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Читать книгу: «Histoire des salons de Paris. Tome 6», страница 15

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Quand il vit que le mystère ne lui plaisait pas, il fit du bruit, il entoura la jeune femme d'un honteux éclat. Un jour, à la chasse, dans le bois de Boulogne, à la mare d'Auteuil, un piqueur lui porte, à elle, par ordre de l'Empereur, la patte du cerf. – À l'instant même elle voit le danger qu'elle court… les sourires, les coups d'œil, tout ce langage de cour dans lequel on salue la vertu tombée. – Aussitôt elle prend son parti, traverse le cercle formé par la chasse, arrive près de l'Impératrice Joséphine, et lui remettant la patte:

«Cet homme s'est trompé, madame, il ne vous connaît sans doute pas. Je répare sa faute.»

Et, le front haut, les joues colorées d'une noble rougeur, elle retourne à sa place, sans regarder du côté de Napoléon.

L'aimait-il? – Je ne le crois pas; non qu'elle ne fût assez charmante pour l'attirer et même le captiver; mais je ne crois pas qu'il l'aimât. C'est ma pensée.

Lorsque madame de Chevreuse touchait ses appointements de dame du palais (12,000 fr.), elle les donnait aux pauvres, soit de Paris ou de Dampierre, et lorsqu'elle avait fini son service, elle retournait avec des joies d'enfant à ses habitudes chéries. Sa belle-mère l'adorait, et elle l'aimait également. Madame de Luynes avait un cœur fait pour aimer, sous une apparence rude et même sévère.

C'était un type fort original que madame de Luynes, et cela, on pouvait le dire en tous les temps et sous tous les régimes.

Elle était mademoiselle de Laval-Montmorency; elle n'avait jamais été jolie, et sa taille avait été sa seule beauté lorsqu'elle avait épousé le duc de Luynes, qui, à cette époque, était presque aussi gros que nous l'avons vu en 1806, lorsqu'ayant été nommé sénateur il fut présenté à l'Empereur; le hasard voulut que ce fût le même jour que le petit monsignor Doria apportait à l'Empereur les barrettes de deux ou trois cardinaux. Ce monsignor Doria était si petit, si exigu, qu'en vérité on avait besoin de chercher dans ses jambes pour voir s'il ne s'y perdait pas. Ce fut avec lui que M. de Luynes fut présenté. Cela fit l'effet de Galland à Douay et de son fils…

Quant à madame de Luynes, elle ne parut jamais aux Tuileries.

Elle était dame du palais de la reine Marie-Antoinette. Elle avait conservé pour la Reine un culte et un amour que les années n'avaient fait qu'augmenter. Tout ce qui avait un rapport même indirect avec la Révolution la bouleversait. La vue des appartements des Tuileries l'aurait tuée.

La duchesse de Luynes était habillée comme en 1782 ou 1783. Un petit bonnet sur le haut de sa tête avec un tour arrangé selon la mode de l'ancien régime; une robe faite comme par mademoiselle Bertin, mais dans son mauvais temps. Il semblait que madame de Luynes s'était endormie trente ans avant et s'était seulement éveillée la veille. Elle avait aimé et aimait encore la chasse avec passion. Étant jeune, elle s'était démis ou cassé le bras droit ou gauche, je ne sais plus lequel des deux, au service de la chasse à courre. On citait ce fait d'elle, qui m'a été confirmé par plusieurs personnes. Elle devait aller chasser dans un château près de Versailles, et c'était précisément un dimanche où elle se trouvait de service que cette chasse devait se faire; et c'était une Saint-Hubert!.. Ne voulant pas la manquer, elle s'habilla d'abord pour la chasse; et comme elle ne montait pas à l'anglaise, ce fut donc une culotte de peau de daim qu'elle passa; ensuite elle arrangea le reste à la grâce de Dieu, mit son grand habit par-dessus tout cela, et aussitôt que la Reine fut rentrée dans ses appartements, la duchesse de Luynes ôta son grand habit, passa une jupe fendue devant et derrière, une veste verte galonnée, mit sur l'oreille un petit chapeau de castor blanc, et dans cet équipage fut déclarer la guerre aux pauvres bêtes des bois. Cette humeur chasseuse l'avait quittée pour celle du jeu; c'était une passion effrénée, et seulement pour jouer. Ce n'était pas la valeur de sa mise qui l'excitait, car on l'a vue souvent jouer pour gagner ou perdre vingt francs dans la nuit. Lavaupalière, Sainte-Foix, M. de Montrond, le bailli de Ferrette, voilà, avec M. de Narbonne et madame de Balby, les personnes les plus assidues auprès de la table de jeu de l'hôtel de Luynes.

À l'époque de 1807 ou 1808, madame de Luynes s'imagina de faire venir chez elle un biribi ou une roulette, je ne sais pas lequel; je réponds seulement du fait. L'Empereur, qui cherchait alors toutes les occasions de faire une chose désagréable aux maîtres de cette maison, fit saisir le banquier et donna défense d'y aller pour tenir la banque. C'était une sorte d'affront, et madame de Luynes le sentit ainsi.

Tandis que tout cela se passait, madame de Chevreuse mystifiait le prince de Mecklembourg-Strélitz, et en même temps un vieux bourgeois retiré du commerce, frère de l'une des femmes de charge de la maison, par qui madame de Chevreuse avait appris que, dans deux jours, ce vieux bonhomme attendait de Rouen une nièce qu'il allait faire son héritière. Madame de Chevreuse quitte son élégante toilette, passe une petite robe d'indienne, met un petit bonnet, s'arrange enfin en grisette complétement, et va chez le vieil oncle, lui parle de Rouen, de la famille, l'enchante si bien, qu'avant la fin de la journée, le pauvre vieux ne savait plus oui ou non s'il avait sa tête. Et s'il avait connu l'histoire romaine, certes le règne de Claude lui aurait fourni un bel exemple pour épouser sa nièce. Quoi qu'il en fût de Claude, la petite nièce prit congé de l'oncle pour aller voir la tante de l'hôtel de Luynes, et ne revint pas. Le lendemain, lorsque la vraie nièce arriva, non pas de Rouen, mais de Falaise, avec deux bonnes grosses joues normandes du pays des filles roses et fraîches, une gaillarde enfin bien apprise et bien découplée, quoiqu'un peu bête, l'oncle n'en voulait pas; il se rappelait cette gentille figure, cette apparition fantastique qu'il ne savait pas définir, mais dont il avait senti le charme; toute cette vision lui paraissait une réalité qu'il ne voulait pas abandonner. Il fut pendant huit jours très-malheureux, et ne pouvait surtout s'habituer aux grosses mains de sa vraie nièce.

– L'autre en avait de si blanches, disait-il, une voix si douce!..

Une autre fois, madame de Chevreuse fit habiller un pauvre qui était son pensionnaire à Saint-Roch, où elle allait habituellement. Cet homme fut nettoyé, bichonné, bouchonné même, et revêtu d'un habit superbe avec des plaques, des cordons jaunes, bleus, blancs, de toutes couleurs. Cet homme reçut ses instructions, et puis elle le présenta comme un savant danois qui ne savait pas parler français. Cet homme fut trouvé étonnant. Lorsque la comédie eut duré assez longtemps, alors elle dit en haussant les épaules: «Vous avez pris pour un savant étranger un homme qui ne sait pas parler, et un mendiant.»

À Dampierre, la famille tenait un état de prince plus magnifiquement ordonné et mieux entendu. Madame de Chevreuse contribuait à rendre ce séjour adorable, en faisant les honneurs du salon de sa belle-mère avec une grâce charmante. Toutes les connaissances de l'hôtel de Luynes y passaient alternativement: on y chassait à cheval, en calèche; on y jouait surtout, et on y jouait jusqu'au jour. Je voyais quelquefois M. de Lavaupalière revenant de Dampierre, en chantonnant une vieille marche du maréchal de Saxe, laquelle il chantonnait depuis cinquante ans; il en avait alors plus de soixante-quinze lui-même, et quand je lui demandais d'où il venait: De Dampierre, où j'ai été faire ma cour à madame la duchesse de Luynes.

M. de Narbonne, qui était ami fort intime de madame de Luynes et qui m'aimait comme son enfant, voulut opérer un grand rapprochement entre moi et l'hôtel de Luynes. En apprenant surtout que madame de Chevreuse et moi nous avions des souvenirs communs de jeunesse et même d'enfance, il exigea qu'au moins je ne reculasse pas si l'on faisait un pas vers moi: je promis d'en faire autant. Le lendemain je reçus une carte de madame de Chevreuse et une carte de madame de Luynes117. J'en envoyai aussitôt deux à l'hôtel de Luynes, et deux jours après je reçus une invitation pour un bal qui devait se donner la semaine suivante à l'hôtel de Luynes. J'y fus avec mon mari et deux de mes amies, la baronne Lallemand et la princesse Zayonchek, qui depuis fut vice-reine de Pologne, et qui existe toujours à Varsovie.

Ce bal était magnifiquement ordonné dans les salles immenses de ce beau local de l'hôtel de Luynes. C'est vraiment dans le faubourg Saint-Germain qu'il faut chercher les belles demeures féodales et qui ont un cachet nobiliaire que jamais on ne donnera à ces maisons bâties par l'argent à coups de billets de banque. Quelle est la maison de ce côté-ci du pont (dans les nouvelles maisons construites) qui peut rivaliser avec l'hôtel de Brienne ou celui d'Havré, ou bien encore l'hôtel de Janson ou celui encore plus magnifique de Brissac? Et de ce côté-ci de la rivière, quelles sont les maisons qui peuvent rivaliser aussi avec les hôtels du faubourg Saint-Honoré, qui sont les frères de ceux du faubourg Saint-Germain?.. Voyez ensuite les grandes maisons de l'antique magistrature du Marais… D'où vient encore cette différence dans les châteaux et ces maisons d'un jour, dont les jeunes ombrages donnent à peine un abri! Comme leurs légères murailles sont à peine suffisantes pour préserver de l'intempérie des saisons? Mettez en comparaison ces antiques donjons, ces vieux manoirs qui ont vu passer des générations sans nombre, et défient encore celles à venir; dans ces demeures, il y a tout à la fois la douceur du souvenir et l'espoir d'un long avenir118

On sait ce qui arriva à madame de Chevreuse avec madame de Genlis; je ne répèterai pas ce que j'ai dit dans l'autre volume; je le rappelle seulement pour faire voir le côté extraordinaire de son caractère.

Mais ce même caractère avait quelque chose de grand et de beau, lorsque le sort l'appelait à rendre témoignage de sa noble nature: ce fut ce qui arriva en 1808 lors des affaires d'Espagne.

L'Empereur n'avait oublié ni les dédains ni les refus de madame de Chevreuse; un autre les eût tenus pour indifférents; mais il paraît que le coup avait porté et que la blessure avait été profonde. Au moment où la reine d'Espagne, femme de Charles IV, vint en France, l'Empereur nomma d'abord un service pour être auprès d'elle comme auprès de l'Impératrice. Il écrivit lui-même les noms, et celui de madame de Chevreuse était en tête. En recevant l'ordre qui lui fut transmis par le grand-chambellan et par la dame d'honneur, madame de Chevreuse frémit d'indignation, et elle répondit aussitôt:

– J'ai pu être victime, je ne serai jamais geôlière!..

En recevant à son tour cette réponse aussi courageuse que hautaine, l'Empereur, au lieu d'avoir la grandeur d'âme de pardonner, eut le grand tort de punir une chose qui ne devait l'être que par le silence… Et madame de Chevreuse fut exilée à cinquante lieues de Paris.

Son désespoir fut grand. C'était sa vie qu'on brisait, et non son existence: l'Empereur ne fut pas juge dans cette circonstance, il fut bourreau… Madame de Chevreuse ne vivait que dans cette maison et dans cette ville où était sa famille… dans cet hôtel de Luynes, où chaque jour elle voyait s'écouler si doucement ses heures, entourée d'amis et de parents, ayant auprès d'elle son mari, ses enfants, tout cet intérieur sacré de la famille. Et quel intérieur! un paradis!..

Oui, le désespoir de la malheureuse jeune femme fut horrible… En entendant ses sanglots, en voyant sa douleur, madame de Luynes prit une sublime détermination; elle voulut suivre sa belle-fille et se consacrer à elle. – Pour comprendre l'étendue de ce sacrifice, il faut connaître le goût profond, l'attachement prononcé de la duchesse de Luynes pour sa maison et pour sa manière de vivre. Rompre ses habitudes, c'était la mort pour elle. – Eh bien! elle eut le courage de tout rompre pour pleurer avec l'affligée et lui dire des paroles douces et bonnes qui calmaient le désespoir dans lequel elle était.

Madame de Chevreuse devint donc errante. Déjà souffrante de la poitrine, cette vie nomade lui porta un dernier coup, et bientôt elle fut très-malade. Ne voulant pas s'abaisser à la prière, car elle pensait bien ne pas être refusée, jamais elle ne voulut elle-même demander une faveur à l'Empereur. Sa belle-mère, désespérée, écrivit à Adrien de Montmorency, qui vint chez moi et me parla de sa cousine. Il n'avait pas besoin de m'en parler longtemps pour m'intéresser. – Je lui promis de faire tout ce que je pourrais, et en effet je FIS TOUT ce qui fut en mon pouvoir; mais partout je trouvai des cœurs durs119 et des âmes sèches; partout je trouvai, même parmi ceux qui auraient dû m'entendre, une dureté révoltante. Enfin, je fis demander une audience à l'Empereur par Duroc; mais j'eus le malheur de dire la raison pour laquelle je voulais le voir, et je ne pus avoir mon audience. Pendant ce temps, la malheureuse exilée avait parcouru plusieurs résidences, celles de Rouen, de Tours, de Caen, et enfin elle vint tomber, haletante et mourante, à Lyon, où sa belle-mère, désespérée, la soigna pendant une année. Hélas! elle était là près d'une autre exilée dont la douleur plus silencieuse n'en était pas moins amère. Madame Récamier était à Lyon, succombant sous le poids d'une souffrance qui serait devenue mortelle si elle n'avait été en Italie.

Enfin madame de Chevreuse termina sa vie et ses douleurs dans les premiers mois de 1813, après une longue agonie et des souffrances qu'on ne peut concevoir. Non, l'exil n'est pas apprécié, tout ce qu'il a d'affreux n'est pas compris par ceux qui ne l'ont pas éprouvé.

Quelques heures avant sa mort, madame de Chevreuse, dont les derniers moments furent néanmoins sublimes, eut une faiblesse singulière, pour une personne qui avait des qualités si hautes. Elle se fit entièrement raser la tête et fit BRÛLER ses cheveux devant elle!.. Incroyable alliance de la légèreté du néant du monde à côté du sérieux de la tombe, qui déjà s'ouvrait pour elle!

FIN DU TOME SIXIÈME
117.Une particularité me frappa; la carte de la duchesse de Chevreuse portait ces seuls mots: Madame de Chevreuse, et gravés. Celle de madame de Luynes n'avait que son nom: Madame de Luynes, et tout simplement fort mal écrit, et sur une carte à jouer. – Ce n'est pas étonnant, me dit M. de Narbonne, elle ne fait jamais de visites.
118.J'ai en face de moi une maison bâtie en 1835; l'autre jour, je vois des ouvriers, des poutres, un grand appareil; c'était la maison qui tombait et qu'on était obligé d'étayer. C'est l'image de beaucoup de choses de notre temps.
119.Comment M. de Talleyrand n'a-t-il pas demandé, mais de manière à l'obtenir, le retour de madame de Chevreuse!.. le faire demander par Marie-Louise enfin… Mais M. de Talleyrand aurait fait une démarche qui n'aurait eu de résultat que pour autrui.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
28 мая 2017
Объем:
300 стр. 1 иллюстрация
ISBN:
http://www.gutenberg.org/ebooks/44676
Правообладатель:
Public Domain

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