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Читать книгу: «Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 1», страница 25

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Je reviens, un peu tard peut-être, à l'objet de ce paragraphe, qui n'est pas tant de montrer la liaison entre l'état de guerre et le système restrictif, que de faire voir combien, dans les luttes que l'avenir peut réserver aux nations; celles qui seront les dernières à s'affranchir de ce régime auront assumé de chances défavorables.

D'abord j'ai déjà prouvé que le peuple qui jouira de la liberté du commerce nous écrasera de sa concurrence, ce qui ne veut pas dire autre chose, sinon qu'il deviendra plus riche. À moins donc de soutenir que la richesse est indifférente au succès d'une guerre, il faut avouer que, sous ce rapport, la nation dont le travail languira dans les étreintes de la protection, sera, vis-à-vis de sa rivale, dans des conditions évidentes d'infériorité.

Ensuite, de nos jours, une guerre entre deux grands peuples entraîne bientôt tous les autres. Sous ce rapport encore, tout l'avantage sera du côté de la partie belligérante qui aura le plus d'alliances. Or, une nation qui s'isole n'a pas d'alliances nécessaires; on peut rompre avec elle sans souffrances ni déchirements. Si l'Angleterre consomme les produits agricoles de la Baltique, de la mer Noire, de l'Amérique; si la Russie, les États-Unis, la Prusse, consomment le travail manufacturier des Anglais; si de part et d'autre la production s'est constituée de longue main selon cette donnée, il sera impossible à la France de désunir politiquement ce qui sera commercialement uni. «Le commerce; dit Montesquieu, tend à unir les nations. Si l'une a besoin de vendre, l'autre a besoin d'acheter, et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels.» La France courra donc le risque d'avoir, à chaque guerre, toute l'Europe sur les bras, par ce double motif que l'Europe ne tiendra à nous par aucun lien fondé sur des besoins mutuels, et qu'elle tiendra à notre rivale par les liens les plus étroits.

Il est vrai, il faut le dire pour être impartial et pour qu'on ne m'accuse pas de ne considérer les questions que sous un aspect, que la France pourra tirer quelques avantages, en cas de guerre, de son isolement commercial, de l'extinction de ses rapports extérieurs, de la nullité de sa marine marchande, toutes conséquences du système économique qu'elle a adopté. Elle sera redoutable, comme l'est dans la société un ennemi qui, n'ayant rien à perdre, peut faire beaucoup plus de mal qu'il n'est possible de lui en rendre. L'absence de liens a été souvent prise, en politique comme en morale, pour de l'indépendance. Sous l'influence de cette idée, Rousseau, qui aimait à poursuivre un principe dans toutes ses conséquences, avait été amené à proscrire, comme autant de liens par lesquels on peut nous atteindre, d'abord la richesse, ensuite la science, puis la propriété, et enfin la société elle-même. Logicien inflexible, à ses yeux le négociant était le type de la dégradation humaine, «parce que, disait-il, on peut le faire crier à Paris en le touchant dans l'Inde;» au contraire, le type de la perfection était le sauvage: il n'est assujetti qu'à la force brute, «et après tout, disait Rousseau, si on le chasse d'un arbre, il peut se réfugier sous un autre.» Le philosophe na pas vu que, à ce compte, la perfection est dans le néant.

Le système qui a pour objet de restreindre l'échange, et par conséquent le travail et le bien-être, procède de la même doctrine. Il invoque sans cesse l'indépendance nationale. Mais l'indépendance fondée sur ce qu'on n'a rien à perdre, sur ce qu'on a rompu tous les liens par lesquels on pourrait nous atteindre, c'est l'indépendance du sauvage, c'est l'invulnérabilité du néant. Si un peuple, adoptant la liberté du commerce, parsemait de ses vaisseaux toutes les mers, pendant qu'un autre, obéissant au régime restrictif, concentrerait toute sa vitalité dans les limites de ses frontières, il n'est pas douteux qu'en cas de guerre le premier ne fût plus vulnérable que le second. Et qui sait si le sentiment confus de cette différence de situation ne nous inspirera pas la funeste pensée de faire rétrograder vers la barbarie notre système d'agression et de défense? S'il est une chose qui puisse consoler les âmes chrétiennes et généreuses des obstacles que rencontre l'établissement parmi les hommes de la paix universelle, c'est assurément la tendance, qu'on peut remarquer dans la guerre moderne, à restreindre ses fléaux sur les armées et tout au plus sur les nations prises en corps collectif. Sans doute le sang humain coule encore, des peuples ont été soumis à des tributs et quelquefois morcelés; mais la propriété privée est en général respectée, on laisse aux hommes de travail le fruit de leurs sueurs et leurs moyens d'existence; on a vu des armées passer et repasser, tantôt vaincues, tantôt victorieuses, sur le théâtre de ces luttes sanglantes, sans que le sort des habitants paisibles fût complétement bouleversé. Le même progrès tend à se réaliser sur mer: «La France légitime, dit M. de Chateaubriand, conservera éternellement la gloire d'avoir interdit l'armement en course, d'avoir la première rétabli, sur mer, ce droit de propriété respecté dans toutes les guerres sur terre par les nations civilisées, et dont la violation, dans le droit maritime, est un reste de la piraterie des temps barbares.» (Mélanges politiques, tome XXV, page 375.)

Mais n'est-il pas à craindre qu'une puissance belligérante qui n'aurait plus de commerce ne refusât d'accéder à une stipulation qui, sans pouvoir lui profiter, amoindrirait ses moyens d'agression! La guerre à la propriété privée, aux matelots, aux passagers de tout âge et de tout sexe, semble donc être encore une des déplorables nécessités du régime prohibitif. N'avons-nous pas vu dernièrement, dans une brochure célèbre, recommander, systématiser cette guerre barbare?

Mais ce n'est pas à l'auteur que le reproche doit s'adresser: il est marin, et il ne saurait conseiller à son pays une autre tactique navale que celle qui est indiquée par la nature des choses. C'est, nous le répétons, au régime prohibitif qu'il faut s'en prendre. C'est ce régime qui, nous plaçant dans cette situation de n'avoir bientôt plus rien à perdre sur mer, nous montre par où nous pouvons attaquer les peuples commerçants, sans avoir à craindre de représailles.

En 1823, la France avait interdit l'armement en course. À Dieu ne plaise que je veuille atténuer la gloire qui lui en revient! Mais elle était alors en guerre avec une puissance plus dénuée que nous de propriété navale, et qui, par ce motif, n'accepta pas ce nouveau droit maritime. Au moment d'entrer en lutte, aucun peuple ne se soumet à une convention, quelque philanthrope qu'il soit, qui lui profite moins qu'à son ennemi. Raison de plus pour combattre ces lois restrictives, puisqu'elles sont inconciliables avec le progrès social dont la guerre même est susceptible.

Je laisse aux hommes spéciaux le soin d'examiner si la tactique proposée par le prince ne recèle pas de graves dangers: «Il faut agir sur le commerce anglais,» dit-il. Mais le commerce suppose deux intéressés. En agissant sur l'un, vous nuisez à l'autre, et vous vous faites autant d'ennemis qu'il y a de peuples dont vous interrompez les transactions.

Et puis, en admettant un plein succès, vous arriverez tout au plus à forcer les produits anglais à emprunter des navires neutres. Vous serez donc entraînés, comme Bonaparte, à imposer votre politique à toute l'Europe civilisée.

N'oublions pas ces paroles: «La Russie ne pouvait se passer des produits anglais. J'exigeai pourtant qu'elle les prohibât. C'était une absurdité; mais elle était nécessaire pour compléter le système. La contrebande se faisait; je m'en plaignis; on se justifia; on recommença; nous nous irritions. Cette manière d'être ne pouvait durer.»

Ai-je besoin, après ce qui précède, de faire voir la liaison qui existe entre le régime protecteur et la démoralisation des peuples? – Mais sous quelque aspect que l'on considère ce régime, il n'est tout entier qu'une immoralité. C'est l'injustice organisée; c'est le vol généralisé, légalisé, mis à la portée de tout le monde, et surtout des plus influents et des plus habiles. Je hais autant que qui que ce soit l'exagération et l'abus des termes, mais je ne puis consciencieusement rétracter celui qui s'est présenté sous ma plume. Oui, protection, c'est spoliation, car c'est le privilége d'opérer législativement la rareté, la disette, pour être en mesure de surfaire à l'acheteur. Si, dans ce moment, moi, propriétaire, j'étais assez influent pour obtenir une loi qui forçât le public à me payer mon froment à 30 fr. l'hectolitre, n'est-ce pas comme si j'exerçais une déprédation égale à toute la différence de ce prix au prix naturel du froment? Quand mon voisin me fait payer son drap, un autre son fer, un troisième son sucre, à un taux plus élevé que celui auquel j'achèterais ces choses si j'étais libre, ne suis-je pas du même coup dépouillé de mon argent et de ma liberté? Et pense-t-on que les hommes puissent se familiariser ainsi avec des habitudes d'extorsion, sans fausser leur jugement et ternir leurs qualités morales? Pour avoir une telle pensée, pour croire à la moralité des quêteurs de monopole, il faudrait n'avoir jamais lu un journal subventionné par les comités manufacturiers, il faudrait n'avoir jamais assisté à une séance de la Chambre ou du Parlement, quand il y est question de priviléges.

Je ne veux cependant pas dire que la spoliation, sous cette forme, ait un caractère aussi odieux que le vol proprement dit. Mais pourquoi? uniquement parce que l'opinion porte encore un jugement différent sur ces deux manières de s'emparer du bien d'autrui.

Il a été un temps où une nation pouvait en dépouiller une autre, non-seulement sans tomber dans le mépris public, mais encore en se conciliant l'admiration du monde. L'opinion ne flétrissait pas alors le vol, pratiqué sur une grande échelle sous le nom de conquête; et il est même remarquable que, bien loin de considérer l'abus de la force comme incompatible avec la vraie gloire, c'est précisément pour la force, en ce qu'elle a de plus abusif, qu'étaient réservés les lauriers, les chants des poëtes et les applaudissements de la foule.

Depuis que la conquête devient plus difficile et plus dangereuse, elle devient aussi moins populaire; et l'on commence à la juger pour ce qu'elle est. Il en sera de même de la protection; et si la déprédation, de peuple à peuple, est tombée en discrédit, malgré toutes les forces qui ont été de tout temps employées pour l'environner d'éclat et de lustre, il faut croire qu'il ne sera pas moins honteux, pour les habitants d'un même pays, de se dépouiller les uns les autres par la prosaïque opération des tarifs.

Si même l'on appréciait les actions humaines par leurs résultats, ce genre d'extorsion ne tarderait pas à être plus méprisé que le simple vol. Celui-ci déplace la richesse; il la fait passer des mains qui l'ont créée, à celles qui s'en emparent. L'autre la déplace aussi, et de plus il la détruit. La protection ne donne aux exploitants qu'une faible partie de ce qu'elle arrache aux exploités.

Si le régime restrictif place sous la sauvegarde des lois des actions criminelles, et présente comme légitime une manière de s'enrichir qui a, avec la spoliation, la plus parfaite analogie, par une suite nécessaire, il transforme en crimes fictifs les actions les plus innocentes, et attache des peines afflictives et infamantes aux efforts que font naturellement les hommes pour échapper aux extorsions, bouleversant ainsi toutes les notions du juste et de l'injuste. Un Français et un Espagnol se réunissent pour échanger une pièce d'étoffe contre une balle de laine. L'un et l'autre disposent d'une propriété acquise par le travail. Aux yeux de la conscience et du sens commun, cette transaction est innocente et même utile. Cependant, dans les deux pays, la loi la réprouve, et à tel point qu'elle aposte des agents de la force publique pour saisir les deux échangistes et pour les tuer sur place au besoin.

Qu'on ne dise pas que je cherche à innocenter la fraude et la contrebande. Si les droits d'entrée n'avaient qu'un but fiscal, s'ils avaient pour objet de faire rentrer dans les coffres de l'État les fonds nécessaires pour assurer tous les services, payer l'armée, la marine, la magistrature, et procurer enfin aux contribuables le bon ordre et la sûreté, oui, il serait criminel de se soustraire à un impôt dont on recueille les bénéfices; mais les droits protecteurs ne sont pas établis pour le public, mais contre le public; ils aspirent à constituer le privilége de quelques-uns aux dépens de tous. Obéissons à la loi tant qu'elle existe; nommons même, si on le veut, contravention, délit, crime, la violation de la loi; mais sachons bien que ce sont là des crimes, des délits, des contraventions fictives; et faisons nos efforts pour faire rentrer, dans la classe des actions innocentes, des transactions de droit naturel, qui ne sont point criminelles en elles-mêmes, mais seulement parce que la loi l'a arbitrairement voulu ainsi.

Lorsque nous avons considéré les prohibitions dans leurs rapports avec la prospérité des peuples, nous avons vu qu'elles avaient pour résultat infaillible de fermer les débouchés extérieurs, de mettre les entrepreneurs hors d'état de soutenir la concurrence étrangère, de les forcer à renvoyer une partie de leurs ouvriers et à baisser le salaire de ceux qu'ils continuent à employer, enfin de réduire les profits de la classe laborieuse, en même temps que d'élever le prix des moyens de subsistance. Tous ces effets se résument en un seul mot: misère, et je n'ai pas besoin de dire la connexité qui existe entre la misère des hommes et leur dégradation morale. Le penchant au vol et à l'ivrognerie, la haine des institutions sociales, le recours aux moyens violents de se soustraire à la souffrance, la révolte des âmes fortes, l'abattement, l'abrutissement des âmes faibles, tels sont donc les effets d'une législation qui oblige les classes les plus nombreuses à demander à la violence, à la ruse, à la mendicité, ce que le travail honnête ne peut plus leur donner. Faire l'histoire de cette législation, ce serait faire l'histoire du chartisme, du rébeccaïsme, de l'agitation irlandaise et de tous ces symptômes anarchiques qui désolent l'Angleterre, parce que c'est le pays du monde qui a poussé le plus loin l'abus de la spoliation sous forme de protection.

L'esprit de monopole étant étroitement lié à l'esprit de conquête, cela suffît pour qu'on doive lui attribuer une influence pernicieuse sur les mœurs d'un peuple considéré dans ses rapports avec l'étranger. Une nation avide de conquêtes ne saurait inspirer d'autres sentiments que la défiance, la haine et l'effroi. Et ces sentiments qu'elle inspire, elle les éprouve, ou du moins, pour apaiser sa conscience, elle s'efforce de les éprouver, et souvent elle y parvient. Quoi de plus déplorable, et de plus abject à la fois que cet effort dépravé, auquel on voit quelquefois un peuple se soumettre, pour s'inoculer à lui-même des instincts haineux, sous le voile d'un faux patriotisme, afin de justifier à ses propres yeux des entreprises et des agressions, dont au fond il ne peut méconnaître l'injustice? On verra ces nations envahir des tribus paisibles, sous le prétexte le plus frivole, porter le fer et le feu dans les pays dont elles veulent s'emparer, brûler les maisons, couper les arbres, ravir les propriétés, violer les lois, les usages, les mœurs et la religion des habitants; on les verra chercher à corrompre avec de l'or ceux que le fer n'aura pas abattus; décerner des récompenses et des honneurs à ceux de leurs ennemis qui auront trahi la patrie, et vouer une haine implacable à ceux qui, pour la défendre, se dévouent à toutes les horreurs d'une lutte sanglante et inégale. Quelle école! quelle morale! quelle appréciation des hommes et des choses! et se peut-il qu'au XIXe siècle un tel exemple soit donné, dans l'Inde et en Afrique, par les deux peuples qui se prétendent les dépositaires de la loi évangélique et les gardiens du feu sacré de la civilisation!

J'appelle l'attention de mon pays sur une situation qui me paraît ne pas le préoccuper assez. Le système prohibitif est mauvais, c'est ma conviction. Cependant, tant qu'il a été général, il enfantait partout des maux absolus sans altérer profondément la grandeur et la puissance relatives des peuples. L'affranchissement commercial d'une des nations les plus avancées du globe nous place au commencement d'une ère toute nouvelle. Il ne se peut pas que ce grand fait ne bouleverse toutes les conditions du travail, au sein de notre patrie; et si j'ai osé essayer de décrire les changements qu'il semble préparer, c'est que l'indifférence du public à cet égard me paraît aussi dangereuse qu'inexplicable.

DE L'AVENIR DU COMMERCE DES VINS
ENTRE LA FRANCE ET LA GRANDE-BRETAGNE 40

Aux membres de la Ligue, aux officiers du Board of trade, aux ministres du gouvernement anglais

La Ligue provoque les réformes commerciales, le Board of trade les élabore, le ministre les convertit en lois: c'est donc à ces trois degrés de juridiction que j'adresse les réflexions qui suivent.

L'Angleterre ne produisant pas de vins, les droits de douane qui frappent ce liquide ne peuvent être considérés comme protecteurs. Par ce motif, ils ne suscitent pas les réclamations de la Ligue. Aussi voit-on les vins figurer parmi les huit articles auxquels paraît devoir se restreindre l'action du tarif anglais.

Cependant un droit, même fiscal, est contraire à la liberté du commerce, si, par son exagération, il prévient des échanges internationaux, s'il interdit au peuple des satisfactions qui n'ont en elles-mêmes rien d'immoral, s'il va jusqu'à lui ravir le choix de ses habitudes41, si même, sacrifiant ce revenu public, qui lui sert de prétexte, on s'en sert comme d'un acte de représailles contre des tarifs étrangers, ou qu'on le réserve comme moyen d'agir sur ces tarifs42. C'est parce que l'administration anglaise est décidée à mettre enfin la justice au-dessus de ces vaines considérations d'une fausse et étroite politique, qu'elle se propose, si je suis bien informé, de substituer au droit fixe actuel de 5 sch. 6 d. par gallon une taxe fixe d'un schilling, plus un droit de 20 pour 100.

Cependant, en laissant subsister ce droit fixe d'un schilling, faites-vous réellement justice au peuple anglais, d'une part, de l'autre, entrez-vous franchement dans la voie d'une saine politique à l'égard des autres peuples? – Ce sont deux points sur lesquels je vous prie de me permettre d'appeler votre attention.

Mais quel droit a un étranger de s'immiscer dans une telle question? Le droit que je tiens de votre principe: liberté de commerce n'implique-t-elle pas entre les nations communauté d'intérêts? En m'occupant de votre pays, je travaille pour le mien, ou, si vous l'aimez mieux, en m'occupant du mien, je travaille pour le vôtre.

Qu'un droit uniforme appliqué à des valeurs différentes soit injuste, c'est ce qui n'a pas besoin de démonstration. Je me bornerai donc, sur ce point, à montrer en chiffres les résultats des trois systèmes, en supposant que les prix maximum et minimum des vins pouvant donner lieu à un commerce important soient de 28 sch. et 3 sch. le gallon.



Ces chiffres approximatifs n'ont pas besoin de commentaires.

Aujourd'hui, pour une dépense égale, le pauvre paye huit fois la taxe du riche.

Dans le système projeté, il payerait encore une taxe double.

Le droit ad valorem est seul équitable.

J'ai eu l'honneur de soumettre verbalement cette observation à quelques-uns de vos plus célèbres économistes, à des membres du Parlement, à des hommes d'État: ils sont loin d'en contester la justesse; mais, disent-ils, le droit ad valorem est d'une perception coûteuse et difficile.

Mais une difficulté d'exécution suffit-elle pour justifier la perpétration d'une injustice? En France, l'administration aurait trouvé commode de frapper chaque hectare de terre d'un impôt uniforme, sans égard à sa force contributive; elle n'y a pas songé, cependant, et n'a pas reculé devant les complications du cadastre. La raison en est simple: quand la nation en masse rencontre un obstacle, c'est à la nation en masse à le vaincre; et elle ne peut sans iniquité s'en débarrasser aux dépens d'une classe, et précisément de la classe la plus malheureuse.

L'objection, d'ailleurs, perd toute sa force en présence du système mixte. Il implique la possibilité de prélever le droit graduel.

On ajoute, il est vrai, que sans le droit fixe il faudrait, sous peine de compromettre le revenu de l'État, porter plus haut le droit ad valorem, qui, dans ce cas, offrirait un trop fort appât à la fraude.

Mais sont-ce les réformateurs auxquels je m'adresse qui plaideront la cause des droits exagérés, au point de vue fiscal? Quand vous voulez grossir votre revenu, quel est depuis longtemps tout votre secret? C'est justement de modérer les taxes. Cette politique ne vous a jamais failli; et, en ce moment même, les résultats de l'abaissement des droits sur le sucre lui donnent une éclatante consécration.

On peut, je crois, tenir pour certain qu'avec un droit modéré de 20 pour 100, l'Angleterre fera sur les vins un commerce immense et constamment progressif. La France consomme 40 millions d'hectolitres de vins, malgré les taxes et les entraves par lesquelles il semble qu'elle cherche à détruire cette branche d'industrie; y a-t-il exagération à établir que la Grande-Bretagne, avec ses puissantes ressources de consommation, achètera le dixième de ce qu'achète la France, ou 4 millions d'hectolitres, dont 7/8 de vins ordinaires à 3 sch. et 1/8 de vins fins à 28 sch. en moyenne? Or, dans cette hypothèse, le Trésor recouvrerait de 3 à 4 millions sterling. Il ne perçoit aujourd'hui que 2 millions.

J'ai dit en second lieu, que le droit uniforme me semble impolitique.

L'Angleterre s'étant assurée que la prospérité d'un peuple se mesure mieux par ses importations que par ses exportations, a pris le parti d'ouvrir ses ports aux produits des autres nations, sans attendre d'elles réciprocité, et sans même la leur demander. Son but principal est de mettre sa législation commerciale en harmonie avec la saine économie politique; mais, accessoirement, elle espère agir au dehors par son exemple, car, jusqu'à ce que la liberté soit universelle, elle ne lui cédera que la moitié de ses fruits.

Or, au point de vue de l'influence que peut exercer sur les nations cette initiative de la grande réforme commerciale, quelle différence immense sépare le droit fixe du droit ad valorem!

Avec le droit uniforme, vous continuerez, comme aujourd'hui, à recevoir quelques vins de Xérès et des bons crus de la Champagne et du Bordelais. L'Angleterre et la France se toucheront encore par leurs sommités aristocratiques, et vos riches seigneurs donneront la main, par-dessus la Manche et à travers les tarifs, à nos grands propriétaires. Mais voulez-vous que votre population et la nôtre soient mises en contact sur tous les points; qu'un commerce actif et régulier entre les deux peuples pénètre dans tous les districts, dans toutes les communes, dans toutes les familles? Tenez-vous à voir l'Angleterre passer le détroit et enfoncer dans notre sol de profondes racines? Renoncez à ce droit fixe, et laissez l'infinie variété de nos produits aller satisfaire l'infinie variété de vos goûts et de vos fortunes. Alors les avocats du free-trade, en France, auront une large base d'opérations; car la connaissance, l'amour, le besoin du libre-échange, descendront jusque dans nos chaumières, et il n'y aura pas un de nos foyers qui ne suscite quelque défenseur à ce principe d'éternelle justice. Et ai-je besoin de vous dire les conséquences?.. La puissance de consommation s'élargira tellement, en France comme en Angleterre, qu'il y aura des débouchés pour vos manufactures comme pour nos fabriques, pour nos champs comme pour les vôtres; et le temps arrivera, je l'espère, où vous pourrez transformer en navires marchands vos vaisseaux de guerre, comme nous pourrons rendre nos jeunes soldats à l'industrie.

Paix au dehors, justice au dedans, prospérité partout, – de tels résultats pourraient-ils être balancés dans votre esprit par une simple difficulté d'exécution, qui ne vous a pas arrêtés pour le thé, et que d'ailleurs vous n'évitez pas par le système mixte?

40.Extrait du Journal des Économistes, no d'août 1845. (Note de l'éditeur.)
41.J'ai souvent entendu dire, en Angleterre, que l'élévation des droits sur les vins de basse qualité était sans importance, parce qu'en aucun cas le peuple ne buvait de vin, dont il n'a pas l'habitude. Mais ne sont-ce pas ces droits qui ont créé ces habitudes?
42.Sir Robert Peel, en présentant son plan financier, a dit qu'il «réservait les droits sur les vins comme moyen d'amener la France à un traité de commerce.» Mais il a dit aussi que «si cette politique ne réussissait pas, y persévérer serait léser les intérêts du peuple anglais.»
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
03 июля 2017
Объем:
633 стр. 40 иллюстраций
Правообладатель:
Public Domain

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