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Читать книгу: «Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 2», страница 15

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38. – M. DE NOAILLES À LA CHAMBRE DES PAIRS

24 Janvier 1847.

Notre mission est de combattre cette fausse et dangereuse économie politique qui fait considérer la propriété d'un peuple comme incompatible avec la prospérité d'un autre peuple, qui assimile le commerce à la conquête, le travail à la domination. Tant que ces idées subsisteront, jamais le monde ne pourra compter sur vingt-quatre heures de paix. Nous dirons plus, la paix serait une absurdité et une inconséquence.

Voici ce que nous lisons dans le discours qu'a prononcé ces jours-ci M. de Noailles à la Chambre des pairs:

«On sait que l'intérêt de l'Angleterre serait l'anéantissement du commerce de l'Espagne pour qu'elle pût l'inonder du sien… L'anarchie entretient la faiblesse et la pauvreté, et l'Angleterre trouve son profit à ce que l'Espagne soit faible et pauvre… En un mot, et c'est dans la nature des choses, la politique de l'Angleterre la porte à vouloir posséder l'Espagne pour l'annuler, afin d'avoir… à nourrir et à vêtir un peuple nombreux.» (Très-bien.)

Nous mettons de côté, bien entendu, la question espagnole et diplomatique. Nous nous bornons à signaler l'absurdité et le danger de la théorie professée ici par le noble pair.

Dire qu'un pays commercial et industriel a intérêt à annuler tous les autres, afin de les inonder de ses produits, afin d'en nourrir, vêtir, loger, héberger les habitants, c'est renfermer en deux lignes un si grand nombre de contradictions, qu'on ne sait comment s'y prendre seulement pour les montrer46.

Ce qui fait la richesse d'un négociant, c'est la richesse de sa clientèle; et, quand M. de Noailles affirme que l'Angleterre veut appauvrir ses acheteurs, j'aimerais autant lui entendre dire que la maison Delisle, notre voisine, attend pour faire fortune que Paris soit ruiné, qu'on n'y donne plus de bals et que les dames y renoncent à la toilette.

D'un autre côté, il semble, d'après M. de Noailles, qu'un peuple spécialement aspire à nourrir et vêtir tous les autres, – qu'en cela ce peuple fait un calcul, et, ce qui est fort étrange, un bon calcul. Ce peuple désire qu'on ne travaille nulle part, afin de travailler pour tout le monde. Son but est de mettre à la portée de chacun le vivre et le couvert, sans jamais rien accepter de personne, tout ce qu'il accepterait étant une perte pour lui; et enfin, voici le comble du merveilleux, M. de Noailles croit et dit, sans rire, que c'est par une semblable politique que l'Angleterre, donnant beaucoup et recevant peu, appauvrit les autres et s'enrichit elle-même.

En vérité, il est temps qu'un pareil tissu de banalités cesse d'être la pâture intellectuelle de notre pays. Nous sommes décidés, quant à nous, à flétrir ces doctrines à mesure qu'elles oseront se produire et de quelque bouche qu'elles émanent; car elles ne sont pas seulement ridiculement absurdes, elles sont surtout anarchiques et anti-sociales. En effet, à moins de vouloir s'en tenir à de puériles déclamations, il faut bien reconnaître que le mobile qui fait agir les producteurs est le même dans tous les pays. Si donc le travailleur anglais a intérêt à l'abaissement et à la ruine du globe, il en est de même de tous les travailleurs belges, français, espagnols, allemands; et nous vivons dans un monde où nul ne peut s'élever que par la destruction de l'humanité tout entière.

Mais, dira-t-on, M. de Noailles n'a fait qu'exprimer une idée généralement reçue. N'est-il pas vrai que les Anglais cherchent surtout des débouchés, et que par conséquent leur but principal est de vendre, non d'acheter?

Non, cela n'est pas vrai, et ne le serait pas alors que les Anglais le croiraient eux-mêmes. Nous convenons que, pour leur malheur et celui du monde, ce faux principe, qui est celui du régime protecteur, a dirigé toute leur politique pendant des siècles; ce qui explique et justifie les défiances universelles dont M. de Noailles a été l'organe. Mais enfin, l'Angleterre s'est placée aujourd'hui sous l'influence d'un principe diamétralement opposé, le principe de la liberté; et, dans cet ordre d'idées, ce qui est vrai, le voici; c'est beaucoup plus simple et beaucoup plus consolant:

Les Anglais désirent jouir d'une foule de choses qui ne viennent pas dans leur île, ou qui n'y viennent qu'en quantité insuffisante. Ils veulent avoir du sucre, du thé, du café, du coton, du bois, des fruits, du blé, du beurre, de la viande, etc. Pour obtenir ces choses au dehors, il faut les payer, et ils les payent avec les produits de leur travail. – Les importations d'un peuple sont les jouissances qu'il se procure, et ses exportations sont le payement de ces jouissances. Le but réel de toute nation (quoi qu'elle en pense elle-même) est d'importer le plus possible et d'exporter le moins possible, comme le but de tout homme, dans ses transactions, est d'obtenir beaucoup en donnant peu.

Que de peine il faut pour faire comprendre une vérité si simple! – Et pourtant il faut qu'elle soit comprise. La paix du monde est à ce prix.

39. – PARESSE ET RESTRICTION

16 Janvier 1848.

Un de nos abonnés hommes de beaucoup de lumières et d'expérience, placé dans une haute position sociale, nous soumet l'objection suivante, à laquelle nous nous empressons de répondre, parce qu'elle préoccupe beaucoup d'esprits sincères.

«Comme le travail est une fatigue, beaucoup d'entre nous aiment mieux s'abstenir du travail que d'avoir à se reposer de la fatigue. Le climat nous y dispose plus ou moins. L'Espagnol, par exemple, est paresseux d'esprit et de corps. Admettez la liberté des échanges en Espagne. L'habitant sera mieux logé, nourri, vêtu, parce qu'avec ses produits il achètera à l'étranger des produits meilleurs et à plus bas prix que ceux qu'il pourrait fabriquer; mais il n'achètera toujours que dans la proportion de ce qu'il produit lui-même. La première amélioration obtenue, il en restera là, parce qu'il ne sait, ne veut et ne peut produire davantage. La protection (peu importe la forme) mesurée, limitée aux industries vitales, a pour but de le solliciter à vaincre sa tendance naturelle en lui assurant un dédommagement de ses efforts. L'homme d'État ne pourrait-il lui tenir ce langage: «Livré à tes instincts naturels, tu produis peu, tu achètes peu, tu restes pauvre; il est utile que tu produises davantage pour que tu puisses acheter un jour davantage. Pour te dédommager de ta peine, pour te stimuler à l'étude qui te donnera plus de savoir, à l'industrie qui te donnera de meilleurs instruments, à la pratique qui te donnera plus d'habileté, nous allons nous imposer un sacrifice. Produis, nous renoncerons, pour un temps, à acquérir les mêmes produits à l'étranger; nous te les payerons plus cher, afin que tu rentres dans tes avances, afin que tu nous donnes une production nouvelle, et par conséquent un nouveau moyen d'échanger, une faculté plus grande d'acheter.»

Ainsi, comme nous, notre honorable correspondant voit dans la restriction un appauvrissement, un dommage, une souffrance, une perte, un sacrifice, infligés à la population. Seulement, il se demande si elle ne peut pas agir comme stimulant, afin de faire sortir la population de son inertie naturelle.

La paresse d'un peuple étant posée en fait, notre correspondant conviendra bien que si ce peuple est pauvre, c'est à sa paresse et non aux importations qu'il doit s'en prendre. Celles-ci le mettent au contraire à même de retirer plus de jouissances du peu de travail auquel il se livre.

Si un homme d'État intervient et dit: «Nous allons exclure le produit étranger; tu le feras toi-même, et tes concitoyens te le payeront plus cher, afin de te déterminer au travail par l'appât d'un plus grand gain,» le résultat sera que tous ses concitoyens, payant le produit plus cher, seront moins riches d'autant, et favoriseront dans une moindre proportion des industries déjà existantes dans le pays. Tout ce qu'on aura fait, c'est d'encourager une forme de travail en en décourageant dix autres, et l'on ne voit pas alors comment le sacrifice atteint le but, qui est de détruire la paresse.

Mais voici qui est plus grave. On peut se demander si c'est bien la mission d'un homme d'État de diminuer les moyens de satisfaction d'un peuple, dans l'espérance de secouer son inertie. Après avoir établi sans arrière-doute, ainsi que le fait notre correspondant, que la restriction est un sacrifice général, demander si elle ne peut pas être utile comme moyen de forcer les hommes au travail, c'est demander s'il ne serait pas bon dans le même but, à supposer que cela fût praticable, de diminuer la fertilité du sol, d'enfoncer le minerai plus avant dans les entrailles de la terre, de rendre le climat plus rude, de prolonger les rigueurs de l'hiver, d'abréger la durée des jours, de donner à l'Espagne le climat de l'Écosse, afin de solliciter par la vive piqûre des besoins l'énergie des habitants. Il est possible que cela réussît. Mais est-ce là la mission des gouvernements? Le droit des hommes d'État va-t-il jusque-là? Et parce qu'un homme a été poussé par le vent des circonstances au timon des affaires, parce qu'il a reçu une commission de ministre, son omnipotence légitime sur tous ses semblables va-t-elle jusqu'au point de les faire souffrir, d'accumuler autour d'eux les difficultés et les obstacles, afin de les rendre actifs et laborieux47?

Une telle pensée a sa source dans cette doctrine fort répandue de nos jours, que les gouvernés sont de la matière inerte sur laquelle les gouvernants peuvent faire toutes sortes d'expériences.

Beaucoup de publicistes ont eu le tort de ne pas donner assez d'importance aux fonctionnaires publics et de les considérer comme une classe improductive. Les écoles modernes nous semblent tomber dans l'exagération contraire, en faisant des gouvernants des êtres à part, placés en dehors et au-dessus de l'humanité, ayant mission, comme dit Rousseau, de lui donner le sentiment et la volonté, le mouvement et la vie48.

Nous contestons au législateur une telle autocratie, et plus encore quand elle se manifeste par des mesures qui, après tout, n'encouragent l'un dans une certaine proportion qu'en décourageant l'autre dans une proportion plus grande encore, comme c'est le propre du système protecteur, selon notre honorable correspondant lui-même.

40. – DEUX MODES D'ÉGALISATION DE TAXES

4 Avril 1847.

Les partisans du libre-échange se font un argument de ce qui est advenu au sucre de betterave, pour prouver que la crainte de la concurrence est souvent chimérique.

«Tout ce qu'on prédit de la rivalité extérieure pour le fer, le drap, les bestiaux, disent-ils, on le prédisait, pour la betterave, de la rivalité coloniale. Les industries protégées n'invoquent pas un argument que le sucre indigène n'ait invoqué, quand il fut menacé du régime de l'égalité. Mettre aux prises les deux sucres, c'était condamner à mort le plus faible. Qu'est-il arrivé cependant? Sous l'aiguillon de la nécessité, les fabricants ont fait des efforts d'intelligence, de bonne administration, d'économie. Ils ont retrouvé de ce côté plus qu'ils ne perdaient du côté de la protection; en un mot, ils prospèrent plus que jamais. L'analogie ne nous dit-elle pas qu'il en sera de même des autres industries? La voie du progrès leur est-elle fermée? Nos manufacturiers ne feront-ils aucun effort pour lutter avec leurs rivaux et reconquérir, par leur habileté, plus qu'ils ne doivent au privilége?»

Ce raisonnement place le libre-échange sur un terrain défavorable. Il ôte à sa démonstration les deux tiers de ses forces, en insinuant qu'un dégrèvement sur les produits étrangers et une aggravation sur le produit national, – c'est la même chose. Il tend à faire penser qu'en dehors des progrès subits et extraordinaires, il n'y a pas de salut pour nos industries protégées, si la concurrence est permise. Il décourage ceux qui n'ont pas une foi complète dans ces progrès, qui, il faut bien le dire, peuvent bien n'être pas aussi rapides dans les autres branches de travail qu'ils l'ont été dans l'industrie saccharine.

Il ne faut pas laisser croire que le maintien de nos industries, soumises au régime de la liberté, est subordonné à des progrès probables, sans doute, mais dont personne ne saurait préciser la portée.

Ce qu'il faut faire voir, c'est ceci: que l'épreuve de l'égalisation par l'impôt est beaucoup plus dangereuse que celle de l'égalisation par le libre-échange, et que, par conséquent, si le sucre indigène s'est tiré de l'une, à fortiori l'industrie nationale se tirera de l'autre.

Deux circonstances différencient essentiellement ces épreuves.

La première frappe tous les esprits, et nous ne nous y arrêterons pas; c'est que la réforme douanière apporte par elle-même à chaque industrie un élément de succès et lui ouvre une source d'économie. En même temps que le libre-échange prive certains établissements de protection, il leur fournit à plus bas prix la matière première, le combustible, les machines et la subsistance. C'est là une première compensation que l'impôt et l'exercice n'offraient certes pas au sucre de betterave.

La seconde circonstance est moins aperçue, quoique bien autrement importante. Nous supplions nos amis, et plus encore nos adversaires, d'en peser toute la gravité; car du jour où ils tiendront compte du phénomène économique dont nous voulons parler, ils cesseront d'être nos adversaires. Telle est du moins notre profonde conviction.

Tout le monde sait que lorsqu'un produit baisse de prix, la consommation s'en accroît. Or, accroissement de consommation implique accroissement de demande, et par suite rehaussement de prix.

Supposons qu'un objet dont le prix de revient (y compris le profit du producteur) est 100 francs, soit grevé de 100 fr. de taxe: le prix vénal sera 200 fr.

Si l'on supprime la taxe, le prix vénal serait de 100 fr. si la consommation restait la même: mais elle augmentera; par suite, le prix tendra à hausser. Il y aura meilleure rémunération pour l'industrie que ce produit concerne.

Ceci montre que lorsque deux industries similaires sont inégalement imposées, il n'est pas indifférent de ramener l'égalité en surtaxant l'une ou en dégrévant l'autre. Dans le premier cas, on diminue; dans le second, on favorise le débouché de toutes les deux.

Il est bien évident que si l'on eût égalisé les conditions des deux sucres, en dégrévant le sucre colonial, au lieu d'imposer le sucre indigène, celui-ci eût pu soutenir la lutte plus avantageusement encore qu'il ne l'a fait, car la diminution de l'impôt eût abaissé le prix vénal, élargi la consommation, stimulé la demande, et en définitive, élevé pour l'un et l'autre sucre le prix rémunérateur.

Les libre-échangistes qui arguent de ce qui est arrivé au sucre de betterave pour en déduire ce qui arriverait aux autres industries, si on leur retirait la protection, privent donc leur argument de ce qui fait sa force; car ils assimilent deux procédés d'égalisation dont l'un est toujours avantageux et dont l'autre peut être mortel.

Avec le libre-échange, l'industrie indigène a trois voies ouvertes pour se mettre au niveau de l'industrie étrangère:

1o L'intervention d'une plus grande dose d'habileté stimulée par la concurrence;

2o L'abaissement du prix des matières premières, des moteurs, de la subsistance, etc.;

3o L'accroissement de la consommation, de la demande, et son action sur le prix rémunérateur.

Le sucre de betterave n'a eu pour lutter que la première de ces ressources, et elle a suffi. La liberté commerciale les met toutes trois à la disposition de nos industries. Est-il sérieusement à craindre qu'elles succombent?

On peut déduire de cette observation une théorie économique sur laquelle nous reviendrons souvent; et, par ce motif, nous nous bornons, quant à présent, à l'indiquer.

Le système restrictif a la prétention d'élever, au profit du producteur, le prix du produit; mais il ne peut le faire sans mettre ce produit hors de la portée d'un certain nombre de personnes, sans paralyser les facultés de consommation, sans diminuer la demande, et enfin, sans agir dans le sens de la baisse sur le prix même qu'il aspire à élever49.

Sa première tendance, nous en convenons, est de renchérir en favorisant le producteur; sa seconde tendance est de déprécier en éloignant le consommateur; et cette seconde tendance peut aller jusqu'à surmonter la première.

Et, quand cela est arrivé, le public perd toute la consommation empêchée par la mesure, sans que le producteur gagne rien sur le prix.

Celui-ci joue alors le rôle ridicule dans lequel nous avons fait paraître le fisc anglais. On se rappelle que la taxe s'élevant sans cesse, et la consommation diminuant à mesure, il arriva un moment où, en ajoutant 5 p. % au taux de l'impôt, on eut 5 p. % de moins de recette50.

41. – L'IMPÔT DU SEL

20 Juin 1841.

Pour la seconde fois, la réduction de l'impôt sur le sel a été votée par la Chambre des députés à la presque unanimité; ce qui n'aura d'autre conséquence, à ce qu'il paraît, que de déterminer le ministère à mettre la question à l'étude pour l'année prochaine.

Parmi les arguments dont on s'est servi dans le débat, il en est un qui revient à propos de toute réduction de taxes et particulièrement au sujet des droits de douane. Par ce motif, nous croyons utile de rectifier les idées qui ont été émises à ce sujet.

Les députés qui ont soutenu la proposition de M. Demesmay ont cru devoir prédire un accroissement de consommation, d'où ils concluaient que le déficit du Trésor serait bientôt à peu près comblé.

Ceux qui repoussaient la mesure assuraient, au contraire, que la consommation du sel, en ce qui concerne l'emploi qui en est fait directement par l'homme, était aujourd'hui tout ce qu'elle peut être; qu'elle ne serait point modifiée par la réduction de la taxe, ni même alors que le sel serait gratuit; d'où la conséquence que le déficit du Trésor serait exactement proportionnel à la diminution de l'impôt.

Sur quoi, nous croyons devoir examiner rapidement et d'une manière générale cette question:

«Une diminution dans la taxe, et par conséquent dans le prix vénal de l'objet taxé, entraîne-t-elle nécessairement un accroissement de consommation?»

Il est certain que ce phénomène s'est produit si souvent, qu'on pourrait presque le considérer comme une loi générale.

Cependant, il y a une distinction à faire.

Si l'objet que frappe la taxe est d'une nécessité telle que ce soit une des dernières choses dont l'homme consente à se passer, la consommation, quelle que soit la taxe, sera toujours tout ce qu'elle peut être. Alors, à mesure que l'impôt en élève le prix, il arrive qu'on se prive de toute autre chose, mais non de l'objet supposé nécessaire. De même, si le prix baisse par suite d'une réduction d'impôt, ce n'est pas la consommation de cet objet qui augmentera mais celle des choses dont on avait été forcé de se priver pour ne pas manquer de l'objet indispensable.

Il faut à l'homme, pour respirer, une certaine quantité d'air. Supposons qu'on parvienne à le frapper d'une taxe élevée: l'homme fera évidemment tous ses efforts pour continuer à avoir la quantité d'air sans laquelle il ne pourrait vivre; il renoncera à ses outils, à ses vêtements et même à ses aliments, avant de renoncer à l'air; et si l'on vient à diminuer cette odieuse taxe, ce n'est pas la consommation de l'air qui augmentera, mais celle des vêtements, des outils, des aliments51.

Il nous semble donc que ceux de MM. les députés qui ont repoussé la réduction de l'impôt du sel, en se fondant sur ce que la consommation, malgré la taxe, est tout ce qu'elle peut être, ont, sans s'en douter, produit le plus fort argument qu'on puisse imaginer contre l'exagération de cet impôt. C'est comme s'ils avaient dit: «Le sel est une chose si indispensable à la vie, que, dans tous les rangs, dans toutes les classes, on en consomme toujours, et quel qu'en soit le prix, une quantité déterminée et invariable. Maintenez-le à un prix élevé, n'importe; l'ouvrier se vêtira de haillons, il se passera de remèdes dans la maladie, il se privera de vin et même de pain plutôt que de renoncer à une portion quelconque du sel qui lui est nécessaire. Diminuez-en le prix, on verra l'ouvrier se mieux vêtir, se mieux nourrir, mais non consommer plus de sel.»

Il est donc impossible d'échapper à ce dilemme:

Ou la consommation du sel augmentera par suite de la réduction du prix; en ce cas, le trésor n'aura point à subir la perte annoncée;

Ou elle n'augmentera pas; et alors, cela prouve que le sel est un objet tellement nécessaire à la vie, que la taxe la plus exagérée n'a pu déterminer les hommes, même les plus pauvres, à en retrancher de leur consommation une quantité quelconque.

Et quant à nous, nous ne pouvons imaginer contre cet impôt un argument plus décisif.

Il est vrai que les besoins du Trésor sont toujours là, comme une fin de non-recevoir insurmontable. Qu'est-ce que cela prouve? hélas! une chose bien simple, quoiqu'elle paraisse peu comprise. C'est que, si l'on veut voter ces réductions d'impôts, il ne faut pas commencer par voter sans cesse des accroissements de dépenses. Combien de temps doit durer l'éducation constitutionnelle d'un peuple pour qu'il arrive enfin à la découverte ou du moins à l'application de cette triviale vérité? C'est un problème qu'il n'est pas aisé de résoudre.

Modérez l'excès des travaux publics, s'est écrié M. Dupin aîné qui, du reste, nous semble avoir donné à tout ce débat sa véritable direction. Nous répéterons ce mot avec une légère variante. Modérez l'excès des services publics, ne laissez à l'État que ses attributions véritables; alors il sera facile de diminuer les dépenses et par conséquent les impôts52.

46.Cette pensée qui a plus d'une fois excité la juste indignation de Bastiat (V. la page 462 du tome III), est encore le thème favori de l'école protectionniste. Elle a été récemment reproduite, sous une forme pompeuse, par un écrivain de cette école, M. Ch. Gouraud, à la page 259 de son Essai sur la liberté du commerce des nations.
47
  V. au tome IV, page 342, le pamphlet La Loi; et les chap. XVII et XX des Harmonies.
(Note de l'éditeur.)

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48
  V. au tome IV, page 442, le pamphlet, Baccalauréat et socialisme.
(Note de l'éditeur.)

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49.V. au tome IV, page 163, le chap. Cherté, Bon marché.
50
  V. le no 33, page 186.
(Note de l'éditeur.)

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51
  L'accroissement de consommation, par ricochet, est infaillible ici et ne nuit à personne. Il en est tout autrement de ces effets vantés par l'école protectionniste, à l'égard desquels l'auteur a dit: Quand MM. les protectionnistes le voudront, ils me trouveront prêt à examiner le sophisme des ricochets. V. au tome V, la note 2 de la page 13; et de plus, au tome IV, les pages 176 à 182.
(Note de l'éditeur.)

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52
  V. au tome V, page 407, le Budget républicain; et page 468, le Discours sur l'impôt des boissons.
(Note de l'éditeur.)

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Дата выхода на Литрес:
30 июня 2017
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