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Читать книгу: «Childéric, Roi des Francs, (tome second)», страница 2

Comtesse de Beaufort d’Hautpoul Anne Marie
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CHILDÉRIC.
LIVRE DOUZIÈME

SOMMAIRE DU LIVRE DOUZIÈME

Bazin, roi de Thuringe, vient de perdre son fils Amalafroi. Vengeance que veut en tirer un père irrité. Arrivée de Childéric. Portrait de Bazine. Elle demande en vain la grace des Vandales; elle s'évanouit dans les bras de Childéric. Son entretien avec le roi des Francs. Elle le quitte. Retour de Bazin dans son palais. Festin. Chants funèbres.

LIVRE DOUZIÈME

Bazin régnoit seul en Thuringe depuis la mort d'Humfroi, son frère aîné, avec lequel il avoit partagé d'abord l'empire; ils habitoient alors deux palais voisins, et qu'un seul jardin séparoit. A la mort d'Humfroi, Bazin s'étoit emparé de ce trône à peine élevé, qui devoit tomber sous les coups de Thierry, fils de Clovis, et faire partie de sa puissance. Altier, sanguinaire et farouche, Bazin venoit de perdre l'aîné de ses fils, le jeune et bel Amalafroi, espoir et amour du peuple. Vainqueur des Vandales, il traitoit de la paix quand il fut lâchement assassiné: l'armée entière gémit sur une mort prématurée, et qui lui enlevoit un prince aussi brave que généreux. La douleur de Bazin fut extrême; mais il ne borne point son deuil à des larmes, la vengeance peut seule satisfaire ses regrets terribles. En vain il lui reste encore trois fils, Hermanfroi, âgé de douze ans, Baderic et Berthier, encore enfans; rien ne le console, ne l'appaise; c'est du sang qu'il faut à sa douleur: tous les prisonniers faits sur les Vandales pendant la guerre, seront immolés sur la tombe d'Amalafroy, de ce prince, qui, dans le cours d'une longue carrière, n'eût pas vu couler sans pitié une goutte de ce sang qui va se répandre à grands flots. Déjà les apprêts de ces sanglantes obsèques ont frappé d'horreur les sens de Childéric; il a aperçu le bûcher en se rendant à la cour du roi de Thuringe; il a reculé d'effroi, et a frémi au récit que lui font les gardes qu'il a interrogés. Cependant, au bruit de son arrivée, Bazin se présente pour le recevoir, et la beauté du monarque français, sa taille superbe et son aspect enchantent déjà tous ceux qui l'entourent; il parle, il plaît davantage encore, et tous les cœurs lui sont soumis. Arrivé dans les appartemens du roi de Thuringe, Childéric, comblé d'honneurs, répond à ces hommages avec une noble reconnoissance: on l'écoute, on l'admire, il règne sur tout ce qui l'approche; l'aimable Eginard reçoit lui-même un favorable accueil, et partage les égards dont on accable son maître.

Mais les horribles funérailles que prépare un père irrité, ont porté la douleur dans l'ame sensible de Bazine, nièce du roi de Thuringe, et destinée, dès sa naissance, à épouser son fils. Bazine, restée au palais de son père Humfroi, et élevée par les ordres de son oncle, cache dans l'ombre sa beauté, sa grace, sa douce mélancolie, et tous les présens qu'elle a reçus de la nature; dans une extrême jeunesse, elle a montré une ame élevée, un caractère constant et noble, un esprit juste, une imagination profonde. Bazine a deviné tout ce qu'elle est loin encore de sentir, ce qu'elle ne doit peut-être jamais connoître, et sa raison, qui avertit son cœur des privations qui l'attendent, l'a condamnée aux regrets, long-tems avant qu'elle eût l'idée du plaisir. L'amour pur, extrême, sincère et constant, ce dieu des ames tendres et fidèles, se peignoit à sa pensée comme le seul vrai bien de la vie; la bienfaisance en étoit pour elle la consolation; une bonne action, voilà le plaisir pour Bazine, et les larmes de joie qu'elle faisoit répandre, étoient la volupté pour son cœur. Ses traits réguliers, mais doux, son regard languissant et timide, son sourire innocent, ses graces enfantines et légères, tout en elle est pur et dans une parfaite harmonie; la négligence et l'abandon de sa démarche, un air rêveur, un son de voix qui portoit à l'ame ses moindres discours, font de Bazine un de ces êtres charmans que l'on aime, que l'on admire, et qui ravissent pour toujours. La princesse, destinée à l'hymen d'Amalafroy, renonçoit, en l'épousant, à la délicieuse idée d'un amour mutuel; elle éprouvoit un regret qu'elle condamnoit elle-même; en songeant à cet hymen, elle pleuroit un bonheur mensonger, mais enchanteur. Des raisons politiques forçoient le roi de Thuringe à presser cette union; et Bazine, à l'approche de cet instant, sentoit augmenter son indifférence; elle se le reprochoit, elle vouloit aimer celui qu'elle estimoit, son cœur rebelle se refusoit à ses propres volontés. Appartenir sans se donner, passer sa vie sans connoître l'amour, renoncer à ses rêves charmans, sacrifier ses vagues, mais délicieuses espérances, se dérober soi-même à ce héros inconnu encore, mais qui sans doute existoit pour elle, ces pensées plongeoient la jeune princesse dans une tristesse accablante. Amalafroy plus heureux, ou plus à plaindre peut-être, aimoit avec idolâtrie; il voyoit avec transport s'approcher l'heureuse époque de son hymen; il se plaignoit pourtant d'une froideur dont son amour et sa délicatesse étoient alarmés: alors Bazine lui sourioit avec tant de graces, qu'il se reprochoit ses plaintes: il espéroit; mais à peine âgé de dix-huit ans, le prince est déjà moissonné! Il n'a paru qu'un seul jour pour se faire connoître et regretter, et Bazine a donné des larmes à celui dont elle fut aimée. Cependant la vengeance terrible du roi de Thuringe révolte son cœur, tant d'innocentes victimes excitent sa pitié; timide et modeste, Bazine craint de paroître; destinée au trône, elle a cependant le noble sentiment de sa grandeur, qui l'élève au rang qui lui est réservé. Le jour est fixé, on nomme déjà l'instant, la princesse ne peut différer davantage; couverte de vêtemens de deuil, voilée et suivie de la bonne Eusèbe, sa nourrice et sa gouvernante, de la séduisante Berthilie, sa meilleure amie, elle quitte son palais, traverse légèrement le jardin qui le sépare de celui du roi, et se présente à ses regards au moment où il venoit de recevoir avec tant d'honneurs Childéric et Eginard. Bazine, qui a rejeté son voile en arrière, rougit à l'aspect de deux étrangers; mais, s'adressant à son oncle: Je viens, lui dit-elle, implorer votre clémence, et recourir à vos bontés. – Que voulez-vous, Bazine? parlez; que demandez-vous? – La grâce de ces malheureux Vandales, si cruellement condamnés. A ces mots, prononcés avec une enchanteresse douceur, Bazine leva ses beaux yeux remplis d'une expression si tendre; mais le roi, enflammé de courroux, lui répondit: Eh quoi! c'est vous, vous, destinée à devenir l'épouse d'Amalafroy, vous qu'il aima, c'est vous qui m'osez demander la grâce de ses assassins! vous qui, loin de suspendre ma vengeance, devriez en presser les effets! Est-ce ainsi que vous honorez l'ombre de celui qui dut être votre époux? – Oui, c'est ainsi qu'interprétant sa belle ame, je rends un juste hommage à ses vertus; c'est en sauvant l'innocence, que j'obéis à ses volontés généreuses. Ah! craignez d'irriter ses mânes augustes, loin de les apaiser! Que ne peut-il, du sein des morts, se faire entendre et vous attendrir!.. O roi! ajouta-t-elle en se jetant aux genoux de Bazin, et élevant vers lui ses mains suppliantes, daignez écouter sans courroux la prière que je vous adresse! sauvez ces infortunés! l'ombre désolée de votre fils rejetera de sanglantes funérailles; croyez-en celle qu'il aima et qui connut si bien son cœur; cédez à la pitié: accordez-moi une grâce que je vous demande au nom d'Amalafroy! Bazin, sans être ému par sa beauté, par ses grâces timides, par l'accent irrésistible d'une voix si touchante, et à qui son attendrissement prêtoit encore un charme plus persuasif, releva Bazine avec rudesse: C'est assez, lui dit-il; je pardonne à votre âge cette indiscrète prière. Des gardes vinrent avertir le roi que les bûchers et les victimes étoient prêts; il suivit les gardes. Bazine, entraînée par sa pitié, s'élança au-devant de lui, essaya de le retenir; le roi la repoussa, et s'éloigna d'elle; elle fit un cri, et tomba évanouie. Childéric, qui étoit près de la princesse, la reçut dans ses bras; il la transporta sur un siége voisin; Berthilie, Eusèbe, s'empressèrent de la secourir, tandis que Childéric, tremblant, effrayé de sa pâleur, restoit à genoux, et soutenoit sa tête; Eginard, debout et non moins troublé que le roi, admiroit en silence cette beauté si sensible et si généreuse; les liens de perles qui retenoient ses cheveux d'un blond argenté, s'étoient détachés, et ses longues tresses dénouées sembloient un nouveau voile qui se prêtoit de lui-même à cacher ses modestes charmes. Les soins de Berthilie ne furent pas sans succès, Bazine rouvrit ses beaux yeux. Etonnée de se trouver appuyée sur le bras d'un étranger, qui lui-même est à ses genoux, elle regarde autour d'elle, et une prompte rougeur anime l'albâtre de son teint; elle porte sur le roi un regard reconnoissant et timide, et le prie avec instance de se relever; mais Childéric, qui s'oublioit entièrement à ses pieds, et s'abandonnoit à une admiration qui remplissoit et absorboit toutes ses pensées, n'entendit point ces paroles; il ne vit que sa touchante beauté: la princesse renouvela sa prière; alors, sortant comme d'un songe, le roi lui obéit, mais il demeura près d'elle, et constamment préoccupé. Bazine sourit à Eusèbe, embrassa Berthilie, et cependant elle poussa un profond soupir, et quelques pleurs coulèrent de ses yeux; elle pensoit aux malheureux qu'elle n'avoit pu sauver, et leur donnoit des larmes: s'occupant néanmoins des étrangers, elle remercia le roi qui l'avoit secourue, salua Eginard. Je savois, dit-elle à Childéric, que la cour de Thuringe devoit être bientôt honorée de votre illustre présence, car je vois que c'est au roi Childéric que je dois déjà des remercîmens. Je vous reconnois au portrait fidèle que l'on m'a fait souvent de vous, et si la renommée n'a pas été moins juste en me parlant de vos vertus, ma cour, qui vous reçoit, doit s'enorgueillir de son bonheur. Childéric troublé, s'inclina sans répondre. Je rougis pour nous, reprit Bazine, de ce que votre arrivée vous rendra le témoin des vengeances d'un père irrité et malheureux; la douleur l'a égaré, et ses excès vous font sans doute horreur; hélas! il a perdu ce qu'il aimoit, et son injustice, sa fureur, sont peut-être excusées par la violence de son désespoir! Oui, princesse, répondit le roi avec embarras; je sais qu'en perdant le prince Amalafroy, Bazin perd un fils adoré, la Thuringe un héros, vous, belle princesse, un époux, un amant aimé… Bazine baissa les yeux, et ne répondit point; après un moment de silence, elle se leva: Je vais me retirer, dit-elle au roi, je crains le retour de Bazin. Nous nous reverrons, prince, et j'espère que vous ne me refuserez point le récit de vos aventures, et de ces faits extraordinaires qui ont marqué même votre enfance. Permettez-moi de vous présenter ma chère Eusèbe, et Berthilie, ma meilleure et plus tendre amie; elle est fille du vertueux Théobard, chef du conseil; nous fûmes élevées ensemble, nos cœurs s'entendirent en naissant. Childéric, à son tour, présenta aux dames l'aimable Eginard. Bazine se retira avec celles qui l'avoient accompagnée; Childéric n'osa les suivre, mais fixé près de la fenêtre, il vit la princesse traverser les jardins; il admiroit sa légèreté, les grâces de sa taille, tous ses mouvemens; il cessa de la voir, mais non de l'admirer. Eginard, non moins charmé, interrogeoit la trace des pas de Bazine et de Berthilie; il se perdoit, comme son maître, dans un double enchantement. Berthilie, ainsi que la princesse, n'a vu encore paroître que son seizième printems; elle n'a point, comme son amie, des traits réguliers, un teint d'albâtre, des cheveux blonds, fins et déliés; son front n'a point cette sérénité virginale, ses yeux cette mélancolie voluptueuse; mais ses cheveux bruns clairs, et naturellement bouclés, conviennent à la fraîcheur de son teint; sa physionomie est expressive, une gaieté innocente l'anime, sa bouche vermeille sourit avec bonté, et quelquefois avec malice; sa taille est celle des Grâces, son caractère vrai, constant, son ame innocente et sensible, son esprit fin; elle est vive, étourdie, sait qu'elle est jolie, aime à l'entendre dire, adore son père, et mourroit pour son amie. Ces deux charmantes fleurs, nées au même printems, et près l'une de l'autre, se sont épanouies en s'aimant, et si l'attachement de Berthilie a plus de respect et de déférence, Bazine la dédommage en se livrant à tout ce qu'elle sent d'amitié, et répare ainsi ce que le rang met entre elles de distance.

Childéric et Eginard furent arrachés à leur douce rêverie par le bruit du retour de Bazin, entouré de sa cour. On désapprouvoit l'injuste vengeance du roi, on détestoit sa fureur; cependant on avoit exécuté ses ordres sans résistance, on l'avoit suivi en foule au lieu du supplice, on applaudissoit tout haut à des cruautés dont on frémissoit au fond du cœur. Tel est le sort des rois; le cri de la vérité est étouffé pour eux, à travers les clameurs de la flatterie; trompés, ils s'abandonnent; trahis, ils s'égarent. Bazin, fier du sang qu'il a fait couler, admire sa puissance et les effets terribles de son courroux; il s'approche de Childéric, lui parle d'Amalafroi, de sa mort prématurée, des funérailles qu'il vient d'ordonner, d'exécuter même. Sa douleur, appaisée sans doute par sa vengeance, ne l'arrache point à l'entretien général, ni aux soins qu'il doit aux étrangers. Un festin s'apprête; Childéric et Eginard y ont pris place; la coupe vole toujours remplie de nouveau, et le vin animant les esprits, chacun se livre sans réflexion à sa pensée. Mais bientôt on ne parle plus que du supplice des Vandales; leur nom, leur rang, leur âge, leur courage ou leur foiblesse, leurs cris, leurs larmes, ou leur force et leur étonnante fermeté, occupent tous les convives. Le roi de Thuringe, charmé, se mêloit à ce barbare récit. Théobard seul, silencieux et triste, jetoit sur tous un regard froid ou mécontent. Childéric l'observoit, et conçut pour lui autant d'estime que d'intérêt: Eginard, placé près de lui, sut d'abord qu'il étoit le père de Berthilie; c'étoit un titre à ses égards. Ce n'est pas qu'Eginard ait oublié les adieux de la tendre Grislidis, il s'en souvenoit, et se promettoit d'y penser toujours. Childéric, qui ne prenoit aucune part à une conversation si peu d'accord avec son cœur, vit avec plaisir la fin du repas. On alloit quitter la table, lorsque plusieurs Bardes entrèrent, ils étoient couronnés de cyprès; un d'eux tenoit une harpe, trois autres chantèrent ainsi la mort du jeune Amalafroi.

CHANT FUNEBRE

sur la mort d'Amalafroi.

 
Il n'est plus! chantons sa valeur,
Célébrons ses vertus, sa gloire;
Mais n'outrageons pas sa mémoire
Par une éternelle douleur.
Disons-nous: son ame sublime
Vole vers la divinité,
Et laissons le vice et le crime
Douter de l'immortalité.
 
 
Avant de t'élever aux cieux,
Esus t'éprouva sur la terre;
De cette épreuve passagère,
Dépendoit ton sort glorieux.
Mais où finit ce joug pénible,
Commence un destin solennel:
Du fond de la tombe insensible
Tu sors pour un jour éternel.
 
FIN DU LIVRE DOUZIÈME

CHILDÉRIC.
LIVRE TREIZIÈME

SOMMAIRE DU LIVRE TREIZIÈME

Childéric ne se croit point amoureux. Eginard se promet de rester fidèle. Le roi raconte une partie de ses aventures à la princesse. A la chasse, il sauve la vie au roi de Thuringe. Il reprend son récit; la princesse, trop émue, l'interrompt. Ils se rencontrent par hasard dans une promenade, et Childéric achève sa narration. Emotion mutuelle, aveux muets. Coquetterie de Berthilie et d'Eginard. Inquiétude qu'éprouve Berthilie.

LIVRE TREIZIÈME

Childéric, conduit à l'appartement qui lui est destiné, se trouve seul avec Eginard; tous deux ont déjà nommé Bazine; tous deux ont plus parlé encore de ses vertus que de ses charmes. Combien elle étoit touchante aux pieds du roi, et implorant sa clémence! qu'elle étoit belle, les yeux baignés de pleurs! Que la mélancolie sied bien à ses traits divins! qu'Amalafroi étoit heureux! Cette pensée arrache au prince un soupir; mais c'est Bazine qu'il plaint: déjà elle a connu l'amour, elle en a senti les charmes, pour en éprouver les éternelles douleurs. Cependant elle n'a point laissé voir ni regret violent, ni désespoir inconsolable. Childéric espère que la belle princesse n'est pas pour toujours affligée. A seize ans, doit-elle, dans un éternel veuvage, ensevelir ses attraits et fermer son cœur à l'amour? Mais Bazine peut-elle être inconstante? Childéric ne le croit pas, et ne veut pas le croire.

L'heure du sommeil n'interrompt point ses pensées; le jeune roi, cependant, n'a vu qu'une fois celle qui l'occupe; il n'a point formé le désir de lui plaire, il est aussi loin du projet de l'aimer; l'amour brûle, souhaite, espère, et Childéric n'éprouve point ces mouvemens impétueux; son imagination est calme, il n'est point livré à cet orage des sens qui l'agitoit près d'Egésippe; il a vu la bonté céleste, il adore sa belle image, mais sans trouble, sans émotion, sans délire: le prince est sans désirs comme sans espérance. Le lendemain, Childéric reçut les chefs de l'état; mais ayant demandé l'honneur d'être admis chez la princesse, Bazin y consentit et l'accompagna lui-même. Bazine reçut les rois avec les grâces nobles qui suivoient tous ses mouvemens, et Childéric ne sut, en y réfléchissant, ce qui la rendoit plus belle de son sourire ou de ses larmes. Le roi, en se retirant, lui dit qu'il espéroit qu'à l'avenir elle reparoîtroit à sa cour; la princesse s'inclina avec respect; les rois la quittèrent. Pour obéir sans doute aux ordres qu'elle avoit reçus, elle parut le lendemain au palais du roi, et la charmante Berthilie entra avec elle; toutes les dames qui composoient la cour de Thuringe, s'étoient également réunies autour de la princesse, et se mêlèrent aux amusemens qui d'ordinaire occupoient Bazin et ceux qui l'environnoient. Le jeune roi de France attira d'abord tous les regards; mais il promenoit, sur toutes ces jeunes et belles nymphes, des yeux si indifférens, qu'aucune n'osa espérer. Eginard, dont le rang plus modeste, semble aussi plus près du plaisir; Eginard, galant et léger, tourne toutes les têtes et blesse même plus d'un cœur. On l'invite en vain à l'inconstance, Eginard ne veut aimer que Grislidis; cependant il ne renonce point à plaire, il ne renonce point à cette aimable coquetterie qui flatte sa vanité, amuse sa pensée, distrait son cœur; il veut respirer toutes ces fleurs qu'il s'interdit de cueillir. Pour échapper à tant d'attraits, il les désire tous: aimable, mais frivole, léger sans perfidie, et volage par fidélité, offrant également ses vœux à chaque belle, et leur portant un inconstant hommage, il échappe au trait qui peut à peine l'effleurer, et offre à Grislidis ces preuves de constance, dont peut-être elle eût été alarmée. Ainsi, en gardant sa tranquillité, il va troubler la paix de tant de beautés dignes d'amour, et ses jeux peut-être feront couler bien des larmes.

La chasse, cette image de la guerre, fut toujours le plaisir des héros, et étoit alors le goût dominant de la Thuringe. Les dames assistoient ordinairement à celle du cerf, du daim ou d'autres animaux timides; elles étoient montées sur des chevaux, célèbres dans ce pays par leur force, leur docilité et leur beauté; elles exerçoient quelquefois leur adresse à lancer leurs flèches, soit contre les lièvres, soit contre les chantres des bois. Bazine aimoit peu ces jeux cruels et s'y mêloit rarement; mais les chasses préparées pour Childéric, seront belles, dureront plusieurs jours, et la princesse promet d'y paroître. En attendant le moment fixé par le roi de Thuringe pour ces amusemens guerriers, Childéric et Bazine se retrouvent tous les soirs, mais au milieu d'une assemblée nombreuse, et la curiosité de la princesse n'a pu encore être satisfaite. Dans une belle journée de printems, à cette heure où le soleil trop ardent, force à chercher l'ombre et la fraîcheur des bocages, Childéric, fatigué du monde importun qui l'entoure, parcouroit, avec Eginard, le jardin spacieux qui séparoit les deux palais; malgré lui, ses regards se portoient vers les fenêtres de la princesse, et sans s'arrêter à ce beau parterre de fleurs variées, il marchoit sans réflexion, foulant aux pieds les verds tapis, l'émail des prés; il ne sentoit point les parfums délicieux que lui apportoient les zéphirs. Eginard seul admiroit ces beaux arbres, respiroit avec délice l'air embaumé, jouissoit du chant des oiseaux; mais tout-à-coup, mille fois plus heureux à son tour, le roi est ému, il admire, il se plaît au murmure de cette fontaine, dont l'onde plaintive s'échappe en ruisseau limpide; il marche voluptueusement sur ces rians gazons qu'il parcouroit lentement et avec indifférence; il s'approche avec empressement de ce bosquet d'arbres qui ombragent un banc de mousse. Il a vu Bazine qui se repose sous ce dais de feuillage et près de la fontaine. Eusèbe et Berthilie seules sont près d'elle: à l'arrivée du roi, les dames se sont levées avec respect, et Bazine lui offre un place sur le banc de mousse, en se félicitant de sa rencontre. Childéric l'accepte avec joie; Eginard va s'appuyer près de la fontaine; là rien ne lui cachoit la taille charmante de Berthilie; il aperçoit même un petit pied, un beau bras: souvent l'aimable étourdie cueille une de ces fleurs inodores dont sont parsemés les gazons, et c'est toujours du côté de la fontaine qu'elle croit apercevoir les plus belles. Le galant Eginard ne cesse de la regarder, mais il pense à Grislidis, et Berthilie lui paroît moins à craindre. La princesse ayant engagé le roi à commencer le récit qu'elle lui a déjà demandé, il céda promptement à une volonté d'autant plus puissante, qu'elle étoit doucement exprimée. Ce fut avec attendrissement qu'il parla d'abord de sa mère, avec orgueil qu'il vanta les exploits et les vertus de Mérovée; il se sentit fier d'exposer, devant la princesse, des images chères à son cœur, et qu'elle admiroit. Ce fut avec le même sentiment qu'il lui parla de son premier combat, de cette journée, où encore enfant, il annonça un courage téméraire. Childéric vit Bazine sourire à ses premiers exploits, ils lui en devinrent plus chers. Que n'a-t-il prévu qu'un jour il auroit à lui peindre toutes ses actions, à lui expliquer toutes ses pensées! animé par le désir glorieux d'en être applaudi, rien n'eût étonné sa valeur, rien n'en eût arrêté l'ardeur. Childéric alloit parler de son arrivée dans la grotte, mais Eusèbe avertit la princesse que l'heure de se rendre au palais approchoit; sans doute personne ne lui sut gré de sa prévoyance, et cependant on obéit à Eusèbe; les dames se retirèrent pour s'occuper de leur parure. Berthilie, en se levant, laissa tomber les fleurs qu'elle avoit cueillies; Eginard les ramassa, en fit un bouquet, qu'il tenoit encore, peut être par distraction, quand on se rassembla chez Bazin. Berthilie l'aperçut, rougit, son cœur palpita; mais que devint-elle, lorsque dans la soirée, elle le vit sur le sein de la plus jolie de ses compagnes! Des larmes de dépit remplirent ses yeux, et le perfide qui les avoit causées eut la cruauté d'en jouir. Le lendemain, chacun se prépara pour la chasse; les belles forêts de la Thuringe renfermoient plusieurs châteaux dans lesquels on s'arrêtoit, car ces amusemens duroient plusieurs jours. Childéric paroît, superbe et charmant, sur le coursier fougueux qu'il captive avec tant d'adresse. Bazine, plus timide que Berthilie, mais plus prudente, a plus de grâces que d'assurance; les dames, dont elle est environnée, forment autour d'elle un grouppe charmant; c'est Hébé au milieu de ses sœurs, aucune ne l'égale, toutes cependant sont jeunes, fraîches et belles. Eginard, séduit et incertain, porte tour-à-tour, sur chacune d'elles, des regards animés et ravis; il ne s'occupe point de la chasse, et Childéric a déjà remporté tous les légers avantages de cette journée, avant que le fils d'Ulric n'ait pensé à attaquer ni à poursuivre l'ennemi léger qui fuit en vain devant le roi, plus agile encore que lui. Déjà ce prince a déposé aux pieds de Bazine les nombreuses victimes de son adresse. Un repas champêtre réunit et confond les chasseurs; on vante la force, la légèreté du roi; plusieurs défis sont offerts et acceptés; mais Childéric, à tous les dons qu'il a reçus de la nature prodigue, joint l'exercice et le développement qu'il a acquis dans la grotte de Gelimer. A son aspect on devine ses succès; il touche au but long-tems avant tous ceux partis avant lui; sa flèche ne part jamais sans atteindre, tous ses rivaux en conviennent, et n'osent plus le défier. Mais on vient tout-à-coup annoncer au roi de Thuringe, qu'un glouton, espèce de sanglier terrible et dévastateur, échappé des forêts de Hantz, a été découvert à quelque distance, et qu'il dévore tout le gibier. Bazin, charmé d'avoir à combattre un tel ennemi, fixe au lendemain l'attaque; les dames resteront dans la maison de chasse; les hommes seuls s'exposeront aux dangers. Cette chasse peut cependant n'en avoir aucun: souvent cet animal, qui mange avec avidité le gibier qui s'offre devant lui, et qu'il sait surprendre avec une rare adresse, tombe alors dans une espèce de torpeur; venu à ce point d'immobilité, on le tue sans peine: cependant les dames ne voyent point partir les chasseurs sans inquiétude; Eginard, peu jaloux des lièvres, des faons, des daims que dévoroit le glouton, ne désiroit point sa mort, envioit encore moins l'honneur de le vaincre; mais il suivit son maître, non sans regretter les belles qu'il laissoit seules. Elles passèrent le jour à se promener sous les arbres; on lisoit l'inquiétude sur leurs visages; elle augmenta à l'approche de la nuit. Agitées de mille pensées pénibles, le sommeil ne leur fit point oublier les chasseurs, et le jour étoit encore près de terminer une seconde fois son cours, lorsqu'enfin le bruit des voix, le hennissement des chevaux, annoncèrent le retour souhaité. Les dames s'avancent promptement du côté d'où part le bruit; mais plusieurs chevaux sans cavaliers et conduits à la main, les effrayent; elles ont reconnu ceux des rois, celui d'Eginard; tous les cœurs sont troublés, et cependant on n'ose interroger, on craint trop d'apprendre… Un brancard frappe leurs yeux; Bazine s'élance, et Berthilie la suit; Bazin, blessé, paroît, porté sur le brancard; Childéric et Eginard le suivent. Le roi de France s'approche de la princesse, et la rassure sur l'état du monarque: il est, lui dit-il, sans danger. Arrivé à la maison de chasse, le roi fut promptement couché; on envoya à Erfort; Théobard, accompagné de tous les secours nécessaires, arriva au bout de quelques heures; la blessure n'étoit point dangereuse; cependant elle demandoit de grands ménagemens, et il fut décidé que le blessé ne seroit transporté que le lendemain. Les dames étoient toutes fort impatientes de connoître la cause de cet accident; le glouton n'existoit plus; sa tête avoit été présentée à Bazine, qu'elle avoit effrayée: Bazin voulut raconter lui-même cet événement. Nous cherchions, dit-il, depuis long-tems le sanglier que nous voulions détruire; il ne s'offroit point à nos regards; plus emporté, je m'enfonçai seul dans un fourré, et je l'aperçus immobile au pied d'un arbre; jugeant que c'étoit l'instant de le percer, croyant inutile d'attendre du secours contre un ennemi sans force, je m'approchai et lui portai un coup de ma lance; sa peau étant extrêmement épaisse, la blessure fut légère; je redoublai: soit que la douleur le réveillât de son engourdissement, soit que naturellement cet état dût finir alors, le terrible animal se leva furieux, et s'élança sur moi; je me jetai derrière un arbre, qui me garantit d'abord; mais il m'atteignit, et d'un coup de ses défenses, me renversa; cependant je me défendis encore avec ma lance; mais ma large blessure m'affoiblissoit, lorsque je vis tout-à-coup le roi de France paroître: s'élancer sur le monstre, lui enfoncer son épée dans le cœur et l'étendre mort à mes pieds, ne fut pour lui qu'un seul et même mouvement. Eginard, qui suivoit de près son maître, l'aida à arrêter mon sang; il courut avertir le reste de ma chasse, qui me rejoignit, et m'a transporté ici avec les précautions nécessaires. C'est avec plaisir, ajouta Bazin, que j'avoue et que je publie, que je dois la vie au roi des Francs; puissé-je m'en acquitter un jour, et qu'en attendant, une sainte et éternelle amitié unisse nos cœurs! Childéric, en ce moment, reçut la main que lui présentoit le roi, et la pressa avec un geste animé et sincère. Bazine, assise près du lit, regarda Childéric avec admiration, et ce seul regard lui parut une glorieuse récompense.

L'entretien devint général; cependant plusieurs fois Childéric avoit pu lire dans les yeux de la princesse, combien elle s'intéressoit à son sort. Eginard, fier de son roi, répétoit aux dames ce que Bazin avoit déjà raconté; ce qu'il disoit, quoique déjà connu, prenoit dans sa bouche des grâces nouvelles; on l'écoutoit toujours avec attention, parce qu'on l'entendoit toujours avec plaisir. Le lendemain on revint à la cour; on marchoit lentement, tant pour jouir de la beauté du jour, du charme des bois, que pour ne pas fatiguer Bazin, lorsque Berthilie s'avisa de tourmenter son cheval, de l'exciter; l'animal hennit, bondit et s'élance rapidement à travers les arbres; la princesse jette un grand cri à l'aspect du danger de son amie; mais la légère et adroite étourdie déployant autant de force que d'imprudence, arrête l'animal fougueux, et le ramène soumis et tranquille. Combien elle s'applaudit de sa ruse, en voyant Eginard pâle et effrayé voler à sa rencontre! Cependant elle n'osa jouir de ce triomphe en apercevant le trouble de la princesse, et elle se le reprocha sincèrement. Tout le reste de la soirée, Berthilie ne s'occupa que de son amie, et oublia entièrement Eginard, qui, par caprice ou par amour-propre, en fut piqué; il négligea pour elle toutes celles dont il paroissoit charmé, et ne vit plus que l'objet qu'il sembloit jusqu'à cet instant vouloir éviter.

Bazin souffroit encore, et sa blessure, loin de se guérir, étoit plus douloureuse, quoique sans danger. On cherchoit à l'amuser, à le distraire; Bazine avoit chaque jour pour lui de nouveaux soins, de nouveaux égards. Heureuse de lui prouver son attachement et sa reconnoissance, elle ne le quittoit que lorsque sa présence pouvoit devenir importune; elle trouvoit sans cesse Childéric auprès de son oncle, et sa vue chaque jour la charmoit davantage. Elle croyoit enfin à ce rêve délicieux de son imagination, et songeant au héros qu'elle s'étoit créé, à ce héros de sa pensée et de son cœur, elle se disoit, en jetant un regard sur Childéric… le voilà. Bazine n'a point reçu le trait d'amour avec cette rapidité, présage de l'inconstance; c'est lentement et par degrés qu'il a pénétré son cœur. Ce jeune roi, si majestueux, si beau, est proscrit et sans asile, privé de sa grandeur, descendu de son trône, et persécuté par la fortune, mais vengé par la nature. Ses malheurs touchent plus le cœur de la princesse, que sa puissance ne l'eût éblouie; elle ne croit encore que le plaindre: Bazine ne s'est pas encore dit, je l'aime. Ce mot une fois prononcé, Bazine ne vivra plus que d'amour. Sa pudeur et sa raison éloignent encore cet instant que Childéric ne cherche point à faire naître; il sait trop qu'il ne peut offrir à la beauté qu'il admire, que le partage d'une infortune méritée; généreux, il ne désire point être aimé, et ne se montre que respectueux: s'il exprime un sentiment plus tendre, c'est lorsqu'entraîné, il n'a pu se vaincre; honteux de sa foiblesse, il la surmonte promptement. Plus ses sentimens sont délicats, soumis, timides, plus ils peignent l'amour tel que Bazine croit qu'il doit être, et son silence en dit plus au cœur de la princesse, que les discours les plus éloquens. Echappés un moment à la foule qui les sépare, réunis de nouveau près de la fontaine, Childéric a repris son récit. C'étoit dans un de ces beaux jours où le printems vient s'unir à l'été, et déploie toute sa pompe avant de lui céder l'empire; par-tout il étaloit ses riches tapis, les feuillages étoient plus épais, les fleurs plus belles et la nature plus animée: la contrainte qu'ont éprouvée les deux amans qu'un même banc de mousse rassemble dans une douce liberté, ajoute au plaisir qu'ils ont à se revoir. Eusèbe et Berthilie sont toujours près de la princesse; Childéric s'assied à ses pieds, Eginard s'appuie négligemment sur la fontaine, et Berthilie le regarde quelquefois à la dérobée, mais elle ne cueillera plus de fleurs; elle se souvient encore de ce qu'elles sont devenues la dernière fois, et elle n'a pu retenir un soupir en reconnoissant les causes innocentes de son dépit.

Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
25 июня 2017
Объем:
180 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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