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Читать книгу: «Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 1»

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AVERTISSEMENT

L'histoire d'Espagne, et particulièrement celle des Maures, a été pendant vingt ans l'étude de mon choix, ma préoccupation de toutes les heures, et avant de commencer le livre que je publie aujourd'hui, une partie de ma vie s'est passée à en rassembler les matériaux qui étaient épars dans presque toutes les bibliothèques de l'Europe, à les examiner, à les comparer, à en publier un grand nombre. Toutefois je ne livre cette Histoire au public qu'avec une extrême défiance. Le sujet que j'ai choisi est nouveau, car, comme j'ai tâché de le démontrer ailleurs1, les livres qui en traitent ne sont d'aucune utilité; ils ont pour base le travail de Conde, c'est-à-dire le travail d'un homme qui avait peu de matériaux à sa disposition; qui, faute de connaissances grammaticales, n'était pas à même de comprendre ceux qu'il avait, et qui manquait absolument de sens historique. Il ne s'agissait donc pas de rétablir çà et là quelques faits défigurés par mes devanciers, ou de produire quelques circonstances nouvelles, mais de reprendre les choses par la racine, de faire vivre pour la première fois dans l'histoire les musulmans d'Espagne; et si la nouveauté de la matière forme un de ses attraits, elle est en même temps la cause de toutes sortes de difficultés.

Je crois avoir eu à ma disposition presque tous les ouvrages manuscrits, relatifs à l'histoire des Maures, qui se trouvent en Europe, et j'ai étudié mon sujet sous toutes ses faces; cependant, comme je ne m'étais pas proposé d'écrire une œuvre de science sèche et sévère, destinée à telle ou telle classe de lecteurs, je me suis bien gardé de rapporter tous les faits qui sont venus à ma connaissance. Voulant satisfaire, autant qu'il était en moi, aux règles du bon goût et de la composition historique, qui commandent de mettre en évidence un certain ordre de faits, dont les autres sont l'accessoire et l'entourage, j'ai souvent été obligé de condenser en peu de lignes le résultat de plusieurs semaines d'études, et même de passer sous silence des choses qui, bien qu'elles ne fussent pas sans intérêt sous un certain point de vue, ne cadraient pas avec le plan de mon travail. En revanche, je me suis efforcé de présenter dans le plus grand détail les circonstances qui me semblaient caractériser le mieux les époques que je traitais, et je n'ai pas craint d'entremêler parfois aux drames de la vie publique les faits intimes; car je suis de ceux qui pensent que souvent on oublie trop ces couleurs passagères, ces accessoires curieux, ces minuties de mœurs sans lesquelles la grande histoire est pâle et sans saveur. La méthode de l'école qui s'attache moins à mettre en relief les individus que les idées qu'ils représentent, et qui ne voit dans les questions que les aspects généraux, ne conviendrait pas, je crois, au sujet que j'ai choisi.

D'un autre côté, quoique je n'aie rien épargné pour donner à cette histoire le degré de certitude et de réalité auquel je m'étais proposé de l'amener, j'ai pensé qu'il fallait déguiser l'érudition au profit du mouvement et de la clarté du récit, et ne pas multiplier inutilement les notes, les textes, les citations. Dans un travail de ce genre, les résultats seuls devaient trouver place, dégagés de l'appareil scientifique qui a servi à les obtenir. Seulement j'ai eu soin d'indiquer toujours les sources auxquelles j'ai puisé.

Je tiens à constater que certaines parties de ce livre sont antérieures à quelques publications de ces dernières années. Ainsi les premiers chapitres de mon premier livre étaient écrits avant que mon savant et excellent ami, M. Renan, publiât, dans la Revue des deux mondes, son bel article sur Mahomet et les origines de l'islamisme, de sorte que, si nous sommes souvent arrivés aux mêmes résultats, nous les avons obtenus l'un indépendamment de l'autre.

Il me reste à remplir un agréable devoir: c'est de remercier mes amis, et particulièrement MM. Mohl, Wright, Defrémery, Tornberg, Calderon, Simonet, de Slane et Dugat, soit pour les manuscrits qu'ils ont eu la bonté de me prêter, soit pour les extraits et les collations qu'ils m'ont fournis de la façon la plus aimable et la plus bienveillante.

Leyde, février 1861.

I

Pendant que l'Europe marche depuis des siècles dans la voie du progrès et du développement, l'immobilité est le caractère distinctif des innombrables peuplades qui parcourent avec leurs tentes et leurs troupeaux les vastes et arides déserts de l'Arabie. Ce qu'elles sont aujourd'hui, elles l'étaient hier, elles le seront demain; chez elles rien ne change, rien ne se modifie; les Bédouins de nos jours conservent encore dans toute sa pureté l'esprit qui animait leurs ancêtres au temps de Mahomet, et les meilleurs commentaires sur l'histoire et la poésie des Arabes païens, ce sont les notices que donnent les voyageurs modernes sur les mœurs, les coutumes et la manière de penser des Bédouins, au milieu desquels ils ont vécu.

Pourtant ce peuple ne manque ni de l'intelligence ni de l'énergie nécessaires pour étendre et améliorer sa condition, si tel était son désir. S'il ne marche pas, s'il reste étranger à l'idée du progrès, c'est que, indifférent au bien-être et aux jouissances matérielles que procure la civilisation, il ne veut pas échanger son sort contre un autre. Dans son orgueil le Bédouin se considère comme le type le plus parfait de la création, méprise les autres peuples parce qu'ils ne lui ressemblent pas, et se croit infiniment plus heureux que l'homme civilisé. Chaque condition a ses inconvénients et ses avantages; mais la fierté des Bédouins s'explique et se comprend sans peine. Guidés, non par des principes philosophiques, mais pour ainsi dire par l'instinct, ils ont réalisé de prime abord la noble devise de la révolution française: la liberté, l'égalité, la fraternité.

Le Bédouin est l'homme le plus libre de la terre. «Je ne reconnais point d'autre maître que celui de l'univers,» dit-il. La liberté dont il jouit est si grande, si illimitée, que, comparées avec elle, nos doctrines libérales les plus avancées semblent des préceptes de despotisme. Dans nos sociétés un gouvernement est un mal nécessaire, inévitable, un mal qui est la condition du bien: les Bédouins s'en passent. Chaque tribu, il est vrai, a son chef choisi par elle; mais ce chef ne possède qu'une certaine influence; on le respecte, on écoute ses conseils, surtout s'il a le don de la parole, mais il n'a nullement le droit de donner des ordres. Au lieu de toucher un traitement, il est tenu et forcé même, par l'opinion publique, de fournir à la subsistance des pauvres, de distribuer entre ses amis les présents qu'il reçoit, d'offrir aux étrangers une hospitalité plus somptueuse qu'un autre membre de la tribu ne pourrait le faire. Dans toute circonstance il est tenu de consulter le conseil de la tribu, qui se compose des chefs des différentes familles. Sans l'assentiment de cette assemblée, il ne peut ni déclarer la guerre, ni conclure la paix, ni même lever le camp2. Quand une tribu décerne le titre de chef à l'un de ses membres, ce n'est souvent qu'un hommage sans conséquence; elle lui donne par là un témoignage public de son estime; elle reconnaît solennellement en lui l'homme le plus capable, le plus brave, le plus généreux, le plus dévoué aux intérêts de la communauté. «Nous n'accordons cette dignité à personne, disait un ancien Arabe, à moins qu'il nous ait donné tout ce qu'il possède; qu'il nous ait permis de fouler aux pieds tout ce qui lui est cher, tout ce qu'il aime à voir honoré, et qu'il nous ait rendu des services comme en rend un esclave3.» Mais l'autorité de ce chef est souvent si minime que l'on s'en aperçoit à peine. Quelqu'un ayant demandé à Arâba, contemporain de Mahomet, de quelle manière il était devenu le chef de sa tribu, Arâba nia d'abord qu'il le fût. L'autre ayant insisté, Arâba répondit à la fin: «Si des malheurs avaient frappé mes contribules, je leur donnais de l'argent; si quelqu'un d'entre eux avait fait une étourderie, je payais pour lui l'amende; et j'ai établi mon autorité en m'appuyant sur les hommes les plus doux de la tribu. Celui de mes compagnons qui ne peut en faire autant, est moins considéré que moi; celui qui le peut est mon égal, et celui qui me surpasse est plus estimé que moi4.» En effet, dans ce temps-là comme aujourd'hui, on déposait le chef, s'il ne savait pas soutenir son rang et s'il y avait dans la tribu un homme plus généreux et plus brave que lui5.

L'égalité, bien qu'elle ne soit pas complète dans le Désert, y est cependant plus grande qu'ailleurs. Les Bédouins n'admettent ni l'inégalité dans les relations sociales, car tous vivent de la même manière, portent les mêmes vêtements et prennent la même nourriture, ni l'aristocratie de fortune, car la richesse n'est pas à leurs yeux un titre à l'estime publique6. Mépriser l'argent et vivre au jour le jour de butin conquis par sa valeur, après avoir répandu son patrimoine en bienfaits, tel est l'idéal du chevalier arabe7. Ce dédain de la richesse est sans doute une preuve de grandeur d'âme et de véritable philosophie; cependant il ne faut pas perdre de vue que la richesse ne peut avoir pour les Bédouins la même valeur que pour les autres peuples, puisque chez eux elle est extrêmement précaire et se déplace avec une étonnante facilité. «La richesse vient le matin et s'en va le soir,» a dit un poète arabe, et dans le Désert cela est strictement vrai. Etranger à l'agriculture et ne possédant pas un pouce de terrain, le Bédouin n'a d'autre richesse que ses chameaux et ses chevaux; mais c'est une possession sur laquelle il ne peut pas compter un seul instant. Quand une tribu ennemie attaque la sienne et lui enlève tout ce qu'il possède, comme cela arrive journellement, celui qui, hier encore, était riche, se trouve réduit tout à coup à la détresse8. Demain il prendra sa revanche et redeviendra riche.

Cependant l'égalité complète ne peut exister que dans l'état de nature, et l'état de nature n'est autre chose qu'une abstraction. Jusqu'à un certain point les Bédouins sont égaux entre eux; mais d'abord leurs principes égalitaires ne s'étendent nullement à tout le genre humain; ils s'estiment bien supérieurs, non-seulement à leurs esclaves et aux artisans qui gagnent leur pain en travaillant dans leurs camps, mais encore à tous les hommes d'une autre race; ils ont la prétention d'avoir été pétris d'un autre limon que toutes les autres créatures humaines. Puis les inégalités naturelles entraînent des distinctions sociales, et si la richesse ne donne au Bédouin aucune considération, aucune importance, la générosité, l'hospitalité, la bravoure, le talent poétique et le don de la parole lui en donnent d'autant plus. «Les hommes se partagent en deux classes, a dit Hâtim; les âmes basses se plaisent à amasser de l'argent; les âmes élevées recherchent la gloire que procure la générosité9.» Les nobles du désert, les rois des Arabes, comme disait le calife Omar10, ce sont les orateurs et les poètes, ce sont tous ceux qui pratiquent les vertus bédouines; les roturiers, ce sont les hommes bornés ou méchants qui ne les pratiquent pas. Au reste, les Bédouins n'ont jamais connu ni priviléges ni titres, à moins que l'on ne considère comme tel le surnom de Parfait, que l'on donnait anciennement à celui qui joignait au talent de la poésie la bravoure, la libéralité, la connaissance de l'écriture, l'habileté à nager et à tirer de l'arc11.

La noblesse d'origine, qui, bien comprise, impose de grands devoirs et rend les générations solidaires les unes des autres, existe aussi chez les Bédouins. La masse, pleine de vénération pour la mémoire des grands hommes, auxquels elle rend une sorte de culte, entoure leurs descendants de son estime et de son affection, pourvu que ceux-ci, s'ils n'ont pas reçu du ciel les mêmes dons que leurs aïeux, conservent au moins dans leur âme le respect et l'amour des hauts faits, des talents et de la vertu. Avant l'islamisme on considérait comme fort noble celui qui était lui-même le chef de sa tribu, et dont le père, l'aïeul et le bisaïeul avaient rempli successivement le même emploi12. Rien de plus naturel. Puisque l'on ne donnait le titre de chef qu'à l'homme le plus distingué, on était autorisé à croire que les vertus bédouines étaient héréditaires dans une famille qui, pendant quatre générations, avait été à la tête de la tribu.

Dans une tribu tous les Bédouins sont frères. C'est le nom qu'ils se donnent entre eux quand ils sont du même âge. Si c'est un vieillard qui parle à un jeune homme, il l'appelle: fils de mon frère. Un de ses frères est-il réduit à la mendicité et vient-il implorer son secours, le Bédouin égorgera, s'il le faut, son dernier mouton pour le nourrir; son frère a-t-il essuyé un affront de la part d'un homme d'une autre tribu, il ressentira cet affront comme une injure personnelle, et n'aura point de repos qu'il n'en ait tiré vengeance. Rien ne saurait donner une idée assez nette, assez vive, de cette açabîa, comme il l'appelle, de cet attachement profond, illimité, inébranlable, que l'Arabe ressent pour ses contribules, de ce dévoûment absolu aux intérêts, à la prospérité, à la gloire, à l'honneur de la communauté qui l'a vu naître et qui le verra mourir. Ce n'est point un sentiment comme notre patriotisme, sentiment qui paraîtrait au fougueux Bédouin d'une tiédeur extrême; c'est une passion violente et terrible; c'est en même temps le premier, le plus sacré des devoirs, c'est la véritable religion du Désert. Pour sa tribu l'Arabe est toujours prêt à tous les sacrifices; pour elle il risquera à chaque instant sa vie dans ces entreprises hasardeuses où la foi et l'enthousiasme peuvent seuls accomplir des miracles; pour elle il se battra jusqu'à ce que son corps broyé sous les pieds n'ait plus figure humaine… «Aimez votre tribu, a dit un poète, car vous êtes attaché à elle par des liens plus forts que ceux qui existent entre le mari et la femme13»…

Voilà de quelle manière le Bédouin comprend la liberté, l'égalité et la fraternité. Ces biens lui suffisent; il n'en désire, il n'en imagine pas d'autres; il est content de son sort14. L'Europe n'est plus jamais contente du sien, ou ne l'est que pour un jour. Notre activité fiévreuse, notre soif d'améliorations politiques et sociales, nos efforts incessants pour arriver à un état meilleur, ne sont-ce pas, au fond, les symptômes et l'aveu implicite de l'ennui et du malaise qui, chez nous, rongent et dévorent la société? L'idée du progrès, préconisée jusqu'à satiété dans les chaires et à la tribune, c'est l'idée fondamentale des sociétés modernes; mais est-ce que l'on parle sans cesse de changements et d'améliorations, quand on se trouve dans une situation normale, quand on se sent heureux? Cherchant toujours le bonheur sans le trouver, détruisant aujourd'hui ce que nous avons bâti hier, marchant d'illusion en illusion et de mécompte en mécompte, nous finissons par désespérer de la terre; nous nous écrions dans nos moments d'abattement et de faiblesse que l'homme a une autre destinée que les Etats, et nous aspirons à des biens inconnus dans un monde invisible… Parfaitement calme et fort, le Bédouin ne connaît pas ces vagues et maladives aspirations vers un avenir meilleur; son esprit gai, expansif, insouciant, serein comme son ciel, ne comprendrait rien à nos soucis, à nos douleurs, à nos confuses espérances. De notre côté, avec notre ambition illimitée dans la pensée, dans les désirs, dans le mouvement de l'imagination, cette vie calme du Désert nous semblerait insupportable par sa monotonie et son uniformité, et nous préférerions bientôt notre surexcitation habituelle, nos misères, nos souffrances, nos sociétés troublées et notre civilisation en travail à tous les avantages que possèdent les Bédouins dans leur immuable sérénité.

C'est qu'il existe entre eux et nous une différence énorme. Nous sommes trop riches d'imagination pour goûter le repos de l'esprit; mais c'est aussi à l'imagination que nous devons notre progrès, c'est elle qui nous a donné notre supériorité relative. Là où elle manque, le progrès est impossible: quand on veut perfectionner la vie civile et développer les relations des hommes entre eux, il faut avoir présente à l'esprit l'image d'une société plus parfaite que celle qui existe. Or les Arabes, en dépit d'un préjugé accrédité, n'ont que fort peu d'imagination. Ils ont le sang plus impétueux, plus bouillant que nous, ils ont des passions plus fougueuses, mais c'est en même temps le peuple le moins inventif du monde. Pour s'en convaincre on n'a qu'à examiner leur religion et leur littérature. Avant qu'ils fussent devenus musulmans, ils avaient leurs dieux, représentants des corps célestes; mais jamais ils n'ont eu de mythologie, comme les Indiens, les Grecs, les Scandinaves. Leurs dieux n'avaient point de passé, point d'histoire, et personne n'a songé à leur en composer une. Quant à la religion prêchée par Mahomet, simple monothéisme auquel sont venues se joindre quelques institutions, quelques cérémonies empruntées au judaïsme et à l'ancien culte païen, c'est sans contredit de toutes les religions positives la plus simple et la plus dénuée de mystères; la plus raisonnable et la plus épurée, diraient ceux qui excluent le surnaturel autant que possible, et qui bannissent du culte les démonstrations extérieures et les arts plastiques. Dans la littérature, même absence d'invention, même prédilection pour le réel et le positif. Les autres peuples ont produit des épopées où le surnaturel joue un grand rôle. La littérature arabe n'a point d'épopée; elle n'a même pas de poésie narrative; exclusivement lyrique et descriptive, cette poésie n'a jamais exprimé autre chose que le côté poétique de la réalité. Les poètes arabes décrivent ce qu'ils voyent et ce qu'ils éprouvent; mais ils n'inventent rien, et si parfois ils se permettent de le faire, leurs compatriotes, au lieu de leur en savoir gré, les traitent tout crûment de menteurs. L'aspiration vers l'infini, vers l'idéal, leur est inconnue, et ce qui, déjà dans les temps les plus reculés, importe le plus à leurs yeux, c'est la justesse et l'élégance de l'expression, c'est le côté technique de la poésie15. L'invention est si rare dans leur littérature, que, lorsqu'un y rencontre un poème ou un conte fantastique, on peut presque toujours affirmer d'avance, sans craindre de se tromper, qu'une telle production n'est pas d'origine arabe, que c'est une traduction. Ainsi, dans les Mille et une nuits, tous les contes de fées, ces gracieuses productions d'une imagination fraîche et riante qui ont charmé notre adolescence, sont d'origine persane ou indienne; dans cet immense recueil les seuls récits vraiment arabes, ce sont les tableaux de mœurs, les anecdotes empruntées à la vie réelle. Enfin, lorsque les Arabes, établis dans d'immenses provinces conquises à la pointe du sabre, se sont occupés de matières scientifiques, ils ont montré la même absence de puissance créatrice. Ils ont traduit et commenté les ouvrages des anciens; ils ont enrichi certaines spécialités par des observations patientes, exactes, minutieuses; mais ils n'ont rien inventé, on ne leur doit aucune idée grande et féconde.

Il existe ainsi entre les Arabes et nous des différences fondamentales. Peut-être ont-ils plus d'élévation dans le caractère, plus de véritable grandeur d'âme, et un sentiment plus vif de la dignité humaine; mais ils ne portent pas en eux le germe du développement et du progrès, et, avec leur besoin passionné d'indépendance personnelle, avec leur manque absolu d'esprit politique, ils semblent incapables de se plier aux lois de la société. Ils l'ont essayé, toutefois: arrachés par un prophète à leurs déserts et lancés par lui à la conquête du monde, ils l'ont rempli du bruit de leurs exploits; enrichis par les dépouilles de vingt provinces, ils ont appris à connaître les jouissances du luxe; par suite du contact avec les peuples qu'ils avaient vaincus, ils ont cultivé les sciences, et ils se sont civilisés autant que cela leur était possible. Cependant, même après Mahomet, une période assez longue s'est écoulée avant qu'ils perdissent leur caractère national. Quand ils arrivèrent en Espagne, ils étaient encore les vrais fils du Désert, et il était dans la nature des choses que, sur les bords du Tage ou du Guadalquivir, ils ne songeassent d'abord qu'à poursuivre les luttes de tribu à tribu, de peuplade à peuplade, commencées en Arabie, en Syrie, en Afrique. Ce sont ces guerres qui doivent nous occuper d'abord, et pour les bien comprendre il nous faut remonter jusqu'à Mahomet.

1.Dans la première édition de mes Recherches sur l'histoire et la littérature de l'Espagne pendant le moyen âge.
2.Burckhardt, Notes on the Bedouins, p. 66, 67; Burton, Pilgrimage to El Medinah and Meccah, t. II, p. 112.
3.Mobarrad, p. 71.
4.Mobarrad, ibid. Comparez aussi Ibn-Nobâta, apud Rasmussen, Addit. ad hist. Arabum, p. 18 du texte.
5.Burckhardt, p. 68; Caussin, t. II, p. 634.
6.Burckhardt, p. 41.
7.Caussin, t. II, p. 555, 611.
8.Burckhardt, p. 40.
9.Caussin, t. II, p. 627.
10.Tabarî, t. II, p. 254.
11.Caussin, t. II, p, 424.
12.Ibn-Khaldoun, Prolégomènes (XVI), p. 250; Raihân, fol. 146 r.
13.Mobarrad, p. 233.
14.Voyez Burckhardt, p. 141.
15.Voyez Caussin, t. II, p. 314 et suiv., 345, 509 et suiv., 513.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
11 августа 2017
Объем:
340 стр. 1 иллюстрация
Правообладатель:
Public Domain

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