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Читать книгу: «Le Guaranis», страница 5

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PROLOGUE
EL DORADO

I
O SERTÃO

Le 25 juin 1790, vers sept heures du soir, une troupe assez nombreuse de cavaliers déboucha subitement d'une étroite ravine et commença à gravir un sentier assez roide tracé, ou plutôt à peine indiqué, sur le flanc d'une montagne formant l'extrême limite de la sierra de Ibatucata, située dans la province de São Paulo.

Ces cavaliers, après avoir traversé le rio Parana-Pane, se préparaient sans doute à franchir le rio Tieti, si, ainsi que semblait l'indiquer la direction qu'ils suivaient, ils se rendaient dans le gouvernement de Minas Gerais.

Bien vêtus pour la plupart, ils portaient le pittoresque costume de Sertanejos et étaient armés de sabres, pistolets, couteaux et carabines; leur lasso pendait roulé, attaché par un anneau au côté droit de leur selle.

Nous ferons remarquer que les bolas, cette arme terrible du gaucho des pampas de la Banda Oriental, sont complètement inusitées dans l'intérieur du Brésil.

Ces hommes, au teint hâlé, à la mine hautaine, fièrement campés sur leurs chevaux, la main reposant sur leurs armes, prêts à s'en servir, et leurs regards incessamment fixés sûr les taillis et les buissons afin d'éclairer la route et d'éventer les embuscades, offraient aux rayons obliques et sans chaleur du soleil couchant, au milieu de cette nature majestueuse et sauvage, une ressemblance frappante avec ces troupes d'aventuriers paulistas qui, au seizième et au dix-septième siècle, semblaient conduits par le doigt de Dieu pour tenter ces explorations téméraires qui devaient donner de nouvelles contrées à la métropole et finir par refouler dans leurs impénétrables forêts les tribus guerrières et insoumises des premiers habitants du sol.

Cette ressemblance était rendue plus frappante encore, en songeant au territoire que traversaient en ce moment les cavaliers, territoire aujourd'hui habité seulement par des blancs et des métis nomades, chasseurs et pasteurs pour la plupart, mais qui alors était encore parcouru par plusieurs nations indiennes, rendues redoutables par leur haine instinctive pour les blancs et qui, considérant, non sans quelque apparence de raison, cette terre comme leur appartenant, faisaient une guerre sans pitié aux Brésiliens, les attaquant et les massacrant partout où ils les rencontraient.

Les cavaliers dont nous parlons étaient au nombre de trente, en comptant les domestiques affectés à la surveillance d'une dizaine de mules chargées de bagages et qui, en cas d'attaque, devaient se joindre à leurs compagnons dans la défense générale, et pour cette raison étaient armés de fusils et de sabres.

A quelque distance en arrière de cette première troupe en venait une seconde, composée d'une douzaine de cavaliers au milieu desquels se trouvait un palanquin hermétiquement fermé, porté par deux mules.

Ces deux troupes obéissaient évidemment au même chef, car lorsque la première fut parvenue au point culminant de la montagne, elle s'arrêta et un cavalier fut détaché afin de presser l'arrivée de la seconde.

Les hommes de la deuxième troupe affectaient une certaine tournure militaire et portaient le costume des soldados da conquista; ce qui, au premier coup d'œil, pour une personne au fait des mœurs brésiliennes, laissait deviner que le chef de la caravane était non seulement un personnage riche et puissant, mais encore que son voyage avait un but sérieux et hérissé de périls.

Malgré la chaleur du jour qui finissait en ce moment, ces soldats se tenaient droits en selle et portaient, sans en paraître nullement incommodés, l'étrange accoutrement sans lequel ils n'entreprennent jamais une expédition, c'est-à-dire la cuirasse nommée gibao de armas, espèce de casaque rembourrée en coton et piquée, qui descend jusqu'aux genoux, défend aussi les bras et les préserve, mieux que toute autre armure, des longues flèches indiennes.

Comme, lorsqu'ils poursuivent les sauvages dans les forêts, ils sont contraints d'abandonner leurs chevaux avec lesquels ils ne pourraient pénétrer dans les forêts vierges, ils ont au côté une espèce de grande serpe nommée facão, qui leur sert à trancher les lianes et à s'ouvrir un passage; ils ont en outre chacun une espingole ou un fusil sans baïonnette qu'ils ne chargent ordinairement qu'avec du gros plomb à cause de la presque impossibilité de diriger une balle avec certitude dans ces inextricables fouillis de verdure rendus plus épais encore par la disposition bizarre des branches et l'enchevêtrement des lianes.

Ces soldats sont extrêmement redoutés des Indiens et des nègres marron qu'ils ont surtout mission de traquer et de surprendre. Indiens eux-mêmes pour la plupart ou métis, ils connaissent à fond toutes les ruses des sauvages, luttent constamment de finesse avec eux et ne leur font jamais qu'une guerre d'embuscade.

Ils sont fort estimés dans le pays à cause de leur courage, de leur sobriété et de leur fidélité à toute épreuve; aussi la présence d'une douzaine d'entre eux dans la caravane était-elle un indice certain de la position élevée qu'occupait dans la société brésilienne le chef de l'expédition ou du moins de la troupe de voyageurs.

La caravane s'était arrêtée, avons-nous dit, sur le point culminant de la montagne; de cette hauteur la vue planait de tous les côtés à une distance considérable sur un magnifique paysage de forêts, de vallées accidentées traversés par d'innombrables cours d'eaux, mais pas une maison, pas une hutte ne venait animer cette splendide et sauvage nature; c'était bien le sertão, c'est-à-dire le désert dans toute sa majestueuse et abrupte splendeur.

Les voyageurs, peu sensibles aux attraits du magique kaléidoscope qui se déroulait devant eux, et, d'ailleurs, fatigués d'une longue route faite à travers des chemins presque impraticables, tandis qu'un soleil torride déversait à profusion ses rayons incandescents sur leurs têtes, se hâtèrent d'installer leur campement de nuit.

Tandis que quelques-uns d'entre eux déchargeaient les mules et entassaient les ballots, d'autres dressaient une tente au milieu de ce camp improvisé; les plus vigoureux faisaient un abatis d'arbres centenaires destinés à servir de retranchements provisoires, et les derniers allumaient les feux destinés aux apprêts du repas du soir, feux que devaient être entretenus toute la nuit, afin d'éloigner les bêtes fauves.

Lorsque le campement fut complètement installé, un cavalier de haute mine, de vingt-huit à trente ans au plus, dont les manières aristocratiques, le regard fier et la parole brève dénotaient l'habitude du commandement, donna l'ordre de faire approcher le palanquin qui, jusqu'à ce moment, était demeuré arrêté en dehors dès lignes, toujours entouré de son escorte.

Le palanquin s'avança aussitôt jusqu'auprès de la tente et s'ouvrit; le rideau de la tente s'agita, puis il retomba sans qu'il fût possible de savoir à quel sexe appartenait la personne que renfermait le palanquin et qui venait de le quitter; le palanquin s'éloigna aussitôt. Les soldados, qui avaient probablement reçu antérieurement une consigne sévère, entourèrent, à portée de pistolet, la tente de laquelle ils ne laissèrent approcher personne.

Le chef de la caravane, après avoir assisté à l'exécution de l'ordre qu'il avait donné se retira sous une tente un peu plus petite, dressée a quelques pas de la première, et, se laissant tomber sur un siège, il ne tarda pas à se plonger dans de profondes réflexions.

Ce cavalier, ainsi que nous l'avons dit était un homme de vingt-huit à trente ans, aux traits fins et aristocratiques, d'une beauté et d'une délicatesse presque féminines; sa physionomie, douce et affable au premier aspect, perdait cependant cette apparence dès qu'on l'étudiait avec soin, pour prendre une expression de méchanceté railleuse et cruelle qui inspirait la crainte et presque la répulsion; ses grands yeux noirs avaient un regard vague qui ne se fixait que rarement; sa bouche, garnie de dents d'une éclatante blancheur, surmontée d'une fine moustache noire cirée avec soin, ne s'entr'ouvrait que pour laisser filtrer entre ses lèvres un peu minces, un sourire ironique qui en relevait légèrement les coins. Tel qu'il était cependant, pour des yeux superficiels c'était un admirable cavalier rempli de noblesse et de séduisante désinvolture.

A peine était-il depuis une vingtaine de minutes seul sous sa tente, si absorbé en lui-même qu'il semblait avoir non seulement oublié les fatigues d'une longue journée passée tout entière à cheval, mais encore le lieu où il se trouvait, que le rideau de la tente se souleva doucement pour livrer passage à un homme qui, après s'être assuré par un regard circulaire que le cavalier dont nous avons esquissé le portrait était bien seul, fit deux pas dans l'intérieur, ôta son chapeau et attendit respectueusement que celui auquel il se présentait lui adressât la parole.

Ce personnage formait avec le premier le plus complet et le plus brutal contraste; c'était un homme jeune encore, aux formes musculeuses, aux traits anguleux, à la physionomie basse, cruelle et chafouine, empreinte d'une expression de méchanceté sournoise; son front bas et déprimé, ses yeux gris, ronds, profondément enfoncés sous l'orbite et assez éloignés l'un de l'autre, son nez long et recourbé, ses pommettes saillantes, sa bouche grande et sans lèvres lui donnaient une lointaine ressemblance avec un oiseau de proie de l'espèce la moins noble; sa tête monstrueuse, supportée par un cou gros et court, était enfoncée entre deux épaules d'une largeur démesurée; ses bras mal attachés, mais recouverts de muscles énormes, lui donnaient une apparence de force brutale extraordinaire, mais dont l'aspect général avait quelque chose de repoussant. Cet individu, qu'il était facile de reconnaître tout de suite pour un métis mamaluco7, portait le costume des Sertanejos, mais ce costume cependant fort élégant et surtout fort pittoresque, loin de relever sa tournure et de dissimuler sa laideur, ne servait pour ainsi dire qu'à la rendre plus visible.

Plusieurs minutes s'écoulèrent sans que le jeune homme parût s'apercevoir de la présence de son singulier visiteur; celui-ci, fatigué sans doute de cette longue attente, et désirant la faire cesser au plus vite, ne trouva pas de moyen plus efficace que celui de laisser tomber sur le sol la lourde carabine sur laquelle il s'appuyait. Au bruit retentissant de l'arme sur les pierres, le jeune homme tressaillit et releva brusquement la tête. Reconnaissant alors l'homme qui se tenait devant lui, immobile et roide comme une idole indienne, il passa à plusieurs reprises la main sur son front comme pour en chasser des pensées importunes, dissimula un mouvement de dégoût et, affectant de sourire;

«Ah! C'est vous, Malco Díaz? lui dit-il.

– Oui, monsieur le marquis, c'est moi, répondit le mamaluco d'une voix basse et à demi étouffée.

– Eh bien! Que me voulez-vous encore?

– Eh! fit l'autre avec un ricanement sourd, la réception que me fait Votre Seigneurie n'est guère caressante. Voilà deux jours que je ne vous ai parlé.

– Je n'ai pas besoin, je le suppose, de me gêner avec vous, à quoi bon me gêner? N'êtes-vous pas à ma solde, et par conséquent mon serviteur? reprit le marquis avec une nuance de hauteur, destinée sans doute à rappeler à son interlocuteur la distance que les convenances sociales établissaient entre eux.

– C'est juste, répondit l'autre, un serviteur est un chien et il doit être traité comme tel, cependant, vous connaissez le proverbe: A bom jogo boa volta8.

– Faites-moi grâce de vos stupides proverbes, je vous prie, et dites-moi sans plus de détours ce qui vous amène,» répondit le jeune homme avec impatience.

Le mamaluco fixa sur le marquis un regard d'une expression sinistré.

«Au fait, reprit-il, votre Seigneurie a raison, mieux vaut en finir tout de suite.

– J'attends!

– Je viens régler mes comptes avec vous, señor; voilà tout en deux mots.

– Hein! fit le jeune homme, régler vos comptes, qu'est-ce à dire, velhaco?

– Velhaco ou non, monsieur le marquis, je désire régler avec vous.

– Je ne vous comprends pas, expliquez-vous, mais soyez bref, je vous prie, je n'ai pas de temps à perdre à écouter vos pataratas.

– Je ne demande pas mieux, monsieur le marquis, bien que ce ne soient pas des patarata, ainsi qu'il vous plaît de le dire.

– Voyons, au fait.

– Eh bien! Le fait, le voici, Seigneurie, je me suis engagé avec vous pour deux mois, à Rio Janeiro, afin de vous servir de guide, moyennant quatre onces espagnoles par mois, ou, si vous le préférez, cent six mille reis9, n'est-il pas vrai, Seigneurie!

– Parfaitement, seulement vous oubliez, maître Malco Díaz, que vous avez reçu sur votre demande, avant de quitter Rio Janeiro …

– Un mois d'avance, interrompit le mamaluco, je me le rappelle très bien, au contraire, Seigneurie.

– Que demandez-vous, alors?

– Dame, je demande le reste.

– Comment le reste, pour quelle raison, s'il vous plaît?

– Oh! Pour une raison bien simple, Seigneurie, c'est que notre marché expirant demain à dix heures du matin, je préfère régler avec vous ce soir que de vous causer ce dérangement pendant la marche.

– Comment, y a-t-il déjà si longtemps que nous sommes en route?

– Calculez, Seigneurie.

– En effet, tout autant,» reprit-il tout pensif.

Il y eut un assez long silence, le jeune homme le rompit brusquement et, relevant la tête en même temps qu'il regardait le métis bien en face.

«Ainsi, vous désirez me quitter, Malco Díaz, lui dit-il d'un ton plus amical que celui qu'il avait employé jusqu'alors.

– Mon engagement n'est-il pas terminé, Seigneurie?

– Effectivement, mais vous pouvez le renouveler.»

Le mamaluco hésita, son maître ne le quittait pas du regard; il parut enfin prendre une résolution.

«Tenez, Seigneurie, dit-il, laissez-moi vous parler franchement.

– Parlez.

– Eh bien! Vous êtes un grand seigneur, un marquis, c'est vrai; moi je ne suis qu'un pauvre diable auprès de vous, bien petit et bien infime; cependant, tout misérable que vous me supposez, il est un bien inappréciable pour moi, bien que j'ai commis la sottise d'aliéner une fois.

– Et ce bien, c'est…

– Ma liberté, Seigneurie, mon indépendance, le droit d'aller et de venir, sans rendre à personne compte de mes pas, de parler sans avoir besoin de mesurer mes paroles et de choisir mes expressions; je reconnais humblement que je ne suis pas né pour être domestique. Que voulez-vous, nous autres, nous sommes ainsi faits, que nous préférons la liberté avec la misère à la richesse avec l'esclavage; c'est stupide, je le sais, mais c'est comme cela.

– Avez-vous tout dit.

– Tout, oui, Seigneurie.

– Mais vous n'êtes pas domestique, vous me servez de guide, voilà tout.

– C'est vrai, Seigneurie; mais souvent, malgré vous, vous oubliez le guide pour ne songer qu'au domestique, et moi, je ne puis m'habituer à être, traité de cette façon; mon orgueil se révolte malgré moi, je sens mon sang bouillonner dans mes veines, et je crains que la patience ne m'échappe.»

Un sourire de mépris erra sur les lèvres du jeune homme.

«Ainsi, répondit-il, le motif que vous me donnez est le seul qui vous pousse à me quitter?

– C'est le seul, Seigneurie.

– Mais, si fort satisfait de vos services, je vous proposais cinq quadruples au lieu de quatre, vous accepteriez sans doute?»

Un éclair de convoitise jaillit de l'œil voilé du mamaluco, mais aussitôt il s'éteignit.

«Pardonnez-moi, Seigneurie, dit-il, je refuserais.

– Même si je vous en offrais six?

– Même si vous m'en offriez dix.

– Ah!» fît le marquis en se mordant les lèvres. Il était évident que le jeune homme était en proie à une sourde colère, qu'il ne renfermait qu'avec peine.

«Quand comptez-vous nous quitter? dit-il.

– Lorsque Votre Seigneurie me le permettra.

– Mais si j'exigeais que vous demeurassiez avec nous jusqu'à demain matin dix heures?

– Je resterais, Seigneurie.

– C'est bien, dit le jeune homme d'un ton d'indifférence, je vois que c'est un parti pris de votre part.

– Oh! Complètement, Seigneurie.

– Je vais donc vous payer immédiatement ce que je reste vous devoir; vous serez libre ensuite de vous éloigner à l'instant si bon vous semble.»

Le mamaluco fit un geste ressemblant à un remerciement, mais il ne prononça pas une parole.

Le jeune homme tira plusieurs pièces d'or d'une bourse et les présenta au métis.

«Prenez,» dit-il.

Malco avança la main, mais se ravisant aussitôt:

«Pardon, Seigneurie, dit-il, mais vous vous trompez.

– Moi! Comment cela?

– Dame! Vous ne me devez que quatre onces, il me semble.

– Eh bien?

– Vous m'en donnez huit.

– Je vous donne quatre onces parce que je vous les dois, et j'en ajoute quatre autres parce que, avant de vous quitter, je veux vous donner une preuve de ma satisfaction pour la façon dont vous avez rempli votre devoir pendant le temps que vous êtes demeuré à mon service.»

Une seconde fois le mamaluco hésita, mais faisant un violent effort sur lui-même et reculant d'un pas comme s'il eût voulu échapper à la fascination exercée sur lui par la vue du métal, il posa, bien qu'avec une répugnance visible, quatre des pièces d'or sur un coffre, en répondant d'une voix étranglée par une émotion intérieure:

«Je vous suis fort reconnaissant, Seigneurie, mais je ne saurais accepter un aussi riche cadeau.

– Pourquoi donc, s'il me plaît de vous le faire, Malco, ne suis-je pas le maître de disposer de ce qui m'appartient et de vous témoigner ma satisfaction?

– Oui, Seigneurie, vous êtes libre de faire cela, mais je vous répète que je n'accepterai pas.

– Au moins, vous me donnerez l'explication de cette énigme, car si je ne me trompe pas sur votre compte, vous n'êtes pas autrement organisé que les autres hommes, et vous aimez l'or.

– Oui, Seigneurie, lorsqu'il est loyalement gagné, mais je ne suis pas un mendiant, pour accepter une rémunération à laquelle je reconnais n'avoir aucun droit.

– Ces sentiments vous font honneur, répondit le jeune homme avec une mordante raillerie; je vous en félicite, je retire ma proposition.»

Il reprit alors les quatre pièces d'or, les fit un instant sauter dans sa main, puis il les remit dans sa bourse.

«Maintenant, nous sommes quittes.

– Oui, Seigneurie.

– Et nous nous séparons bons amis?

– Bons amis.

– Passez-vous la nuit au camp?

– Je suis jusqu'à demain aux ordres de Votre Seigneurie.

– A mon tour, je vous remercie, señor Malco, nos affaires sont terminées maintenant à notre satisfaction mutuelle, rien ne vous retient plus près de moi, je vous laisse donc libre de partir quand cela vous plaira.

– Alors, puisque mon cheval est encore sellé, je profiterai de votre permission, Seigneurie.

– Ah! Ah! Il paraît que vous aviez prévu le cas?»

Le mamaluco, malgré son impudence, tressaillit imperceptiblement.

«Maintenant, adieu, reprit le jeune homme; vous êtes libre, grand bien vous fasse; seulement comme, ainsi que vous l'avez dit vous-même, nous nous séparons amis, tâchons de demeurer toujours dans les mêmes termes.

– Je ne vous comprends pas, Seigneurie.

– Souvenez-vous du proverbe que vous m'avez cité au commencement de notre entretien, et faites-en votre profit; sur ce, bon voyage.»

Et il ordonna du geste au mamaluco de se retirer. Celui-ci, fort mal à son aise sous le regard inquisiteur du marquis, ne se fit pas répéter l'invitation; il salua gauchement et sortit de la tente.

Il alla prendre son cheval, qu'il avait attaché à quelques pas à un piquet, se mit en selle et s'éloigna d'un air pensif, descendant au petit trot la montagne dans la direction du sertão, à l'entrée duquel la caravane avait établi son bivouac.

Lorsqu'il fut assez éloigné pour ne pas craindre d'être vu, il fit un brusque crochet sur la droite et retourna sur ses pas, en évitant avec le plus grand soin de donner l'éveil aux sentinelles brésiliennes.

«Diable d'homme! murmurait-il à voix basse, tout en surveillant attentivement les buissons et les halliers de crainte de surprise, il est évident qu'il se doute de quelque chose; je n'ai pas un instant à perdre, car, je le connais, si je me laisse prévenir, je suis un homme perdu; oui, mais je ne me laisserai pas prévenir, l'affaire est trop belle pour que je ne mette pas tous mes soins à la conduire à bonne fin; nous verrons qui l'emportera de moi ou de ce beau seigneur musqué.»

Faisant alors vigoureusement sentir l'éperon à son cheval, le mamaluco lui fit prendre le galop, et il ne tarda pas à disparaître dans l'obscurité; car, pendant son entretien avec son ancien maître, la nuit était tombée et d'épaisses ténèbres couvraient la terre.

Cependant, aussitôt que le mamaluco eut quitté la tente, le marquis se leva avec un geste de colère et de menace, mais, se laissant presque aussitôt retomber sur son siège:

«Non, dit-il d'une voix sourde, donnons-lui le temps de s'éloigner, laissons-lui une sécurité complète; le traître ne me croit pas aussi bien informé. Oh! Je me vengerai cruellement de la contrainte que je me suis imposée devant lui! Une preuve! Une seule! Mais cette preuve il me la faut, je veux l'avoir!»

Il se leva de nouveau, souleva le rideau de la tente, et jeta un regard au dehors; la plus grande tranquillité, le calme le plus complet régnaient dans le camp, le marquis appela alors à deux reprises différentes, d'une voix contenue:

«Diogo! Diogo!»

A cet appel, qu'il semblait attendre, un homme s'approcha presque immédiatement.

«Me voilà, dit-il.

– Entrez vite,» reprit le marquis.

Cet homme était le chef des soldados da conquista, il entra.

Le rideau de la tente retomba derrière lui.

7.On donne ce nom aux métis nés d'un blanc et d'une Indienne, et vice versa.
8.A beau jeu, beau retour.
9.Le reis est une monnaie fictive, cette formidable somme fait, argent de France, environ 340 francs seulement.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 мая 2017
Объем:
310 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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