarda ensuite le sol, étouffant ses sanglots. Avery lutta pour étouffer les siens tandis qu’elle obéissait aux souhaits de sa fille. Elle passa près d’elle, se retint douloureusement de la serrer dans ses bras ou de lui faire valoir un dernier argument. Finalement, elle passa simplement la porte et sortit dans le froid.

Mais la porte claquant violemment derrière elle fut peut-être la chose la plus froide de toutes.

***

Avery pleurait avant d’avoir pu démarrer sa voiture. Le temps d’être à nouveau sur la route et de prendre la direction de sa nouvelle maison, elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour retenir une série de sanglots qui lui serraient la poitrine. Pendant que les larmes coulaient sur son visage, elle réalisa qu’elle avait plus pleuré au cours des quatre derniers mois que pendant toutes les années précédentes. D’abord il y avait eu la mort de Jack, puis celle de Ramirez. Et maintenant ça.

Peut-être Rose avait-elle raison. Peut-être était-elle toxique. Parce qu’en y réfléchissant bien, les morts de Jack et Ramirez étaient de sa faute. Sa carrière ambitieuse avait mené le tueur à ceux qu’elle aimait le plus et, à ce titre, ils avaient été pris pour cible.

Et cette même carrière avait repoussé Rose. Peu importait le fait que la carrière en question soit terminée. Elle avait pris sa retraite peu de temps après les funérailles de Ramirez et même si elle savait que Connelly et O’Malley lui laissaient une porte dérobée d’ouverte, c’était une invitation qu’elle savait qu’elle n’accepterait jamais.

Elle s’engagea dans son allée, gara la voiture et entra avec des larmes coulant encore sur son visage. Le triste fait était que si elle abandonnait complètement sa carrière, sa vie serait vide. Son futur mari avait été tué, un ex-mari avec qui elle avait été en bons termes avait disparu, et maintenant, la seule survivante de son passé, sa fille, ne voulait rien avoir à faire avec elle.

Et plutôt que de réparer tout ça, qu’as-tu fait ? demanda une petite partie d’elle. Elle ressemblait presque à la voix de Ramirez, qui faisait remarquer combien elle aggravait les choses. Tu as quitté la ville et tu t’es retirée dans les bois. Plutôt que d’affronter la douleur et une vie qui a été bouleversée, tu t’es enfuie et tu as passé quelques jours à boire jusqu’à plonger dans l’oubli. Alors que vas-tu faire maintenant ? Fuir à nouveau ? Ou est-ce que tu ne devrais pas plutôt régler ça ?

De retour à l’intérieur du chalet, toutefois, elle se sentit plus en sécurité qu’elle ne l’avait été pendant qu’elle se tenait à la porte de Rose. Cela parut diminuer la douleur cinglante de voir sa fille lui claquer la porte au nez. Oui, cela lui donnait l’impression d’être une lâche mais elle ne savait tout simplement pas comment y faire face.

Elle a raison, pensa Avery. Je suis toxique pour elle. Au cours des dernières années, je n’ai rien fait d’autre que rendre sa vie beaucoup plus difficile. Ça a commencé quand j’ai fait passer ma carrière avant son père puis ça a encore empiré quand, peu importe mes efforts, la carrière l’a emporté sur elle aussi. Et nous voilà à nouveau brouillées, alors même que la carrière a disparu.

Et c’est parce qu’elle me tient pour responsable pour le meurtre de son père.

Et elle n’a pas tout à fait tort à ce sujet.

Elle marcha lentement vers le lit qu’elle devait encore complètement assembler. Son coffre-fort personnel était là, reposant parmi la tête de lit et le sommier à ressorts. En l’ouvrant, elle pensa au moment où elle était entrée dans le salon de Jack, où elle avait retrouvé son corps. Elle pensa à Ramirez à l’hôpital, déjà gravement blessé avant d’avoir été tué.

Ses mains étaient salies par tout cela. Et elle ne pourrait jamais les en laver.

Elle tendit la main vers le coffre et sortit son Glock. Il semblait familier entre ses mains, comme un vieil ami.

Les larmes coulaient encore quand elle s’adossa contre la tête de lit. Elle regarda le pistolet, l’examina. Lui ou un autre tout comme avait été sur sa hanche ou dans son dos pendant près de deux décennies, plus proche d’elle que ne l’avait jamais été un autre humain. Donc cela ne parut que trop naturel quand elle le porta à la chair molle sous son menton. Son contact était froid mais assuré.

Elle laissa échapper un sanglot tandis qu’elle le positionnait, s’assurant que la balle traverserait avec le meilleur angle. Son doigt trouva la gâchette et trembla contre elle.

Elle se demanda si elle entendrait la détonation avant qu’elle soit partie et, si c’était le cas, si elle serait aussi forte que le bruit de Rose claquant la porte derrière elle.

Son doigt s’enroula autour de la détente et elle ferma les yeux.

La sonnette retentit, la faisant sursauter.

Son doigt se détendit et tout son corps se relâcha. Le Glock tomba dans un cliquetis par terre.

Presque, pensa-t-elle alors que son cœur pompait une tonne d’adrénaline dans son sang. Un autre quart de seconde et ma cervelle aurait été partout sur le mur.

Elle baissa les yeux sur le Glock et le repoussa comme s’il s’agissait d’un serpent venimeux. Elle enfouit sa tête dans ses mains et essuya ses larmes.

Tu as failli te tuer, dit la voix qui était peut-être ou peut-être pas Ramirez. Cela ne te fait-il pas te sentir comme une lâche ?

Elle balaya cette idée quand elle se leva et se dirigea vers la porte d’entrée. Elle n’avait aucune idée de qui cela pouvait être. Elle osait espérer que c’était Rose mais elle savait que ce ne serait pas le cas. Rose ressemblait beaucoup à sa mère à cet égard – têtue à l’excès.

Elle ouvrit la porte et ne trouva personne. Elle vit cependant l’arrière d’un camion UPS quitter son allée. Elle baissa les yeux sur la véranda et vit une petite boîte. Elle la ramassa, et y lut son propre nom ainsi que sa nouvelle adresse rédigés avec une écriture très soignée. L’adresse de l’expéditeur ne comportait aucun nom, juste un cachet de New York.

Elle la prit à l’intérieur et l’ouvrit lentement. La boîte ne pesait rien et, quand elle l’ouvrit, elle trouva un journal en boule. Elle enleva tout et découvrit une seule chose qui l’attendait au fond.

C’était une seule feuille de papier, pliée en deux. Elle la déplia, et quand elle lut le message à l’intérieur, son cœur s’arrêta pendant un instant.

Et juste ainsi, Avery ne ressentit plus le besoin de se suicider.

Elle lut le message encore et encore, essayant de lui donner un sens. Son esprit travaillait dessus, cherchant une réponse. Et avec une telle chose à résoudre, la seule idée de mourir avant que ce ne soit élucidé était hors de question.

Elle s’assit sur le canapé et fixa le papier, le lisant encore et encore.

Qui êtes-vous, Avery ?

– Bien à vous,

Howard

CHAPITRE TROIS

Les jours suivants, Avery continua à toucher la zone sous son menton, là où elle avait placé le canon de l’arme. Elle paraissait irritée, comme une piqûre d’insecte. Chaque fois qu’elle allait se coucher pour dormir et que son cou s’étirait quand sa tête touchait l’oreiller, cette zone lui semblait exposée et vulnérable.

Elle allait devoir faire face au fait qu’elle avait traversé une très mauvaise passe. Même si elle en avait finalement été arrachée, elle l’avait connue. Ce serait pour toujours une souillure dans ses souvenirs et il semblait que les nerfs même dans sa chair voulaient s’assurer qu’elle ne l’oublierait pas.

Pendant les trois jours qui suivirent son quasi suicide, elle fut plus déprimée qu’elle ne l’avait jamais été dans sa vie. Elle passa ces jours-là en boule sur son canapé. Elle essaya de lire mais ne pouvait pas se concentrer. Elle essaya de se motiver pour aller courir, mais se sentait trop fatiguée. Elle ne cessait de regarder la lettre de Howard, la manipulant tant que le papier commençait à se plisser.

Elle cessa sa consommation excessive d’alcool après avoir reçu la lettre d’Howard. Lentement, comme une chenille, elle commença à sortir de son cocon d’apitoiement sur son propre sort. Elle se mit lentement à faire de l’exercice. Elle faisait également des mots croisés et des Sudoku juste pour garder son esprit aiguisé. Sans travail, et en sachant qu’elle avait assez d’argent pour vivre une année sans avoir à s’inquiéter de rien, il était très facile de tomber dans un état d’esprit paresseux.

Mais le colis d’Howard avait gommé cette léthargie en elle. Elle avait maintenant un mystère à résoudre qui la mettait au travail. Et quand Avery Black se mettait à la tâche, il n’y avait pas de fin jusqu’à ce qu’elle soit résolue.

Moins d’une semaine après avoir reçu la lettre, ses journées glissèrent dans une forme de routine. C’était toujours la routine d’une ermite, mais sa routine seule la faisait se sentir normale. Elle lui donnait l’impression qu’il pouvait y avoir quelque chose pour laquelle il valait la peine de vivre. Une structure. Des défis intellectuels. C’étaient les choses qui l’avaient toujours inspirée et c’est ce qu’elles firent au cours de semaines suivantes

Ses matinées commençaient à sept heures. Elle partait courir tout de suite, décrivant un trajet vivifiant de trois kilomètres à travers les routes secondaires autour du chalet, pour cette première semaine. Elle rentrait chez elle, prenait son petit-déjeuner et examinait de vieux dossiers. Elle avait plus de cent dossiers personnels, tous résolus. Mais elle les parcourait pour se tenir occupée et pour se rappeler que parmi les échecs qui s’étaient produits vers la fin, elle avait aussi connu plus que quelques succès.

Elle passait ensuite une heure à déballer ses cartons et à ranger. Suivait ensuite le déjeuner puis soit un mot croisé soit un casse-tête quelconque. Elle exécutait ensuite un simple enchaînement d’exercices dans la chambre – juste une séance rapide d’abdominaux, de redressements assis, de planches et d’autres exercices pour la ceinture abdominale. Elle passait ensuite un peu de temps à regarder les dossiers de sa dernière affaire – l’affaire qui avait fini par prendre les vies de Jack et Ramirez. Certains jours, elle les feuilletait pendant dix minutes, d’autres jours elle les étudiait pendant deux heures.

Qu’est ce qui avait mal tourné ? Qu’avait-elle manqué au début ? Aurait-elle survécu à l’affaire s’il n’y avait pas eu l’intervention d’Howard Randall en coulisses ?

Puis venait le dîner, un peu de lecture, un peu plus de nettoyage, et au lit. C’était une routine monotone, mais c’était une routine tout de même.

Il fallut deux mois pour que le chalet soit propre et en ordre. À ce moment-là, sa course de trois kilomètres s’était transformée en une de huit kilomètres. Elle ne regardait plus les anciens dossiers ou le contenu du dernier. Au lieu de cela, elle avait pris l’habitude de lire des livres qu’elle avait achetés sur Amazon et qui contenaient des enquêtes policières tirées de la vie réelle et des procédures policières non fictives. Elle avait aussi ajouté au mélange des livres concernant les évaluations psychologiques de certains des tueurs en série les plus connus de l’histoire.

Elle n’était que partiellement consciente qu’il s’agissait de sa façon de combler le vide que son travail avait autrefois rempli. Au fur et à mesure qu’elle s’en rendait de plus en plus compte, elle ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur son avenir.

Un matin, alors qu’elle courait autour de Walden Pond, le froid lui brûlant les poumons d’une manière qui était plus agréable qu’insoutenable, cela la frappa un peu plus fort qu’auparavant. Son esprit tournait en boucle autour des questions sur l’arrivée du colis d’Howard Randall.

D’abord, comment savait-il où elle vivait ? Et depuis combien de temps en était-il informé ? Elle avait vécu en supposant qu’il était mort quand il était tombé dans la baie la nuit où cette dernière terrible affaire s’était achevée. Bien que son corps n’ait jamais été retrouvé, on avait spéculé à l’envi qu’il avait effectivement été abattu par un policier sur les lieux avant de tomber l’eau. Alors qu’elle faisait sa boucle, elle essaya de mettre en place une série d’étapes pour comprendre où il se trouvait et pourquoi il l’avait contactée avec un message étrange : Qui êtes-vous ?

Le colis venait de New York mais il est évident qu’il est resté autour de Boston. Sinon, comment saurait-il que j’ai déménagé ? Par quelle autre manière pourrait-il savoir où je vis ?

Ceci, bien sûr, évoqua à son esprit des images de Randall caché parmi ces arbres avec les yeux rivés sur son chalet.

C’est bien ma chance, pensa-t-elle. Toutes les autres personnes dans ma vie sont mortes ou ont coupé les ponts avec moi. Il est logique qu’un tueur reconnu coupable soit le seul qui semble se soucier de moi.

Elle savait que le paquet en lui-même n’offrirait aucune réponse. Elle savait déjà quand il avait été envoyé et d’où. Ce n’était vraiment que Randall qui la taquinait, lui faisant savoir qu’il était encore en vie, en liberté, et qu’il s’intéressait à elle d’une manière ou d’une autre.

Le colis était dans son esprit lorsqu’elle revint de sa course. Tandis qu’elle enlevait ses gants et son bonnet, les joues roses et desséchées en raison du froid, elle se dirigea vers l’endroit où elle avait conservé la boîte. Elle l’avait entièrement examinée à la recherche d’indices ou de petites significations cachées par Randall, mais n’en avait trouvé aucun. Elle avait aussi fini bredouilles quand elle avait parcouru le journal en boule. Elle avait lu tous les articles sur le papier froissé et rien n’avait semblé en valoir la peine. Il n’avait été qu’un remplissage . Bien sûr, cela ne l’avait pas empêché de relire sans relâche plusieurs fois chaque mot sur ces pages.

Elle tapotait anxieusement la boîte quand son portable sonna. Elle l’attrapa sur la table de la cuisine et regarda fixement le numéro à l’écran pendant un moment. Elle sourit avec hésitation et essaya d’ignorer le bonheur qui essayait de poindre dans son cœur.

C’était Connelly.

Ses doigts se figèrent un instant car elle ne savait honnêtement pas quoi faire. S’il avait appelé il y avait deux ou trois semaines de ça, elle aurait simplement ignoré l’appel. Mais maintenant…eh bien, quelque chose était différent à présent, non ? Et même si elle détestait l’admettre, elle supposait qu’elle devait remercier Howard Randall et sa lettre pour cela.

Au dernier moment, avant que son téléphone ne bascule sur la messagerie vocale, elle répondit.

« Eh, Connelly », dit-elle.

Il y eut une longue pause à l’autre bout du fil avant que Connelly ne réponde. « Salut, Black. Je…eh bien, je vais être honnête. Je m’attendais à devoir parler à votre répondeur. »

« Désolée de vous décevoir. »

« Oh, c’est rien. Je suis content d’entendre votre voix. Ça fait trop longtemps. »

« Ouais, ça commence à donner cette impression là. »

« Dois-je comprendre que vous regrettez votre retraite bien trop anticipée ? »

« Non, je n’irais pas jusque là. Comment ça va ? »

« Les choses vont bien. Je veux dire, il y a un vide au commissariat qui était rempli par vous et Ramirez, mais nous sommes en train de le combler. Finley se perfectionne vraiment. Il travaille très étroitement avec O’Malley. Je pense que Finley, entre vous et moi, il l’a pris personnellement quand vous avez démissionné. Et il a décidé que si quelqu’un devait prendre votre place, alors bon sang, il vaudrait mieux que ce soit lui. »

« C’est bon à entendre. Dites-lui qu’il me manque. »

« Eh bien, j’espérais que vous viendrez le lui dire vous-même », dit Connelly.

« Je ne pense pas être prête pour venir vous rendre visite pour le moment », dit-elle.

« D’accord, alors je n’ai jamais été doué pour les bavardages », dit Connelly. « Je vais aller droit au but. »

« C’est là que vous êtes le meilleur », dit-elle.

« Écoutez…nous avons une affaire― »

« Arrêtez là », dit-elle. « Je ne vais pas revenir. Pas maintenant. Probablement jamais, même si je ne l’exclurais pas complètement. »

« Écoutez-moi pour celle-ci, Black », dit-il. « Attendez d’entendre les détails. En fait, vous les avez probablement déjà entendus. Celle-ci est partout aux informations. »

« Je ne regarde pas les informations », dit-elle. « Bon sang, je n’utilise l’ordinateur que pour Amazon. Je ne me souviens pas de la dernière fois que j’ai lu un gros titre. »

« Eh bien, c’est très étrange et il semble que nous ne parvenions pas à l’élucider. O’Malley et moi avons passé une fin de soirée hier à boire et nous avons décidé que nous devions vous appeler. Ce n’est pas seulement moi qui vous cire les pompes et essaye de vous convaincre…mais vous êtes la seule personne qui nous est venue à l’esprit et qui pourrait peut-être la résoudre. Si vous n’avez pas vu les nouvelles, je peux vous dire que c’est… »

« La réponse est non, Connelly », dit-elle en l’interrompant. « J’apprécie la pensée et le geste, mais non. Si jamais je suis prête à discuter d’un retour, je vous appellerai. »

« Un homme est mort, Avery, et le tueur pourrait ne pas avoir fini », dit-il.

Pour une raison quelconque, l’entendre utiliser son prénom la piqua un peu. « Je suis désolée, Connelly. Assurez-vous de dire à Finley que je lui passe le bonjour. »

Et sur ce, elle raccrocha. Elle regarda le téléphone bras croisés, en se demandant si elle venait de commettre une énorme erreur. Elle mentirait si elle se disait que l’idée de retourner au travail n’avait pas suscité quelques frissons. Même entendre la voix de Connelly lui avait fait désirer cette partie là de son ancienne vie.

Tu ne peux pas, se dit-elle. Si tu retournes au travail maintenant, tu dis en gros à Rose que tu te fous d’elle. Et tu courrais directement dans les bras de la créature qui t’a mise là où tu es actuellement.

Elle se leva et regarda par la fenêtre. Elle scruta les arbres, l’épais voile d’ombres diurnes entre eux, et pensa à la lettre d’Howard Randall.

À la question d’Howard Randall.

Qui êtes-vous ?

Elle commençait à penser qu’elle n’était pas exactement sûre de la réponse. Et peut-être qu’être sans son travail dans sa vie en était la raison.

***

Elle brisa sa routine cet après-midi là pour la première fois depuis qu’elle l’avait établie. Elle conduisit jusqu’à South Boston, au cimetière St. Augustine. C’était un endroit qu’elle avait évité depuis le déménagement, pas seulement à cause de la culpabilité, mais parce qu’il semblait que la force cruelle qui manipulait le destin lui avait délivré un coup terrible. Ramirez et Jack étaient tous deux été enterrés dans le cimetière St. Augustine et même s’ils étaient à plusieurs rangées l’un de l’autre, cela n’avait pas d’importance pour Avery. En ce qui la concernait, la connexion entre ses échecs et son chagrin se trouvait dans cette bande de terre verte et elle ne voulait rien à voir avec tout cela.

C’est pourquoi il s’agissait de sa première visite depuis les funérailles. Elle resta assise dans la voiture pendant un moment, à regarder vers la tombe de Ramirez. Elle sortit lentement du véhicule et se dirigea vers l’endroit où l’homme qu’elle avait été prête à épouser avait été inhumé. La pierre tombale était modeste. Quelqu’un y avait récemment placé un bouquet de fleurs blanches – probablement sa mère – qui allait dépérir et mourir dans ce froid, probablement le jour suivant.

Elle ne savait pas quoi dire et supposa que c’était normal. Si Ramirez avait conscience qu’elle était là et s’il pouvait entendre ce qu’elle pouvait dire (et une grande partie d’Avery pensait que c’était le cas), il saurait qu’elle n’avait jamais été douée pour les sentiments. Il était probablement abasourdi, même dans n’importe quel endroit céleste qu’il occupait, qu’elle soit là.

Elle mit la main dans sa poche et sortit la bague que Ramirez avait eu l’intention de lui passer un jour au doigt.

« Tu me manques », dit-elle. « Tu me manques et je suis tellement…tellement perdue. Et il n’y a pas besoin de te mentir…ce n’est pas seulement parce que tu es parti. Je ne sais pas ce que faire de moi-même. Ma vie est en train de s’effondrer et la seule chose dont je sais qu’elle la rendra quelque peu stable – le travail – est probablement la pire vers laquelle je puisse me tourner. »

Elle essaya de l’imaginer là avec elle. Que lui dirait-il s’il le pouvait ? Elle sourit quand elle l’imagina lui adresser un de ses froncements de sourcils sarcastiques. Prends sur toi et fais-le. C’est ce qu’il dirait. Bouge toi, remets toi au travail et reprend ce qu’il reste de ta vie en main.

« Tu n’aides pas », dit-elle avec sa propre petite expression sarcastique. Cela l’effrayait un peu que le fait de lui parler à travers sa tombe lui semble presque naturel. « Tu me dirais de retourner au travail et de résoudre les choses à partir de là, n’est-ce pas ? »

Elle regarda fixement la pierre tombale, comme si elle voulait qu’elle lui réponde. Une unique larme sortit du coin de son œil droit. Elle l’essuya tandis qu’elle se détournait et se dirigeait vers la tombe de Jack. Il avait été enterré de l’autre côté du cimetière, qu’elle pouvait à peine voir d’où elle se trouvait. Elle prit le petit chemin qui traversait les pelouses, profitant du silence. Elle ne prêta aucune attention aux quelques autres personnes qui étaient là pour rendre hommage et pleurer, les laissant à leur vie privée.

399 ₽
Возрастное ограничение:
16+
Дата выхода на Литрес:
10 октября 2019
Объем:
251 стр. 2 иллюстрации
ISBN:
9781640294745
Правообладатель:
Lukeman Literary Management Ltd
Формат скачивания:
epub, fb2, fb3, ios.epub, mobi, pdf, txt, zip

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