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Читать книгу: «Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 1», страница 17

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Mais c'est surtout pour la partie économique des travaux de la chambre que nous devons être scrupuleux dans le choix de nos députés. Les abus, les sinécures, les traitements excessifs, les fonctions inutiles, les emplois nuisibles, les régies substituées à la concurrence, devront être l'objet d'une investigation sévère; je ne crains pas de le dire: c'est là qu'est le plus grand fléau de la France.

Je demande pardon au lecteur de la digression vers laquelle je me sens irrésistiblement entraîné; mais je ne puis m'empêcher de chercher à faire comprendre, sur cette grave question, ma pensée tout entière.

Si je ne considérais les dépenses excessives comme un mal, qu'à cause de la portion des richesses qu'elles ravissent inutilement à la nation, si je n'y voyais d'autres résultats que le poids accablant de l'impôt, je n'en parlerais pas si souvent, je dirais, avec M. Guizot, qu'il ne faut pas marchander la liberté, qu'elle est un bien si précieux qu'on ne saurait le payer trop cher, et que nous ne devons pas regretter les millions qu'elle nous coûte.

Un tel langage suppose que la profusion et la liberté peuvent marcher ensemble; mais si j'ai la conviction intime qu'elles sont incompatibles, que les gros traitements et la multiplication des places excluent non-seulement la liberté, mais encore l'ordre et la tranquillité publiques, qu'ils compromettent la stabilité des gouvernements, vicient les idées des peuples et corrompent leurs mœurs, on ne s'étonnera plus que j'attache tant d'importance au choix des députés qui nous permettent d'espérer la destruction d'un tel abus.

Or, que peut-il exister de liberté là où, pour soutenir d'énormes dépenses, le gouvernement, forcé de prélever d'énormes tributs, se voit réduit à recourir aux contributions les plus vexatoires, aux monopoles les plus injustes, aux exactions les plus odieuses, à envahir le domaine des industries privées, à rétrécir sans cesse le cercle de l'activité individuelle, à se faire marchand, fabricant, courrier, professeur, et non-seulement à mettre à très-haut prix ses services, mais encore à éloigner, par l'aspect des châtiments destinés au crime, toute concurrence qui menacerait de diminuer ses profits? Sommes-nous libres si le gouvernement épie tous nos mouvements pour les taxer, soumet toutes les actions aux recherches des employés, entrave toutes les entreprises, enchaîne toutes les facultés, s'interpose entre tous les échanges pour gêner les uns, empêcher les autres et les rançonner presque tous?

Peut-on attendre de l'ordre d'un régime qui, plaçant sur tous les points du territoire des millions d'appâts offerts à la cupidité, donne perpétuellement, à tout un vaste royaume, l'aspect que présente une grande ville au jour des distributions gratuites?

Croit-on que la stabilité du pouvoir soit bien assurée lorsque, abandonné par les peuples, qu'il s'est aliénés par ses exactions, il reste livré sans défense aux attaques des ambitieux; lorsque les portefeuilles sont assaillis et défendus avec acharnement, et que les assiégeants s'appuient sur la rébellion comme les assiégés sur le despotisme, les uns pour conquérir la puissance, les autres pour la conserver?

Les gros traitements n'engendrent pas seulement les entraves, le désordre et l'instabilité du pouvoir, ils faussent encore les idées des peuples, en renforçant ce préjugé gothique qui faisait mépriser le travail et honorer exclusivement les fonctions publiques; ils corrompent les mœurs en rendant les carrières industrielles onéreuses et celles des places florissantes; en excitant la population entière à déserter l'industrie pour les emplois, le travail pour l'intrigue, la production pour la consommation stérile, l'ambition qui s'exerce sur les choses pour celle qui n'agit que sur les hommes; enfin en répandant de plus en plus la manie de gouverner et la fureur de la domination.

Voulons-nous donc délivrer l'autorité des intrigants qui l'obsèdent pour la partager, des factieux qui la sapent pour la conquérir, des tyrans qui la renforcent pour la défendre; voulons-nous arriver à l'ordre, à la liberté, à la paix publique? appliquons-nous surtout à diminuer les grosses rétributions; supprimons l'appât, si nous redoutons la convoitise; faisons disparaître ces prix séduisants attachés au bout de la carrière, si nous ne voulons pas qu'elle se remplisse de jouteurs; entrons franchement dans le système américain; que les hauts fonctionnaires soient indemnisés et non richement dotés, que les places donnent beaucoup de travail et peu de profits, que les fonctions publiques soient une charge et non un moyen de fortune, qu'elles ne puissent pas faire briller ceux qui les ont ni exciter l'envie de ceux qui ne les ont pas.

Après avoir compris l'objet d'une représentation nationale, après avoir recherché quels seront les travaux qui occuperont la prochaine législature, il nous sera facile de savoir quelles sont les qualités et les garanties que nous devons exiger de notre député.

Il est clair que la première chose que nous devons chercher en lui, c'est la connaissance des objets sur lesquels il sera appelé à discuter, en d'autres termes, la capacité en économie politique et en législation.

On ne pourra pas contester que M. Faurie remplisse cette première condition. L'habileté avec laquelle il a géré ses affaires particulières est une garantie qu'il saura administrer les affaires publiques; ses connaissances en finances pourront être à la chambre d'une grande utilité; enfin, toute sa vie, il s'est livré avec ardeur à l'étude des sciences morales et politiques.

La capacité de bien faire ne suffit pas à notre mandataire, il faut encore qu'il en ait la volonté; et cette volonté ne peut nous être garantie que par un passé invariable, une indépendance absolue dans le caractère, la fortune et la position sociale.

Sous tous ces rapports, M. Faurie doit satisfaire les exigences de l'électeur le plus sévère.

Aucune variation dans son passé ne peut nous en faire redouter pour l'avenir. Sa probité, dans la vie privée, est connue, et la vertu, chez M. Faurie, n'est pas un sentiment vague, mais un système arrêté et invariablement mis en pratique; en sorte qu'il serait difficile de trouver un homme dont la conduite et les opinions fussent plus en harmonie. Sa probité politique est poussée jusqu'au scrupule; sa fortune le met au-dessus de toutes les séductions, comme son courage au-dessus de toutes les craintes; il ne veut pas de places et ne peut pas en vouloir; il n'a ni fils ni frères, en faveur desquels il puisse, à nos dépens, compromettre son indépendance; enfin l'énergie de son caractère en fera pour nous, non un solliciteur intrépide (il est bon de le dire), mais au besoin un défenseur opiniâtre.

Si, à la justesse des idées et à l'élévation des sentiments on désirait, comme condition, sinon indispensable, du moins avantageuse, le talent de la parole, je n'oserais affirmer que M. Faurie possédât cette éloquence passionnée destinée à remuer les masses populaires sur une place publique; mais je le crois très en état d'énoncer devant la chambre les observations qui lui seraient suggérées par son esprit droit et ses intentions consciencieuses, et l'on conviendra que, lorsqu'il s'agit de discuter des lois, l'éloquence qui ne s'adresse qu'à la raison pour l'éclairer est moins dangereuse que celle qui agit sur les passions pour les égarer.

J'ai entendu faire contre ce candidat une objection qui me paraît bien peu fondée: «N'est-il pas à craindre, disait-on, qu'étant Bayonnais il ne travaille plus pour Bayonne que pour le département des Landes?»

Je ne répondrai pas que personne ne songeait à faire cette objection contre M. d'Haussez; que le lien qui s'établit entre l'élu et les électeurs est aussi puissant que celui qui attache l'homme au pays qui l'a vu naître; enfin, que M. Faurie, possédant ses propriétés dans le département des Landes, peut être, en quelque sorte, regardé comme notre compatriote.

Il est une autre réponse qui, selon moi, ôte toute sa force à l'objection.

Ne semblerait-il pas, à entendre le langage de ces hommes prévoyants, que les intérêts de Bayonne et ceux du département des Landes sont tellement opposés, qu'on ne puisse rien faire pour les uns qui ne tourne nécessairement contre les autres? Mais pour peu qu'on réfléchisse à la position respective de Bayonne et des Landes, on sentira qu'au contraire leurs intérêts sont inséparables, identiques.

En effet, une ville de commerce placée à l'embouchure d'un fleuve ne peut avoir, dans le cours ordinaire des choses, qu'une importance proportionnée à celle du pays que ce fleuve parcourt. Si Nantes et Bordeaux prospèrent plus que Bayonne, c'est que la Loire et la Garonne traversent des pays plus riches que l'Adour, des contrées capables de produire et de consommer davantage; or, les échanges relatifs à cette production et à cette consommation se faisant dans la ville située à l'embouchure du fleuve, il s'ensuit que le commerce de cette ville se développe ou se restreint selon que les pays environnants prospèrent ou dépérissent. Que les bords de l'Adour et des rivières qui lui portent leurs eaux soient fertiles, que les landes soient défrichées, que la Chalosse ait des moyens de communication, que notre département soit traversé de canaux, habité par une population nombreuse et riche, alors Bayonne aura un commerce assuré, fondé sur la nature des choses. Notre député veut-il donc faire fleurir Bayonne, c'est sur le département des Landes qu'il doit d'abord appeler la prospérité.

Si une autre circonscription faisait entrer Bayonne dans notre département, n'est-il pas vrai qu'on ne ferait pas l'objection? Eh quoi! une ligne écrite sur un morceau de papier a donc changé la nature des choses? parce que, sur la carte, une ville est séparée de la campagne qui l'environne, par une raie rouge ou bleue, cela peut-il rompre leurs intérêts réciproques?

Il y en a qui craignent de compromettre le bon ordre en choisissant pour députés des hommes franchement libéraux. «Pour le moment, disent-ils, nous avons besoin de l'ordre avant tout. Il nous faut des députés qui ne veuillent aller ni trop loin ni trop vite!»

Eh! c'est précisément pour le maintien de l'ordre qu'il faut nommer de bons députés! C'est par amour pour l'ordre que nous devons chercher à mettre les chambres en harmonie avec la France. Vous voulez de l'ordre, et vous renforcez le centre droit, au moment où la France s'irrite contre lui, au moment où, déçue dans ses plus chères espérances, elle attend avec anxiété le résultat des élections? Et savez-vous ce qu'elle fera, si elle voit encore une fois son dernier espoir s'évanouir? Quant à moi, je ne le sais pas.

Électeurs, rendons-nous à notre poste, songeons que la prochaine législature porte dans son sein toutes les destinées de la France; songeons que ses décisions doivent étouffer à jamais, ou prolonger indéfiniment, cette lutte déjà si longue entre l'ancienne France et la France moderne! Rappelons-nous que nos destinées sont dans nos mains, que c'est nous qui sommes les maîtres de raffermir ou de dissoudre cette monstrueuse centralisation, cet échafaudage construit par Bonaparte et restauré par les Bourbons, pour exploiter la nation après l'avoir garrottée! N'oublions pas que c'est une chimère de compter, pour l'amélioration de notre sort, sur des couleurs et des noms propres; ne comptons que sur notre indépendance et notre fermeté. Voudrions-nous que le pouvoir s'intéressât plus à nous que nous ne nous y intéressons nous-mêmes? Attendons-nous qu'il se restreigne si nous le renforçons; qu'il se montre moins entreprenant si nous lui envoyons des auxiliaires; espérons-nous que nos dépouilles soient refusées si nous sommes les premiers à les offrir? Quoi! nous exigerions de ceux qui nous gouvernent une grandeur d'âme surnaturelle, un désintéressement chimérique, et nous, nous ne saurions pas défendre, par un simple vote, nos intérêts les plus chers!

Électeurs, prenons-y garde! nous ne ressaisirons pas l'occasion, si nous la laissons échapper. Une grande révolution s'est faite; jusqu'ici en quoi a-t-elle amélioré votre existence? Je sais que les réformes ne se font pas en un jour, qu'il ne faut pas demander l'impossible, ni censurer à tort et à travers, par mauvaise humeur ou par habitude. Je sais que le nouveau gouvernement a besoin de force, je le crois animé des meilleures intentions; mais enfin il ne faut pas fermer les yeux à l'évidence; il ne faut pas que la crainte d'aller trop vite, non-seulement nous frappe d'immobilité, mais encore nous ôte l'espoir d'avancer; et s'il n'a pas été fait d'améliorations matérielles, nous en fait-on du moins espérer? Non, on déchire ces proclamations enivrantes qui, dans la grande semaine, nous auraient fait verser jusqu'à la dernière goutte de notre sang. Chaque jour nous rapproche du passé que les trois immortelles journées devaient rejeter à un siècle loin de nous. S'agit-il de la loi communale? on exhume le projet Martignac, élaboré sous l'influence d'une cour méticuleuse et sans confiance dans la nation. S'agit-il d'une garde nationale mobile? au lieu de ces choix populaires qui doivent en faire la force morale, on nous jette, pour nous consoler, l'élection des subalternes, et l'on se méfie assez de nous pour nous imposer tous nos chefs. Est-il question d'impôts? on déclare nettement que le gouvernement n'en rabattra pas une obole; que s'il fait un sacrifice sur une branche de revenu il veut se retrouver sur une autre; que le milliard doit rester intact à tout jamais; que si l'on parvient à quelque économie, on n'en soulagera pas les contribuables; que supprimer un abus serait s'engager à les supprimer tous, et qu'on ne veut pas s'engager dans cette route; que l'impôt sur les boissons est le plus juste, le plus équitable des impôts, celui dont la perception est la plus douce et la moins coûteuse; que c'est le beau idéal des conceptions fiscales; qu'il faudrait le maintenir, sans faire aucun cas des clameurs d'une population accablée; que si on consent à le modifier, c'est bien à contre-cœur, et à condition qu'au lieu d'une iniquité, on nous en fera subir deux; que tous les transports seront taxés sans qu'il en résulte aucune gêne, aucun inconvénient pour personne; que le luxe ne doit pas payer; que ce sont les objets utiles qu'il faut frapper de contributions redoublées; que la France est belle et riche, qu'on peut compter sur elle, qu'elle est facile à mettre à la raison, et cent autres choses qui font revivre le comte Villèle dans le baron Louis, et qui frappent d'un étourdissement au sortir duquel on ignore si l'on se réveille sous le règne de Philippe ou sous celui de Bonaparte.

Mais, dira-t-on, ce ne sont que des projets; il faut encore que nos députés les discutent et les adoptent.

Sans doute; et c'est pour cela qu'il importe d'être scrupuleux dans nos choix, de ne donner nos suffrages qu'à des hommes indépendants de tous les ministères présents et futurs.

Électeurs, Paris nous donne la liberté avec son sang, détruirons-nous son ouvrage avec nos votes? Allons aux élections uniquement pour le bien général. Fermons l'oreille à toute promesse fallacieuse, fermons nos cœurs à toutes affections personnelles, même à la reconnaissance. Faisons sortir de l'urne le nom d'un homme sage, éclairé, indépendant. Si l'avenir nous apporte un meilleur sort, ayons la gloire d'y avoir contribué; s'il recèle encore des tempêtes, n'ayons point à nous les reprocher.

RÉFLEXIONS SUR LES PÉTITIONS DE BORDEAUX, LE HAVRE ET LYON, CONCERNANT LES DOUANES

(Avril 1834.)

La liberté commerciale aura probablement le sort de toutes les libertés, elle ne s'introduira dans nos lois qu'après avoir pris possession de nos esprits. Aussi devons-nous applaudir aux efforts des négociants de Bordeaux, du Havre et de Lyon, dussent ces efforts n'avoir immédiatement d'autres résultats que d'éveiller l'attention publique.

Mais s'il est vrai qu'une réforme doive être généralement comprise pour être solidement établie, il s'ensuit que rien ne lui peut être plus funeste que ce qui égare l'opinion; et rien n'est plus propre à l'égarer que les écrits qui réclament la liberté en s'appuyant sur les doctrines du monopole.

Il y a sans doute bien de la témérité à un simple agriculteur de troubler, par une critique audacieuse, l'unanime concert d'éloges qui a accueilli, au dedans et au dehors de notre patrie, les réclamations du commerce français. Il n'a fallu rien moins pour l'y décider que la ferme conviction, je dirai même la certitude, que ces pétitions seraient aussi funestes, par leurs résultats, aux intérêts généraux, et particulièrement aux intérêts agricoles de la France, qu'elles le sont par leurs doctrines au progrès des connaissances économiques.

En m'élevant, au nom de l'agriculture, contre les projets de douanes présentés par les pétitionnaires, j'éprouve le besoin de commencer par déclarer que ce qui, dans ces projets, excite mes réclamations, ce n'est point ce qu'ils renferment de libéral dans les prémisses, mais d'exclusif dans les conclusions.

On demande que toute protection soit retirée aux matières premières, c'est-à-dire à l'industrie agricole, mais qu'une protection soit continuée à l'industrie manufacturière.

Je ne viens point défendre la protection qu'on attaque, mais attaquer la protection qu'on défend.

On réclame le privilége pour quelques-uns; je viens réclamer la liberté pour tous.

L'agriculture doit de bien vendre au monopole qu'elle exerce, et de mal acheter au monopole qu'elle subit. S'il est juste de lui retirer le premier, il ne l'est pas moins de l'affranchir du second. (Voyez tome II, pages 25 et suiv.)

Vouloir nous livrer à la concurrence universelle, sans y soumettre les fabricants, c'est nous léser dans nos ventes sans nous soulager dans nos achats, c'est faire justement le contraire pour les manufacturiers. Si c'est là la liberté, qu'on me définisse donc le privilége.

Il appartient à l'agriculture de repousser de telles tentatives.

J'ose en appeler ici aux pétitionnaires eux-mêmes, et particulièrement à M. Henri Fonfrède. Je l'adjure de réfuter mes réclamations ou de les appuyer.

Je prouverai:

1° Qu'il y a, entre le projet des pétitionnaires et le système du gouvernement, communauté de principe, d'erreur, de but et de moyens;

2° Qu'ils ne diffèrent que par une erreur de plus à la charge des pétitionnaires;

3° Que ce projet a pour but de constituer un privilége inique en faveur des négociants et des fabricants, et au détriment des agriculteurs et du public.

§ 1. Il y a, entre le système des pétitionnaires et le régime prohibitif, communauté de principe, d'erreur, de but et de moyens

Qu'est-ce que le régime prohibitif? Laissons parler M. de Saint-Cricq.

«Le travail constitue la richesse d'un peuple, parce que seul il a créé les choses matérielles que réclament nos besoins, et que l'aisance universelle consiste dans l'abondance de ces choses.» Voilà le principe.

«Mais il faut que cette abondance soit le produit du travail national; si elle était le produit du travail étranger, le travail national s'arrêterait promptement.» Voilà l'erreur.

«Que doit donc faire un pays agricole et manufacturier? Réserver son marché aux produits de son sol et de son industrie.» Voilà le but.

«Et pour cela, restreindre par des droits et prohiber au besoin les produits du sol et de l'industrie des autres peuples.» Voilà le moyen.

Rapprochons de ce système celui de la pétition de Bordeaux.

Elle divise toutes les marchandises en quatre classes. La première et la seconde renferment des objets d'alimentation et des matières premières, vierges encore de tout travail humain. En principe, une sage économie exigerait que ces deux classes ne fussent pas imposées.

La troisième classe est composée d'objets qui ont reçu une préparation. Cette préparation permet qu'on la charge de quelques droits. On le voit, la protection commence sitôt que, d'après la doctrine des pétitionnaires, commence le travail national.

La quatrième classe comprend des objets perfectionnés, qui ne peuvent nullement servir au travail national. Nous la considérons, dit la pétition, comme la plus imposable.

Ainsi les pétitionnaires professent que la concurrence étrangère nuit au travail national; c'est l'erreur du régime prohibitif. Ils demandent protection pour le travail; c'est le but du régime prohibitif. Ils font consister cette protection en des taxes sur le travail étranger; c'est le moyen du régime prohibitif.

§ 2. Ces deux systèmes diffèrent par une erreur de plus à la charge des pétitionnaires

Cependant il y a entre ces deux doctrines une différence essentielle. Elle réside tout entière dans le plus ou moins d'extension donnée à la signification du mot travail.

M. de Saint-Cricq l'étend à tout. Aussi veut-il tout protéger.

«Le travail constitue toute la richesse d'un peuple, dit-il; protéger l'industrie agricole, toute l'industrie agricole, l'industrie manufacturière, toute l'industrie manufacturière, c'est le cri qui retentira toujours dans cette chambre.»

Les pétitionnaires ne voient de travail que celui des fabricants; aussi n'admettent-ils que celui-là aux faveurs de la protection.

«Les matières premières sont vierges de travail humain; en principe on ne devrait pas les imposer. Les objets fabriqués ne peuvent plus servir au travail national, nous les considérons comme les plus imposables.

Il se présente donc ici trois questions à examiner: 1° Les matières premières sont-elles le produit du travail? 2° Si elles ne sont pas autre chose, ce travail est-il si différent du travail des fabriques qu'il soit raisonnable de les soumettre à des régimes opposés? 3° Si le même régime convient à tous les travaux, est-ce celui de la liberté ou celui de la protection?

1° Les matières premières sont-elles le produit du travail?

Et que sont donc, je le demande, tous les articles que les pétitionnaires comprennent dans les deux premières classes de leur projet? Qu'est-ce que les blés de toutes sortes, la farine, les bestiaux, les viandes sèches et salées, le porc, le lard, le sel, le fer, le cuivre, le plomb, la houille, la laine, les peaux, les semences, si ce n'est le produit du travail?

Quoi! dira-t-on, un lingot de fer, une balle de laine, un boisseau de blé sont des produits du travail? N'est-ce point la nature qui les crée?

Sans doute la nature crée les éléments de toutes ces choses, mais c'est le travail humain qui en produit la valeur. Il n'appartient pas à l'homme de créer, de faire quelque chose de rien, pas plus au manufacturier qu'au cultivateur; et si par production on entendait création, tous nos travaux seraient improductifs, et ceux des négociants plus que tous autres.

L'agriculteur n'a donc pas la prétention d'avoir créé la laine, mais il a celle d'en avoir produit la valeur, je veux dire, d'avoir, par son travail et ses avances, transformé en laine des substances qui n'y ressemblaient nullement. Que fait de plus le manufacturier qui la convertit en drap?

Pour que l'homme puisse se vêtir de drap, une foule d'opérations sont nécessaires. Avant l'intervention de tout travail humain, les véritables matières premières de ce produit sont l'air, l'eau, la chaleur, la lumière, le gaz, les sels qui doivent entrer dans sa composition. Un premier travail convertit ces substances en fourrages, un second en laine, un troisième en fil, un quatrième en vêtement. Qui osera dire que tout n'est pas travail dans cette œuvre, depuis le premier coup de charrue qui la commence, jusqu'au dernier coup d'aiguille qui la termine?

Et parce que, pour plus de célérité, dans l'accomplissement de l'œuvre définitive, le vêtement, les travaux se sont répartis entre plusieurs classes d'industrieux, vous voulez, par une distinction arbitraire, que l'ordre de succession de ces travaux soit la raison de leur importance, en sorte que le premier ne mérite pas même le nom de travail, et que le dernier, travail par excellence, soit seul digne des faveurs du monopole? Je ne crois pas qu'on puisse pousser plus loin l'esprit de système et de partialité.

L'agriculteur, dira-t-on, n'a pas comme le fabricant tout exécuté par lui-même; la nature l'a aidé; et s'il y a du travail, tout n'est pas travail dans le blé.

Mais tout est travail dans sa valeur, répéterai-je. Je veux que la nature ait concouru à la formation matérielle du grain; je veux que cette formation soit exclusivement son ouvrage; mais convenez que je l'y ai contrainte par mon travail, et quand je vous vends du blé, ce n'est point le travail de la nature que je me fais payer, mais le mien.

Et, à ce compte, les objets fabriqués ne seraient pas non plus des produits du travail. Le manufacturier ne se fait-il pas seconder aussi par la nature? Ne s'empare-t-il pas, à l'aide de la machine à vapeur, du poids de l'atmosphère, comme à l'aide de la charrue je m'empare de son humidité? A-t-il créé les lois de la gravitation, de la transmission des forces, de l'affinité?

On conviendra peut-être que la laine et le blé sont le produit du travail. Mais la houille, dira-t-on, est certainement l'ouvrage, et l'ouvrage exclusif de la nature.

Oui, la nature a fait la houille (car elle a tout fait), mais le travail en a fait la valeur. La houille n'a aucune valeur quand elle est à cent pieds sous terre. Il l'y faut aller chercher, c'est un travail; il la faut porter sur un marché, c'est un autre travail; et remarquez-le bien, le prix de la houille sur le marché n'est autre que le salaire de ces travaux d'extraction et de transport.

La distinction qu'on a voulu faire, entre les matières premières et les matières fabriquées, est donc futile en théorie. Comme base d'une inégale répartition de faveurs, elle serait inique en pratique, à moins que l'on ne veuille prétendre que, bien qu'elles soient toutes deux des produits du travail, l'importation des unes est plus favorable que celle des autres au développement de la richesse publique. C'est la seconde question que j'ai à examiner.

2° Y a-t-il plus d'avantage pour une nation à importer des matières dites premières, que des objets fabriqués?

J'ai ici à combattre une opinion fort accréditée.

«Plus les matières premières sont abondantes, dit la pétition de Bordeaux, plus les manufactures se multiplient et prennent d'essor.» – «Les matières premières, dit-elle ailleurs, laissent une étendue sans limites à l'œuvre des habitants du pays où elles sont importées.» – «Les matières premières, dit la pétition du Havre, étant les éléments du travail, il faut les soumettre à un régime différent et les admettre de suite au taux le plus faible27.» – «Entre autres articles dont le bas prix et l'abondance sont une nécessité, dit la pétition de Lyon, les fabricants citent toutes les matières premières.»

Sans doute, il est avantageux pour une nation que les matières dites premières soient abondantes et à bas prix; et, je vous prie, serait-il avantageux pour elle que les objets fabriqués fussent chers et rares? Pour les unes comme pour les autres, il faut que cette abondance, ce bon marché soient le fruit de la liberté, ou que cette rareté, cette cherté soient le fruit du monopole. Ce qui est souverainement absurde et inique, c'est de vouloir que l'abondance des unes soit due à la liberté et la rareté des autres au privilége.

L'on insistera encore, j'en suis sûr, et l'on dira que les droits protecteurs du travail des fabriques sont réclamés dans l'intérêt général; qu'importer des articles auxquels le travail n'a plus rien à faire, c'est perdre tout le profit de la main-d'œuvre, etc., etc.

Remarquez sur quel terrain les pétitionnaires sont amenés. N'est-ce pas le terrain du régime prohibitif? M. de Saint-Cricq ne peut-il pas opposer un argument semblable à l'introduction des blés, des laines, des houilles, de toutes les matières enfin qui sont, nous l'avons vu, le produit du travail?

Réfuter ce dernier argument, prouver que l'importation du travail étranger ne nuit pas au travail national, c'est donc démontrer que le régime de la concurrence ne convient pas moins aux objets fabriqués qu'aux matières premières. C'est la troisième question que je m'étais proposée.

Qu'il me soit permis, pour abréger, de réduire cette démonstration à un exemple qui les comprend tous.

Un Anglais peut importer une livre de laine en France, sous plusieurs formes: en toison, en fil, en drap, en vêtement; mais, dans tous ces cas, il n'importera pas une égale quantité de valeur, ou, si l'on veut, de travail. Supposons que cette livre de laine vaille 3 francs brute, 6 francs en fil, 12 francs en drap, 24 francs confectionnée en vêtement. Supposons encore que, sous quelque forme que l'introduction s'opère, le payement se fasse en vin; car, après tout, il faut qu'il se fasse en quelque chose; et rien n'empêche de supposer que ce sera en vin.

Si l'Anglais importe la laine brute, nous exporterons pour 3 francs de vin; nous en exporterons pour 6 francs, si la laine arrive en fil; pour 12 francs, si elle arrive en drap; et enfin pour 24 francs, si elle arrive sous forme de vêtement. Dans ce dernier cas, le filateur, le fabricant, le tailleur auront été privés d'un travail et d'un bénéfice, je le sais; une branche de travail national aura été découragée d'autant, je le sais encore; mais une autre branche de travail également national, la viniculture, aura été encouragée précisément dans la même proportion. Et comme la laine anglaise ne peut arriver en France sous forme de vêtement qu'autant que tous les industrieux qui l'ont amenée à cet état seront supérieurs aux industrieux français, en définitive, le consommateur du vêtement aura réalisé un bénéfice qui pourra être considéré comme un profit net, tant pour lui que pour la nation.

Changez la nature des objets, leur appréciation, leur provenance, mais raisonnez juste, et le résultat sera toujours le même.

Je sais qu'on me dira que le payement a pu se faire non en vin, mais en numéraire. Je ferai observer que cette objection se tournerait aussi bien contre l'introduction d'une matière première que contre celle d'une matière fabriquée. J'ai d'ailleurs la certitude qu'elle ne me sera faite par aucun négociant digne de l'être. Quant aux autres, je me bornerai à leur faire observer que le numéraire est un produit indigène ou un produit exotique. Si c'est un produit indigène, nous n'en pouvons rien faire de mieux que de l'exporter. S'il est exotique, il a fallu le payer avec du travail national. Si nous l'avons acquis du Mexique, avec du vin par exemple, et que nous l'échangions ensuite contre un vêtement anglais, le résultat est toujours du vin changé contre un vêtement, et nous rentrons entièrement dans l'exemple précédent.

27.La même pétition veut que la protection des objets fabriqués soit réduite, non de suite, mais dans un temps indéterminé; non au taux le plus faible, mais au taux de 20 pour 100.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
03 июля 2017
Объем:
633 стр. 40 иллюстраций
Правообладатель:
Public Domain

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