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Читать книгу: «Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 2», страница 8

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20. – LE MONDE RENVERSÉ

18 Avril 1847.

Un navire arriva au Havre, ces jours-ci, après un long voyage.

Un jeune officier, quelque peu démocrate, débarque, et rencontrant un de ses amis: Oh! des nouvelles, des nouvelles! lui dit-il, j'en suis affamé.

– Et nous, nous sommes affamés aussi. Le pain est hors de prix. Chacun emploie à s'en procurer tout ce qu'il gagne; l'énorme dépense qui en résulte arrête la consommation de tout ce qui n'est pas subsistance, en sorte que l'industrie souffre, les ateliers se ferment, et les ouvriers voient baisser leurs salaires en même temps que le pain renchérit.

– Et que disent les journaux?

– Ils ne sont pas d'accord. Les uns veulent laisser entrer le blé et la viande afin que le peuple soit soulagé, que les aliments baissent de prix, que toutes les autres consommations reprennent, que le travail soit ranimé et que la prospérité générale renaisse; les autres font à la libre entrée des subsistances une guerre ouverte ou sourde, mais toujours acharnée.

– Et quels sont les journaux pour et contre?

– Devine.

– Parbleu! le journal des Débats défend les gros propriétaires, et le National le peuple.

– Non, les Débats réclament la liberté et le National la combat.

– Qu'entends-je? que s'est-il donc passé?

– Les mariages espagnols.

– Qu'est-ce que les mariages espagnols, et quel rapport ont-ils avec les souffrances du peuple?

– Un prince français a épousé une princesse espagnole. Cela a déplu à un homme qui s'appelle lord Palmerston. Or, le National accuse les Débats de vouloir ruiner tous les propriétaires français pour apaiser le courroux de ce lord. – Et le National, qui est très-patriote, veut que le peuple de France paye le pain et la viande cher pour faire pièce au peuple d'Angleterre.

– Quoi! c'est ainsi qu'on traite la question des subsistances?

– C'est ainsi que, depuis ton départ, on traite toutes les questions.

21. – SUR L'EXPORTATION DU NUMÉRAIRE

11 Décembre 1847.

À l'occasion de la situation financière et commerciale de la Grande-Bretagne, le National s'exprime ainsi:

«La crise a dû être d'autant plus violente, que les produits étrangers, les céréales, ne s'échangeaient pas contre des produits anglais. La balance entre les importations et les exportations était toute au désavantage de la Grande-Bretagne, et la différence se soldait en or. Il y aurait lieu, à cette occasion, d'examiner la part de responsabilité qui revient au libre-échange dans ce résultat; mais nous nous réservons de le faire plus tard. Contentons-nous de constater aujourd'hui que cette vieillerie qu'on appelle la balance du commerce, si dédaignée, si méprisée, du reste, par certaine école économiste, mérite cependant qu'on y prenne garde; et la Grande-Bretagne, en comparant ce qu'elle a reçu à ce qu'elle a envoyé depuis un an, doit s'apercevoir que les plus belles théories ne peuvent rien contre ce fait très-simple: quand on achète du blé en Russie, et que la Russie ne prend pas en échange du calicot anglais, il faut payer bel et bien ce blé en argent. Or, le blé consommé, l'argent exporté, que reste-t-il à l'acheteur? Son calicot, peut-être, c'est-à-dire une valeur dont il ne sait que faire et qui dépérit entre ses mains.»

Nous serions curieux de savoir si le National regarde en effet la balance du commerce comme une vieillerie, ou si cette expression, prise dans un sens ironique, a pour objet de railler une certaine école qui se permet de regarder, en effet, la balance du commerce comme une vieillerie. «La question vaut la peine qu'on y prenne garde,» dit le National. Oui, certes, elle en vaut la peine, et c'est pour cela que nous aurions voulu que cette feuille fût un peu plus explicite.

Il est de fait que chaque négociant, pris isolément, fort attentif à sa propre balance, ne se préoccupe pas le moins du monde de la balance générale du commerce. Or, il est à remarquer que ces deux balances apprécient les choses d'une manière si opposée, que ce que l'une nomme perte, l'autre l'appelle profit, et vice versâ.

Ainsi, le négociant qui a acheté en France pour 10,000 fr. de vin, et l'a vendu pour le double de cette somme aux États-Unis, recevant en payement et faisant entrer en France 20,000 fr. de coton, croit avoir fait une bonne affaire. – Et la balance du commerce enseigne qu'il a perdu son capital tout entier.

On conçoit combien il importe de savoir à quoi s'en tenir sur cette doctrine; car, si elle est juste, les négociants tendent invinciblement à se ruiner, à ruiner le pays, et l'État doit s'empresser de les mettre tous en tutelle, – ce qu'il fait.

Ce n'est pas le seul motif qui oblige tout publiciste digne de ce nom à se faire une opinion sur cette fameuse balance du commerce; car, selon qu'il y croit ou non, il est conduit nécessairement à une politique toute différente.

Si la théorie de la balance du commerce est vraie, si le profit national consiste à augmenter la masse du numéraire, il faut peu acheter au dehors, afin de ne pas laisser sortir des métaux précieux, et beaucoup vendre, afin d'en faire entrer. Pour cela, il faut empêcher, restreindre et prohiber. Donc, point de liberté au dedans; – et comme chaque peuple adopte les mêmes mesures, il n'y a d'espoir que dans la force pour réduire l'étranger à la dure condition de consommateur ou tributaire. De là les conquêtes, les colonies, la violence, la guerre, les grandes armées, les puissantes marines, etc.

Si, au contraire, la balance du négociant est un thermomètre plus fidèle que la balance du commerce, – pour toute valeur donnée sortie de France, – il est à désirer qu'il entre la plus grande valeur possible, c'est-à-dire que le chiffre des importations surpasse le plus possible dans les états de douane, le chiffre des exportations. Or, comme tous les efforts des négociants ont ce résultat en vue, – dès qu'il est conforme au bien général, il n'y a qu'à les laisser faire. La liberté et la paix sont les conséquences nécessaires de cette doctrine.

L'opinion que l'exportation du numéraire constitue une perte étant très-répandue, et selon nous très-funeste, qu'il nous soit permis de saisir cette occasion d'en dire un mot.

Un homme qui a un métier, par exemple un chapelier, rend des services effectifs à ses pratiques. Il garantit leur tête du soleil et de la pluie, et, en récompense, il entend bien recevoir à son tour des services effectifs en aliments, vêtements, logements, etc. Tant qu'il garde les écus qui lui ont été donnés en payement, il n'a pas encore reçu ces services effectifs. Il n'a entre les mains pour ainsi dire que des bons qui lui donnent droit à recevoir ces services. La preuve en est que s'il était condamné, dans sa personne et sa postérité, à ne jamais se servir de ces écus, il ne se donnerait certes pas la peine de faire des chapeaux pour les autres. Il appliquerait son propre travail à ses propres besoins. Par où l'on voit que, par l'intervention de la monnaie, le troc de service contre service se décompose en deux échanges. On rend d'abord un service contre lequel on reçoit de l'argent, et l'on donne ensuite l'argent contre lequel on reçoit un service. Ce n'est qu'alors que le troc est consommé.

Il en est ainsi pour les peuples.

Quand il n'y a pas de mines d'or et d'argent dans un pays, comme c'est le cas pour la France et l'Angleterre, il faut nécessairement rendre des services effectifs aux étrangers pour recevoir leur numéraire. On les nourrit, on les abreuve, on les meuble, etc.; mais tant qu'on n'a que leur numéraire, on n'a pas encore reçu d'eux les services effectifs auxquels on a droit. Il faut bien en arriver à la satisfaction des besoins réels, en vue de laquelle on a travaillé. La présence même de cet or prouve que la nation a satisfait au dehors des besoins réels et qu'elle est créancière de services équivalant à ceux qu'elle a rendus. Ce n'est donc qu'en exportant cet or contre des produits consommables qu'elle est efficacement payée de ses travaux. (V. tome V, p. 64 et suiv.)

En définitive, les nations entre elles, comme les individus entre eux, se rendent des services réciproques. Le numéraire n'est qu'un moyen ingénieux de faciliter ces trocs de services. Entraver directement ou indirectement l'exportation de l'or, c'est traiter le peuple comme on traiterait ce chapelier à qui l'on défendrait de jamais retirer de la société, en dépensant son argent, des services aussi efficaces que ceux qu'il lui a rendus.

Le National nous oppose la crise actuelle de l'Angleterre; mais le National tombe dans la même erreur que la Presse, en parlant de l'exportation du numéraire, sans tenir compte de la perte des récoltes, sans même la mentionner.

Le jour où les Anglais, après avoir labouré, hersé, ensemencé leurs champs, ont vu leurs blés détruits et leurs pommes de terre pourries, ce jour-là, il a été décidé qu'ils devaient souffrir d'une manière ou d'une autre. La forme sous laquelle cette souffrance devait naturellement se présenter, vu la nature du phénomène, c'était l'inanition. Heureusement pour eux, ils avaient autrefois rendu des services aux peuples contre ces bons, qu'on appelle monnaies, et qui donnent droit à recevoir, en temps opportun, l'équivalent de ces services. Ils en ont profité dans cette circonstance. Ils ont rendu l'or et reçu du blé; et la souffrance, au lieu de se manifester sous forme d'inanition, s'est manifestée sous forme d'appauvrissement, ce qui est moins dur. Mais cet appauvrissement, ce n'est pas l'exportation du numéraire qui en est cause, c'est la perte des récoltes.

C'est absolument comme le chapelier dont nous parlions tout à l'heure. Il vendait beaucoup de chapeaux, et, se soumettant à des privations, il réussit à accumuler de l'or. Sa maison brûla. Il fut bien obligé de se défaire de son or pour la reconstruire. Il en resta plus pauvre. Fut-ce parce qu'il s'était défait de son or? Non, mais parce que sa maison avait brûlé. – Un fléau est un fléau. Il ne le serait pas si l'on était aussi riche après qu'avant.

«Le blé consommé, l'argent exporté, que reste-t-il à l'acheteur?» demande le National. – Il lui reste de n'être pas mort de faim, ce qui est quelque chose.

Nous demanderons à notre tour: Si l'Angleterre n'eût consommé ce blé et exporté cet argent, que lui resterait-il? des cadavres26.

22. – DU COMMUNISME

27 Juin 1847.

Les préjugés économiques ne sont peut-être pas le plus grand obstacle que rencontrera la liberté commerciale. Entre hommes qui diffèrent d'opinion sur un point, à la vérité fort important, d'économie politique, la discussion est possible, et la vérité finit toujours par jaillir de la discussion.

Mais il est des systèmes si complétement étrangers à toutes les notions reçues, qu'entre eux et la science il ne se trouve pas un terrain commun qui puisse servir de point de départ au débat.

Tel est le communisme, tels sont les systèmes qui n'admettent pas la propriété, et ceux qui reposent sur cette donnée: que la société est un arrangement artificiel imaginé et imposé par un homme qu'on appelle législateur, fondateur des États, père des nations, etc.

Sur ces systèmes, l'observation des faits et l'expérience du passé n'ont pas de prise. L'inventeur s'enferme dans son cabinet, ferme les rideaux des croisées et donne libre carrière à son imagination. Il commence par admettre que tous les hommes, sans exception, s'empresseront de se soumettre à la combinaison sociale qui sortira de son cerveau, et, ce point admis, rien ne l'arrête. On conçoit que le nombre de ces combinaisons doit être égal au nombre des inventeurs, tot capita, tot sensus. On conçoit encore qu'elles doivent présenter entre elles des différences infinies.

Elles ont cependant un point commun. Comme toutes supposent l'acquiescement universel, toutes visent aussi à réaliser la perfection idéale. Elles promettent à tous les hommes, sans distinction, un lot égal de richesses, de bonheur et même de force et de santé. Il est donc assez naturel que les hommes, qui ont bu à la coupe de ces rêves illusoires, repoussent les réformes partielles et successives, dédaignent cette action incessante que la société exerce sur elle-même pour se délivrer de ses erreurs et de ses maux. Rien ne peut les contenter de ce qui laisse aux générations futures quelque chose à faire.

Notre époque est fertile en inventions de ce genre. Chaque matin en voit éclore, chaque soir en voit mourir. Elles sont trop irréalisables pour être dangereuses en elles-mêmes; leur plus grand tort est de détourner des saines études sociales une somme énorme d'intelligences.

Pourtant, parmi ces systèmes, il en est un qui menace véritablement l'ordre social, car il est d'une grande simplicité apparente, et, à cause de cette simplicité même, il envahit les esprits dans les classes que le travail manuel détourne de la méditation; nous voulons parler du communisme27.

On voit des hommes qui ont du superflu, d'autres qui n'ont pas le nécessaire, et l'on dit: «Si l'on mettait toutes ces richesses en commun, tout le monde serait heureux.» Quoi de plus simple et de plus séduisant, surtout pour ceux qu'affligent des privations réelles; et c'est le grand nombre?

Ce n'est pas notre intention de réfuter ici ce système, de montrer qu'il paralyserait complétement dans l'homme le mobile qui le détermine au travail, et tarirait ainsi pour tous la source du bien-être et du progrès; mais nous croyons devoir prendre acte de la réfutation décisive qui en a été faite, dans le dernier numéro de l'Atelier, par des hommes qui appartiennent aux classes ouvrières.

C'est certainement un symptôme consolant de voir des systèmes subversifs repoussés et anéantis, avec une grande force de logique, par des hommes que le sort a placés dans une position telle qu'ils seraient plus excusables que d'autres s'ils s'en laissaient séduire. Cela prouve non-seulement leur sincérité, mais encore que l'intelligence, quand on l'exerce, ne perd jamais le noble privilége de tendre vers la vérité. Pour beaucoup de gens, le communisme n'est pas seulement une doctrine, c'est encore et surtout un moyen d'irriter et de remuer les classes souffrantes. En lisant l'article auquel nous faisons allusion, nous ne pouvions nous empêcher de nous rappeler avoir entendu un fougueux démocrate, appartenant à ce qu'on nomme la classe élevée, dire: «Je ne crois pas au communisme, mais je le prêche parce que c'est le levier qui soulèvera les masses.» Quel contraste!

Une chose nous surprend de la part des rédacteurs de l'Atelier, c'est de les voir s'éloigner de plus en plus de la doctrine de la liberté en matière d'échanges.

Ils repoussent le communisme, donc ils admettent la propriété et la libre disposition de la propriété, qui constitue la propriété elle-même. Ce n'est pas posséder que de ne pouvoir troquer ce qu'on possède. L'Atelier le dit en ces termes:

«Ce que nous prétendons, c'est que la liberté veut et la possession individuelle et la concurrence. Il est absolument impossible de sacrifier ces deux conditions de la liberté sans sacrifier la liberté même.»

Il est vrai que l'Atelier ajoute:

«Mais est-il possible de limiter les droits de la propriété? Est-il quelque institution qui puisse ôter à la propriété les facultés abusives qu'elle a aujourd'hui? Nous le croyons, nous sommes certains de cette possibilité, comme aussi nous sommes convaincus que la concurrence peut être disciplinée et ramenée à des termes tels qu'elle ait beaucoup plus le caractère de l'émulation que celui de la lutte.»

Dans ce cercle, il nous semble que l'Atelier et le Libre-Échange ne sont pas loin de s'entendre, et que ce qui les divise, c'est plutôt des questions d'application que des questions de principe.

Nous croyons devoir soumettre à ce journal les réflexions suivantes:

On peut abuser de tout et même des meilleures choses, de la propriété, de la liberté, de la philanthropie, de la charité, de la religion, de la presse, de la parole.

Nous croyons que le gouvernement ou la force collective est institué principalement, et presque exclusivement, pour prévenir et réprimer les abus.

Nous disons presque exclusivement, parce que c'est du moins là sa tâche principale, et il la remplirait d'autant mieux, sans doute, qu'il serait débarrassé d'une foule d'autres attributions, lesquelles peuvent être abandonnées à l'activité privée.

Quand nous parlons de propriété, de liberté, nous n'en voulons pas plus que l'Atelier les abus, et comme lui nous reconnaissons en principe à la force collective le droit et le devoir de les prévenir et de les réprimer.

D'un autre côté, l'Atelier voudra bien reconnaître qu'en fait les mesures répressives, et plus encore les mesures préventives, sont inséparables de dépenses, d'impôts, d'une certaine dose de vexations, de dérangements, d'arbitraire même, et qu'après tout la force publique n'acquiert pas certains développements sans devenir elle-même un danger.

Dans chaque cas particulier, il y a donc ce calcul à faire: les inconvénients inséparables des mesures préventives et répressives sont-ils plus grands que les inconvénients de l'abus qu'il s'agit de prévenir ou de réprimer?

Ceci ne touche pas au droit de la communauté agissant collectivement, c'est une question d'opportunité, de convenance et non de principe. Elle se résout par la statistique et l'expérience et non par la théorie du droit.

Or, il arrive, et c'est sur ce point que nous appelons l'attention du lecteur, qu'il y a beaucoup d'abus qui portent en eux-mêmes, par une admirable dispensation providentielle, une telle force de répression et de prévention, que la prévention et la répression gouvernementales n'y ajoutent presque rien, et ne se manifestent dès lors que par leurs inconvénients.

Telle est, par exemple, la paresse. Certainement, il serait à désirer qu'il n'y eût pas de paresseux au monde. Mais si le Gouvernement voulait extirper ce vice, il serait forcé de pénétrer dans les familles, de surveiller incessamment les actions individuelles, de multiplier à l'infini le nombre de ses agents, d'ouvrir la porte à un arbitraire inévitable; en sorte que ce qu'il ajouterait à l'activité nationale pourrait bien n'être pas une compensation suffisante des maux sans nombre dont il accablerait les citoyens, y compris ceux qui n'ont pas besoin, pour être laborieux, de cette intervention. (V. Harmonies, chap. XX.)

Et remarquez qu'elle est d'autant moins indispensable qu'il y a, dans le cœur humain, des stimulants, – dans l'enchaînement des causes et des effets, des récompenses pour l'activité, des châtiments pour la paresse, qui agissent avec une force à laquelle l'action du pouvoir n'ajouterait que peu de chose. Ce sont ces stimulants, c'est cette rétribution naturelle dont ne nous paraissent pas tenir assez compte les écoles qui, faisant bon marché de la liberté, veulent tout réformer par l'interférence du Gouvernement.

Ce n'est pas seulement contre les vices dont les conséquences retombent sur ceux qui s'y livrent que la nature a préparé des moyens de prévention et de répression, mais aussi contre les vices qui affectent les personnes qui en sont innocentes. Dans l'ordre social, outre la loi de responsabilité, il y a une loi de solidarité. Les vices de cette catégorie, par exemple la mauvaise foi, ont la propriété d'exciter une forte réaction de la part de ceux qui en souffrent contre ceux qui en sont atteints, réaction qui a certainement une vertu préventive et répressive, toujours exactement proportionnelle au degré de lumière d'un peuple.

Ce n'est point à dire que le Gouvernement ne puisse concourir aussi à punir ces vices, à prévenir ces abus. Tout ce que nous prétendons, et nous ne pensons pas que cela puisse nous être contesté, c'est que cette pression gouvernementale doit s'arrêter et laisser agir les forces naturelles, au point où elle-même a, pour la communauté, plus d'inconvénients que d'avantages.

Nous ajouterons qu'un des inconvénients de la trop grande intervention du pouvoir en ces matières, est de paralyser la réaction des forces naturelles, en affaiblissant les motifs et l'expérience de cette police que la société exerce sur elle-même. Là où les citoyens comptent trop sur les autorités, ils finissent par ne pas assez compter sur eux-mêmes, et la cause la plus efficace du progrès en est certainement neutralisée28.

Si ces idées se rapprochent de celles que l'Atelier a développées dans l'article que nous avons en vue, nous ne devons pas être peu surpris du ton d'irritation avec lequel il persiste à s'exprimer sur la liberté du commerce et ce qu'il nomme l'école économique anglaise.

L'Atelier est plein de douceur pour les communistes, qu'il vient de combattre et même de terrasser, mais il conserve envers nous les allures les plus hostiles. C'est une inconséquence que nous ne nous chargeons pas d'expliquer, car il est évidemment beaucoup plus loin du communisme que de la liberté du travail et de l'échange. L'Atelier croit la protection plus nécessaire que la liberté à la prospérité nationale. Nous croyons le contraire, et il conviendra du moins que les doctrines sur la propriété et la liberté, qu'il a opposées aux communistes, mettent la présomption de notre côté. Si la propriété est un droit, si la liberté d'en disposer en est la conséquence, la tâche de prouver la supériorité des restrictions, l'onus probandi, incombe exclusivement à celui qui les réclame.

Nous n'abandonnerons pas le sujet du communisme sans adresser quelques réflexions aux classes qui tiennent de notre constitution le pouvoir législatif, c'est-à-dire aux classes riches.

Le communisme, il ne faut pas se le dissimuler, c'est la guerre de ceux qui ne possèdent pas, ou le grand nombre, contre ceux qui possèdent ou le petit nombre. Partant, les idées communistes sont toujours un danger social pour tout le monde, et surtout pour les classes aisées.

Or ces classes ne jettent-elles pas de nouveaux aliments à la flamme communiste quand elles font en leur propre faveur des lois partiales? Quoi de plus propre que de telles lois à semer l'irritation au sein du peuple, à faire que, dans son esprit, ses souffrances ont leur cause dans une injustice; à lui suggérer l'idée que la ligne de démarcation entre le pauvre et le riche est l'œuvre d'une volonté perverse, et qu'une aristocratie nouvelle, sous le nom de bourgeoisie, s'est élevée sur les ruines de l'ancienne aristocratie? De telles lois ne le disposent-elles pas à embrasser les doctrines les plus chimériques, surtout si elles se présentent avec le cachet d'une simplicité trompeuse; en un mot ne le poussent-elles pas fatalement vers le communisme?

Contre le communisme, il n'y a que deux préservatifs. L'un, c'est la diffusion au sein des masses des connaissances économiques; l'autre, c'est la parfaite équité des lois émanées de la bourgeoisie.

Oh! puisque, dans l'état actuel des choses, nous voyons des ouvriers eux-mêmes se retourner contre le communisme et faire obstacle à ses progrès, combien la bourgeoisie serait forte contre ce dangereux système si elle pouvait dire aux classes laborieuses:

«De quoi vous plaignez-vous? De ce que nous jouissons de quelque bien-être; mais nous l'avons acquis par le travail, l'ordre, l'économie, la privation, la persévérance. Pouvez-vous l'attribuer à d'autres causes? Examinez nos lois. Vous n'en trouverez pas une qui stipule pour nous des faveurs. Le travail y est traité avec la même impartialité que le capital. L'un et l'autre sont soumis, sans restriction, à la loi de la concurrence. Nous n'avons rien fait pour donner à nos produits une valeur artificielle et exagérée. Les transactions sont libres, et si nous pouvons employer des ouvriers étrangers, de votre côté vous avez la faculté d'échanger vos salaires contre des aliments, des vêtements, du combustible, venus du dehors, quand il arrive que nous tenons les nôtres à un taux élevé.»

La bourgeoisie pourrait-elle aujourd'hui tenir ce langage? Ne l'a-t-on pas vue, il n'y a pas plus de huit jours, décréter, en face d'une disette éventuelle, que les lois qui font obstacle à l'entrée des substances alimentaires animales n'en seraient pas moins maintenues? Ne l'a-t-on pas vue prendre une telle résolution, sans admettre même le débat, comme si elle avait eu peur de la lumière, là où elle ne pouvait éclairer qu'un acte d'injuste égoïsme?

La bourgeoisie persévère dans cette voie, parce qu'elle voit le peuple, impatient de beaucoup d'injustices chimériques, méconnaître la véritable injustice qui lui est faite. Pour le moment, les journaux démocratiques, abandonnant la cause sacrée de la liberté, sont parvenus à égarer ses sympathies et à les concilier à des restrictions dont il n'est victime qu'à son insu. Mais la vérité ne perd pas ses droits; l'erreur est de nature essentiellement éphémère; et le jour où le peuple ouvrira les yeux n'est peut-être pas éloigné. Pour le repos de notre pays, puisse-t-il n'apercevoir alors qu'une législation équitable29!

26
  V. sur la balance du commerce, tome IV, page 52, et tome V, page 402; puis le chap. Échange, tome VI.
(Note de l'éditeur.)

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27
  V. tome IV, page 275, le pamphlet Propriété et Loi, et tome VI, le chapitre Propriété, Communauté.
(Note de l'éditeur.)

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28
  V. Harmonies, chap. XX et XXI.
(Note de l'éditeur.)

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29
  V. tome VI, chap. IV.
(Note de l'éditeur.)

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Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
30 июня 2017
Объем:
545 стр. 9 иллюстраций
Правообладатель:
Public Domain

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